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LE COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE LE RAPPORT DE LA LIBYE

Compte rendu de séance

Le Comité des droits de l'homme a examiné, hier après-midi et ce matin, le quatrième rapport périodique présenté par la Jamahiriya arabe libyenne sur la mise en œuvre des dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

À l'issue de l'examen du rapport, le Président du Comité, M. Rafael Rivas Posada, a notamment relevé des défaillances qui continuent de constituer un sujet de préoccupation pour le Comité; il s'agit notamment des châtiments corporels, de l'amputation pour certains crimes et de la discrimination à l'encontre des femmes s'agissant des aspects fondamentaux de leurs droits. Le Comité présentera, à la fin de la session, ses observations finales concernant la Libye.

Présentant le rapport de son pays, M. Mahmoud Abuseif, Chef de la section des droits économiques, sociaux et culturels du Département des organisations internationales du Comité général du peuple pour les affaires étrangères et la coopération internationale, a indiqué que la Grande Charte verte des droits de l'homme permet à tout individu d'exercer ses droits et ses libertés fondamentaux internationalement reconnus. Il a assuré que le système judiciaire est totalement indépendant. Au sujet de la peine de mort, M. Abuseif a affirmé qu'elle ne peut être appliquée que dans des circonstances exceptionnelles. La loi interdit tout type de torture et de traitements dégradants ou inhumains, a fait valoir le chef de la délégation. Il a aussi déclaré que les hommes et les femmes sont égaux dans la jouissance de tous les droits.

La délégation libyenne était également composée de M. Abdelhafiz Derbi, du Comité général du peuple pour le travail, la formation et l'emploi; de Mme Hasnia Markus, de la Mission permanente de la Libye auprès des Nations Unies à Genève; de M. Faiza El Basha, du Département des affaires sociales au Congrès général du peuple; de M. Al Feituri Attumi, du Comité général du peuple pour la santé et l'environnement; de M. Abdelhakim Zamouna, du Comité général du peuple pour l'éducation supérieure; de M. Abdelrahman Al Jetlawi, de la Sécurité sociale; de M. Adel Al Majdoub, du Comité général du peuple pour la justice; et de M. Issa Abusseta, du Département des affaires juridiques et des traités du Comité général du peuple pour les affaires étrangères et la coopération internationale.

La délégation a répondu aux questions de membres du Comité s'agissant notamment du statut accordé au Pacte dans la hiérarchie des textes juridiques, du recours à la flagellation et à l'amputation, de la violence à l'égard des femmes, de l'application de la peine de mort, de la situation des réfugiés et des demandeurs d'asile, de la lutte contre le terrorisme, de la situation des personnes disparues, des conditions de détention des infirmières bulgares et du médecin palestinien récemment libérés, de la durée de la détention provisoire et des droits des enfants.


Le Comité entamera demain matin, à 10 heures, l'examen du quatrième rapport périodique de l'Autriche (CCPR/C/AUT/4).


Présentation du rapport

M. MAHMOUD ABUSEIF, Chef de la section des droits économiques, sociaux et culturels du Département des organisations internationales du Comité général du peuple pour les affaires étrangères et la coopération internationale de la Libye, a assuré que son pays est conscient que pour appliquer les principes de la Déclaration universelle des droits de l'homme, il faut que chaque individu puisse jouir librement de tous ses droits civils et politiques, mais aussi de ses droits économiques, sociaux et culturels. Le fait de priver la personne de ses droits a, outre des conséquences sur sa propre personne, des conséquences négatives pour toute une société.

Le peuple libyen est convaincu que tout individu doit pouvoir exercer ses droits et ses libertés fondamentales internationalement reconnus, a poursuivi M. Abuseif. Ceci a été consacré dans la Grande Charte verte des droits de l'homme. La citoyenneté en Libye est un droit sacré pour chaque Libyen. Les hommes et les femmes sont égaux devant la loi. Les citoyens ont la possibilité de se réunir en syndicats et autres groupes. Le système judiciaire est totalement indépendant. Le logement et le travail sont des droits reconnus à tous. Au sujet de la peine de mort, elle ne peut être appliquée que dans des circonstances exceptionnelles. La prison est réservée à ceux qui constituent un danger pour les autres. La loi interdit tout type de torture, de traitements dégradants ou inhumains, ainsi que toute ingérence dans la vie privée. La propriété privée est un droit sacré.

