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LE COMITÉ DES DROITS DE L'ENFANT EXAMINE LES RAPPORTS DE LA FRANCE AU TITRE DES DEUX PROTOCOLES À LA CONVENTION

Compte rendu de séance

Le Comité des droits de l'enfant a examiné, aujourd'hui, les rapports initiaux présentés par la France au titre du Protocole facultatif sur l'implication d'enfants dans des conflits armés et du Protocole facultatif sur la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants.

M. Mario Bettati, Conseiller auprès du Ministre français des affaires étrangères et européennes, a affirmé qu'en ce qui concerne le Protocole facultatif sur l'implication des enfants dans les conflits armés, la législation et la pratique internes sont largement conformes aux dispositions de cet instrument. Il a annoncé que le Ministre de la défense a signé, le 24 septembre dernier, une directive qui énonce qu'en application de l'article premier du Protocole, les militaires de moins de 18 ans ne participent pas aux opérations militaires à l'étranger, ni aux hostilités en cas de conflit armé sur le territoire national.

Le rapporteur pour l'examen du rapport présenté par la France au titre de ce Protocole facultatif, M. Awich Pollar, ainsi que plusieurs membres du Comité ayant regretté que la législation française ne contienne pas de définition de la «participation directe» à des hostilités, la délégation a fait valoir que la directive susmentionnée, publiée il y a deux jours, va au-delà de la simple participation directe aux hostilités puisqu'elle s'étend à toutes les opérations militaires à l'étranger – y compris, donc, les opérations de maintien de la paix et de secours. L'engagement dans la Légion étrangère est également soumis à cette directive, a précisé la délégation.

En ce qui concerne le Protocole facultatif sur la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, le chef de la délégation a notamment souligné que l'activité législative récente témoigne de l'engagement de la France en matière de lutte contre la pédophilie et l'exploitation sexuelle des enfants.

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport présenté par la France au titre de ce Protocole facultatif, M. Hatem Kotrane, a estimé que le dispositif législatif mis en place par la France est un exemple de ce qu'un pays peut faire de mieux dans ce domaine. M. Kotrane a toutefois fait état d'informations selon lesquelles, en France, entre 3000 et 8000 enfants travaillent, mendient et se prostituent sous la contrainte.

La délégation française était également composée de représentants du Ministère des affaires étrangères; du Ministère de la défense; du Ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités locales; du Ministère de la justice; et du Ministère du travail, des relations sociales et de la solidarité. La délégation a fourni aux experts des compléments d'information en ce qui concerne, entre autres, les écoles militaires; la situation des enfants migrants demandeurs d'asile et non accompagnés; la prostitution des mineurs; l'audition des enfants dans le cadre des procédures judiciaires; une affaire de vente de bébés bulgares; ou encore la question de la compétence universelle des juridictions françaises.


Le Comité entamera vendredi matin, 28 septembre, à 10 heures, l'examen du deuxième rapport périodique présenté par le Venezuela au titre de la Convention relative aux droits de l'enfant.


Présentation des rapports de la France sur la mise en œuvre des deux Protocoles facultatifs se rapportant à la Convention sur les droits de l'enfant

M. MARIO BETTATI, Conseiller auprès du Ministre des affaires étrangères et européennes de la France, a souligné que les mesures présentées dans ces rapports dépassent largement le cadre des deux Protocoles; elles s'inscrivent dans une politique d'ensemble à l'égard des enfants, par nature transversale et guidée par la notion fondamentale d'intérêt supérieur de l'enfant telle que visée à l'article 3 de la Convention. Il a rappelé que l'effet direct de nombreuses dispositions de cette Convention a été admis par les juges français. Les vecteurs privilégiés de cette politique d'ensemble sont la politique de la famille et la protection de l'enfance en danger, a précisé M. Bettati.

En ce qui concerne le Protocole facultatif sur l'implication des enfants dans les conflits armés, la législation et la pratique internes sont largement conformes aux dispositions de ce Protocole, a poursuivi M. Bettati. Certaines associations ont néanmoins critiqué la législation française, a-t-il précisé. Aussi, M. Bettati a-t-il annoncé que le 24 septembre dernier, c'est-à-dire il y a deux jours seulement, a été signée par le Ministre de la défense une directive, prise en application du Code de la défense, qui précise qu'en application de l'article premier du Protocole, les militaires de moins de 18 ans ne participent pas aux opérations militaires à l'étranger, pas plus qu'ils ne participent directement aux hostilités en cas de conflit armé sur le territoire national.

