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LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME DÉBAT DE LA QUESTION DE L'INTÉGRATION DE LA PERSPECTIVE SEXOSPÉCIFIQUE DANS SES TRAVAUX

Compte rendu de séance
Le Ministre des affaires étrangères des Maldives s'adresse au Conseil

Le Conseil des droits de l'homme a examiné cet après-midi la question de l'intégration des questions sexospécifiques dans les travaux du Conseil. Le Ministre des affaires étrangères des Maldives, M. Abdulla Shahid, s'est en outre adressé au Conseil en début de séance, soulignant notamment l'importance pour le Conseil de tenir compte des incidences sur les droits de l'homme du réchauffement de la planète.

Le débat interactif sur l'intégration des questions sexospécifiques dans les travaux du Conseil a compté avec la participation de Mme Kyung-wha Kang, Haut-Commissaire adjointe aux droits de l'homme; de Mme Radhika Coomaraswamy, Représentante spéciale du Secrétaire général pour les enfants et les conflits armés et ancienne Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes; de M. Miloon Kothari, Rapporteur spécial sur le logement convenable; de Mme Charlotte Bunch, Fondatrice et Directrice exécutive de l'organisation non gouvernementale Centre pour le leadership mondial des femmes.

La modératrice du débat, Mme Maria Nzomo, du Kenya a rappelé que s'il existe une pléthore de documents législatifs et de règlements sur le thème de l'égalité, ce qui fait défaut est la mise en œuvre et les méthodes d'application de ce principe. Elle a suggéré, à cet égard, de s'inspirer des connaissances acquises et des bonnes pratiques recensées dans ce domaine.

Mme Kang a pour sa part indiqué que l'intégration de la perspective sexospécifique était une priorité absolue pour la Haut-Commissaire aux droits de l'homme. Elle a aussi suggéré que l'examen des législations nationales pourrait constituer un point de départ pour le travail du Conseil des droits de l'homme dans ce domaine.

Mme Coomaraswamy a insisté sur le lien entre la violence perpétrée contre les femmes et le déni des droits économiques et sociaux. L'indépendance économique des femmes est la seule variable qui les protège de la violence, a-t-elle souligné. L'autonomie reproductive des femmes est, elle aussi, un élément important pour libérer les femmes de la violence, a-t-elle ajouté.

M. Kothari a notamment recommandé que les aspects liés à la parité soient systématiquement retenus dans les définitions des mandats des procédures spéciales. S'agissant de la prise en compte de l'égalité des sexes dans la problématique du droit au logement, le Rapporteur spécial a noté qu'il avait montré, dans son dernier rapport, comment les femmes sont affectées de manière différente par le déni de ce droit.

Mme Bunch a recommandé d'aborder la question de la perspective sexospécifique à partir de quatre angles: la forme que prend une violation, les circonstances dans lesquelles se déroulent les violations, les conséquences des violations, et les obstacles sexospécifiques empêchant l'accès des femmes aux voies de recours.

Exprimant leur soutien au principe d'intégration de la perspective sexospécifique dans les différents aspects des travaux du Conseil, les délégations ont, notamment, préconisé sa prise en compte dans le cadre de l'examen périodique universel, dans les mandats de toutes les procédures spéciales et dans l'élaboration des résolutions du Conseil.

Les représentants des États suivants sont intervenus dans le cadre du dialogue interactif Slovénie, Nouvelle Zélande (au nom également de la Norvège), Suède, Philippines, Maroc, Portugal (au nom de l'Union européenne), Tunisie, Chili, Pakistan (au nom de l'Organisation de la Conférence islamique), Turquie, Mexique et Canada.

Les représentantes de deux organisations non gouvernementales, la Fédération internationale des femmes diplômées des universités et le Comité d'action internationale pour les droits de la femme (au nom du Mouvement international contre toutes les formes de discrimination; Asian Forum for Human Rights and Development; et Asia Pacific Forum on Women, Law and Development) ont également participé au débat.

En début de séance, Israël, la Palestine et l'Égypte ont exercé le droit de réponse dans le cadre du débat qui s'est tenu ce matin sur la situation des droits de l'homme en Palestine et dans les autres territoires arabes occupés.


Demain matin à 10 heures, le Conseil des droits de l'homme doit conclure son débat interactif sur l'intégration de la perspective d'égalité des sexes dans son travail. Il doit par la suite se pencher sur le suivi de la Conférence mondiale de Durban contre le racisme, notamment.