Le droit des femmes et des enfants fait partie inhérente des droits humains, a déclaré M. Abuseif. Les femmes doivent pouvoir participer au mouvement de l'édification de la nation et du développement. Des femmes libyennes sont présentes dans la vie politique et judiciaire. La législation protège aussi les enfants, qui ont accès gratuitement à l'enseignement et aux soins de santé, a ajouté le représentant libyen.

S'agissant des droits de succession, le Coran prévoit clairement que la part des hommes est le double de celles des femmes, a rappelé M. Abuseif, qui a précisé que la différence entre les parts repose sur la philosophie islamique; tout dépend de la relation entre la personne décédée et la personne qui hérite. Le poids financier est la seule différence entre la femme et l'homme mais ceci n'est pas une forme de discrimination à l'égard de la femme, bien au contraire.

Le quatrième rapport périodique de la Jamahiriya arabe libyenne (CCPR/C/LBY/4) souligne que la Grande Charte verte des droits de l'homme et la Proclamation constitutionnelle énoncent des principes nobles qui orientent la politique législative. Elles ont été intégrées dans la loi n°20 de 1991 relative à la promotion de la liberté, considérée comme une sorte de loi fondamentale. Une loi fondamentale a force constitutionnelle et se situe au sommet de la hiérarchie des lois. Cette loi ne peut donc être violée car elle garantit le respect des droits de l'homme et des libertés, y compris des droits civils et politiques reconnus dans le Pacte. Au sujet des allégations d'exécutions extrajudiciaires, arbitraires ou sommaires ainsi que d'arrestations et de détentions arbitraires fréquentes, la Libye est un État régi par la primauté du droit, où il n'est pas possible d'infliger une peine sans se référer à la loi. La peine capitale ne peut être appliquée que pour les crimes les plus graves. La Libye a élaboré un projet de code pénal visant à réviser les dispositions relatives aux châtiments corporels (peine de mort) et à la peine privative de liberté. Ce code réduirait le champ d'application de la peine de mort qui serait réservée aux personnes dont l'existence représente une menace pour autrui. Les membres de la société jamahiriyenne condamnent l'application de la peine capitale par des méthodes répréhensibles, telles que la chaise électrique, les injections létales ou l'emploi de gaz toxique.

Aucune disposition de la Grande Charte verte des droits de l'homme ou de la loi relative à la promotion de la liberté ne porte atteinte à la liberté et à la dignité humaines. En effet, ces deux textes reconnaissent ces droits pour la première fois en demandant l'abolition de la peine de mort. Compte tenu de la gravité de la peine de mort, la loi prescrit cette peine uniquement pour les crimes les plus graves et prévoit, pour les condamnés, des garanties fondamentales compatibles avec les instruments internationaux pertinents. Ces garanties sont énoncées dans le Code de procédure pénale. En outre, le Code libyen de procédure pénale interdit la condamnation à mort de femmes enceintes ou allaitant et aux personnes de moins de 18 ans. Dans ses observations, le Comité des droits de l'homme exprime de sérieux doutes quant à l'indépendance de la magistrature et à la liberté des avocats. Cette observation est déplacée, parce que la législation reconnaît explicitement l'indépendance des instances judiciaires. La fonction de contrôle judiciaire exercée par l'Inspection ne constitue pas une ingérence dans les jugements. S'agissant de la liberté des avocats, pour garantir aux pauvres l'accès à une assistance d'un conseil, la Libye a créé un bureau des avocats du peuple qui fournit une assistance gratuite à quiconque en fait la demande. La Libye a également aboli le Tribunal de sécurité révolutionnaire et le Tribunal populaire.

