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LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT DE LA LETTONIE

Compte rendu de séance

Le Comité contre la torture a entamé, cet après-midi, l'examen du deuxième rapport périodique de la Lettonie sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Présentant le rapport de son pays, Mme Inga Reine, Représentante du Gouvernement de la Lettonie auprès des organisations internationales de droits de l'homme, a affirmé que des progrès significatifs ont été réalisés dans tous les domaines, précisant que les principaux ont trait à l'amélioration significative de la réglementation juridique et de la situation pratique en rapport avec les conditions de détention et d'emprisonnement, l'assistance médicale, l'éducation et la protection des victimes, entre autres. La nouvelle loi de procédure pénale, entrée en vigueur en octobre 2005, a modifié de manière importante la politique en matière d'application et d'extension de la détention préventive et a fixé des délais plus stricts pour ce qui a trait à l'enquête et au jugement des affaires, accordant en outre de meilleures garanties aux suspects et aux accusés et permettant de diminuer de manière significative le nombre de personnes placées en détention préventive. En mars 2007, des amendements à la loi sur le traitement médical sont entrés en vigueur qui introduisent notamment une procédure d'examen judiciaire du placement obligatoire involontaire de patients dans des hôpitaux psychoneurologiques et du traitement associé à de tels placements. La Lettonie a mis au point un système beaucoup plus élaboré de contrôle des lieux où la liberté personnelle des individus se voit limitée, a également souligné Mme Reine.

La délégation lettone était également composée de M. Janis Mazeiks, Représentant permanent de la Lettonie auprès des Nations Unies à Genève, ainsi que de représentants du Ministère du bien-être, du Ministère de l'éducation et des sciences, et de la Mission permanente de la Lettonie auprès des Nations Unies à Genève.

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Lettonie, M. Claudio Grossman, a souhaité en savoir davantage sur le système d'assistance juridique pour les étrangers placés en détention en Lettonie et a demandé si la législation prévoit qu'en aucun cas la torture ne pourra être justifiée. Il a en outre relevé que selon les informations disponibles, la peine capitale resterait en vigueur pour les meurtres avec circonstances aggravantes en temps de guerre. La corapporteuse pour l'examen du rapport letton, Mme Nora Sveaass, a pour sa part fait état d'un certain nombre de cas de violence excessive de la part de la police durant la détention ainsi que d'un certain nombre de décès. En dépit des efforts déployés par la Lettonie, le pays continue de connaître un véritable problème de traite transfrontière d'êtres humains, a poursuivi Mme Sveaass. Elle s'est en outre inquiétée du taux élevé de violence domestique auquel les femmes et les enfants sont confrontés.

Le Comité entendra demain, à partir de 15 heures, les réponses de la délégation lettone aux questions qui lui ont été adressées cet après-midi par les experts.


Demain matin, à 10 heures, le Comité entamera l'examen du troisième rapport périodique de l'Ouzbékistan (CAT/C/UZB/3).



Présentation du rapport de la Lettonie

Présentant le rapport de son pays, MME INGA REINE, Représentante de la Lettonie auprès des organismes internationaux des droits de l'homme, a rappelé que ce rapport couvre la période allant de novembre 2003 à avril 2005 et qu'en mai 2007, le Gouvernement letton a présenté un rapport de suivi sur les progrès accomplis en matière de mise en œuvre des recommandations du Comité. Enfin, la Lettonie a récemment présenté des réponses aux questions additionnelles qui lui avaient été posées par le Comité, a-t-elle ajouté.