Exercice du droit de réponse dans le cadre du débat sur la situation des droits de l'homme en Palestine et dans les autres territoire arabes occupés

M. ITZHAK LIVANON (Israël), a indiqué que son pays a adopté, dès 1967, une loi stipulant que tous les lieux sains seraient protégés de toute profanation, sous peine d'emprisonnement. Israël a toujours eu à cœur de protéger les sites revêtant une importance particulière au plan religieux ou culturel. Si les Palestiniens avaient eu le même souci, ils auraient sans doute pu éviter la destruction de la Tombe de Joseph en 2000, a observé le représentant. En outre, 95 000 fidèles ont assisté à la dernière grande prière du vendredi: dans ces conditions on ne peut guère parler de «restrictions d'accès». La question des excavations est par ailleurs du ressort de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO). Le représentant a aussi fait savoir que M. Desmond Tutu n'a pas besoin de l'autorisation d'Israël pour se rendre à Beit Hanoun, un territoire sous contrôle du Hamas. L'accès à ce territoire est ouvert par la frontière égyptienne. La décision de M. Tutu est d'ordre personnel, a-t-il déclaré. Enfin, concernant la désignation de Gaza comme «entité ennemie», elle est fondée sur la réalité que cette région est contrôlée par une entité terroriste qui cible délibérément des civils israéliens par ses tirs.

M. MOHAMMED ABU-KOASH (Palestine) a indiqué, s'agissant du massacre de Beit Hanoun, que si la mission n'a pas été en mesure de se rendre sur place, ce n'est pas en raison de considérations personnelles, il y a eu d'autres entraves qui ont empêché l'archevêque Tutu de se rendre dans les territoires palestiniens occupés. S'il y avait eu une approbation de cette visite, nous aurions du avoir la lettre qui confirme cette approbation, a relevé le représentant palestinien. S'agissant des lieux saints, le peuple palestinien et la Palestine respectent toutes les religions. Le représentant palestinien a tenu à préciser que les pratiques israéliennes contre les croyants palestiniens sont évoquées dans le journal «Jerusalem Post», un journal israélien. Le représentant palestinien s'est demandé s'il n'y avait pas des mensonges de la part d'Israël?

M. AMR ROSHDY (Égypte), se référant à la lettre envoyée par Desmond Tutu et faisant état de son impossibilité à remplir la mission d'établissement des faits qui lui avait été confiée suite aux événements de Beit Hanoun, a souhaité connaître formellement et par la voix du Président, les raisons pour lesquelles cette mission n'avait pas pu être accomplie.

M. DORU ROMULUS COSTEA, Président du Conseil des droits de l'homme, a précisé que M. Desmond Tutu avait, dans son premier courrier, attiré l'attention sur l'échec des missions précédentes du fait du refus d'Israël d'autoriser l'accès à son territoire. Il semble toutefois que par la suite, ce sont des raisons de disponibilité des membres de la délégation qui l'ont obligé à reporter sa mission.


Déclaration du Ministre des affaires étrangères des Maldives

M. ABDULLAH SHAHID, Ministre des affaires étrangères des Maldives, a déclaré que son pays a connu, ces vingt dernières années, une croissance économique et un développement social rapides. Le Gouvernement n'en estime pas moins que le progrès socio-économique doit s'appuyer sur une gouvernance respectueuse des droits et libertés individuels. Les droits de l'homme ne doivent pas uniquement être proclamés, mais bien s'exercer au bénéfice réel des individus. C'est ainsi que les sociétés évolueront d'une manière paisible et durable. Conscient de cette réalité, le Gouvernement a lancé un vaste programme de réformes démocratiques et constitutionnelles destinées à garantir le respect et la pleine protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ainsi, le référendum qui s'est tenu en août dernier a permis au peuple de choisir entre un régime parlementaire ou présidentiel, est une étape majeure vers la rédaction de la nouvelle Constitution, elle-même l'un des fondements du programme de réformes. Le taux de participation élevé, l'implication active de la jeunesse et la bonne représentation des femmes démontrent l'intérêt porté par les citoyens des Maldives pour la politique nationale et pour le processus démocratique. Le ministre a indiqué que son pays a sollicité et obtenu l'aide de la communauté internationale au sens large pour l'aider, en particulier sur le plan technique, à la réalisation de ses objectifs de réforme. Il a en outre fait valoir que le pays a ratifié le Pacte international sur les droits civils et politiques ainsi que le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, et que le Gouvernement a lancé une invitation ouverte aux procédures spéciales du système des droits de l'homme des Nations Unies. Il a en outre demandé l'envoi, par le Haut Commissariat aux droits de l'homme, d'un conseiller technique.