M. Bettati a rappelé qu'en février dernier, s'est tenue à Paris la conférence «Libérons les enfants de la guerre», qui a débouché sur une déclaration politique (les «Engagements de Paris») et un texte technique (les «Principes de Paris») qui réactualise les «Principes du Cap» de 1997. La France et le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) ont décidé d'organiser, le 1er octobre prochain, en marge de l'Assemblée générale des Nations Unies, une réunion ministérielle sur les enfants soldats, qui sera coprésidée par la Secrétaire aux droits de l'homme et aux affaires étrangères, Mme Rama Yade, et la Directrice exécutive de l'UNICEF, Mme Hilde Johnson. Cette réunion a pour principal objectif de recueillir de nouveaux soutiens aux «Engagements de Paris» - notamment auprès des pays qui n'ont pas participé à la conférence de Paris – ainsi que d'initier un suivi informel de ces engagements, a précisé M. Bettati.

En ce qui concerne le Protocole facultatif sur la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, M. Bettati a souligné que l'activité législative récente témoigne de l'engagement de la France en matière de lutte contre la pédophilie et l'exploitation sexuelle des enfants. Pas moins de cinq textes de lois ont été adoptés ces dernières années qui abordent les questions de répression, de protection, de prévention et de procédure pénale, a-t-il précisé. Pour ce qui est des mesures répressives, de nouvelles infractions ont été instaurées, notamment l'incitation à faire commettre par autrui des infractions à l'encontre de mineurs. Sont en outre désormais constitutifs d'une infraction le fait de rendre disponible une image à caractère pornographique ou l'enregistrement et la diffusion des images relatives à la commission d'infractions portant atteinte à l'intégrité de la personne ainsi que la seule consultation habituelle d'images de pornographie infantile sur Internet. Par ailleurs, les délais de prescription de certaines infractions à caractère sexuel ont été allongés, a ajouté M. Bettati. Il a en outre fait part de la mise en place de mesures de suivi sociojudiciaire pour les délinquants sexuels, en particulier la possibilité pour ces derniers de suivre des soins. Il a également attiré l'attention sur la mise en place de nouveaux moyens d'investigation, citant notamment les «cyberpatrouilles».

En ce qui concerne les mesures préventives, elles ont essentiellement une vocation pédagogique, a souligné le chef de la délégation française. La politique préventive passe tout d'abord par la sensibilisation et l'éducation des familles et du grand public à travers des campagnes d'information et la diffusion de programmes pédagogiques sous forme de spots télévisuels, de dessins animés ou de guides pratiques. Pour ce qui est enfin des mesures d'accompagnement, l'aide aux victimes est un souci constant, a souligné M. Bettati. Différents niveaux d'accompagnement sont prévus, a-t-il ajouté: accompagnement juridique tout au long de la procédure pénale, soutien psychologique et moral, aide à la réadaptation sociale. Les associations d'aide aux victimes ont perçu en 2006 environ 7,4 millions d'euros de subventions du Ministère de la justice, soit une augmentation de 12,29% par rapport à l'année précédente. D'une manière générale, les enfants en danger sont pris en charge par le dispositif de protection de l'enfance, profondément réformé par la loi du 5 mars 2007, a rappelé M. Bettati. Le Gouvernement doit rendre compte au Parlement du bilan de la mise en œuvre de ce nouveau dispositif tous les deux ans, a-t-il précisé. Il a indiqué qu'une structure spécialisée dédiée à la prise en charge des jeunes filles victimes de maltraitance sexuelles et/ou d'inceste a été créée en 1996 dans la ville d'Agen.

Pour conclure, M. Bettati a souligné que la France se présente aujourd'hui devant le Comité avec une législation en conformité avec ses engagements internationaux, mais aussi avec la conviction que, dans ces domaines en particulier, la réflexion et l'échange doivent être continuellement poursuivis, les moyens disponibles redéployés et la vigilance constante.