Des progrès significatifs ont été réalisés dans tous les domaines, a poursuivi Mme Reine, précisant que les principaux ont trait à l'amélioration significative de la réglementation juridique et de la situation pratique en rapport avec les conditions de détention et d'emprisonnement, l'assistance médicale, l'éducation et la protection des victimes, entre autres. Plus spécifiquement, a-t-elle indiqué, la nouvelle loi de procédure pénale a été adoptée et est entrée en vigueur en octobre 2005. Cette loi a modifié de manière importante la politique en matière d'application et d'extension de la détention préventive et a fixé des délais plus stricts pour ce qui a trait à l'enquête et au jugement des affaires, accordant en outre de meilleures garanties aux suspects et aux accusés. L'application des dispositions de cette nouvelle loi a permis de diminuer de manière significative le nombre de personnes placées en détention préventive et d'assurer une meilleure transparence du processus d'application des restrictions aux libertés personnelles. Ainsi, alors que le pays comptait en janvier 2005 2662 personnes placées en détention préventive, il n'en comptait plus que 1670 en août 2007. Mme Reine a par ailleurs rappelé que la loi sur la procédure de détention préventive et la loi sur la procédure d'appréhension des individus établissent des garanties spécifiques pour les détenus et les personnes appréhendées. En 2006, a ajouté Mme Reine, l'Administration d'aide juridique de l'État a été mise sur pied afin d'apporter une aide juridique garantie par l'État aux personnes à faible revenu.

Le 29 mars 2007, a poursuivi Mme Reine, des amendements à la loi sur le traitement médical sont entrés en vigueur qui introduisent notamment une procédure d'examen judiciaire du placement obligatoire involontaire de patients dans des hôpitaux psychoneurologiques et du traitement associé à de tels placements. La Lettonie a développé un système beaucoup plus élaboré de contrôle des lieux où la liberté personnelle des individus se voit limitée, a souligné Mme Reine. Elle a notamment précisé que les tribunaux internes jouent un rôle accru pour traiter des plaintes individuelles contre les autorités de l'État concernant des conditions de détention. En août 2007, a fait savoir Mme Reine, a été créée l'Unité de statistiques et d'analyse du Bureau de sécurité interne de la Police d'État, dont l'objet est de procéder à une analyse des statistiques relatives aux délits commis par des officiers de police. L'État letton a accru de manière significative les crédits budgétaires alloués au développement des infrastructures carcérales et d'autres lieux de détention, a-t-elle par ailleurs fait valoir.

Afin de se conformer aux normes européennes les plus récentes en matière d'asile, les autorités lettones ont rédigé un nouveau projet de loi sur l'asile qui a récemment été examiné en première lecture par le Parlement, a indiqué Mme Reine. Le 1er janvier 2007, la Lettonie a achevé sa réforme des forces militaires en les transférant totalement à l'armée professionnelle.

Les droits de l'homme font partie de la formation obligatoire suivie par les juges et autres magistrats, a par ailleurs fait savoir Mme Reine. Elle a souligné que le Ministère de la santé organise aussi des formations permanentes à l'attention de son personnel, notamment celui des hôpitaux psychiatriques, formations qui englobent les questions de droits de l'homme. L'Inspectorat des droits de l'homme s'intéresse à toutes les questions relatives à la détention des mineurs ainsi qu'aux plaintes individuelles, a par ailleurs indiqué Mme Reine.

En ce qui concerne les violences à l'égard des prisonniers, la représentante lettone a fait savoir que dans l'une des prisons du pays, une nouvelle section a été récemment ouverte dans laquelle les personnes arrêtées pour la première fois sont séparées des autres détenus.

En conclusion, Mme Reine a affirmé que la Lettonie est fière d'avoir finalement surmonté l'héritage du régime soviétique totalitaire pour ce qui est de l'attitude vis-à-vis des personnes privées de liberté et des lieux où elles sont détenues.