M. Shahid a rappelé qu'un consensus scientifique existe désormais au sujet de la réalité du réchauffement accéléré de la planète, un phénomène probablement dû à l'activité humaine. Il est évident que ce réchauffement a, d'ores et déjà, des conséquences graves pour l'environnement, en particulier pour des États insulaires comme les Maldives. Il conditionne aussi la jouissance des droits de l'homme, notamment du droit à l'autodétermination, à la participation à la vie culturelle, à l'accès à l'eau potable et à un niveau de vie décent. Il est donc particulièrement important que les États et les organisations internationales ne perdent jamais de vue l'impact des changements climatiques sur les individus. Dans ce contexte les Maldives organiseront, en novembre prochain, une Conférence des petits États insulaires sur ce thème. Il est indispensable que le Conseil des droits de l'homme, principal organe international en la matière, fasse connaître son attachement à la prise en compte des implications pour les droits de l'homme du réchauffement de la planète. Les Maldives demandent pour cela que le Conseil organise, en 2008, un débat sur ce thème précis, a proposé le ministre.

Intégration des questions sexospécifiques dans les travaux du Conseil

Déclarations liminaires

MME MARIA NZOMO, du Kenya, modératrice du débat, a souligné l'importance de cette séance consacrée aux moyens et méthodes de commencer à intégrer les questions de sexospécificité et d'égalité entre hommes et femmes dans le contexte des travaux sur les droits de l'homme. Même s'il ne s'agit pas d'un concept nouveau, nous avons peut être tendance à mal le comprendre, a ajouté Mme Nzomo. L'égalité n'intéresse pas seulement les femmes mais aussi les relations sociales entre hommes et femmes et entre garçons et filles. D'où l'immense importance de cette question car elle est au cœur même des travaux du Conseil des droits de l'homme.

Aujourd'hui, nous n'allons pas nous consacrer exclusivement aux questions d'égalité dans le contexte de violations ou d'autres préoccupations précises, mais plutôt comment nous pouvons au mieux entamer une discussion sur les meilleures façons d'avancer dans ce domaine, a expliqué le modératrice. S'il existe une pléthore d'instruments et de textes juridiques, la mise en œuvre et les méthodes d'application font en revanche défaut. Le Conseil se trouve à un moment particulièrement adéquat pour essayer de s'approprier les questions d'égalité d'une manière qui soit équitable et juste et qui tienne compte de tous les principes fondamentaux des droits de l'homme. Les questions d'égalité ont un lien avec la question de la jouissance des droits de l'homme par les femmes. L'objectif de ces discussions est de se concentrer davantage sur les méthodes plutôt que sur le fond. Il convient de s'inspirer des connaissances et du fait que le Conseil a déjà pour mandat de traiter de cette question. Nous ne voulons pas que ce processus se déroule uniquement aujourd'hui. Les États doivent être disposé à s'engager dans ce processus qui ne peut être que bénéfique pour la société, a conclu Mme Nzomo.

MME KYUNG-WHA KANG, Haut Commissaire adjoint aux droits de l'homme, a indiqué que la question l'intégration des droits des femmes et de la dimension sexospécifique est une priorité du Haut Commissariat aux droits de l'homme. Il est donc bon que le Conseil se saisisse de ce thème sous l'angle particulier du processus et de l'approche qui doivent être retenus pour ce faire. Le terme «sexospécifique» renvoie aux rôles sociaux respectifs des hommes et des femmes, ou autrement dit les différences sociales acquises. Ces rôles varient fortement d'une culture à l'autre, mais peuvent évoluer avec le temps. La dimension du genre est fondamentale pour l'être humain en ce qu'elle va conditionner la manière dont il est perçu dans la société. Traditionnellement, la dimension sexospécifique s'est intéressée davantage aux femmes, puisque elles ont toujours été, et sont encore défavorisées par rapport aux hommes. Quant à l'égalité entre les sexes, elle se réfère à la jouissance égale, par les hommes et les femmes, des mêmes droits et devoirs, ressources et possibilités. L'intégration des questions sexospécifiques, dont il est aujourd'hui question, doit commencer par la réalisation du fait que l'égalité n'est pas uniquement un objectif, mais qu'elle doit être intimement liée à tout développement humain durable. À ce titre, l'intégration de la perspective sexospécifique est une stratégie adoptée par les Nations Unies pour remédier aux désavantages économiques, sociaux et politiques que les femmes connaissent.

