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LE COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE LE RAPPORT DE LA GÉORGIE

Compte rendu de séance

Le Comité des droits de l'homme a examiné, hier après-midi et ce matin, le troisième rapport périodique présenté par la Géorgie sur la mise en œuvre par ce pays des dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

À l'issue de l'examen du rapport, le Président du Comité, M. Rafael Rivas Posada, a notamment relevé les problèmes rencontrés par la Géorgie pour exercer les compétences et le contrôle nécessaires pour garantir le plein respect des dispositions du Pacte sur l'ensemble du territoire. Par ailleurs, des inquiétudes subsistent s'agissant des questions relatives au traitement des détenus, la protection de la liberté d'expression et de la liberté religieuse et la situation des minorités.

Le Comité adoptera, dans le cadre d'une séance privée, des observations finales concernant la Géorgie, qui seront rendues publiques à la fin de la présente session.

Présentant le rapport de son pays, M. Givi Mikanadze, Vice-Ministre de la justice de la Géorgie, a assuré le Comité que son gouvernement a pris des mesures concrètes pour renforcer la mise en œuvre de ses obligations en vertu du Pacte, notamment dans le cadre d'un exercice d'harmonisation de la législation nationale avec les dispositions du Pacte et de garanties pour l'exercice des droits et des libertés consacrés dans le Pacte. Mme Tamar Tomashvili, Conseillère à la Mission permanente de la Géorgie auprès des Nations Unies à Genève, a indiqué que les réformes du système pénitentiaire et judiciaire constituent les principaux changements intervenus au niveau institutionnel. Ainsi, le Code de procédure pénale a été mis en conformité avec les normes internationales en matière des droits de l'homme. Parmi les priorités fixées par le Gouvernement figurent la lutte contre la torture, la protection des minorités religieuses, la réforme du système pénitentiaire.

La délégation géorgienne était également composée de M. Irakli Adeishvili, Chef du Collège des affaires civiles du Tribunal de Tbilisi; de M. Valerian Kopaleishvili, de la Commission d'État pour le développement de la stratégie étatique pour les personnes déplacées au Ministère des réfugiés et de l'accueil; de Mme Tinatin Goletiani, et de M. Archil Giorgadze du Bureau du Procureur général; de Mme Natia Gabitashvili, du Ministère d'État sur les questions de règlement des conflits; et de membres de la Mission permanente de la Géorgie à Genève.

La délégation a répondu aux questions de membres du Comité s'agissant notamment des conditions de détention et en particulier la surpopulation carcérale, des difficultés rencontrées par les personnes déplacées originaires d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud, de la marginalisation de minorités dans certaines régions du pays, de cas d'enlèvement de jeunes filles en vue du mariage dans les zones rurales.


Le Comité entamera demain après-midi, à 15 heures, l'examen du quatrième rapport périodique de la Libye (CCPR/C/LBY/4).


Présentation du rapport

M. GIVI MIKANADZE, Vice-Ministre de la justice de la Géorgie, a rappelé qu'au cours de ces dernières années, son pays a connu des changements importants visant en particulier à appliquer les principes démocratiques et à renforcer l'état de droit. Elle a souligné que la Géorgie a toujours entretenu un dialogue constructif avec le Comité et a assuré que le Gouvernement est déterminé à renforcer cette coopération. Compte tenu de son attachement au respect des droits de l'homme, le Gouvernement géorgien a pris des mesures concrètes pour promouvoir les dispositions du Pacte. Parmi les mesures adoptées récemment pour renforcer la mise en œuvre des obligations de la Géorgie en vertu du Pacte, il convient de souligner l'harmonisation de la législation nationale avec les dispositions du Pacte et la promotion de l'exercice des droits et des libertés consacrés dans le Pacte.