Le deuxième rapport périodique de la Lettonie (CAT/C/38/Add.4) indique qu'en 2003, dans le cadre de la réorganisation de la police nationale destinée à améliorer et rendre plus efficace la lutte contre la délinquance, le Bureau de la Sécurité intérieure de la police nationale (BSIPE) a été créé, avec pour mission principale de garantir un meilleur respect des normes disciplinaires et de la loi parmi les unités structurelles de la police nationale. Il comprend une Division des activités opérationnelles chargé de prévenir et déceler la commission d'infractions pénales dans les unités structurelles de la police nationale; l'Inspection du personnel qui soumet à un contrôle interne les infractions à la loi et à la discipline commises par les membres de la police nationale et les cas d'abus de pouvoir et autres actes illicites; la Division des enquêtes préliminaires qui rend des décisions dans des affaires mettant en cause des agents des unités structurelles de la police nationale et mène des enquêtes préliminaires. En 2003, 31 plaintes pour violences contre des individus ont fait l'objet d'inspections internes. Les violations ont été constatées dans deux affaires et la responsabilité administrative de quatre personnes a été engagée. Par ailleurs, la police nationale contrôle par des visites planifiées ou aléatoires les conditions de détention des individus; cela n'est pas exclusif des visites faites par les représentants du Bureau national des droits de l'homme et du Centre letton pour les droits de l'homme et les études ethniques. Du 1er novembre 2003 au 20 avril 2005, 222 inspections ont été réalisées par les représentants du Bureau du Procureur, 180 par les agents de la police nationale et 31 par les représentants du Bureau national des droits de l'homme. Du 1er juin au 31 décembre 2003, le BSIPE a réalisé 90 inspections concernant des violences alléguées contre les personnes; il a constaté cinq violations et cinq agents ont fait l'objet de sanctions administratives. En 2004, l'Inspection du personnel du BSIPE a été saisie de 365 plaintes dont 193 ont fait l'objet d'une inspection interne; 30 d'entre elles alléguaient des violences contre la personne. Les actes de violence ont été avérés dans 12 cas, et 13 agents ont fait l'objet de sanctions disciplinaires. Actuellement, il n'existe aucune statistique sur la nature des sanctions disciplinaires infligées.

En 2003 et 2004, poursuit le rapport, plusieurs amendements ont été apportés au Code de procédure pénale en vue de réduire la durée de la procédure entre la commission de l'infraction et le moment où le suspect est traduit en justice, et donc d'assurer un déroulement plus rapide de l'enquête et du règlement judiciaire. La loi pénale dispose que l'exécution d'un ordre ou d'une instruction illicite n'est justifiable que si l'auteur de l'acte n'avait pas conscience de son caractère illicite ou si ce caractère illicite n'était pas manifeste. Toutefois, la responsabilité pénale de l'intéressé est engagée si l'acte commis constitue un crime contre l'humanité et la paix, un crime de guerre ou un génocide. Il dispose en outre que le refus d'exécuter un ordre ou une instruction illicite n'engage pas la responsabilité pénale de l'intéressé. Ainsi, si l'auteur de l'acte avait conscience du caractère illicite de l'ordre ou de l'instruction ou si ce caractère illicite était manifeste, il découle de l'article 34 de la loi pénale que cette personne est pénalement responsable. La torture est une omission ou un acte délibéré vis-à-vis d'une personne, dont le caractère est clair et évident. Il importe de noter que toute personne est en mesure de reconnaître et de comprendre que l'exécution d'un ordre ou d'une instruction de commettre un acte de torture est un fait délictueux. Il n'est pas prévu à ce jour de modifier cette disposition. Le rapport indique par ailleurs que la nouvelle loi sur l'immigration, en vigueur depuis le 1er mai 2003, établit que lorsqu'un immigré en situation irrégulière est détenu par la police, la période de détention ne doit pas excéder trois heures au cours desquelles cette personne doit être présentée aux gardes frontière. Les gardes frontière quant à eux ne peuvent pas garder en détention un immigrant en situation irrégulière pendant plus de 10 jours. Si, pendant cette période, il n'est pas possible d'extrader la personne, la détention peut être prolongée, mais seulement avec l'autorisation d'un juge. Le juge peut décider de prolonger la durée de la détention jusqu'à deux mois; toutefois, les gardes frontière peuvent demander l'extension de ce délai. La durée totale de la détention ne doit pas excéder vingt mois. Le juge, s'il est saisi d'une demande de réexamen de la décision du procureur ou du président d'une instance judiciaire supérieure, peut annuler la décision de détention.


Examen du rapport

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Lettonie, M. CLAUDIO GROSSMAN, a indiqué ne pas bien saisir comment l'article premier de la Convention et la définition de la torture qu'il énonce s'intègrent dans le droit interne et dans quelle mesure cette définition est d'application directe. Le Comité n'a de cesse de recommander à tous les États parties de procéder de la sorte vis-à-vis de la question de la définition de la torture, a rappelé M. Grossman.