Pratiquement, il convient d'adopter une démarche double: d'une part s'efforcer d'intégrer cette perspective dans tout le système des Nations Unies, d'autre part faire bloc autour des entités chargées des questions spécifiques. L'intégration exige la présence simultanée d'un «modus operandi» général et d'une entité dotée des moyens d'action nécessaires. C'est pourquoi il faut se réjouir des travaux visant à la mise sur pied d'une architecture renforcée pour les femmes au siège des Nations Unies. De la même manière, le Conseil doit intégrer à ses travaux une analyse sexospécifique, mais aussi orienter tous ses efforts vers un point focal conçu pour maximiser l'efficacité de son action. À cet égard, un bon point d'entrée est sans conteste l'action au niveau des lois, premières garantes des droits des l'homme. C'est ainsi que l'action visant à la concrétisation de la notion d'égalité des droits entre hommes et femmes doit prendre en considération l'application, ou au contraire la non application, des lois sur le terrain. Mme Kang a conclu en rappelant que la discrimination juridique est incompatible avec la législation internationale en matière de droits de l'homme; la discrimination de fait est, elle, endémique. Il faut donc agir d'abord sur le plan juridique, de manière à influencer les esprits et les comportements.

MME RADHIKA COOMARASWAMY, Représentante spéciale du Secrétaire général pour les enfants et les conflits armés et ancienne Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes, a souligné que l'intégration et l'incorporation de la perspective sexospécifique est un processus double qui doit être envisagé de manière globale, de même que sous des angles spécifiques. S'agissant de la problématique de la violence à l'égard des femmes, elle a rappelé que cette question n'a pas toujours été à l'ordre du jour et a dressé l'historique de l'évolution qui a porté enfin cette question à la tribune des Nations Unies. Malgré cela et malgré les nombreuses déclarations et décisions prises, les statistiques sur le terrain ne changent pas, a-t-elle déploré; il faut maintenant passer l'étape des statistiques et des résolutions et s'assurer du suivi des décisions sur le terrain.

Mme Coomaraswamy a aussi recommandé d'étendre la question de l'intégration de la perspective spécifique des droits des femmes au-delà de la seule problématique de la violence et de prêter attention à son lien avec les droits économiques et sociaux des femmes. L'indépendance économique des femmes est la seule variable qui les protège de la violence, a-t-elle souligné. L'autonomie reproductive des femmes est aussi à même de libérer les femmes de la violence, a-t-elle ajouté. Elle a encore suggéré qu'un chapitre spécial de l'examen périodique universel soit consacré à l'égalité des sexes et que cette question soit systématiquement intégrée dans les procédures spéciales.

M. MILOON KOTHARI, Rapporteur spécial pour le droit à un logement convenable, soulignant l'importance de la perspective de l'égalité entre les sexes dans le travail du Conseil, a rappelé que plusieurs résolutions de l'ancienne Commission des droits de l'homme appellent les détenteurs de mandat à prendre en compte cette dimension dans leur travail, c'est le cas notamment des procédures spéciales relatives à la liberté de religion ou conviction, au droit à l'éducation, au droit à l'alimentation, aux migrants, aux minorités et également au droit à un logement convenable, dont il a la charge. Intégrer la perspective de l'égalité des sexes dans le travail du Conseil, a souligné M. Kothari, ne signifie pas simplement porter une attention particulière aux femmes et aux petites filles, mais aussi identifier des situations où les femmes, les filles, les hommes et les garçons sont susceptibles de souffrir de discrimination en raison de leur sexe. À titre d'exemple, M. Kothari a rappelé que l'ancien Rapporteur spécial sur l'éducation avait mis en évidence que si les filles risquent davantage que les garçons de n'être jamais scolarisées, il avait aussi montré l'important taux d'abandon des garçons à l'école primaire et secondaire en raison de situations relevant du travail des enfants. Mentionnant encore les violations dont sont victimes les enfants des rues, il a invité le Conseil à initier une réflexion sur le fait que les hommes et les garçons aussi peuvent être en proie à des violations distinctes de leurs droits.

