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LE COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE LE RAPPORT DE L'ALGÉRIE

Compte rendu de séance

Le Comité des droits de l'homme a examiné aujourd'hui le troisième rapport périodique présenté par l'Algérie sur la mise en œuvre par ce pays des dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

À l'issue de l'examen du rapport, le Président du Comité, M. Rafael Rivas Posada, a salué la réduction du nombre de délits passibles de la peine de mort. Par ailleurs, le Président a déclaré que certaines questions méritent encore toute l'attention du Comité, notamment le statut du Pacte dans la législation interne, la condition de la femme, la liberté d'expression, ainsi que la liberté d'association et de manifestation. Le Comité adoptera, dans le cadre d'une séance privée, des observations finales concernant l'Algérie, qui seront rendues publiques à la fin de la présente session, en même temps que les observations finales sur l'ensmble des rapports examinés au cours de la présente session.

Le Représentant permanent de l'Algérie auprès de l'Office des Nations Unies à Genève, M. Idriss Jazaïry, a déclaré que la politique de réconciliation nationale menée par son pays a été confortée par nombre de réformes, dont celles de l'État, de l'éducation et de la justice. Le Code de la famille a également été révisé pour consacrer une évolution qualitative de la condition de la femme. Par ailleurs, tout en observant depuis septembre 1993 un moratoire sur la peine capitale, l'Algérie a de surcroît aboli la peine de mort pour certains crimes. M. Jazaïry a ensuite affirmé que l'Algérie est «un État abolitionniste de facto». L'indépendance de la justice a été renforcée, a en outre fait valoir le chef de la délégation. L'Algérie s'est également dotée en 2001 d'une institution nationale des droits de l'homme: la Commission nationale consultative pour la promotion et la protection des droits de l'homme.

L'importante délégation algérienne était également composée de M. Mokhtar Lakhdari, Directeur au Ministère de la justice; de M. Hamed Abdelwahab, Conseiller au cabinet du Ministre de la justice; de M. Chabani Said, Conseiller au Cabinet du Ministre de la communication; de Mme Wahida Boureghda, Conseillère au cabinet de la Ministre déléguée auprès de la Ministre de la santé, de la population et de la réforme hospitalière, chargée de la famille et de la condition féminine; de M. Abdelnour Tilmatine, Directeur au Ministère de la solidarité nationale; de M. Lazhar Soualem, Directeur au Ministère des affaires étrangères; de M. Mohammed Bessedik, Représentant permanent adjoint de la Mission de l'Algérie auprès des Nations Unies à Genève; de M. Ahmed Saadi, Sous-directeur au Ministère des affaires étrangères; de M. Abdellah Akir, Chef de Bureau au Ministère de l'intérieur et des collectivités locales; de M. Abdelali Lakhdari, Commandement de la Gendarmerie nationale; de M. Salah Eddine Toudert, Direction générale de la Sûreté nationale; de M. Mohamed Chabane, Conseiller à la Mission de l'Algérie auprès des Nations Unies à Genève; et de Mme Selma Malika Hendel, Secrétaire diplomatique à la Mission de l'Algérie auprès des Nations Unies à Genève.

La délégation a fourni des précisions et répondu aux questions de membres du Comité s'agissant notamment de l'état d'urgence, des disparus, de la parité hommes femmes, de la peine de mort, de la garde à vue, de lutte contre le terrorisme, de la liberté de religion, de la liberté d'expression et de la liberté de presse.


La prochaine séance publique du Comité aura lieu le jeudi 25 octobre à 15 heures. Le Comité examinera ses méthodes de travail, notamment s'agissant des moyens de renforcer ses relations avec les médias.

Présentation du rapport

M. IDRISS JAZAÏRY, Représentant permanent de l'Algérie auprès des Nations Unies à Genève, a rappelé la volonté de son pays de continuer à œuvrer à la promotion et à la protection de l'ensemble des droits de l'homme, paramètres indispensables à l'organisation de toute société démocratique et qui concourent à l'édification de l'État de droit. Cette dynamique a été matérialisée notamment par l'incorporation de l'ensemble des traités internationaux dans la législation nationale.

M. Jazaïry a souligné que dès 1999, l'Algérie s'est engagée dans la voie du retour définitif de la paix, de la stabilité et de la promotion du développement. Cette initiative majeure pour l'arrêt de la violence et le rétablissement de la concorde et de la réconciliation nationales avait constitué l'un des engagements fondamentaux sur la base desquels le Président de la République a été élu le 15 avril 1999. Cette approche a été marquée par la mansuétude du peuple algérien à l'égard de ceux dont l'égarement n'a pas été jalonné d'actes sanglants; par contre, ceux qui se sont livrés aux exactions de sinistre mémoire ont été poursuivis et jugés sur la base des principes de l'État de droit.

Cette politique de réconciliation nationale a été porteuse de résultats probants, a fait valoir le représentant algérien. Elle a été confortée par nombre de réformes, dont celles de l'État, de l'éducation et de la justice. M. Jazaïry a cité à titre d'exemple la mise à jour du dispositif législatif qui a notamment concerné le Code de la famille consacrant une évolution qualitative de la condition de la femme, le Code de nationalité ainsi que la protection de l'enfance. Par ailleurs, tout en observant depuis septembre 1993 un moratoire sur la peine capitale, l'Algérie a aboli à la faveur d'une révision législative la peine de mort pour certains crimes et entend approfondir à terme ces évolutions substantielles.

Pour renforcer l'indépendance de la justice, deux lois organiques ont été promulguées: l'une portant statut de la magistrature et l'autre relative au Conseil supérieur de la magistrature. L'administration d'une justice de proximité a, dans cette même perspective, conduit à une densification de la carte judiciaire pour rapprocher le justiciable des juridictions. Cette évolution a été accompagnée d'une simplification des procédures et d'un renforcement des modes d'exécution des décisions.

Par ailleurs, pour assurer le suivi et une évaluation des accomplissements en matière des droits de l'homme, l'Algérie s'est dotée d'une institution nationale des droits de l'homme. La Commission nationale consultative pour la promotion et la protection des droits de l'homme a été créée le 25 mars 2001. Elle poursuit, en toute indépendance et avec succès, ses missions au service des droits de l'homme. En outre, convaincu de la nécessité de donner à la dimension amazighe sa place naturelle dans la société algérienne, le Président de la République a pris l'initiative d'une révision constitutionnelle érigeant la langue amazighe en langue nationale. Un Conseil supérieur de l'amazighité a également été créé.