Le rapport note aussi que le fait que l'islam soit la religion d'État n'empêche pas les adeptes d'autres confessions d'exercer leur droit de culte tel qu'il est garanti par le droit libyen. Le Code pénal libyen garantit le respect de la personne humaine et il interdit toutes formes de torture physique et mentale, sans faire de distinction entre les hommes et les femmes. S'agissant des violences domestiques, il n'est pas nécessaire d'ériger en infraction l'agression ou le viol commis par un mari étant donné que la législation actuelle offre déjà une protection adéquate car la loi accorde aux femmes le droit de demander le divorce pour préjudice. S'agissant de l'observation du Comité des droits de l'homme selon laquelle les Libyens n'ont pas connaissance de leur droit d'invoquer le Protocole facultatif se rapportant au Pacte, la Libye souligne que la teneur même de ce paragraphe prouve que les citoyens libyens ont conscience de leurs droits civils et politiques. L'absence de communications émanant des citoyens nous amène à une conclusion logique tout autre que celle avancée par le Comité, à savoir qu'il n'y a eu aucune violation du Pacte. C'est la conclusion logique qui peut être tirée de l'analyse des rares plaintes qui ont été présentées.


Renseignements complémentaires fournis par la délégation libyenne

La délégation a ensuite répondu à une liste de questions préalablement adressée à la Libye (CCPR/C/LIB/Q/4).

Cadre constitutionnel et juridique de l'application du Pacte; égalité hommes-femmes

La délégation a indiqué que les dispositions du Pacte sont également des dispositions de la loi libyenne depuis plus de mille ans. Ces lois sont donc compatibles avec le Pacte tant qu'elles sont en accord avec la charia. La délégation a ajouté que le système judiciaire garantit le droit de tout individu à un procès équitable.

Le législateur libyen a prévu des sanctions très lourdes dans les cas de violences faites aux femmes (article 398 de la Constitution), a indiqué la délégation. D'autres articles incriminent tout type de viol et interdisent la prostitution et toute forme d'enlèvement en vue d'un mariage.

La loi n°70 de 1973 sur l'adultère s'inspire du Coran, a poursuivi la délégation, qui a précisé que la liberté de conviction n'autorise nullement l'adultère dans la société. Les femmes et les jeunes filles ne subissent pas de tests de virginité sauf dans des cas de viols. Les centres de réhabilitation sociale ne sont pas des centres de détention mais des centres d'accueil, a par aillursprécisé la délégation.

En matière de divorce, la loi n°10 de 1984 sur le mariage et le divorce prévoit l'égalité des droits pour les femmes, a fait valoir la délégation. Si elles sont abandonnées ou si elles font l'objet de violence elles peuvent demander le divorce.

Mesures de lutte contre le terrorisme; droit à la vie; interdiction de la torture et des traitements cruels, inhumains ou dégradants; situation des réfugiés

Les lois actuelles s'inscrivant dans le cadre de la lutte contre le terrorisme figurent au premier chapitre du Code pénal, a indiqué la délégation. Toutes formes de violence privée et collective, ainsi que le terrorisme d'État sont incriminés. Il n'existe toutefois pas de définition du terrorisme. La communauté internationale a d'ailleurs besoin d'une définition du terrorisme car chaque État a une idée différente du terrorisme.

La délégation a expliqué que la peine de mort n'est exécutée que dans les cas de meurtres prémédités. Pour ce qui est des autres délits passibles de la peine de mort, un projet d'amendement du Code pénal est encore à l'étude. Toutefois, la Libye n'a pas l'intention d'abolir la peine de mort, a précisé la délégation.

La qisas (loi du talion) et la diyah (prix du sang) sont deux éléments de la réglementation relative à l'application de la peine capitale, qui renvoient à la charia.