MME TAMAR TOMASHVILI, Conseillère à la Mission permanente de la Géorgie auprès des Nations Unies à Genève, a souligné que le processus de mise en œuvre du Pacte n'est pas facile et qu'il faut d'abord définir les problèmes du pays et les priorités qui méritent la plus grande attention. Les réformes du système pénitentiaire et judiciaire constituent les principaux changements au niveau institutionnel, a fait valoir Mme Tomashvili. Parmi les nombreux textes qui ont fait l'objet d'amendements le Code de procédure pénale a été mis en conformité avec les normes internationales en matière des droits de l'homme. Des garanties supplémentaires ont aussi été introduites pour protéger l'accusé pendant la procédure pénale. La durée de la détention provisoire a été réduite et le concept de règlement négocié a été introduit.

Parmi les priorités que s'est fixées le Gouvernement figurent la lutte contre la torture, la protection des minorités religieuses, l'adoption d'innovations législatives et la mise en œuvre de ces réformes, a poursuivi Mme Tomashvili. Le plan d'action national contre la torture est actuellement en cours de préparation. La Géorgie accorde une priorité à la surveillance des droits de l'homme, a rappelé la délégation. Un organe de supervision interne a été mis en place en tant que mécanisme de prévention. Aujourd'hui, la Commission de coordination interinstitutions élabore des mesures qui permettront une mise en œuvre efficace de ce mécanisme. Le Gouvernement dispose aussi des mécanismes de supervision internes aux institutions gouvernementales, à l'instar du groupe de supervision des droits de l'homme au sein du bureau du procureur général de la Géorgie. Les mécanismes ont des rôles différents et ils peuvent assurer la supervision et avoir recours aux autorités compétentes. Il convient aussi de mentionner l'inspectorat général qui a été créé au sein du Ministère de l'intérieur et du Bureau du procureur général. Des Codes éthiques ont par ailleurs été élaborés, a aussi fait valoir la représentante géorgienne.

S'agissant de la réforme du système pénitentiaire, Mme Tomashvili a expliqué qu'elle demeure une priorité pour le Gouvernement; mais malgré les efforts déployés, le problème de la surpopulation carcérale et des conditions de détention restent un problème. Les mesures prises par le Gouvernement se situent à deux niveaux: d'une part le Gouvernement s'efforce de moderniser les prisons existantes en adoptant des mesures provisoires de rénovation sans vouloir toutefois augmenter le nombre de détenus, et d'autre part, de nouvelles prisons sont construites.

Le Gouvernement s'efforce par ailleurs à rendre le système judiciaire plus accessible et plus efficace de manière à ce que les droits individuels soient mieux défendus, a assuré la représentante. Une priorité est accordée, dans le cadre de la réforme du pouvoir judiciaire, au renforcement de l'indépendance des juges, à la promotion de la spécialisation des juges et au combat de la bureaucratie. Des mécanismes efficaces de discipline interne ont par ailleurs été introduits. Mme Tomashvili a rappelé que plusieurs éléments importants sont à prendre en compte dans l'évolution du pouvoir judiciaire et qu'une réforme de grande envergure prend du temps, cette question reste donc inscrite en priorité à l'ordre du jour du Gouvernement géorgien, a-t-elle précisé.

Enfin, s'agissant des régions de conflit non contrôlées par le Gouvernement central, c'est-à-dire les territoires d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud, Mme Tomashvili a indiqué que le Gouvernement s'engage à faire respecter ses obligations dans tout le territoire de la Géorgie. La politique adoptée pour le règlement de ces conflits est fondée sur l'idée qu'il faut entreprendre des réformes et assurer une approche progressive. Le respect des droits culturels est important et la Géorgie souhaite le renforcement du dialogue avec les communautés locales.