L'Algérie est devenue partie en mars 2003 à la Convention sur les droits politiques de la femme et en janvier 2005 à la Convention internationale sur les travailleurs migrants et des membres de leurs familles.

L'Algérie est consciente que la promotion et la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales incombent au premier chef aux États, a déclaré M. Jazaïry. L'Algérie s'est donc attachée à conférer une part prépondérante à la composante des libertés fondamentales dans son entreprise d'édification d'un État moderne fondé sur le droit et s'inscrivant dans une vision humaniste de l'organisation de la société. «Nous nous attelons à la tâche, animés à la fois d'ambition et d'humilité. Nous sommes déterminés à nous y engager», a conclu M. Jazaïry.

Le troisième rapport périodique de l'Algérie (CCPR/C/DZA/3) affirme que d'importants progrès ont été réalisés dans le pays en matière de libertés démocratiques. Il souligne que les engagements internationaux de l'Algérie ont la primauté sur la loi nationale. Outre la Constitution, plusieurs textes législatifs favorisent la démocratisation de l'activité publique en Algérie, telles que la loi sur les partis politiques, la loi sur les associations ou la loi relative à l'information. Le Gouvernement algérien veille à la mise en œuvre d'un plan national destiné à consolider le respect des droits de l'homme constitutionnellement garantis. Ce plan national réaffirme la détermination de l'État algérien à consolider les libertés et devoirs individuels et collectifs des citoyens, la promotion de la liberté d'expression en général et des acquis en matière de liberté de la presse en particulier. Il entend, également, s'atteler à la concrétisation graduelle des projets de réforme des missions et de l'organisation de l'État, le parachèvement de la réforme de la justice et celle de l'éducation nationale. Outre les dispositions constitutionnelles et l'adhésion à l'ensemble des conventions internationales et régionales relatives aux droits de l'homme, l'essentiel des dispositifs internes de promotion, d'alerte et de surveillance en matière de droits de l'homme en Algérie a été mis en place. Ces dispositifs couvrent aussi bien les droits individuels, civils et politiques que les droits collectifs, économiques, sociaux et culturels. Au niveau politique, les questions se rapportant aux droits de l'homme occupent une place importante dans les débats et sont prises en charge au niveau des Commissions permanentes instituées à cet effet par les deux chambres du Parlement. Il convient de souligner que dans le cadre de sa démarche visant le raffermissement de l'État de droit, l'Algérie a déjà entamé une vaste réforme de la justice dont les objectifs consistent entre autres à renforcer l'indépendance et la crédibilité du système judiciaire; à harmoniser la législation algérienne pour assurer sa conformité avec les engagements internationaux de l'Algérie; à consolider la formation des magistrats et à humaniser les conditions carcérales des détenus.

S'agissant de la liberté de la presse, les droits à l'information et la liberté de la presse, consacrés par la Constitution, sont considérés par la loi comme un mécanisme essentiel de surveillance et de protection des droits individuels et collectifs. À cet égard, le remarquable développement de la presse en Algérie en a fait un levier réel dans la protection des droits de l'homme. Contrairement à ce qui est rapporté dans certains médias, aucun journaliste algérien n'a été condamné pour un délit d'opinion. Les seuls cas enregistrés ont trait à des affaires liées à des procès en diffamation ou pour diffusion de fausses nouvelles. Enfin, la non parution de certains titres de la presse nationale est généralement le fait de litiges commerciaux avec les entreprises d'impression ou de faillites commerciales. Par ailleurs, le rapport note que le mouvement associatif a connu un essor considérable depuis 1988. Il existe plus de 78 000 associations. La Constitution algérienne a réservé à la liberté d'association pour la défense des droits de l'homme une place importante. Son article 32 garantit la défense individuelle ou collective de ces droits et l'article 41 en détermine le champ d'application: liberté d'expression, d'association, de réunion. S'agissant de la liberté syndicale, consacrée dans la Constitution, elle est organisée dans le cadre de la loi du 21 décembre 1991. Des dizaines d'organisations syndicales autonomes, représentant diverses catégories professionnelles sont reconnues et constituent des partenaires sociaux incontournables dans le monde du travail. La démarche de promotion et de protection des droits de l'homme s'est consolidée par la mise en place d'une institution nationale appelée Commission nationale consultative de la promotion et de la protection des droits de l'homme, établie le 9 octobre 2001. Elle est composée de 45 membres dont 13 femmes. Cette Commission, qui se substitue à l'Observatoire national des droits de l'homme, est un organe à caractère consultatif de surveillance, d'alerte précoce et d'évaluation en matière de respect des droits de l'homme. La Commission est chargée d'examiner les situations d'atteinte aux droits de l'homme constatées ou portées à sa connaissance et d'entreprendre toute action appropriée en la matière. Elle a également une mission de sensibilisation et d'information.

Le rapport note que depuis 1991, l'Algérie a du faire face dans l'indifférence et la suspicion au phénomène du terrorisme. La lutte contre ce fléau qui a nécessité le recours à la mise en œuvre de mesures spéciales s'est toujours inscrite dans un cadre légal respectant la dignité de la personne humaine. C'est pour faire face à cette situation exceptionnelle que les pouvoirs publics en Algérie ont décidé, conformément à la Constitution, de décréter l'état d'urgence en février 1992. Bien qu'ayant apporté quelques restrictions à l'exercice de certains droits et libertés publiques, l'état d'urgence n'a pas suspendu les obligations de l'État quant à la garantie de l'exercice des libertés fondamentales du citoyen inscrites dans l'ordre constitutionnel interne et dans les conventions internationales ratifiées par l'Algérie. Les mesures exceptionnelles prises dans le cadre de l'application de l'état d'urgence ont toutes été entourées de garanties de protection des droits de l'homme. L'Algérie qui a longtemps appelé à un front uni contre le terrorisme est engagée résolument dans cette voie. En adhérant aux traités et accords universels et régionaux de lutte contre le terrorisme, elle se considère comme partie prenante de cet engagement et ne ménage aucun effort pour appuyer toute initiative allant dans ce sens.