Le rapport initial de la France au titre du Protocole facultatif sur la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (CRC/C/OPSC/FRA/1) rappelle qu'en application de l'article 55 de la Constitution française du 4 octobre 1958, le Protocole a une autorité supérieure à celle des lois. Pour qu'un justiciable puisse revendiquer le bénéfice d'une disposition d'un traité, il faut que la norme soit reconnue d'applicabilité directe (on parle également de caractère auto-exécutoire). Compte tenu de l'entrée en vigueur récente du Protocole, les juges nationaux n'ont pas encore eu l'opportunité de se prononcer sur l'effet direct de ses dispositions. Ils ne manqueront pas de le faire dès qu'ils seront saisis de la question, comme c'est le cas pour la Convention relative aux droits de l'enfant. Ainsi, la Cour de cassation, qui traditionnellement refusait de reconnaître que la Convention était directement applicable en droit interne, a récemment nettement infléchi sa position. Le droit pénal français contient les incriminations qui permettent la punition des infractions prévues par l'article premier du Protocole facultatif que sont la vente d'enfants, la pornographie mettant en scène des enfants et la prostitution des enfants, poursuit le rapport. Toutes ces incriminations protègent le mineur quel que soit son âge.

Afin de lutter contre la pornographie enfantine, un groupe central des mineurs victimes a été mis en place au sein de la Direction centrale de la police judiciaire en 1997, précise le rapport. La loi du 4 mars 2002 incrimine le recours à la prostitution des mineurs. Cette loi a été suivie des résultats suivants en 2004: 52 procédures ont été établies par les services de police à l'encontre de clients de prostitués mineurs, 42 hommes majeurs ont été mis en cause, et 48 victimes ont été identifiées. Le délit de traite des êtres humains assorti de la circonstance aggravante de la minorité de la victime est défini dans le Code pénal comme le fait, en échange d'une rémunération ou de tout autre avantage ou d'une promesse de rémunération ou d'avantage, de recruter une personne, de la transporter, de la transférer, de l'héberger ou de l'accueillir, pour la mettre à la disposition d'un tiers, même non identifié, afin soit de permettre la commission contre cette personne des infractions de proxénétisme, d'agression ou d'atteintes sexuelles, d'exploitation de la mendicité, de conditions de travail ou d'hébergement contraires à sa dignité, soit de contraindre cette personne à commettre tout crime ou délit. Le mineur étant regardé, à partir de 15 ans, comme étant dans un état de moindre vulnérabilité, certaines incriminations de nature sexuelle ou certaines circonstances aggravantes ne visent et protègent le mineur que jusqu'à ses 14 ans accomplis, indique par ailleurs le rapport.

S'agissant des mesures d'extradition entre États membres de l'Union européenne, à l'exception de l'Allemagne depuis le 18 juillet 2005, la procédure du mandat d'arrêt européen s'applique. Pour ce qui est de l'extradition entre la France et les États du Conseil de l'Europe autres que ceux de l'Union européenne, elle est régie par la Convention du Conseil de l'Europe sur l'extradition de 1957. Quant à l'extradition entre la France et les autres États du monde, les conditions en sont posées aux articles 696-1 et suivants du Code de procédure pénale. La personne réclamée doit avoir fait l'objet de poursuites ou d'une condamnation pour les infractions suivantes: il doit s'agir soit d'actes punis de peines criminelles par la loi de l'État requérant, soit de faits punis de peine d'emprisonnement correctionnel par la loi de l'État requérant, quand le maximum de la peine encourue est égal ou supérieur à deux ans ou, s'il s'agit d'un condamné, lorsque la peine prononcée par la juridiction de l'État requérant est égale ou supérieure à deux mois d'emprisonnement; ces faits doivent être punis par la législation française selon le principe de la double incrimination, ne pas avoir été commis sur le territoire de la République, et leur auteur présumé ne doit pas être de nationalité française.