Le troisième rapport périodique de la Géorgie (CCPR/C/GEO/3) indique qu'au cours de la période couverte par le présent rapport (2001-2005) la Géorgie a continué de prendre des mesures pour édifier un État fondé sur des valeurs démocratiques et sur l'État de droit, et pour s'intégrer dans la communauté internationale et dans les structures européennes. Depuis la révolution de la rose en 2003, un changement radical s'est produit dans la vie politique de la Géorgie. La Constitution a été complétée et amendée. Le nouveau Gouvernement s'est déclaré engagé à améliorer la promotion et la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans le pays, et des mesures importantes ont déjà été prises en ce sens, en particulier des mesures visant à combattre la corruption qui affaiblissait la jouissance des droits de l'homme dans le pays. Beaucoup de fonctionnaires accusés de corruption ont fait l'objet de poursuites pénales et ont été sanctionnés conformément aux décisions des tribunaux. Le rapport note que l'établissement d'une justice vraiment indépendante est un des plus grands défis. La transformation du système judiciaire est en cours pour renforcer le droit à un procès équitable, afin d'assurer l'indépendance et l'impartialité des tribunaux. Le Gouvernement géorgien a déclaré 2006» année des réformes judiciaires». Des mesures importantes sont actuellement prises pour aligner le système judiciaire géorgien sur les normes internationales.

Le Gouvernement géorgien continue à prendre des mesures contre la torture et la traite des êtres humains. Des plans d'action nationaux ont été approuvés par le Président de la Géorgie pour surmonter ces violations des droits de l'homme et sont actuellement mis en œuvre; d'ores et déjà des progrès tangibles ont été accomplis dans ces deux domaines. Le 9 août 2005 la Géorgie a adhéré au Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Actuellement des débats sont en cours au sujet de la création d'une institution nationale des droits de l'homme pour effectuer des visites régulières des lieux de privation de liberté. Chaque cas de torture ou de mauvais traitement présumés fait l'objet d'une grande attention des bureaux des procureurs et d'autres organes concernés (comme la Division de la surveillance des droits de l'homme du Ministère de l'intérieur géorgien) qui prennent toutes les mesures prévues par la loi pour enquêter sur ces faits, engager des poursuites et sanctionner les fonctionnaires qui commettent ce genre de délits. Il en est de même pour les mesures prises contre les trafics illicites, et un nombre croissant de trafiquants sont poursuivis et sanctionnés. Des mesures efficaces sont prises pour lutter contre l'intolérance fondée sur la religion; des auteurs de violations répétées contre divers groupes religieux présents en Géorgie ont été traduits en justice et condamnés à des peines de prison.

Le rapport relève la persistance de violations les plus flagrantes des droits de l'homme dans le territoire d'Abkhazie et dans la région de Tskhinvali/Ossétie du Sud en Géorgie, qui sont de facto hors du contrôle du Gouvernement géorgien et sous le contrôle effectif de la Fédération de Russie. Beaucoup de citoyens géorgiens qui y vivent sont soumis à la torture et à d'autres mauvais traitements, et ils sont victimes d'autres violations nombreuses et graves des droits de l'homme. Le Gouvernement géorgien fait de son mieux pour garantir leurs droits, mais il apparaît que la Géorgie a besoin d'une assistance urgente et importante de la communauté internationale pour que ces droits soient protégés.


Renseignements complémentaires fournis par la délégation géorgienne

Répondant à une liste de questions préalablement adressée à la Géorgie (CCPR/C/GEO/Q/3), la délégation a indiqué, s'agissant de la réadaptation des victimes du conflit et de la restitution de leurs biens, que la Géorgie a été confrontée à de graves problèmes suite au conflit armé en Ossétie du Sud et en Abkhazie et que le Gouvernement s'efforce depuis des années de mettre en place un cadre juridique pour résoudre cette question. Une loi sur la restitution a été approuvée le 29 décembre 2006 et est entrée en vigueur en janvier 2007. L'objectif de cette loi consiste à restituer leurs propriétés à ceux qui en ont été spoliés en raison du conflit armé. Cette loi ne s'applique qu'aux victimes de l'Ossétie du Sud.