Renseignements complémentaires fournis par la délégation algérienne

La délégation de l'Algérie a ensuite répondu à une liste de questions préalablement adressée à l'Algérie (CCPR/C/DZA/Q/3 - des réponses écrites figurent également au document CCPR/C/DZA/Q/3/Add.1 et Corr.1).

Cadre juridique de l'application du Pacte

S'agissant de la mise en œuvre des dispositions du Pacte par les tribunaux nationaux, le Conseil constitutionnel a réaffirmé le principe consacré par la Constitution, à savoir la suprématie des traités internationaux ratifiés par l'Algérie. Ces textes priment donc sur les lois nationales. En outre, plusieurs jugements et arrêts ont été rendus sur la base de l'article 11 du Pacte. Ainsi, les tribunaux algériens ont estimé que le recours à la contrainte par corps «en matière commerciale et de prêt d'argent» introduit sur la base des dispositions de l'article 407 du Code de procédure civile est contraire à l'article 11 du Pacte. En outre, la Cour suprême a publié des décisions qui font référence aux dispositions des traités internationaux.

La délégation a indiqué qu'en 1989, un Ministère chargé des droits de l'homme a été créé et en 1992, l'Observatoire national des droits de l'homme a été chargé de la défense des droits de l'homme auprès des pouvoirs publics. Cet organe a été remplacé en mars 2001 par la Commission nationale consultative de la promotion et de la protection des droits de l'homme. C'est un organe paritaire de 45 membres, dont 16 femmes. Il est composé de représentants de la société civile. La Commission est majoritairement composée d'organisations des droits de l'homme. Les représentants des autorités publiques n'ont pas de voix délibératives dans les prises de décisions. La Commission dresse chaque année un rapport sur la situation des droits de l'homme en Algérie. Ce rapport est adressé au Président de la République qui donne des orientations au Gouvernement s'agissant de la mise en œuvre d'un certain nombre de recommandations.

Interrogée sur les mesures de grâce et d'amnistie suite à l'ordonnance portant mise en œuvre de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, la délégation a déclaré que 7000 personnes, dont 2500 détenus, en ont bénéficié. Cette ordonnance s'applique à des faits antérieurs à son entrée en vigueur. La loi sur l'extinction des poursuites publiques exclut certaines catégories de personnes, telles que les personnes impliquées dans des attentats terroristes à l'explosif, les auteurs de viols ou de massacres.

Au sujet du premier Protocole facultatif auquel l'Algérie a adhéré, l'Algérie coopère toujours de bonne foi et fournit toutes les informations demandées. S'agissant des allégations, les sources ne sont pas toujours exactes. Il n'y a pas eu de poursuite contre les personnes qui ont critiqué la Charte pour la paix et la réconciliation nationale.

Non-discrimination et égalité des droits des hommes et des femmes

S'agissant de la situation des femmes, la délégation a déclaré qu'aucune disposition législative ou réglementaire restreint la participation de la femme dans la vie politique. Aux dernières élections présidentielles, 46,49 % des votants étaient des femmes et il y a aujourd'hui plus de 7% de femmes députées. Des campagnes de sensibilisation sont menées pour encourager les femmes à participer pleinement et activement à la vie politique.

Il n'existe pas de dispositions pénales particulières applicables aux auteurs de violences contre les femmes, a reconnu la délégation. Un programme est en cours d'exécution avec les agences du système des Nations Unies pour une meilleure prise en charge de cette question. Au sujet du viol conjugal, il n'existe pas de législation spéciale. Toutefois, la jurisprudence considère que tout acte sexuel commis avec violence est considéré comme un viol. S'agissant du nombre de cas de femmes victimes de violences ayant donné lieu à des poursuites pénales, les statistiques font ressortir qu'en 2005, 16 776 poursuites ont été engagées devant les tribunaux pour violences contre des femmes et 14 016 condamnations ont été prononcées. En 2006, il y a eu 17 383 poursuites et 14 054 condamnations prononcées. Au sujet du harcèlement sexuel, il y a eu, en 2005, 175 poursuites engagées et 137 condamnations prononcées et, en 2006, 325 poursuites et 267 condamnations.

Des avancées très importantes ont marqué la révision du Code de la famille en 2005: les droits de la femme sont mieux protégés et une plus grande équité entre hommes et femmes a été instaurée, a fait valoir la délégation. La femme conclut son mariage en présence d'un tuteur matrimonial de son choix, a-t-elle poursuivi. La femme peut choisir celui qui sera présent à son mariage. Il s'agit donc d'une simple formalité, a souligné la délégation. Par ailleurs, il est exact qu'une musulmane ne peut épouser un non-musulman car la législation en matière de statut personnel s'inspire de la charia. Le Code de la famille ne mentionne pas que la femme perd la garde de ses enfants si elle divorce. La garde d'un enfant âgé de plus de 16 ans et de sexe masculin peut être dévolue au père si la mère se remarie. En ce qui concerne le divorce par le khol', cette procédure permet à l'épouse de se séparer de son époux sur simple requête présentée au juge et sans avoir à présenter un motif quelconque. La contrepartie de cette demande est le versement par l'épouse d'une somme dont le montant ne peut pas dépasser la valeur de la dot.

État d'urgence, lutte contre le terrorisme

La délégation a affirmé que l'état d'urgence sera levé lorsque les conditions ayant présidé à sa proclamation auront cessé. Elle a ajouté que l'état d'urgence ne crée aucune entrave à l'exercice des libertés individuelles et collectives, associatives ou politiques.

Au sujet de la définition des actes terroristes, la délégation a expliqué que, pour que soit constituée l'infraction de terrorisme, il faut que son auteur ait commis un acte déterminé et que cet acte ait été exécuté dans un but déterminé, c'est-à-dire pour attenter aux droits et à la vie ou aux libertés fondamentales des citoyens. Le Gouvernement a pris un certain nombre de mesures en vue de prévenir et de faire reculer la menace terroriste, notamment la mise à disposition des numéros d'appel gratuit, de spots publicitaires pour sensibiliser l'opinion publique sur les dangers de tels actes.