S'agissant de la prise en compte de l'égalité des sexes dans la problématique du droit au logement, le Rapporteur spécial a fait observer qu'il avait montré, dans son dernier rapport, non seulement comment les femmes sont affectées de manière différente par le déni de ce droit mais aussi comment certains groupes de femmes, notamment les femmes âgées, les veuves, les femmes divorcées ou séparées ou élevant seules des enfants, rencontrent des obstacles spécifiques dans la réalisation de ce droit. Fort de son expérience, le Rapporteur spécial a proposé certaines recommandations pour améliorer l'intégration des perspectives de genre, aussi bien dans la formulation plus directive des décisions et résolutions que dans la définition des mandats des procédures spéciales. Lors du dialogue interactif, les titulaires de mandats et les États membres notamment devraient analyser les initiatives prises par le titulaire du mandat. D'une manière générale, le Conseil, dans ses travaux de révision du système des procédures spéciales et d'identification des lacunes de protection, doit tenir particulièrement compte des aspects liés à l'égalité dans les violations des droits de l'homme. Des analyses par sexes doivent garantir un meilleur traitement de cette dimension. De même, pendant les procédures de sélection, le Conseil doit prendre en compte l'engagement et l'intérêt porté par les candidats à la dimension sexospécifique des mandats. Le Conseil pourrait en outre veiller à assurer l'équilibre entre hommes et femmes titulaires de mandats. Enfin il serait opportun que le Conseil tienne régulièrement, au moins une fois par an, des débats thématiques sur les droits de l'homme envisagés dans la perspective sexospécifique.

MME CHARLOTTE BUNCH, Fondatrice et Directrice exécutive du Centre pour le leadership mondial des femmes, qui a participé au Comité consultatif pour le rapport 2006 du Secrétaire général sur la violence contre les femmes à l'Assemblée générale, a souligné que la méthodologie de l'intégration des questions sexospécifiques dans les travaux du Conseil peut faire une différence entre la vie et la mort pour des milliers de femmes. Il est urgent d'améliorer les droits des femmes au niveau local; et il est essentiel de faire connaître les luttes communes menées par les femmes dans les contextes divers. L'expérience des femmes a souvent été omise dans l'expérience des droits de l'homme. À l'issue de la Conférence de Vienne sur les droits de l'homme en 1993, la Commission des droits de l'homme avait lancé une résolution annuelle sur l'intégration des questions sexospécifiques et plusieurs réunions ont été organisées. Mais des violations flagrantes des droits des femmes se poursuivent encore de manière flagrante. Les défenseurs des droits de l'homme sont souvent victimes de violations parce que ce sont justement des femmes. Une attention constante et des ressources adéquates sont nécessaires, a précisé Mme Bunch.

S'agissant des méthodes pour parvenir à l'intégration des questions sexospécifiques, Mme Bunch a souligné qu'il convenait d'examiner les incidences des mesures adoptées dans les domaines suivants: la forme que prend une violation rattachée au sexe (par exemple, les femmes sont victimes de mariage forcé); les circonstances dans lesquelles se produisent les violations (le foyer est souvent le lieu où se produisent les violences); les conséquences des violations peuvent être différentes selon le sexe (une femme peut se retrouver enceinte suite à un viol) et les obstacles à l'accès aux recours (comme l'absence de l'accès à l'aide juridique pour les femmes).

S'agissant des suggestions pour les travaux du Conseil et notamment dans le cadre de l'examen périodique universel de manière à ce qu'il examine la situation s'agissant de l'égalité entre homme et femmes, Mme Bunch a indiqué que parmi les objectifs de l'examen périodique universel qui comprennent l'amélioration sur le terrain de la situation des droits de l'homme, il convient d'examiner les incidences des conditions des droits de l'homme sur la vie des femmes. Les États doivent veiller à ce que, dans le cadre de l'examen périodique universel, une perspective sexospécifique soit intégrée à toutes les étapes de l'examen. S'agissant des consultations nationales, des questions simples doivent être posées. En ce qui concerne le contenu de l'examen périodique universel, les États devraient démontrer les engagements qu'ils ont pris pour lutter contre la discrimination. À titre d'exemple: les efforts entrepris pour respecter les droits humains des femmes et les ressources financières et humaines engagées pour résoudre les problèmes spécifiques des femmes. Mme Bunch a ajouté que la ratification de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes devrait aussi être prise en compte dans le contexte de l'examen périodique universel. Mme Bunch a dit espérer que les droits des femmes occuperont une place de premier plan dans l'examen périodique universel. Les questions d'égalité doivent être considérées comme des sources d'informations cruciales.