En ce qui concerne l'application du Pacte en Abkhazie et dans la région de Tskhinvali (Ossétie du Sud), ces deux régions font partie intégrante de l'État géorgien, ce dernier a donc une compétence judiciaire. Mais compte tenu du conflit, la Géorgie n'a pas été en mesure de contrôler ces territoires. Si la Géorgie considère qu'elle a l'obligation de protéger les droits inscrits dans le Pacte pour toutes les personnes qui vivent dans ces territoires, le Gouvernement ne se considère toutefois pas responsable des violations des droits en question dans ces territoires car il ne peut pas les contrôler étant donné que les forces de l'ordre ne peuvent pas pénétrer dans ces territoires. La Géorgie n'a donc pas les compétences de facto sur ces territoires. Malgré cette situation, le Gouvernement a tenu à informer le Haut Commissariat aux droits de l'homme de certains cas de violations des droits de l'homme commis dans ces territoires.

S'agissant des principes de non-discrimination et, notamment, des mesures prises pour garantir les droits des réfugiés, en particulier les réfugiés tchétchènes, la délégation a assuré que le Gouvernement prenait les mesures nécessaires pour garantir les droits des réfugiés sur son territoire. Ainsi, les réfugiés ayant le statut de réfugiés reçoivent une subvention de l'État et une autorisation de résidence temporaire; autorisation qui leur procure les mêmes droits que les nationaux comme le droit de travailler, le droit à la sécurité sociale, notamment. Répondant à une autre question, la délégation a assuré que le Gouvernement n'a procédé à aucune expulsion depuis les évènements de 2002.

En ce qui concerne la question de la violence domestique, la délégation a reconnu qu'il s'agit d'un vrai problème. Le Gouvernement a pris des mesures telles que l'adoption en 2006 d'une loi en matière de violences domestiques et d'un plan d'action. Les mesures sont orientées en faveur des victimes et des lieux de refuge ont été mis en place. Des mesures ont également été prises auprès des forces de l'ordre afin de les sensibiliser à ces questions, notamment par le biais de formations spécifiques.

S'agissant du problème des enlèvements de jeunes filles en vue du mariage dans les zones rurales de Géorgie, la délégation a assuré que le Gouvernement prend toutes les mesures nécessaires pour éviter de telles pratiques. Tout enlèvement est poursuivi pénalement et les sanctions pénales peuvent être assez lourdes, avec une peine maximum de 12 années d'emprisonnement. En matière de prévention, des cours spéciaux portent sur le droit de la famille et notamment sur la question de l'enlèvement de jeunes filles.

Répondant à des questions sur les conditions de détention et le traitement des détenus, la délégation géorgienne a notamment fait valoir que le pourcentage du nombre de décès de détenus a baissé. Dans chaque cas de décès d'un détenu, une procédure pénale est ouverte. Au sujet de l'usage de la force par la police, la délégation a indiqué que pendant des décennies, avant 2003, le pays a été plongé dans une grave situation de criminalité avec des réseaux criminels très développés. Depuis que le nouveau Gouvernement est arrivé au pouvoir, la lutte contre le crime organisé a été une priorité de son action. Il convient de souligner que le milieu a répondu avec agressivité. Le Gouvernement n'a donc pas été en mesure d'éviter les affrontements armés dont le bilan a été de plusieurs morts de part et d'autre. Le Gouvernement a pris toutes les mesures nécessaires en matière de prévention parallèlement aune enquête impartiale sur toutes éventuelles fautes. Une partie importante des réseaux criminels a été démantelée. Le Gouvernement a adopté les mesures suivantes: planification minutieuse de chaque opération des forces de police, un module de formation aux droits de l'homme a été renforcé, les examens de tirs ont été améliorés, le Code éthique de la police a été adopté en mettant l'accent sur les conditions de recours à la force.