Droit à la vie, interdiction de la torture et des traitements cruels, inhumains ou dégradants et traitement des prisonniers

La peine de mort est en voie d'abolition, a assuré la délégation algérienne, rappelant qu'un moratoire est en vigueur depuis 1993. Plusieurs crimes pour lesquels la peine de mort était prévue ont fait l'objet d'une suppression (comme le sabotage économique) ou d'une révision qui remplace la peine de mort par une peine de prison à perpétuité ou à temps (comme les vols qualifiés avec armes, les fraudes alimentaires et médicamenteuses entraînant la mort, le trafic de stupéfiants). La peine de mort est rarement prononcée dans les affaires de droit commun et si elle est prononcée, elle aboutit à des commutations de peine, a précisé la délégation.

Au sujet des suites données aux allégations d'exécutions sommaires, tortures ou mauvais traitements, la délégation a indiqué que le Gouvernement n'a pas reçu de communication du Rapporteur spécial sur les exécutions sommaires extrajudiciaires ou arbitraires.

S'agissant des plaintes pour exécutions sommaires, torture ou mauvais traitements déposées contre des agents d'État, la délégation a assuré que les juridictions examinent les plaintes de particuliers quand elles sont étayées. S'agissant de l'indemnisation des victimes, elle peut intervenir sous la forme d'une réparation civile attribuée par la juridiction compétente ou d'une indemnisation suite à un règlement à l'amiable.

Droit à la liberté et à la sécurité de la personne, droit à un procès équitable

La délégation a expliqué que la Commission nationale ad hoc sur les disparus, instituée le 11 septembre 2003, ne devait rendre compte de ses conclusions qu'à l'autorité qui l'a mise en place, c'est-à-dire le Président de la République, et seul lui peut apprécier s'il doit rendre ou non public lesdites conclusions. Par ailleurs, l'État indemnise toutes les victimes de la tragédie nationale ou leurs ayants droits.

Il n'existe pas en Algérie de lieux de détention qui échappent à la loi, a assuré la délégation. L'ensemble des lieux de détention est répertorié et placé sous l'autorité des magistrats du Parquet. Les lieux de garde à vue relevant de la gendarmerie nationale et de la police sont systématiquement contrôlés par les magistrats du Parquet. Les autres lieux de détention, qui relèvent de la police militaire, sont contrôlés par la justice militaire. Il existe également un registre des personnes arrêtées ou détenues qui indique le lieu où elles ont été placées et la date d'incarcération.

Si, en droit commun, le délai de la garde à vue est de 48 heures, dans les cas d'actes de terrorisme, un délai de douze jours est prévu, a aussi indiqué la délégation. Le Procureur visite les lieux de garde à vue et des contrôles inopinés sont pratiqués. Les locaux de garde à vue ont reçu 1021 visites en 2005 et 5284 visites en 2006.


Observations et questions complémentaires des membres du Comité

Un membre du Comité a demandé des exemples concrets s'agissant de l'interprétation des dispositions du Pacte par les tribunaux.

Au sujet de la Commission nationale consultative des droits de l'homme, il serait utile de publier son rapport annuel, a fait observer un expert. Il a aussi souhaité en savoir davantage sur le fonctionnement de la Commission.

Un membre du Comité a demandé si des femmes occupent des postes à responsabilité. Le statut de la femme devrait davantage être protégé, a en outre estimé un expert. Est-ce que le mariage peut être conclu en l'absence du wali (le tuteur masculin), a-t-il aussi été demandé? Au sujet de l'interdiction du mariage d'une musulmane avec un non-musulman, un membre du Comité a estimé que cette disposition contrevenait au Pacte, notamment à l'article 3 qui assure l'égalité des droits entre hommes et femmes. En outre, l'État ne peut-il pas interdire complètement la polygamie qui n'est pas acceptable au regard du Pacte? S'agissant de la violence familiale, l'Algérie compte-elle aller plus loin dans la protection des femmes?

Plusieurs questions ont aussi été posées sur les disparitions forcées. Un membre du Comité a demandé que soit publié le rapport final de la Commission ad hoc sur les disparus en date du 31 mars 2005. En outre, il semblerait que des lieux de détention au secret existent toujours et que l'obtention d'aveux sous la contrainte perdure, a relevé un expert. Par ailleurs, comment le Gouvernement peut-il savoir que personne n'est détenu dans des lieux secrets étant donné le grand nombre de lieux de détention secrets qu'il y a eu dans le passé. Une comptabilité «personne par personne» serait donc nécessaire.

La question de l'impunité a également été soulevée. Des milliers d'enlèvements et de massacres ne sont pas commis par hasard. Il est difficile d'imaginer qu'il n'y a pas eu là une pratique systématique. Les chiffres parlent d'eux-mêmes et pourtant tous ceux qui auraient pu être responsables de tels actes ont bénéficié de l'ordonnance 06-01 (ordonnance d'application de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale) qui entrave les droits de porter plainte en instaurant des mesures de grâce et d'amnistie.

Le droit au recours n'est pas seulement le droit à l'indemnisation, c'est aussi le droit à ne pas être oublié, a fait valoir un expert. Peut-on réellement dire, comme l'affirme la délégation, que toutes les victimes de la tragédie nationale ou leurs ayants droits sont indemnisées? Comment peut s'appliquer ce droit au recours alors que le parcours est impossible étant donné l'obligation de se procurer un certificat de décès? Le droit de déposer plainte est essentiel et il devrait primer sur l'article 46 de la loi d'amnistie qui demande de ne pas parler du conflit, ajouté un expert. Cet article, qui prévoit des peines de prison si une personne évoque le conflit, effraie les gens. Comment l'État peut-il parler de recours utiles si les gens ne peuvent pas déposer plainte?

Au sujet des communications individuelles transmises au Comité en vertu du Protocole facultatif (procédure de plainte individuelle), un expert s'est dit préoccupé que le Comité reçoive rarement, de la part de l'Algérie, d'informations sur les mesures prises pour donner effet aux recommandations du Comité. À quel point l'Algérie est-elle prête à assurer le suivi des avis du Comité?

Un expert a souhaité savoir quels sont les libertés et les droits suspendus pendant l'état d'urgence?