Au sujet d'allégations d'exécutions extrajudiciaires, arbitraires ou sommaires, et de personnes maintenues en détention sans être inculpées, la délégation a tenu à souligner que la Libye est un État de droit et que nul ne peut être puni sans procès. Les tribunaux sont seuls habilités à décider d'une sanction. Aucune exécution ne s'est faite sans décision judiciaire, a assuré la délégation. En ce qui concerne la surveillance du traitement des personnes incarcérées, l délégation a indiqué que les prisons et ceux qui en ont la charge sont sous le contrôle de l'autorité judiciaire. Le procureur général peut traiter des plaintes déposées par des détenus au sujet de cas de torture, qui appelle des sanctions pénales. Il y a un contrôle et des inspections de la part du Comité général du peuple pour la justice.

S'agissant de la question de la flagellation et de l'amputation, la délégation a souligné que ces peines sont prévues pour des délits spécifiques: l'adultère et le vol. Cela provient de la charia islamique, qui est la base de la loi libyenne.

En réponse à une question sur la situation des réfugiés, la délégation a expliqué qu'il n'existe pas de lieux de détention pour requérants d'asile entrant sur le territoire libyen. Un Comité s'occupe de l'octroi de l'asile. Les personnes retenues sont des clandestins sans papiers entrés sur le territoire.


Observations et questions complémentaires des membres du Comité

Plusieurs membres du Comité ont souligné la brièveté du rapport et des réponses de la délégation, rendant le travail du Comité très difficile. Des informations plus précises seraient donc souhaitables.

Un membre du Comité a demandé des informations précises sur les points suivants. Est-ce que la législation nationale respecte les dispositions du Pacte que la Libye a ratifié sans aucune réserve? Quel est le degré d'harmonisation entre la législation nationale et le Pacte, notamment au sujet de l'héritage? La qisas et la diyah sont-ils compatibles avec les dispositions du Pacte? Le Pacte occupe-t-il la même place que la Constitution dans l'ordre juridique national et quelle est la valeur juridique accordée au Pacte? Quel est le statut accordé au Pacte dans la hiérarchie des autres textes juridiques? Un plaignant peut-il invoquer le Pacte devant un tribunal?

Au sujet de la disparition de Youssef El Megreisi, arrêté en 1989 et au sujet duquel une plainte a été déposée en 1990, la Libye n'a apporté aucune explication à cette situation. Le Comité aimerait être informé à ce sujet. L'État doit au moins procéder à une enquête. Le Comité ne peut se satisfaire d'une déclaration qui indique qu'il n'y a pas d'informations disponibles.

Des membres du Comité ont souligné avec inquiétude la persistance des pratiques de la flagellation et de l'amputation. En l'absence de réserve formulée sur ce point par la Libye, le Comité est donc en présence d'une violation flagrante du Pacte car ces pratiques entrent dans le cadre de traitements inhumains et dégradants. Le Code pénal est en cours de révision, ceci depuis quelques années maintenant. Quand ce processus de remaniement du Code pénal sera-t-il terminé et est-ce que ce type de peines contraires au Pacte sera supprimé?

Un membre du Comité s'est dit préoccupé par la manière dont la violence à l'égard des femmes est traitée par le système libyen. L'affirmation selon laquelle il n'est pas nécessaire d'ériger en infraction un viol commis par un mari est grave. Des statistiques sur les cas de violences familiales seraient les bienvenues, en particulier sur le nombre de poursuites et de condamnations. Quelles sont les conditions de détention des femmes dans les centres de réhabilitation sociale, a par eilleurs demandé l'expert? Il semblerait que les femmes n'ont pas la possibilité de demander réparation devant les tribunaux et seraient privées de leur liberté de mouvement. Comment la Libye explique-t-elle ces pratiques?

Un autre membre du Comité a demandé s'il était vrai que des femmes peuvent être détenues pour être protégées et qu'elles pouvaient être contraintes de subir des tests de virginité?

Au sujet de la peine de mort, les informations ne sont pas satisfaisantes, a déclaré un expert qui a noté que la délégation a indiqué que la Libye n'a pas l'intention d'abolir la peine de mort. La Libye envisage-t-elle de ratifier le deuxième Protocole facultatif du Pacte?