Débat interactif

M. ANDREJ LOGAR (Slovénie) a voulu savoir comment l'intégration de la perspective sexospécifique peut être intégrée à long terme dans les travaux des procédures spéciales, et comment faire en sorte, dans ce contexte, que toutes les lacunes dans la protection soient comblées. En particulier, le représentant a demandé de quelle manière il serait possible d'agir au niveau législatif.

M. DON MACKAY (Nouvelle Zélande, au nom également de la Norvège) s'est réjoui de l'attention portée à l'intégration de l'égalité entre les sexes dans les travaux du Conseil des droits de l'homme, estimant que cette intégration contribuerait à la mise en œuvre de la plateforme d'action de Beijing et de la Convention contre l'élimination de toutes les formes de discrimination contre les femmes. Il a rappelé que l'intégration de la perspective sexospécifique doit être mise en œuvre à la fois en considérant cette question en soi et en lien avec d'autres problématiques. À cet égard, il a recommandé que cette approche fasse à l'avenir partie de toutes les procédures spéciales et de l'examen périodique universel. Il a encore recommandé que la perspective sexospécifique soient prise en compte dans toutes les résolutions du Conseil des droits de l'homme.

M. HANS DAHLGREN (Suède) a déclaré que la promotion de l'égalité entre hommes et femmes dans les travaux du Conseil demeure prioritaire pour la Suède. Les Nations Unies ont un rôle à jouer pour sensibiliser la communauté internationale à cette question. La Suède est disposée à contribuer à renforcer les capacités du Conseil pour accélérer les progrès dans ce domaine, notamment dans le cadre de l'examen périodique universel. Il est nécessaire de mettre en valeur les questions d'égalité entre les sexes en inscrivant leur examen dans le programme de travail du Conseil tout au long de l'année. Au sujet des conséquences terribles des conflits armés sur les femmes, la Suède aimerait savoir ce que pourrait faire le Conseil des droits de l'homme pour faire en sorte que ces questions soient traités dans le cadre de la prévention des conflits.

MME ERLINDA F. BASILIO (Philippines) a souscrit à l'approche des panélistes qui ont insisté sur l'importance de déployer les efforts indispensables pour atteindre la parité dans les activités et mécanismes du Conseil, notamment en veillant à ce que les titulaires de mandats aient des compétences particulières dans ce domaine. Il convient en outre de garder à l'esprit la nécessité de lutter davantage contre des problèmes tels que la traite des femmes ou la féminisation de la pauvreté. La représentante a demandé quel rôle les hommes et les garçons pouvaient jouer en matière de promotion de l'égalité entre les sexes, et quelle pourrait être l'action spécifique que pourrait mener le Conseil à cet égard. Ce dernier devrait organiser régulièrement des débats sur le thème de l'égalité entre les sexes pour mesurer le travail accompli, a conclu la représentante des Philippines.

M. MOHAMMED LOULICHKI (Maroc), après avoir soutenu l'intégration de la perspective sexospécifique dans l'examen périodique universel, a exprimé le souhait que les détenteurs de mandat présentent leurs vues sur la manière la plus appropriée d'y parvenir. Il faut aussi qu'une disposition spécifique «homme-femme» soient intégrée dans les résolutions du Conseil, a soutenu le représentant du Maroc. Il a finalement appelé à une représentation égalitaire des femmes dans les organes des Nations Unies.

MME CARLA CASTELO (Portugal, au nom de l'Union européenne) a indiqué que l'étude de la question de l'égalité entre hommes et femmes doit être systématique. L'intégration de la question de la sexospécificité concerne par nature tous les thèmes des droits de l'homme. Il convient d'opérationnaliser efficacement les questions sexospécifiques. L'Union européenne se félicite de l'organisation de ce forum pour renforcer la compréhension générale de la question. L'Union européenne soutient l'initiative d'une mise à jour de la question. Il convient de faire de la sexospécificité une partie intégrante des travaux du Conseil des droits de l'homme. L'Union européenne aimerait savoir comment le Conseil peut faire de manière systématique une estimation de l'intégration des questions de sexospécificité dans ses travaux et quelles contributions du Secrétariat seraient bénéfiques à cet égard? Comment le Conseil peut-il aussi contribuer à renforcer l'architecture des Nations Unies dans le domaine de la sexospécificité? La représentante a souligné que plusieurs procédures spéciales ont fait un travail fructueux dans le cadre d'une perspective sexospécifique. Si cela est donc possible, cela ne fait pas encore partie intégrante du travail du Conseil, a-t-elle fait remarquer. Les procédures spéciales devraient être encouragées à élaborer des directives afin de contribuer à intégrer effectivement la perspective sexospécifique dans leur travail. Enfin, la résolution 5/1 du Conseil prescrit que l'examen périodique universel doit intégrer la perspective sexospécifique dans l'examen de toutes les questions dont se saisi le Conseil, les panélistes peuvent-ils partager leurs vues sur les attentes de la société civile en cette matière, a demandé la représentante de l'Union européenne.