Le moratoire sur la peine de mort a été salué par les membres du Comité. Un expert a rappelé à cet égard que sept personnes sur lesquelles pèse encore une condamnation à mort avaient commis des infractions qui ne seraient pourtant plus passibles de la peine de mort aujourd'hui.

S'agissant de la garde à vue, le délai de 12 jours pour les infractions terroristes est trop long, a estimé un membre du Comité.

En ce qui concerne la définition du terrorisme, celle-ci est encore trop large, a relevé un expert. Cette infraction doit être extrêmement limitée et ne pas être utilisée contre des opposants politiques qui ne menacent pas l'existence de l'État.


Réponses de la délégation algérienne aux questions complémentaires du Comité

En matière de droits de l'homme, l'Algérie a une vision ambitieuse mais aussi empreinte d'humilité car le cheminement sera long pour parvenir à l'objectif souhaité. L'Algérie aimerait que le Comité reconnaisse les efforts faits, a dit la délégation.

La délégation a tenu à exprimer des réserves sur certains propos tenus par les membres du Comité. Parler, s'agissant des forces de l'ordre, de crimes contre l'humanité est quelque chose qui n'a jamais été dit par personne, ni même par les Nations Unies, a fait observer la délégation. Elle a estimé que les propos de l'expert qui a dit cela ont dépassé sa pensée.

Au sujet de l'ordonnance d'application de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale (n° 06-01), il ne s'agit en aucun cas d'un texte d'amnistie ou d'impunité car il n'y a eu ni impunité, ni amnistie pour qui que ce soit, a assuré la délégation. Tous ceux qui ont été responsables de crimes durant la décennie noire ont été condamnés. Les membres des forces de l'ordre ont été condamnés comme les autres. La logique est la suivante: ayant épuisé tous les moyens de recherche et n'ayant pas trouvé les preuves, les individus ne peuvent donc pas être condamnés. Fallait-il alors laisser planer sur les services de sécurité un nuage de doute et de suspicion, a demandé la délégation. Le Gouvernement a voulu éviter cela. Il ne s'agit que d'un acte de clémence pour les responsables d'actes répréhensibles.

S'agissant du problème du terrorisme, la délégation a fait observer que, sur le plan théorique, il n'y a pas de contradiction entre sécurité et liberté. Les deux doivent être promus, mais dans la pratique c'est différent. On est quelque fois confronté à des conflits entre différents droits, tous consacrés par le Pacte, et l'Algérie n'a pas encore réussi à approfondir la question des conflits de droit. Par exemple, le sujet de la liberté d'expression nécessite encore beaucoup de travail. La délégation a précisé que la lutte antiterroriste n'entrave aucunement les libertés fondamentales.

L'Algérie a été confrontée à devoir gérer seule des problèmes de terrorisme, a poursuivi la délégation algérienne, ajoutant que des valeurs des droits de l'homme ont été instrumentalisées. Ce n'est qu'après les événements tragiques du 11 septembre 2001 que l'Algérie a commencé à recevoir la sympathie de pays développés, a rappelé la délégation.
Un expert a estimé que la définition algérienne du terrorisme était trop large, mais la communauté internationale a-t-elle elle-même trouvé une définition claire du terrorisme, a demandé la délégation?

En ce qui concerne le délai de garde à vue pour les actes terroristes, le délai de douze jours est parfois nécessaire pour sauver des vies, a estimé la délégation. Certes, c'est peut-être trop. L'Algérie essayera de faire mieux.

Répondant aux observations du Comité sur les difficultés des ayants droits des personnes disparues pour obtenir un certificat de décès, la délégation a expliqué que c'est loin d'être un parcours du combattant puisque la loi impose aux différentes autorités de répondre dans des délais précis. Il n'y a pas d'entraves pour les personnes concernées par les mesures de réconciliation nationale et particulièrement pour cette situation.

Tous les efforts possibles ont été faits pour enquêter sur les cas non résolus de personnes disparues, a assuré la délégation. Le pourcentage de cas non résolus ne doit pas ternir l'image des forces de sécurité qui ont tout fait pour mener à bien ces enquêtes.

Au sujet de la publication du rapport de la Commission nationale consultative des droits de l'homme, la délégation a expliqué qu'en Algérie, beaucoup de rapports ne sont pas forcément publiés car ils sont préparés par des instances consultatives.

Rien ne restreint la participation des femmes dans la vie politique, de même que dans la fonction publique, a fait valoir la délégation en réponse à d'autres questions. Elle a en outre souligné que l'auteur d'un viol conjugal est poursuivi pour crime, assurant que le mariage n'absout pas ce crime. En outre, les violences conjugales sont poursuivies dans le cadre du Code pénal. En cas de divorce, le père doit assurer à la mère, pour l'exercice de la garde des enfants, un logement décent.

Il n'existe pas en Algérie de registre national d'écrou, mais il existe en revanche un registre de garde à vue, a déclaré la délégation. La personne gardée à vue a le droit de prendre contact avec sa famille, a-t-elle ajouté.

La délégation a en outre affirmé qu'il est faux de dire que les aveux arrachés sous la violence sont admissibles. Ce type d'aveux est irrecevable, y compris lorsque la violence est morale. Même les aveux faits spontanément par une personne devant un officier de police peuvent être rétractés devant le juge.

La délégation a indiqué qu'aucune plainte n'a été déposée par les particuliers devant les tribunaux pour torture ou mauvais traitements.

Au sujet des massacres qui ont été commis, des enquêtes judiciaires ont été menées et des condamnations prononcées, a souligné la délégation. Dans certains cas, les poursuites sont toujours en cours.

Les normes internationales relatives aux droits de l'homme lient tous les agents de l'État. Ces derniers sont donc tenus de connaître et d'appliquer lesdites normes. Les services de sécurité accordent à l'enseignement des droits de l'homme une place importante dans le cursus de formation.

Au sujet de la peine de mort, l'Algérie est un État abolitionniste de facto, a d'autre part affirmé la délégation.

Au sujet des réserves que l'Algérie a formulées en ratifiant le Pacte, la délégation a affirmé qu'elles n'entament pas la substance du traité, mais répondent à un besoin sociologique. L'Algérie va poursuivre la marche vers la mise en œuvre des valeurs consacrées par le traité et non pas le contraire, a assuré la délégation.