Il semblerait que de nombreux réfugiés et demandeurs d'asile, en particulier en provenance d'Érythrée, feraient l'objet de mauvais traitements pendant leur détention avant leur expulsion. En outre, selon le Haut Commissariat pour les réfugiés, la Libye compte 2000 réfugiés, dont un quart seulement est inscrit auprès du HCR, ce qui semble indiquer que les réfugiés ne jouissent pas de toute la protection voulue. La Libye devrait adopter une structure normative pour protéger ces personnes persécutées qui demandent asile.

Un membre du Comité a félicité la Libye pour son intention de lutter contre le terrorisme. Toutefois, le projet de Code pénal pose quelques problèmes en ce qui concerne sa compatibilité avec le Pacte, notamment l'utilisation de la force et de la menace. En l'absence d'une définition précise du terrorisme, des définitions vagues ouvrent la porte à toutes sortes d'actions incompatibles avec les droits de l'homme, par exemple avec le droit d'association. La Libye envisage-t-elle donc d'inclure dans ses textes de loi une définition précise du terrorisme, plutôt que de vagues références?

Un membre du Comité a fait part d'allégations selon lesquelles des individus ont été restitués à la Libye en provenance d'autres pays. Des personnes ont été arrêtées en Afghanistan et sont maintenant en détention en Libye. Quel est le sort de ces personnes?

Un autre expert a dit regretter qu'aucune statistique n'ait été fournie concernant les personnes disparues, les cas d'exécutions extrajudiciaires, arbitraires ou sommaires, ou encore les personnes maintenues en détention sans être inculpées ou jugées au cours des cinq dernières années. Selon Human Rigths Watch, 258 personnes seraient détenues au secret et certaines d'entre elles seraient décédées dans des conditions particulières. Un membre du Comité a également évoqué la disparition en 1993 en Égypte d'un ancien représentant libyen de la Mission permanente de la Libye auprès des Nations Unies qui avait été démis de ses fonctions suite à ses engagements en faveur des droits de l'homme et qui avait été contraint à l'exil.

Il semble qu'il n'y ait pas d'adéquation entre la norme internationale et la norme nationale, a observé un membre du Comité. En outre, la Libye n'a pas évoqué le souhait de corriger ce déséquilibre.

Au sujet de la situation des infirmières bulgares et du médecin palestinien, ceux-ci s'étaient plaints d'avoir subi des actes de torture pour obtenir des aveux, a relevé un expert. Est-il exact qu'à leur libération, ils auraient signé un document dans lequel ils renoncent à toute poursuite judiciaire contre la Libye pour torture. Un membre du Comité a demandé si cela est vrai et, dans l'affirmative, comment on pouvait concilier la compatibilité d'un tel document avec l'article 2 du Pacte, qui garantit un droit de recours?

Suite à une objection de la délégation face à certaines questions posées par le Comité, plusieurs membres du Comité ont rappelé l'importance pour les États parties de fournir des réponses aux préoccupations des membres du Comité afin, notamment, de dissiper des malentendus et éviter que le Comité n'adopte des conclusions par trop sévères. Un dialogue ouvert constitue la base de la méthode de travail du Comité afin d'aider les États à mettre en œuvre leurs obligations, ont fait valoir des membres du Comité.

À cet égard, un membre du Comité a tenu à expliquer que l'amputation est considérée par le Comité comme étant incompatible avec le Pacte, quel que soit le crime pour lequel ce châtiment est prévu par la justice libyenne.

Un membre du Comité a demandé des informations complémentaires sur les procédures d'arrestation de personnes présumées coupables d'actes de terrorisme.


Réponses de la délégation libyenne aux questions complémentaires du Comité

La délégation a fait valoir que la Libye a ratifié tous les instruments internationaux dans le domaine des droits de l'homme. Ils font maintenant partie des lois appliquées par les tribunaux et peuvent être invoqués devant les tribunaux.