Il est difficile d'évaluer l'ampleur du problème de la maltraitance envers les enfants. Selon les données publiées par l'Observatoire de l'action sociale décentralisée (ODAS), l'aide sociale à l'enfance a signalé, en 2004, 19 000 enfants maltraités (dont 6 600 cas de violences physiques, 5 500 d'abus sexuels, 4 400 de négligences lourdes et 2 500 de violences psychologiques). Si le nombre d'enfants maltraités reste stable en France (19 000 en 1998), la typologie des mauvais traitements varie: les signalements pour abus sexuels diminuent, tandis que ceux pour violences physiques augmentent. Le «119», service national d'accueil téléphonique pour l'enfance maltraitée, est un service public gratuit et anonyme qui fonctionne 365 jours par an et 24 heures sur 24. Ce service reçoit, en moyenne, 5 000 appels téléphoniques par jour, indique le rapport.

Le rapport initial de la France au titre du Protocole facultatif sur l'implication des enfants dans des conflits armés (CRC/C/OPAC/FRA/1) rappelle qu'en application de l'article 20 de la loi du 24 mars 2005 portant statut général des militaires, nul ne peut être militaire s'il n'est âgé de dix-sept ans au moins. En fait, aucun mineur de moins de dix huit ans ne participe à une opération extérieure tant en raison des durées des périodes probatoires des contrats (six mois) que des formations initiales qui sont dispensées (quatre à sept mois minimum en fonction des formations). La loi du 28 octobre 1997 portant réforme du service national a mis un terme à la conscription en France, rappelle en outre le rapport. Cette loi suspend en effet l'appel sous les drapeaux «pour tous les Français qui sont nés après le 31 décembre 1978 et ceux qui sont rattachés aux mêmes classes de recensement». Ce même article précise néanmoins que l'appel sous les drapeaux «est rétabli à tout moment par la loi, dès lors que les conditions de la défense de la Nation l'exigent ou que les objectifs assignés aux armées le nécessitent». Les mineurs ne peuvent, en tout état de cause, pas être concernés par un éventuel rétablissement du service national. L'article L. 3 du Code du service national, actuellement suspendu, dispose en effet que «les citoyens français de sexe masculin doivent le service national de dix-huit à cinquante ans».

Lors de la ratification du Protocole, la France a déposé une déclaration contraignante en vertu de laquelle: «La France déclare qu'elle ne recrute que des candidats volontaires d'au moins dix-sept ans, informés des droits et des devoirs qui s'attachent au statut de militaire et que cet engagement, lorsque les candidats n'ont pas atteint l'âge de dix-huit ans, ne peut être effectif sans le consentement des représentants légaux». Ainsi, il résulte de l'article 20 précité du Statut général des militaires que «nul ne peut être militaire: […] s'il n'est âgé de dix-sept ans au moins, ou de seize ans pour recevoir une formation générale et professionnelle en qualité de volontaire dans les armées ou en qualité d'engagé dans une école militaire». Le mineur de 16 ans ne peut en aucun cas être employé à d'autres activités que celles entrant dans le cadre de l'acquisition d'une formation générale et professionnelle. S'agissant des candidats souhaitant servir dans la Légion étrangère, ils ne sont admis, en vertu du Statut général des militaires, que s'ils sont âgés d'au moins dix-sept ans. S'agissant des militaires servant à titre étranger, le Statut général des militaires prévoit que le mineur non émancipé doit, en principe, justifier de son identité et du consentement de son représentant légal. Ce n'est qu'exceptionnellement et après une enquête administrative approfondie, en liaison avec les autorités du pays d'origine, sur l'origine du candidat, que l'autorité militaire peut, malgré l'absence des pièces justificatives nécessaires, accepter l'engagement d'un candidat. À titre d'information, la Légion étrangère ne compte actuellement aucun mineur dans ses rangs, malgré une possibilité de recrutement dès l'âge de 17 ans. Le recrutement de candidats mineurs est en outre un phénomène totalement marginal au recrutement de la Légion étrangère. En effet, environ 7 500 candidats en moyenne se présentent chaque année à l'engagement pour pourvoir 1 000 postes ouverts. Le recrutement de mineurs ne représente, au plus, que deux à quatre engagements par an.