S'agissant des enquêtes en cours concernant les troubles du 27 mars 2006 à la prison no 5 de Tbilissi, elles suivent leurs cours, a indiqué la délégation. Une enquête séparée a été lancée au sujet du décès de sept détenus au cours de ces troubles. Ces enquêtes prennent beaucoup de temps mais des mesures sont prises pour établir la vérité des faits.
La délégation a indiqué que le Gouvernement a adopté plusieurs mécanismes chargés de recueillir les plaintes des personnes privées de liberté qui dénoncent des mauvais traitements, auxquels s'ajoute celui qui sera adopté en vertu du Protocole facultatif de la Convention contre la torture. Il existe également des mécanismes analogues comme le Bureau du défenseur public qui peut pénétrer dans les lieux de privation de liberté. Au total, il y a trois systèmes de supervision du système pénitentiaire. Les plaintes ne concernent pas seulement le traitement physique, cela peut aussi concerner la procédure, a précisé la délégation.

En ce qui concerne la question de réparations en faveur des victimes d’actes de torture ou de mauvais traitements et aux personnes qui sont à leur charge, la délégation géorgienne a indiqué que toute personne ayant subi des préjudices de la part d'agents de l'État doit être indemnisée dans le cadre d'une procédure pénale ou civile. Cela dit, ces mécanismes sont largement méconnus par le public et les professionnels, a reconnu la délégation. Le Gouvernement va donc prendre des mesures spécifiques pour améliorer le niveau de sensibilisation dans ce domaine.

Un projet de code des établissements pénitentiaires a été soumis au Parlement géorgien en septembre 2006, a indiqué la délégation, précisant qu'il est toujours devant le Parlement et attend sa ratification. Pour ce qui concerne le problème de la surpopulation carcérale, elle a reconu que les infrastructures étaient insuffisantes et délabrées; il a donc fallu procéder à des réhabilitations et construire de nouveaux centres de détention. Parallèlement, le nombre de détentions provisoires a largement diminué. L'objectif est d'avoir des conditions de détention dignes et de diminuer le nombre de détenus en détention provisoire. S'agissant de la situation alimentaire des détenus, celle-ci s'est améliorée car le budget alloué à l'alimentation a été multiplié par deux.

En ce qui concerne les mesures de contrainte alternative, autrement dit des moyens autres que l’incarcération pour les personnes en attente de jugement, la délégation a indiqué que depuis mars 2005, l'application de telles mesures sont une priorité pour le Gouvernement et que les statistiques démontrent une évolution en ce sens. L'éventail des mesures alternatives s'est considérablement élargi ces derniers temps. Grâce à ces efforts, la Géorgie sera en mesure de mettre en œuvre un système efficace de mesures alternatives.

Un effort important est également déployé pour mettre en place un dispositif de visites d'inspection régulières dans les lieux de détention. Le Gouvernement a décidé de mettre en place un mécanisme beaucoup plus efficace que ceux existants, mais il faut du temps, a souligné la délégation.


Observations et questions complémentaires des membres du Comité

Plusieurs membres du Comité se sont félicités des progrès effectués par la Géorgie dans le cadre de ses réformes, en particulier la réforme législative. Toutefois, la Géorgie est confrontée à de nombreux problèmes concernant l'application de différentes dispositions du Pacte.

Un membre du Comité a demandé si un individu pouvait maintenant invoquer les dispositions du Pacte devant un tribunal national.

Des réserves ont ét émises quant à l'efficacité de la mise en œuvre de la nouvelle législation s'agissant de l'indépendance du pouvoir judiciaire. Des membres du Comité ont également dit regretter la situation difficile de la protection des droits de l'homme en Abkhazie et en Ossétie du Sud et ont demandé des précisions sur les modalités de restitution des biens pour les personnes qui ont dû fuir l'Abkhazie.

Au sujet des centres d'accueil pour femmes victimes de violences domestiques, un expert a estimé leur nombre insuffisant et aimerait savoir si le Gouvernement envisage d'ouvrir d'autres refuges.