Au sujet de l'amputation récente de cinq Libyens mentionnée par des membres du Comité, il s'agit de voleurs de grands chemins qui participaient à des actes à main armée et cela entre dans le cadre du terrorisme puisqu'il s'agit de menaces, d'abus et de contraintes. Ces personnes terrorisaient leurs victimes. Il ne s'agit donc pas de simples vols de voitures.

En ce qui concerne l'ancien représentant libyen qui aurait disparu en Égypte, la délégation a indiqué qu'il lui fallait demander davantage de renseignements au sujet de cette personne.

S'agissant de cinq Libyens transférés d'Afghanistan en Libye, ces personnes n'ont pas été ramenées sous la contrainte, a assuré la délégation.

Les réfugiés d'Érythrée arrêtés ne sont pas des réfugiés politiques mais des clandestins car ils sont entrés de manière illégale en Libye, a souligné la délégation. La réglementation nationale doit être respectée. Ces personnes sont des immigrés illégaux. Chaque pays peut exiger d'un étranger qu'il respecte le droit interne. La délégation a toutefois précisé quel accord un statut particulier aux ressortissants de l'Union africaine.

Les lois libyennes ne sont pas incompatibles avec le Pacte, mais la Libye est un pays islamique et il n'est pas possible d'aller contre la charia. La Libye ne peut pas tolérer la critique qui insinue que la Libye ne respecte pas ses obligations, a déclaré la délégation.

Les centres d'accueil pour les femmes, les adolescents, les jeunes hommes ou encore les personnes âgées sont des institutions sociales, a par ailleurs indiqué la délégation. Il ne s'agit pas de centres de détention. Ces centres s'occupent des femmes qui n'ont pas de moyens ou de femmes accusées de délits et qui sont là suite à des décisions de justice. Il convient donc de tenir compte de la situation de ces femmes. Mais cela n'a rien à voir avec des prisons, a précisé la délégation. Les femmes sans moyens viennent dans ces centres de leur propre gré. Certaines femmes sont là car elles ont perdu le chef de famille et qu'elles n'ont pas de moyens financiers. C'est donc dans le respect de la femme et le maintien de sa dignité afin qu'elle ne souffre pas d'abus qu'elles sont placées dans ces centres. Pour les femmes qui y sont placées sur décision de justice, ces centres font en quelque sorte office de lieu de détention provisoire. Des jeunes filles pour lesquelles les tribunaux ont estimé qu'elles vagabondaient dans la rue sont également placées dans ces centres.

Au sujet des allégations de torture à l'égard des infirmières bulgares et de l'éventuelle signature d'un document pour ne pas porter plainte, il n'a pas été fait mention de torture au cours de leur procès, a constaté la délégation, qui a relevé que des allégations n'ont été faites qu'après leur libération.
Une femme peut demander le divorce sans invoquer de motif, a souligné la délégation. Si une femme est victime de violence, elle est protégée, tout comme un homme, a ajouté la délégation. Après enquête, il n'existe pas d'obstacle à l'initiation de poursuites.

La loi sur la qisas et la diyah viennent de la charia islamique qui est compatible avec le Pacte. En outre, la charia va parfois même au-delà du Pacte. Ainsi, elle établit des droits pour le fœtus. La diyah prévoit une réparation en remplacement de l'exécution de la peine capitale pour le coupable. Les proches de la victime peuvent donc demander à ce que la peine capitale ne soit pas appliquée et demander une indemnisation civile.

Lorsque la Libye a adhéré au Pacte, elle a adopté un décret donnant le même pouvoir et le même statut au Pacte que toute législation interne.

La torture des détenus est interdite, a assuré la délégation. Tout fonctionnaire qui pratique la torture contre des détenus sera sanctionné.

Répondant à des questions au sujet de la lutte contre le terrorisme, la délégation a indiqué qu'il n'existe pas de législation d'ensemble de lutte contre le terrorisme car il n'existe pas de définition exacte du terrorisme. Toutefois, des lois connexes permettent de lutter contre des actes terroristes, comme une loi sur les gangs, la loi contre le vol à main armée, etc.