Deuxième partie des renseignements complémentaires fournis par la délégation algérienne

Liberté de mouvement

Priée de fournir des informations sur le nombre actuel et la situation des personnes qui ont été déplacées en Algérie suite aux évènements de 1991, la délégation a expliqué qu'il n'existe aucune statistique relative au déplacement de populations. Compte tenu de la dégradation de la situation sécuritaire, en particulier en 1997, il est arrivé que certaines familles aient quitté spontanément pour un temps leurs logements ou exploitations. Ce phénomène a pour ainsi dire disparu.

Expulsion des étrangers

Les migrants légalement établis en Algérie bénéficient de la protection de la loi et de la garantie des procédures au même titre que les citoyens algériens en application du principe de non-discrimination, a fait valoir la délégation. S'agissant les migrant clandestins, une fois interpellés, ils sont présentés devant le juge avant qu'ils soient expulsés. Ils peuvent donc contester devant le juge une éventuelle décision d'expulsion.

Droit à un procès équitable, garde à vue

La délégation a précisé que l'officier de police judiciaire est tenu de mettre à la disposition de la personne gardée à vue tout moyen lui permettant de communiquer immédiatement avec sa famille et de recevoir des visites. De plus, à l'expiration du délai de garde à vue, il est obligatoirement procédé à l'examen médical de la personne gardée à vue. Cet examen est effectué par un médecin de son choix et à défaut par un médecin désigné par l'officier de police judiciaire. Le certificat du médecin est joint à la procédure. Les autres mesures qui peuvent protéger les personnes contre les mauvais traitements se vérifient à travers le contrôle de l'activité des officiers de police judiciaire, le contrôle des mesures de garde à vue ainsi que la visite des locaux de garde à vue par le Procureur de la République.

Les personnes mises en cause dans une affaire pénale bénéficient de l'assistance d'un avocat dès leur présentation devant le Procureur de la République, a poursuivi la délégation. Les dernières révisions du Code de procédure pénale avaient pour objectifs de renforcer les droits de la défense au cours des différentes phases du procès pénal et notamment durant l'enquête préliminaire précédant la phase judiciaire. Concrètement cela s'est traduit par l'introduction de nouvelles dispositions ayant trait à l'obligation pour les officiers de police judiciaire d'informer le Procureur de la République, par un rapport circonstancié, de toute mesure de garde à vue et à l'obligation faite à l'officier de police judiciaire d'informer la personne placée en garde à vue des droits qui lui sont reconnus par la loi. Ainsi, le juge a l'obligation d'informer l'accusé de son droit à avoir recours à un avocat et de garder le silence jusqu'à l'arrivée de son avocat. Si cette information n'est pas respectée, le rapport d'investigation est nul et non avenu. En outre, tous les droits de la personne gardée à vue sont affichés dans tous les locaux de garde à vue.

Liberté de religion, liberté d'opinion et d'expression, liberté de réunion, liberté d'association

L'islam est la religion de l'État. S'agissant de la Commission nationale du culte, elle est placée sous la présidence du Ministre des affaires religieuses, et se compose de six membres dont un représentant de la Commission nationale consultative de la promotion et la protection des droits de l'homme. Elle a pour mission de prendre en charge les affaires religieuses et de veiller à garantir la liberté d'exercice du culte. La Commission veille au respect du culte et prend en charge les préoccupations en relation avec l'exercice du culte. Elle donne un avis préalable à l'agrément des associations à caractère religieux ainsi qu'au sujet de l'affectation des édifices à l'exercice du culte.

Sur la situation en matière de délits de presse, la délégation a souligné que, si l'on se réfère aux deux dernières années, on relèvera que beaucoup d'actions en justice dans ce domaine relèvent du droit commun et ne sont pas liées à l'exercice de la profession; que bon nombre de délits de presse n'ont pas fait l'objet de poursuites judiciaires. Par ailleurs, le nombre d'affaires enrôlées a connu une baisse, puisqu'il est passé de 20 en 2006 à 8 en 2007 pour plus de 3000 journalistes. En outre, après recours, les condamnations en première instance se sont transformées en peines légères ou en acquittements. Les journalistes dont les condamnations étaient devenues définitives à la date de la promulgation du décret présidentiel ont bénéficié de la grâce présidentielle. Cette mesure a été suivie d'une seconde à l'occasion du 44ème anniversaire de la fête nationale et de la jeunesse et qui a concerné quelque 200 journalistes.

Priée de fournir des explications sur la situation des défenseurs des droits de l'homme qui seraient harcelés et intimidés, en particulier tout récemment, pour avoir critiqué l'adoption de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, la délégation a déclaré que depuis l'adoption de la Charte, personne n'a été poursuivi pour avoir exprimé un avis ou une opinion sur ce sujet. Aussi, aucune critique contre l'adhésion quasi-unanime du peuple algérien n'a été, à ce jour, constatée et aucune entrave n'a été enregistrée contre quiconque aurait agit dans ce cadre.

Au sujet du refus d'autorisation d'une conférence de deux jours intitulée «Vérité, paix et réconciliation», qui devait se tenir le 7 février 2007, cette conférence n'a pas été autorisée en raison de sa convocation par une association locale «Djazairouna» dont le champ de compétence territoriale ne devait pas dépasser le territoire de la wilaya de son enregistrement (wilaya de Blida). Par ailleurs, la délégation a indiqué que l'interdiction des manifestations sur la voie publique à Alger est toujours en vigueur.

Priée de citer des exemples de suspension ou de dissolution d'une association sur demande de l'autorité publique ou sur plainte d'un tiers conformément à la loi du 4 décembre 1990 relative aux associations, la délégation a cité le cas de Association de bienfaisance islamique en raison de ses activités en violation des statuts de l'association et prolongement du champ de ses activités du territoire de la wilaya au territoire national. Au sujet des statistiques sur le nombre de demandes d'enregistrement d'associations, la délégation a fait état de 80 706 demandes, dont 79 023 concernent des associations locales. Le délai d'obtention de l'enregistrement est de soixante jours. Elle a indiqué que 731 demandes d'enregistrement d'associations ont été refusées; parmi les motifs de refus, la délégation a cité le fondement de l'association sur un objet contraire au système institutionnel établi, à l'ordre public, aux bonnes mœurs ou aux lois et règlements en vigueur; la non-jouissance des membres fondateurs de l'association de leurs droits civils et civiques; et la création de l'association par des membres qui ont eu une conduite contraire aux intérêts de la lutte de libération nationale.