Le rapporteur a souhaité en savoir davantage sur le système d'assistance juridique pour les étrangers placés en détention en Lettonie. Dans quelle mesure des étrangers détenus ont-ils bénéficié d'un tel système d'assistance? Y a-t-il eu des cas où le recours à un avocat a été refusé pour de telles personnes?

La législation interne lettone prévoit-elle qu'en aucun cas la torture ne pourra être justifiée, a par ailleurs demandé M. Grossman, relevant que le pays a fait savoir qu'il n'avait pas l'intention d'amender l'article 34 de sa loi pénale? Pourquoi la Lettonie ne veut-elle pas amender cette disposition qui prévoit que l'exécution d'un ordre ou d'une instruction illicite «n'est justifiable que si l'auteur de l'acte n'avait pas conscience de son caractère illicite ou si ce caractère illicite n'était pas manifeste»?

Combien d'enquêtes disciplinaires ont-elles été déclenchées ces dernières années et combien ont abouti à des confirmations d'actes délictueux, a par ailleurs souhaité savoir M. Grossman?

S'agissant de la peine capitale, le rapporteur a relevé que selon les informations disponibles, elle resterait en vigueur pour les meurtres avec circonstances aggravantes en temps de guerre.

Combien de requérants d'asile ont-ils reçu le statut de réfugié pour des motifs humanitaires, a en outre demandé M. Grossman? Il s'est par ailleurs enquis des garanties empêchant que des victimes de traite d'êtres humains ne retournent dans leur pays où elles risqueraient de retomber dans le même piège.

Qu'en est-il des délais de prescription pour les crimes de torture, s'est interrogé M. Grossman? Il s'est réjoui que la Lettonie ait indiqué qu'elle n'acceptait aucune garantie diplomatique concernant des procédures d'asile ou d'extradition.

MME NORA SVEAASS, corapporteuse pour l'examen du rapport de la Lettonie, a félicité la Lettonie pour les efforts qu'elle a déployés afin de donner suite au dialogue qui s'était noué avec le Comité en 2003.

Mme Sveaass s'est enquise des activités de formation menées en Lettonie afin d'utiliser le Manuel associé au Protocole d'Istanbul, qui concerne les enquêtes médico-légales visant à détecter des cas de torture. Ce manuel a-t-il été utilisé dans le contexte des requérants d'asile afin de documenter d'éventuels cas de torture, a-t-elle demandé?

Qu'en est-il de l'évaluation de la manière dont a été appliqué, depuis quatre ans semble-t-il, le Code de conduite pour les interrogatoires de police, a par ailleurs demandé Mme Sveaass? Elle a fait état d'un certain nombre de cas de violence excessive de la part de la police durant la détention ainsi que d'un certain nombre de décès. Elle a aussi fait état de cas de brutalités policières qui ont été traitées dans le cadre d'une procédure civile et a souhaité en savoir davantage à ce sujet.

Mme Sveaass s'est félicitée qu'un projet de loi sur les demandeurs d'asile soit en cours d'élaboration et a souhaité de plus amples informations sur la question.

En dépit des efforts déployés par la Lettonie, subsiste dans ce pays un véritable problème de traite transfrontière d'êtres humains et les condamnations dans ce type d'affaires sont inférieures à ce que l'on pourrait attendre, a poursuivi Mme Sveaass. Il s'agit là d'un vrai sujet de préoccupation.

Mme Sveaass s'est en outre inquiétée du taux élevé de violence domestique auquel les femmes et les enfants sont confrontés; le Comité encourage le pays à pénaliser de tels actes et à envisager des recours pour les victimes, a-t-elle précisé.

Relevant qu'une armée professionnelle vient d'être mise en place en Lettonie, un autre membre du Comité a souhaité savoir s'il existe une juridiction militaire en Lettonie et, le cas échéant, si cette juridiction peut juger des civils.

Un autre expert a jugé inquiétante la disposition législative lettone (article 34 de la loi pénale) admettant qu'un individu puisse ne pas saisir ce qui est illicite ou non dans le contexte de l'exécution d'un ordre.

Un membre du Comité a relevé que selon certaines informations, la violence contre les prisonniers semble endémique en Lettonie.

Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

CAT07025F