Un membre du Comité a relevé que les zones rurales sembleraient connaître une résurgence de la pratique des enlèvements de jeunes filles en vue du mariage. Quelle est la fréquence de cette pratique, a demandé un membre du Comité?

S'agissant de la situation des réfugiés tchétchènes, ne faudrait-il pas instaurer une procédure de référé permettant de suspendre des cas de refoulement?

Plusieurs experts ont évoqué les conditions de détention. L'un d'eux a relevé l'augmentation du nombre de détenus entre 2005 et 2006. La question de la surpopulation reste préoccupante. À ce sujet, le Comité ne recommande pas généralement la construction de nouvelles prisons sauf si celles existantes sont en mauvais état, il encourage plutôt les mesures alternatives. Est-il vrai que, dans une prison du pays, les détenus doivent dormir à tour de rôle car il n'y a pas suffisamment de lits, a demandé un membre du Comité? Au sujet des plaintes pour mauvais traitements, malgré les mesures considérables prises, un certain nombre de problèmes demeure. Un expert a souhaité connaître le nombre d'agents de police condamnés pour torture ou mauvais traitements et le nombre d'agents suspendus suite à des allégations de mauvais traitements sur les détenus. Au sujet des mesures alternatives à la détention, si cela semble exister pour les situations de détention provisoire, le Comité aimerait savoir si des personnes déjà condamnées peuvent bénéficier de telles mesures.

Un expert a commenté que les mauvais traitements au cours de la détention provisoire ne semblent pas rares et a souhaité connaître les procédures mises en place pour surveiller le comportement des agents de l'État pendant la détention provisoire. Un autre membre du Comité a estimé à cet égard que les mesures de prévention de la torture ne sont pas adéquates.

Un membre du Comité a fait état de situations de marginalisation des minorités dans certaines régions. Il a également demandé pourquoi les langues minoritaires dans les administrations locales ne sont pas considérées comme langues officielles.

Un membre du Comité a souhaité de plus amples renseignements en réponse à des allégations de violations de la liberté de presse fréquentes en Géorgie.


Réponses de la délégation géorgienne aux questions complémentaires du Comité

Au sujet du phénomène de la violence domestique, la délégation a expliqué que la législation a été amendée de manière que la violence domestique n'est plus tout à fait considérée comme une violence privée. En outre, un plan d'action national a été approuvé et les forces de l'ordre et les juges sont sensibilisés à ces questions dans le cadre de formations spécifiques. Une loi est en cours d'élaboration pour adopter un cursus pour les travailleurs sociaux recrutés pour les centres d'accueil pour les femmes victimes de violences domestiques. Le Gouvernement fera tout ce qui est en son pouvoir pour financer les organisations non gouvernementales qui gèrent lesdits centres, a précisé la délégation.

La délégation a expliqué que lorsqu'une personne est arrêtée, un formulaire d'arrestation doit être rempli, formulaire dans lequel il doit être consigné si la personne porte ou non des traces de blessures. Si la personne arrêtée est conduite en cellule, elle doit aussi être examinée par un médecin à son entrée et à sa sortie.

La délégation a expliqué que la lutte contre la corruption parmi les forces de l'ordre et les fonctionnaires est l'une des raisons de l'augmentation du nombre de détenus depuis quelque temps. La surpopulation carcérale préoccupe le Gouvernement et des mesures urgentes ont été prises pour résoudre ce problème, a assuré la délégation. Des ressources budgétaires consacrées à cette situation augmentent année après année. Toutefois, la surpopulation carcérale n'existe pas dans toutes les prisons, a fait valoir la délégation géorgienne. La formation du personnel pénitentiaire a été améliorée et le budget a été augmenté pour la rénovation. De nouvelles prisons sont construites pour que les prisonniers soient détenus dans des conditions humaines, a fait remarquer la délégation.