Diffusion d'informations concernant le Pacte et le Protocole facultatif

Au cours de leurs études à l'École supérieure de la magistrature, les élèves magistrats bénéficient d'un module de formation sur les libertés publiques et les droits de l'homme qui leur est dispensé pendant 3 mois, à raison d'une heure et demi par semaine. Le principal sous thème concerne les Pactes et Conventions internationaux. Les magistrats en activité bénéficient, depuis plusieurs années déjà, d'un séminaire de formation d'une semaine sur le thème des droits de l'homme. Les sous-thèmes qui sont discutés au cours de ce séminaire concernent notamment le procès équitable, la protection des droits des détenus, ainsi que l'application par le juge des pactes et conventions ratifiées par l'Algérie. La Gendarmerie nationale et la sûreté nationale assurent également, à l'intention de leurs élèves en formation, la diffusion des principes de droits de l'homme.

Le rapport soumis à l'appréciation du Comité est un engagement conventionnel de l'État algérien, a déclaré la délégation. Sa rédaction a nécessité d'abord la contribution des départements ministériels et institutions nationales dont il incombe au premier chef la mise en œuvre des dispositions du Pacte. La Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'homme a été associée tout au long du processus à l'élaboration dudit rapport. À travers ses représentants, elle a eu à faire connaître ses points de vues sur l'ensemble des articles et à amender le rapport dans le cadre du groupe de travail de pilotage chaque fois qu'elle a senti le besoin de s'exprimer. Enfin, les médias nationaux ont rapporté que le Gouvernement algérien devait soumettre à Genève, le présent rapport à la date du 23 octobre 2007.


Observations et questions complémentaires des membres du Comité

Un membre du Comité a relevé le phénomène considérable que représenterait le déplacement de quelque 700 000 personnes. Il a demandé si ces personnes ont pu choisir leur lieu de résidence.

Un membre du Comité a estimé qu'il semble y avoir un problème s'agissant des définitions des réfugiés et des migrants clandestins.

Quels sont les droits des détenus placés en garde à vue? Comprennent-ils le droit d'être informé du chef d'inculpation?

En matière de religion, un expert a soulevé l'ambiguïté des règles instaurées afin de prévenir les dérapages et des dépassements pour préserver l'ordre public et la sécurité. Toute l'ambiguïté réside dans la définition des termes «dérapage» et «dépassement».

S'agissant de la liberté d'expression et d'opinion, un expert a relevé que ces droits ne sont pas absolus, de même que leur organisation. Les journalistes sont exposés à des peines pénales sévères, a également relevé cet expert. Deux cents journalistes auraient été innocentés à la suite de poursuites. Ce chiffre soulève la question de la pratique de ce métier et de l'environnement dans lequel ce métier est exercé.

Un membre du Comité aimerait recevoir de plus amples informations au sujet de la situation des défenseurs des droits de l'homme et du droit de rassemblement pacifique. À ce sujet, il semblerait que la police ait agressé un rassemblement pacifique des membres d'une association sur les disparitions forcées.

Au sujet de la liberté d'expression, un expert a tenu à faire de nouveau observer à la délégation que la Charte pour la paix et la réconciliation nationale interdit de parler du problème des disparitions. Un autre expert a pour sa part relevé le problème de la définition de la diffamation, qui est lourdement punie.

Un membre du Comité a souhaité connaître la situation des homosexuels et voulu savoir, en particulier, s'ils sont victimes de discrimination.

Un membre du Comité a par ailleurs souhaité des précisions sur la législation relative au droit d'asile.

Un membre du Comité a souhaité savoir s'il était possible que des délits commis par des militaires soient traités par la justice militaire et, si tel est le cas, ces militaires bénéficient-ils alors des même garanties que les personnes jugées au civil ?

L'Algérie devrait reconnaître qu'il est important que les détenus puissent communiquer avec leur famille.

Si l'Algérie n'a pas une loi précise sur la liberté de la presse comment les journalistes peuvent-ils faire, a estimé un expert. L'Algérie devrait réfléchir à d'autres manières pour cultiver l'éthique journalistique.

La question de l'état d'urgence continue de préoccuper le Comité, a rappelé un expert. Il est indispensable que l'article 4 du Pacte soit appliqué, c'est-à-dire que les mesures prises en situation d'urgence ne soient pas incompatibles avec les autres obligations imposées par le droit international et qu'elles n'entraînent pas une discrimination fondée uniquement sur la race, la couleur, la langue, la religion, etc.


Réponses de la délégation algérienne aux questions complémentaires du Comité

Au sujet du nombre de personnes déplacées, la délégation a indiqué que les informations fournies portent sur la période 1999-2006, soit après les grandes migrations, c'est donc pour cela que le rapport ne parle que de quelques familles déplacées et non d'un mouvement massif.

S'agissant des migrants, ces dernières années, en raison de problèmes économiques et politiques dans des pays frontaliers, l'Algérie a été confrontée à d'énormes mouvements de populations qui transitaient via l'Algérie vers le Maroc, a expliqué la délégation. Mais à la fermeture des frontières marocaines, l'Algérie s'est retrouvée avec plus de 2000 migrants illégaux sur son sol. Ces populations ont alors été installées dans des camps dans le sud-ouest de l'Algérie. Certaines personnes ont été rapatriées en avion dans leur pays d'origine. Il a fallu ensuite trouver, avec l'aide du Haut Commissariat pour les réfugiés, des pays de réinstallation pour les personnes qui ont obtenu le statut de réfugié. Le HCR a eu des difficultés pour trouver des pays d'accueil. Certains pays, comme la Nouvelle-Zélande ou l'Australie, ont accepté, mais ce processus n'est toujours pas terminé.

En ce qui concerne la liberté de religion, il n'existe en droit aucun interdit à la conversion, a assuré la délégation. L'Algérie réaffirme la liberté de religion. Toutefois, la question de conversion demeure en Algérie un problème d'ordre public à l'égard en particulier des mouvements fondamentalistes.