Plusieurs écoles dépendant directement du Ministère de la défense dispensent des enseignements du secondaire à des mineurs. Toutefois, ces écoles ne sont pas considérées comme des écoles militaires, dans la mesure où elles ne dispensent pas de formation militaire. En ce qui concerne l'armée de l'air, l'École technique de l'Armée de l'Air (ETAA) est une école militaire qui accueille des mineurs qui ont vocation à devenir sous-officiers techniciens de l'armée de l'air. L'école est ouverte aux élèves à partir de l'âge de 15 ans, mais ils ne peuvent souscrire un engagement militaire, à cette même fin de formation générale et professionnelle, qu'à compter de leur seizième anniversaire, conformément à ce que prévoit le Statut général des militaires. À titre d'information, 177 militaires mineurs étaient recrutés à l'ETAA en 2005. Ce chiffre est identique à celui de l'année 2004.


Examen des rapports

Implication des enfants dans les conflits armés

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport présenté par la France au titre du Protocole facultatif sur l'implication des enfants dans les conflits armés, M. AWICH POLLAR, a souligné que la France, membre du G8, dispose de toutes les ressources nécessaires pour assurer la mise en œuvre du Protocole. Depuis 1999, la France a lancé des campagnes afin d'inscrire la question des enfants dans les conflits armés à l'ordre du jour du Conseil de sécurité, qui a adopté plusieurs résolutions sur cette question, a-t-il en outre rappelé.

M. Pollar a souhaité connaître le point de vue de la France au sujet de la pénalisation explicite du recrutement d'enfant de moins de 18 ans dans des groupes armés autres que les forces armées françaises. Il conviendrait en outre de débattre plus avant du renforcement des garanties contre la possibilité de recruter des jeunes à partir de l'âge de 17 ans dans la Légion étrangère, a ajouté M. Pollar.

Qu'en est-il des départements et territoires d'outre mer, a en outre demandé M. Pollar, qui a par ailleurs souhaité obtenir des statistiques sur le nombre d'enfants migrants et requérants d'asile originaires de zones affectées par un conflit. Le Rwanda et la République démocratique du Congo ont beaucoup de requérants d'asile en France, mais peu de données sont disponibles à ce sujet, a insisté M. Pollar.

Le rapporteur a en outre fait observer que la législation française de contient pas de définition de la «participation directe» à des hostilités.

Un autre membre du Comité a souhaité en savoir davantage sur certaines grandes écoles qui, si elles sont gérées par des civils – contrairement aux écoles militaires stricto sensu – n'en semblent pas moins dispenser un enseignement sur la manière d'utiliser le matériel de guerre en cas de conflit. En outre, ces grandes écoles peuvent accueillir des enfants à partir de l'âge de 15 ans, a relevé cet expert. Ces grandes écoles et les écoles militaires elles-mêmes dispensent-elles un enseignement au droit humanitaire, a demandé l'expert ?

Un autre expert a souhaité savoir ce qu'il en est de la situation d'une personne morale qui recruterait en France des enfants pour les engager à l'extérieur du pays. Cet expert a précisé qu'il avait ici à l'esprit les sociétés de sécurité dont on sait que bon nombre utilisent du personnel dans des situations de conflit hors du territoire français. Ce même expert a également souhaité en savoir davantage sur la situation des mineurs non accompagnés entrant sur le territoire français.

Les institutions en charge des enfants peuvent-elles présenter une plainte en cas d'allégation d'abus de droit de l'homme contre un enfant suivant une instruction militaire, a demandé un expert.

En ce qui concerne les enfants migrants requérants d'asile et non accompagnés, les centres de détention dans lesquels ils sont placés semblent davantage être des institutions de correction que des institutions éduquant les enfants, a fait observer un membre du Comité. Ces enfants sont-ils considérés comme des délinquants contrevenant à la législation du pays ou bien privilégie-t-on, en ce qui les concerne, l'intérêt supérieur de l'enfant en les traitant de la même manière que les autres enfants français ?

La délégation française, répondant aux membres du Comité qui ont regretté que les Principes de Paris, adoptés en février dernier, ne fassent pas directement référence au Protocole, a rappelé que la conférence internationale organisée à Paris et l'actualisation de ces principes ont été pilotées au premier chef par l'UNICEF. En outre, elle a précisé que ces principes de Paris ont repris ceux du Cap, qui date d'une époque où le protocole n'était pas encore négocié".

Les normes applicables aux mineurs dans les armées et l'ensemble des normes qui peuvent être prises au niveau national sont d'applicabilité directe dans toutes les collectivités et territoires d'outre-mer, a par ailleurs souligné la délégation.