La délégation a également indiqué qu'une commission est chargée de traiter la question des mesures alternatives, tel que des peines de sursis. Une commission du pardon ou de l'amnistie a également été mise en place par le Gouvernement.

Le rapport entre détenus en attente d'un jugement et détenus jugés est de 24 %, a indiqué la délégation.

En ce qui concerne les problèmes rencontrés par la Géorgie en Ossétie du Sud, la délégation a expliqué que, lorsque la commission prévue par la loi de 2006 sur la restitution sera établie, elle décidera au cas par cas des restitutions ou indemnisations pour les victimes d'un préjudice résultant de leur départ forcé du territoire de l'Ossétie du Sud.

Répondant à une question sur le statut de réfugié, la délégation a assuré le Comité que ce statut protège l'individu de toutes violations de ses droits et libertés fondamentales.

La délégation n'a pas été en mesure de fournir des statistiques sur le phénomène des enlèvements de jeunes filles dans le but d'être mariées. Elle a toutefois réitéré que lorsqu'un enlèvement est dénoncé, une enquête est ordonnée.

À des préoccupations sur la lutte contre l'impunité des auteurs d'actes de torture, la délégation a assuré que depuis quelques années déjà, les actes de torture commis par des membres de forces de l'ordre sont punis.

Certains droits, tels que les droits sociaux, ne font pas partie de la Constitution mais ils sont toutefois couverts par l'esprit de la Constitution, a indiqué la délégation. Le contrôle constitutionnel intervient a posteriori et concerne toutes les règles déjà en vigueur. Le contrôle ne peut donc pas s'exercer sur des projets de loi.

Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques peut être invoqué devant les tribunaux puisqu'il fait partie intégrante des sources du droit national, a déclaré la délégation.

La délégation a indiqué que 200 000 personnes sont déplacées d'Ossétie du Sud et d'Abkhazie, soit près de 6% de la population géorgienne. Les personnes déplacées jouissent de droits identiques à ceux des citoyens de Géorgie. Une stratégie nationale a été mise en place pour améliorer les conditions de vie de ces personnes et pour organiser leur retour dans leurs foyers. Près de 45% des personnes déplacées vivent dans des centres collectifs; il s'agit souvent de vieilles installations en mauvais état, a reconnu la délégation. L'amélioration des conditions de vie est donc l'un des volets essentiels du plan d'action qui a été lancé en faveur de ces populations. Jusqu'à présent, l'accès à la propriété foncière était réservé aux seuls résidents. Dorénavant les personnes déplacées peuvent aussi y avoir accès, a déclaré la délégation.

Le Gouvernement s'efforce de collaborer avec le Gouvernement de facto d'Abkhazie, mais ces efforts du Gouvernement ont été vains, a déploré la délégation. Des violations massives des droits de l'homme semblent avoir lieu sur ce territoire et le Gouvernement de facto ne semble rien faire pour y remédier. En ce qui concerne l'Ossétie du Sud, ont constate par contre une nette amélioration.

Au sujet de l'indépendance du pouvoir judiciaire et du droit à un procès équitable, le processus se poursuit et devrait être terminé d'ici 2009, a déclaré la délégation. Toutes les instances judiciaires ont été mises en place et elles sont conformes au système européen. La Haute école de justice va commencer à fonctionner dans quelques semaines.

L'église orthodoxe géorgienne bénéficie d'un statut particulier qui remonte à l'histoire de la Géorgie. Ce statut n'a pas été octroyé pour lui donner des privilèges mais pour satisfaire à ses besoins particuliers, a relevé la délégation. Par ailleurs, les groupes religieux peuvent s'enregistrer et mener des activités. Les organisations religieuses sont donc en mesure de mener leurs activités religieuses sans aucune entrave. Le processus d'enregistrement n'est pas très exigeant, a précisé la délégation.