M. SAMIR LABIDI (Tunisie) a déclaré que son pays accorde une importance particulière à la promotion de la parité. La Tunisie estime nécessaire que le Conseil développe une perspective de genre à long terme. La communauté internationale s'accorde à penser que la complémentarité de tous les droits de l'homme et l'égalité entre les sexes sont indispensables à l'épanouissement de la société. C'est aussi l'avis de la Tunisie, qui a réussi à augmenter de manière spectaculaire la représentation des femmes dans les organes de la vie publique.

M. JUAN MARTABIT (Chili) a exprimé l'espoir que le présent dialogue pourra conduire à des idées sur la manière de réaliser concrètement l'intégration de la perspective sexo-spécifique dans les travaux du Conseil. La responsabilité de cette approche incombe particulièrement au Conseil des droits de l'homme, chargé de veiller à ce que la dignité de chacune et chacun soit respectée, a-t-il dit. Il a encore rappelé que la présidente du Chili, Mme Bachelet a eu l'occasion de faire spécifiquement référence à cette question lors d'une récente intervention devant le Conseil des droits de l'homme.

MME TEHMINA JANJUA (Pakistan, au nom de l'Organisation de la Conférence islamique) a déclaré que l'OCI a la conviction que l'incorporation de cette question est un processus à long terme. L'OCI souscrit à la déclaration sur l'incorporation de la question sexospécifique dans les travaux du Conseil. Le texte institutionnel du Conseil reconnaît la parité parmi les principes fondamentaux. Les gouvernements devraient faire un effort délibéré pour présenter des candidates aux différents organes du Conseil. L'OCI se félicite de la création du nouveau Groupe sur la parité au sein du Haut Commissariat aux droits de l'homme. Mme Janjua a demandé si le fait que le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes se tienne désormais à Genève aura un impact sur ses travaux?

MME CONCHITA PONCINI (Fédération internationale des femmes diplômées des universités, au nom de plusieurs organisations non gouvernementales1) a relevé l'abondance des normes internationales en matière d'égalité entre les sexes, déplorant cependant, au niveau national, des pratiques fortement lacunaires en matière d'application de ce principe. C'est souvent le cas en matière salariale. La nomination d'un Rapporteur spécial sur la justice dans les relations entre les sexes permettrait-elle de déceler, dans les textes juridiques nationaux, les lacunes de ce genre, a demandé la représentante. Celle-ci a aussi estimé qu'il ne suffit pas de parvenir à une composition paritaire des mécanismes du Conseil: les titulaires de mandats doivent avoir une véritable empathie pour cette question et, s'il le faut, être formés à la détection des inégalités les moins évidentes

MME SUNILA ABEYSEKERA (Comité d'action internationale pour les droits de la femme, au nom du Mouvement international contre toutes les formes de discrimination; Asian Forum for Human Rights and Development; et Asia Pacific Forum on Women, Law and Development) a exprimé le souhait que l'intégration de la perspective sexospécifique dans les travaux du Conseil soit reflétée à la fois dans l'analyse et dans la mise en œuvre. Pour ce faire, des engagements institutionnels de la part du Conseil et des États membres sont nécessaires. Soutenant le principe de l'inclusion de l'approche sexospécifique dans l'examen périodique universel, elle a suggéré que des spécialistes des droits des femmes soient intégrés dans le panel d'examinateurs. Elle a enfin demandé quels sont les indicateurs qui pourraient permettre de décider si un État a réussi à intégrer la perspective sexospécifique.

MME KANG, répondant à diverses questions, a souligné, s'agissant de l'adoption des lois sur la parité, qu'il serait faux de penser que tout a été fait à cet égard car il est important de s'assurer de la mise en œuvre de toutes ces lois. De nombreuses femmes n'ont pas le pouvoir de revendiquer leurs droits. En outre, il reste des éléments explicites de discrimination qui demeurent dans un grand nombre de lois mises en œuvre. À cet égard, le Conseil pourrait envisager la création d'un groupe d'experts chargé de se pencher sur l'aspect juridique de ces questions ou engager les procédures spéciales à le faire. Mme Kang a indiqué que le Haut-Commissariat aux droits de l'homme participe de manière active à plusieurs initiatives et dans plusieurs Comités qui traitent de la question des lois discriminatoires encore en vigueur dans divers pays, a ajouté Mme Kang. Enfin, en ce qui concerne le déplacement du Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes à Genève, le Haut-Commissariat est prêt à assurer les services nécessaires à ce Comité pour assurer un transfert en douceur de ses activités à Genève.