Le champ d'application de la directive du 24 septembre dernier par laquelle les militaires de moins de 18 ans ne participent pas aux opérations militaires à l'étranger, mentionnée par le chef de la délégation dans sa présentation, va au-delà de la simple participation directe aux hostilités puisqu'il s'étend à toutes les opérations militaires à l'étranger, a par ailleurs fait valoir la délégation. L'engagement dans la Légion étrangère est également soumis à cette directive, a-t-elle précisé. Aussi, en réaction aux remarques des experts qui déploraient le manque de définition, dans la législation française, de la notion de participation directe aux hostilités, la délégation a fait valoir que cette directive renvoie à la notion plus large de participation à des opérations militaires, qui englobe notamment les opérations de maintien de la paix et de secours – lesquelles ne sont pas prises en compte dans la notion de participation directe à des hostilités.

En ce qui concerne les écoles militaires, la délégation a précisé qu'il en existe deux sortes. Il y a d'abord les lycées de la défense, au nombre de six. Les élèves de ces écoles, bien que soumis à un encadrement administratif militaire, ont un statut civil et les enseignements sont dispensés par des professeurs civils de l'éducation nationale qui suivent les programmes officiels. Il y a ensuite l'École d'enseignement technique de l'armée de l'air, située à Saintes, dont les élèves – actuellement au nombre de 200 – relèvent de l'autorité de l'armée; cette École accueille dès l'âge de 16 ans des élèves qui suivent un enseignement civique et un enseignement dans le domaine de l'éthique militaire, afin de se préparer, en particulier, à un premier emploi au sein de l'armée de l'air.

Le défenseur des enfants peut se saisir de toute situation dont il a connaissance, y compris dans un établissement militaire, a fait savoir la délégation.

En toute circonstance, l'intérêt supérieur de l'enfant est pris en compte pour ce qui est des enfants migrants demandeurs d'asile et non accompagnés, que ce soit lors de leur placement en zone d'attente par l'autorité administrative ou lors de l'examen du maintien ou non en zone d'attente par l'autorité judiciaire. Le maintien en zone d'attente est une décision administrative émanant de la police, qui est valable pour 48 heures renouvelables une fois; ce délai peut être prolongé, sur décision d'un juge, pour une durée de huit jours également renouvelable une fois. Les mineurs de moins de 13 ans sont hébergés dans une zone particulière de la zone d'attente, a précisé la délégation. Le nombre de mineurs placés en zone d'attente s'est élevé à 600 en 2006 et, au 31 juillet 2007, ce nombre s'établissait à 374, a-t-elle fait savoir.

Un expert ayant souhaité savoir à quoi ressemblent ces zones d'attente dans lesquelles arrivent tout de même 600 enfants chaque année, la délégation a souligné que ces zones de rétention ne sont en aucun cas des zones de détention, comme cela a pu être dit: ces établissements n'obéissent pas à des règles carcérales et ne relèvent pas de l'administration pénitentiaire. Même si les personnes qui se trouvent dans ces zones sont privées de la liberté essentielle qui est celle d'aller et venir, les conditions matérielles y sont plus que convenables, a assuré la délégation.

La délégation a fait état de statistiques annuelles indiquant que 17 mineurs étrangers arrivés en France, et reçus par les services de la Protection judiciaire de Paris, affirmaient avoir fui leur pays pour des raisons de conflit. Ils provenaient notamment du Libéria, de la Côte d'Ivoire et de l'Angola, a-t-elle précisé. Un expert ayant souhaité savoir si l'asile leur avait été octroyé, la délégation a indiqué ne pas être en mesure de répondre à cette question.

Pour ce qui est de la possibilité de poursuites à l'encontre de personnes qui recruteraient des mineurs sur le territoire national, la délégation a fait savoir que le Code pénal prévoit l'incrimination des activités mercenaires et de la participation à de telles activités. La peine encourue est de sept années d'emprisonnement, a précisé la délégation.

La délégation a par ailleurs rappelé que le deuxième critère de l'Union européenne en matière exportation d'armements est le respect des droits de l'homme, incluant donc les droits de l'enfant, dans le pays d'exportation envisagé.