Au sujet des enquêtes menées à la suite d'actes de discrimination religieuse, la délégation a assuré qu'elles revêtaient un caractère prioritaire pour le Bureau du Procureur général. Des enquêtes ont été lancées dans plus de vingt cas et quatre personnes ont été condamnées dans ce contexte, a-t-elle fait valoir.

Répondant à une question sur la liberté d'opinion et d'expression, la délégation a notamment expliqué que la procédure pénale prévoit qu'un enquête soit menée lorsque des informations sont communiquées sur des cas de violation de la liberté de presse. En tout état de cause, une enquête est toujours ouverte dès qu'il y a une allégation d'une violation quelconque des droits de l'homme et dès que cette information est communiquée au procureur.

En ce qui concerne la participation des minorités nationales au sein des structures administratives, la délégation a indiqué que les minorités sont bien représentées dans la magistrature, dans les commissariats de police, dans les bureaux des Ministères, notamment.

Les forces de police et les fonctionnaires reçoivent une formation aux droits de l'homme. La formation porte sur les dispositions des instruments internationaux, du droit national et de la jurisprudence nationale et internationale. Le public est également sensibilisé à ces questions par le biais des activités de l'ombudsman et des organisations non gouvernementales. Les personnes détenues ont accès à des informations claires sur leurs droits, a ajouté la délégation.

La délégation a assuré que le Gouvernement fait tout en son pouvoir pour améliorer les conditions de vie des personnes déplacées. À propos des centres collectifs de vie, le secteur privé souhaiterait en acquérir certains. L'accès à ces centres collectifs de vie est gratuit, a précisé la délégation.

S'agissant de l'utilisation des langues des minorités sur le territoire de la Géorgie, la Constitution géorgienne prévoit que la langue de l'État est le géorgien. Tous les fonctionnaires doivent donc travailler dans cette langue. Parallèlement, la Géorgie a adopté différentes mesures pour créer un environnement favorable à l'utilisation de diverses langues des minorités. Au niveau local, le recours aux interprètes a été introduit dans le système administratif.

La délégation a expliqué que la liberté de religion fait partie des droits prioritaires. Il faut pouvoir exercer cette liberté en privé et aussi dans des lieux publics. Toutefois, ce principe n'oblige pas un État à accorder un statut particulier à des organisations religieuses. Le Code pénal interdit toute ingérence dans les activités religieuses, a ajouté la délégation.

Au sujet des allégations sur la violation de la liberté de presse, un cas a été jugé dans lequel deux personnes ont été poursuivies pour avoir commis un crime de persécution sur la base de propos attentatoires à la liberté de conviction et d'expression. Un projet de code de déontologie pour les journalistes est en cours d'élaboration. Il s'agit d'un mécanisme d'autorégulation pour les journalistes, autrement dit une régulation interne.


Observations préliminaires

Présentant des observations préliminaires sur la mise en œuvre du Pacte en Géorgie, le Président du Comité, M. RAFAEL RIVAS POSADA a relevé les principaux sujets de préoccupation soulevés par plusieurs membres du Comité. Il a notamment souligné les problèmes rencontrés par l'État partie pour exercer les compétences et le contrôle nécessaires pour garantir le plein respect des dispositions du Pacte sur l'ensemble du territoire. Par ailleurs, s'il est indéniable que des efforts considérables ont été faits s'agissant du traitement des détenus, qu'ils soient en détention provisoire ou condamnés, il est indispensable de poursuivre les réformes pour mettre fin aux abus qui persistent dans ce domaine. La protection de la liberté d'expression, de la liberté religieuse et la situation des minorités constituent également des sujets de préoccupation pour le Comité, a ajouté le Président.

Le Président a conclu en invitant la Géorgie à persévérer dans ses efforts pour améliorer la situation des droits de l'homme dans le pays. La Géorgie est consciente de ses difficultés. Le Comité espère que ces points prioritaires mériteront une attention particulière de sa part.



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CT07015F