Au sujet des articles 45 et 46 de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, personne, depuis l'adoption de la Charte, n'a été inquiété pour avoir exprimé ses points de vue. Cette Charte est un modèle de justice transitionnelle. L'Algérie a été confrontée à une opposition formée de bandes terroristes. Les forces de sécurité se sont alors trouvées aux premières loges dans un combat auquel elles n'étaient pas préparées et elles ont eu des difficultés à s'adapter à cette situation. La prolifération du terrorisme ne peut pas être expliquée par le déficit de démocratie. Le terrorisme a utilisé l'Algérie comme terrain d'expérimentation, a estimé la délégation.

Répondant à des questions sur la garde à vue, la délégation a indiqué que toute personne gardée à vue est informée de ses droits par l'officier de police judiciaire. Ces droits concernent la durée de la garde à vue, le droit pour la personne gardée à vue de communiquer avec sa famille et le droit de se faire examiner par un médecin de son choix. La copie intégrale de ces droits est affichée dans tous les locaux de garde à vue. L'officier de police judiciaire doit également faire connaître à la personne arrêtée les faits pour lesquels elle est arrêtée. Les chefs d'inculpation sont notifiés au moment de la présentation de la personne gardée à vue devant la justice. En outre, le droit de garder le silence n'est pas reconnu par la loi mais la personne n'est, bien entendu, pas obligée de parler. Par ailleurs, elle peut contester le procès verbal en refusant de le signer. Au sujet de l'assistance de l'avocat au cours de la garde à vue, cette question fait actuellement l'objet de réflexion par une commission chargée de la révision du Code de procédure pénale. Les avis sont partagés entre la nécessité de renforcer les garanties de la personne gardée à vue et la nécessité de ne pas gêner les investigations, surtout dans les affaires graves comme le terrorisme.

Répondant à une question sur les amnisties ou les grâces prononcées à l'égard de 200 journalistes, la délégation a expliqué que parmi les deux cents condamnations, il n'y avait que 26 condamnations à des peines de prison et seulement deux ou trois journalistes ont été effectivement emprisonnés. Ces chiffres concernent la période 2001-2007. En outre, les peines de prison étaient d'une durée maximale de six mois.
Un certain nombre de journalistes a été poursuivi par les tribunaux pour diffamation. Les journalistes sont tenus de respecter les lois et certains journalistes peuvent porter atteinte à l'honneur et à la considération des personnes. 87 % des plaintes en diffamation émanent de particuliers. Que doit faire la justice dans ces cas, a demandé la délégation. Il y a un véritable problème pas souvent compris par les journalistes et les défenseurs des droits de l'homme. Mais le juge est tenu de faire droit à une plainte d'une victime, de l'instruire et de lui donner les suites imposées par la loi. Ni les pouvoirs publics, ni la justice ne veulent réduire les droits de la liberté d'information. Par conséquent, le journaliste doit trouver le juste équilibre entre le respect du droit à l'honneur et à la réputation d'autrui avec le droit à la liberté d'expression. Par ailleurs, la délégation a déclaré que la presse algérienne bénéficie d'une réelle liberté de ton et de nombreuses erreurs ne font pas l'objet de condamnations.

Au sujet de la manifestation non autorisée du 22 septembre 2005 à Constantine, cette manifestation a voulu empêcher le bon déroulement d'un meeting du Chef de l'État dans le cadre du projet sur la Charte pour la paix et la réconciliation nationale. Les personnes interpellées par la police ont toutes été relâchées quelques heures après leur interpellation intervenue dans le strict respect de la loi et de la réglementation en vigueur pour éviter les troubles à l'ordre public.

À une question sur l'homosexualité en Algérie, la délégation a expliqué que ce phénomène est méconnu de la société algérienne.

La délégation a affirmé que la promulgation de l'État d'urgence s'est faite conformément à la doctrine du Comité, sur une base constitutionnelle, avec une publicité et dans la proportionnalité des menaces. Toutes les mesures adoptées pour l'état d'urgence ont été levées, tels que le couvre-feu et les cours spéciales. En outre, les perquisitions et les opérations de police judiciaire sont redevenues dans le cadre du droit commun. Ainsi, seules les opérations de police demeurent confiées à l'armée. Par ailleurs, l'Algérie a connu un cycle de consultations pour les élections présidentielles, législatives et locales. Ainsi, l'Algérie ne considère pas que l'état d'urgence constitue un handicap pour la poursuite du processus démocratique.

Au sujet de la liberté de presse, l'accès des journalistes à l'information est régi par la loi de 1990. Dans la pratique, c'est une opération qui relève des relations de presse. Pour améliorer ces relations, des séminaires de formation sont prévus pour l'ensemble des services de communication des pouvoirs publics.

Observations préliminaires

Présentant des observations préliminaires sur la mise en œuvre du Pacte en Algérie, le Président du Comité, M. RAFAEL RIVAS POSADA, a remercié l'Algérie pour avoir facilité le dialogue avec le Comité et a salué les progrès en matière de peine mort, et notamment la réduction du nombre de délits passibles de la peine de mort.

Par ailleurs, le Président a déclaré que des questions méritent encore toute l'attention du Comité, notamment le statut du Pacte dans la législation interne. À ce sujet, le Comité a relevé que l'affirmation de la délégation que, dans certains cas, les dispositions du Pacte peuvent être invoquées devant les tribunaux, mais le Comité aimerait avoir des exemples précis. Au sujet de la condition de la femme, les commentaires du Comité sont essentiellement liés à des pratiques traditionnelles, a noté le Président. Des problèmes demeurent sur les questions du mariage, du divorce et de la polygamie.

En matière de liberté d'expression, le Comité est préoccupé de voir qu'il existe des délits emportant des sanctions sévères pour les actes de calomnie, d'insultes ou d'outrages. Au sujet de la liberté d'association, le Comité relève encore des problèmes importants car les manifestations publiques dans la capitale sont toujours interdites au motif des conditions de sécurité. Le plein exercice de la liberté d'association et de manifestation s'en trouve donc fortement entravé, a estimé le président du Comité. Enfin, l'interdiction d'activités politiques préoccupe également le Comité car cette interdiction nourrit des excès inacceptables qui sapent des droits essentiels des citoyens en termes d'expression politique, a conclu le président.

Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

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