Vente d'enfants, prostitution des enfants et pornographie mettant en scène des enfants

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la France présenté au titre du Protocole facultatif sur la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, M. HATEM KOTRANE, a relevé d'emblée le caractère volontariste de la législation française et sa conformité à la plupart des dispositions du Protocole. Le dispositif législatif mis en place par la France est véritablement un exemple de ce qu'un pays peut faire de mieux dans ce domaine, a-t-il insisté, précisant avoir recensé au moins une douzaine de lois qui sont toutes aussi intéressantes les unes que les autres et couvrant divers domaines intéressant le Protocole. Il y a notamment la loi portant réforme de l'adoption et création de l'Agence française de l'adoption ou encore la loi du 4 avril 2006 de transposition de la décision-cadre du Conseil de l'Union européenne du 22 décembre 2003 relative à la lutte contre l'exploitation sexuelle des enfants et la pédopornographie. Il y a aussi la loi du 10 août 2007 sur la récidive des adultes et des mineurs, même si l'on peut avoir d'éventuelles réserves quant à l'aspect lutte contre la récidive des mineurs de cette loi, a ajouté M. Kotrane. La France est aussi l'un des rares pays à reconnaître la responsabilité non seulement civile mais aussi pénale des personnes morales, a-t-il fait valoir.

Aucune enquête publique sur la prostitution des enfants n'a été menée depuis 2001, a toutefois regretté M. Kotrane. Il a fait état d'informations selon lesquelles entre 3000 et 8000 enfants travaillent, mendient et se prostituent sous la contrainte, ce qui est beaucoup plus que les chiffres officiellement reconnus.

Il semble que la France présente un arsenal législatif complet aux fins de la mise en œuvre des dispositions du Protocole mais que ces textes ne soient pas suffisamment appliqués, a poursuivi M. Kotrane. Quelles mesures sont envisagées pour donner davantage d'effet aux textes de lois existants, par exemple pour ce qui a trait à la formation des professionnels du tourisme, a-t-il demandé?

Rappelant que, selon la législation en vigueur, les témoignages d'enfants victimes de violences sexuelles doivent obligatoirement être enregistrés, M. Kotrane a fait observer que les financements adéquats n'ont pas été dégagés pour assurer le plein respect de cette disposition, de sorte qu'il existe des disparités sur le territoire français du point de vue des modalités de recueil des témoignages d'enfants victimes. Si l'expertise psychiatrique des personnes accusées d'infractions sexuelles semble une pratique courante, ce n'est pas le cas de l'expertise pédopsychiatrique des enfants victimes, a en outre relevé M. Kotrane.

Sur le même registre et rappelant une «affaire douloureuse» qu'a connue la France, un autre membre du Comité a souhaité savoir si les autorités compétentes procèdent à l'examen de la crédibilité des dires de l'enfant.

Un autre membre du Comité a relevé que, selon certaines informations, la prostitution des enfants est en hausse en France.

Un expert s'est inquiété des informations contenues dans un rapport du Rapporteur spécial sur la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, M. Juan Miguel Petit, selon lesquelles l'Ordre des médecins français poursuivrait des médecins qui ont divulgué l'existence de sévices commis sur des enfants.

Un expert a fait part de sa crainte que les statistiques du Ministère de la justice ne traduisent en fait que les seules affaires ayant effectivement fait l'objet de poursuites; or, tout le problème réside dans le fait que le décalage est grand entre la réalité criminelle et la réalité statistiques telle qu'elle ressort de l'action de la justice.

La délégation française a notamment rappelé qu'un Observatoire national de l'enfance en danger (ONED) a été créé en 2004. Elle a précisé que les futurs observatoires départementaux de protection de l'enfance rendront annuellement leurs rapports à l'ONED qui en fera la synthèse afin de dresser un bilan qui sera adressé au Ministère de la justice.

En ce qui concerne la prostitution des mineurs, la délégation a déclaré que le chiffre de 3000 prostitués mineurs cité par certains reprenait les informations contenues dans un article de presse datant de plusieurs années et qui est, de toute évidence, erroné, la vérité se trouvant largement en deçà de ce chiffre; quant au chiffre de 8000, a ajouté la délégation, il mélange en fait les mineurs prostitués et les mineurs qui se livrent à la mendicité. En 2006, on a enregistré un peu plus de 2000 procédures pour racolage tous âges confondus, ce qui laisse clairement apparaître comme surévalué le chiffre de 3000 prostitués mineurs susmentionné.