Les femmes libyennes sont émancipées et peuvent se promener comme elles le souhaitent, a fait valoir la délégation. Aucune loi ne leur interdit de circuler ou de voyager librement.

La délégation a déclaré qu'il fallait en effet qu'un esprit de dialogue s'instaure pour obtenir des résultats plus positifs. Elle a déclaré ne pas avoir été gênée par les questions mais par les jugements préconçus de certains membres du Comité qui ont dit que la Libye ne s'était pas acquittée de ses obligations relatives à la présentation des rapports périodique.

Au sujet des châtiments corporels, l'amputation est appliquée pour des bandes armées qui sont en fait des bandits de grands chemins dans les zones désertiques du pays. L'amputation ne s'applique pas à des personnes qui volent à l'étalage ou même une voiture; ces derniers sont passibles de prison seulement, a assuré la délégation. Si une voiture est volée sans recours à une arme, la punition ne sera que la détention. En revanche, s'il y a utilisation d'une arme, c'est un délit qui fait alors l'objet d'une autre qualification.


Suite des renseignements complémentaires fournis par la délégation libyenne

Sécurité de la personne et droit de ne pas faire l'objet d'une détention arbitraire; droit à un procès équitable

Reprenant ses réponses à la liste de questions qui lui ont été adressées au préalable, la délégation libyenne a déclaré que la procédure pénale libyenne prévoit les garanties nécessaires pour l'accusé afin de prévenir une détention arbitraire. Toutes les garanties nécessaires sont également données s'agissant de la durée de la détention provisoire et l'isolement en prison. La loi judiciaire du peuple permet à l'accusé de nommer un avocat privé ou public de son choix.

L'Inspection judiciaire a pour mandat d'inspecter tout l'appareil judiciaire et de faire en sorte que des résultats soient obtenus, a indiqué la délégation. Il s'occupe aussi des plaintes et de toutes les procédures adoptées par l'appareil judiciaire, ainsi que de l'application des lois. L'Inspection judiciaire est exercée par des juges de Cour d'appel. L'appareil judiciaire est tout à fait indépendant. Ainsi, les juges ne peuvent pas être limogés sauf pour des mesures disciplinaires.

Le Haut Conseil judiciaire a présenté, en août 2007, une décision portant création de tribunaux qui peuvent traiter des questions de lutte contre la drogue et contre les crimes économiques. Il existe un Conseil spécial contre le trafic. Les tribunaux spéciaux sont remaniés: les décisions ont été prises conformément aux principes de procès équitable.

Liberté de pensée et d'expression; liberté d'association

Chaque citoyen a le droit d'exprimer son opinion et sa pensée dans le cadre de réunions ou dans les médias à condition qu'il n'en abuse pas et qu'il n'y ait pas violation du droit d'autrui, a indiqué la délégation.

La Libye est en train de réexaminer la loi sur la création des groupes afin de garantir les droits d'association. Si une demande est refusée, un recours devant les tribunaux est possible.


Observations et questions complémentaires des membres du Comité

Un membre du Comité a demandé des informations détaillées sur la durée de la détention provisoire, car il semble qu'aucun délai précis ne soit prévu. La liberté sous caution est-elle également possible pour les prévenus?

Un membre du Comité a relevé que, selon certaines informations, 258 personnes seraient détenues au secret en Libye, rappelant qu'une telle pratique est une atteinte au Pacte. Une personne qui a critiqué le gouvernement serait détenue depuis mars 2004, mais personne ne sait où elle se trouve. Un membre du Comité a demandé des explications à ce sujet.

Au sujet des punitions collectives pour les crimes d'honneur, il est décevant de voir que cette norme n'a pas été suspendue, a déclaré un membre du Comité.