MME COOMARASWAMY a estimé que les procédures spéciales n'avaient, il y a dix ans encore, que peu de documents indicatifs à l'appui de leur travail, une situation qui a changé depuis lors. Elle a par ailleurs fait valoir que les Nations Unies s'efforcent de faire introduire, dans les négociations de paix, des dispositions concernant le sort des fillettes après les conflits armés.

M. KOTHARI, répondant à la question de savoir comment les procédures spéciales pouvaient intégrer la perspective sexospécifique, a estimé que cela pouvait se faire en incluant dans les résolutions régissant les différents mandats des dispositions à cet égard. Quant aux enseignements tirés et à la question de savoir comment la pratique du terrain pouvait être exploitée, il a notamment évoqué l'aspect positif pour les rapporteurs spéciaux de travailler sur la base de réunions exclusivement féminines. Il a, enfin, insisté sur la nécessité pour le Conseil de faire le bilan de l'énorme travail déjà réalisé par la Commission dans ce domaine et de développer cet acquis.

MME BUNCH a souligné l'importance des programmes spécifiques en faveur des femmes pour mette en place les bases à même de favoriser la parité. Dans le contexte de l'examen périodique universel, il faudrait essayer d'appliquer des indicateurs ou des principes directeurs illustrant des mesures de succès en matière d'égalité. Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes a déjà beaucoup travaillé sur le recensement de mesures qui ont donné de bons résultats. Des principes directeurs doivent être mis au point pour mesurer les résultats des mesures d'intégration, a conclu Mme Bunch.

MME TUGBA ETENSEL (Turquie) a déclaré qu'il convient placer les questions d'égalité au cœur de tous les processus de décision et de créer une culture de travail idoine. Le Conseil devra jouer un rôle de pointe dans la préparation d'une stratégie d'action, stratégie adaptée à ses propres méthodes de travail. La représentante a observé que, dans le cadre de l'examen périodique universel, les pays pourront faire état de leur action dans le domaine de l'égalité entre les sexes.

MME MABEL GÓMEZ OLIVER (Mexique) s'est félicitée de la richesse du débat et des propositions qui ont été soulevées. Elle a insisté sur la nécessité pour tous les États de se porter garants de ce que le Conseil intègre la dimension sexospécifique dans ses travaux. Elle a, par ailleurs, accueilli avec beaucoup d'intérêt la suggestion de Mme Kyung-wha Kang de mettre un accent sur l'examen des législations nationales. À cet égard, a-t-elle souligné, il est nécessaire que l'examen périodique universel se penche également sur les lois et réglementations pour voir dans quelle mesure leurs dispositions garantissent l'égalité des femmes et des filles non seulement dans les textes mais dans les faits. La représentante du Mexique s'est en outre prononcé en faveur des propositions pour que l'approche sexospécifique soit mise en pratique dans le cadre de la composition des mécanismes du Conseil.

MME NADIA STUEWER (Canada) a souligné l'importance de l'intégration d'une dimension sexospécifique dans les travaux du Conseil. Il convient d'intégrer une dimension sexospécifique dans toutes les questions traitées par le Conseil. Le Canada souhaite que les intervenants en disent davantage sur la façon dont les efforts des États seront pris en compte et comment faire en sorte que des questions appropriées soient posées dans ce contexte ? Le Conseil devrait également évaluer lui-même son travail et ses efforts pour promouvoir l'égalité entre les hommes et femmes. Quel est le point de vue des experts sur la modalité d'un examen annuel de certaines questions liées à l'égalité entre hommes et femmes?

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1Déclaration conjointe: Fédération internationale des femmes diplômées des universités; Association des femmes du pacifique et de l'Asie du Sud-Est; Organisation internationale des femmes sionistes; Fédération Internationale des femmes pour la paix mondiale; Worldwide Organization for Women; Le conseil consultatif anglican; Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté; Fédération internationale des femmes de carrières libérales et commerciales; Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP); Conseil international des femmes; Agence des cités unies pour la coopération Nord-Sud; Zonta International; et la Fondation sommet mondial des femmes.


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