Un membre du Comité a déclaré qu'il semblerait que les enfants nés hors mariage sont, dans les faits, victimes de discrimination. Quelles sont les mesures prévues pour modifier cette attitude sociale? Le 16 septembre 2007, des enfants nés de mères libyennes mais de pères expatriés auraient été exclus de la salle de classe. Enfin, en ce qui concerne les violations des droits de l'homme à l'égard des personnes appartenant à la communauté amazighe, quelles sont les mesures prises pour que les enfants de cette communauté soient traités sur un pied d'égalité avec les autres enfants?

Un membre du Comité a souhaité connaître le nombre de prisonniers toujours détenus suite à des jugements prononcés par les tribunaux populaires - supprimés en janvier 2005. Selon la délégation, les affaires jugées par les tribunaux populaires ne sont pas révisées car leurs jugements seraient compatibles avec les droits de l'homme. Dans ce cas, pourquoi les tribunaux populaires ont-ils été abolis, a demandé un autre membre. La différence entre tribunaux spéciaux et spécialisés n'est également pas claire.

Des informations ont également été demandées au sujet des prisonniers politiques et les critères applicables pour leur libération.

Un expert a souhaité connaître l'organe compétent pour diffuser l'information sur le rôle du Comité des droits de l'homme.


Réponses de la délégation libyenne aux questions complémentaires du Comité

Il existe une différence entre tribunaux spéciaux et tribunaux spécialisés. Les premiers sont des tribunaux ad hoc mis en place dans des cas spécifiques. Les autres s'occupent d'affaires particulières pour alléger les affaires des tribunaux ordinaires.

Les enfants nés hors mariage ne sont pas discriminés, en droit et en pratique. Au sujet des enfants qui n'auraient pas été acceptés à l'école, cette allégation est également fausse, a déclaré la délégation.
Au sujet de la liberté d'association, la délégation a notamment expliqué qu'il existe une différence entre les syndicats et les associations professionnelles. La création de syndicats est autorisée. La Libye est un État qui prend très au sérieux les syndicats. Une loi a même été spécialement adoptée à ce sujet. Toutes les dispositions visant à restreindre la liberté d'association ont été supprimées. Le droit d'association est donc garanti. La loi ne prévoit aucune contrainte pour l'enregistrement des syndicats.

Le Code du travail est en cours de révision au regard des conventions de l'Organisation internationale du travail que la Libye a ratifiées, a par ailleurs indiqué la délégation.

La liberté d'expression est garantie en Libye, a indiqué la délégation. Tout citoyen a la possibilité de recourir aux Comités du peuple pour exprimer publiquement son avis. La liberté de la presse est libre en Libye. Chaque journaliste peut présenter publiquement ses opinions, en respectant la morale. La Libye est l'un des pays qui a le plus d'antennes satellites, et l'Internet est accessible.

La délégation a par ailleurs expliqué que le Code de procédure pénale prévoit un délai de 48 heures pour la garde à vue. La demande de détention provisoire est examinée par le juge qui décide de prolonger ou non la durée de détention provisoire dans un délai maximum de trente jours. Au-delà, c'est une Cour d'appel qui doit examiner le dossier et qui décide de la prolongation ou non de la détention provisoire.

Prétendre qu'il y a 258 détenus au secret n'est pas une réalité, a déclaré la délégation.


Conclusions

Présentant des observations préliminaires sur la mise en œuvre du Pacte en Libye, le Président du Comité, M. RAFAEL RIVAS POSADA s'est demandé si la législation interne est conforme au Pacte mais aussi si la réalité de la pratique en Libye est compatible avec le Pacte. Parmi les défaillances relevées par le Comité et qui continueront de constituer un sujet de préoccupation, le Président a relevé les châtiments corporels, l'amputation et la discrimination à l'encontre des femmes s'agissant des aspects fondamentaux de leurs droits.

Le Président invité la Libye à envoyer par écrit un complément d'informations comme elle s'y est engagée. Il a tenu à rappeler que le Comité est censé manifester son manque de satisfaction s'il n'a pas trouvé les réponses suffisamment claires. Il ne s'agit pas de juger, mais de constater que les informations présentées ne l'ont pas été comme le requiert le Comité.


Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

CT07016F