Lorsqu'un enfant se livre à la prostitution, l'action de l'État est immédiate, a souligné la délégation; on ne laisse pas cet enfant se livrer à la prostitution et des mesures de protection sont donc obligatoirement prises en sa faveur par le juge et ce depuis la loi du 4 mars 2002, a-t-elle insisté; de même la loi du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration garantit une protection particulière aux mineurs étrangers victimes de la traite des êtres humains et du proxénétisme en permettant la délivrance d’un titre de séjour durable et protecteur à l’étranger victime et en instaurant des mesures de protection, d’accueil et d’hébergement spécifiques. La majorité de la centaine de mineurs prostitués trouvés dans le pays en 2006 avait entre 17 et 18 ans, a fait savoir la délégation, ajoutant ne pas avoir connaissance de cas de mineurs qui auraient, par exemple, moins de 16 ans et qui se livreraient à la prostitution.

Juridiquement, a précisé la délégation, il n'y a pas de limite d'âge à l'audition de l'enfant – qui peut donc être auditionné dès lors qu'il est en mesure de s'exprimer – pas plus qu'il n'y a de limitation au nombre d'auditions de l'enfant – même si théoriquement on s'efforce de se limiter à une audition, sans préjudice de la possibilité offerte à l'enfant de venir compléter ultérieurement un premier témoignage.

La question de l'expertise pédopsychiatrique de l'enfant est une question délicate qui renvoie au fait que les professionnels s'efforcent dans toute la mesure du possible de ne pas amener l'enfant à devoir répéter trop souvent des propos relatifs à des faits allégués qui peuvent être douloureux pour lui.

Évoquant l'«affaire des bébés bulgares», la délégation a rappelé qu'il s'agit d'une affaire qui prend sa source en Bulgarie, où des prostitués enceintes étaient acheminées en France, en région parisienne pour y accoucher, et dont les enfants nouveau-nés étaient aussitôt revendus à des familles de gens du voyage pour 5000 à 6000 euros, selon le sexe de l'enfant. Au total, 22 bébés avaient ainsi été revendus à des familles. Cette année, les membres du réseau responsable de ce trafic, y compris des chefs du réseau, ont été jugés et condamnés. Les parents qui avaient acheté ces bébés ont été condamnés à des peines symboliques, les magistrats ayant décidé de laisser les bébés à leurs familles «d'adoption» après vérification des conditions d'accueil et de vie offertes à ces enfants.

À la demande du rapporteur du Comité pour l'examen de ce Protocole, la délégation a apporté des précisions sur le contenu de la réforme française de l'adoption, et notamment sur les modalités de fonctionnement de l'agence française de l'adoption.

La compétence universelle de la France existe depuis 1998 pour les affaires liées au tourisme sexuel, a indiqué la délégation, soulignant que la compétence des tribunaux français vaut ici pour les infractions commises à l'étranger par un ressortissant français à l'égard d'un mineur, y compris en matière de pédopornographie.

Un membre du Comité ayant relevé que la législation française en matière de compétence universelle ne couvre que les seules infractions à caractère sexuel - et non toutes les infractions prévues par le Protocole comme la vente d'enfant ou le travail forcé des enfants commis à l'étranger par un ressortissant français - la délégation française a expliqué que l'exigence de double incrimination qui prévaut en droit français pour faire valoir la compétence universelle est levée pour toutes les infractions à caractère sexuel; ainsi, un Français qui commet une infraction à caractère sexuel dans un pays où cet acte n'est pas considéré comme une infraction pourra néanmoins être poursuivi et condamné en France.

Sur les 3967 adoptions réalisées en France en 2006, 68% l'ont été avec des «pays hors Convention de La Haye», a indiqué la délégation. Elle a précisé que les principaux pays d'origine étaient le Viet Nam et, jusqu'à une période récente, Haïti. La délégation a ajouté que les adoptions avec le Népal ont été suspendues récemment, suite à une affaire où il est apparu qu'une jeune fille népalaise qui allait être adoptée affirmait avoir encore ses véritables parents. La France n'opère plus non plus d'adoptions avec le Guatemala, depuis plusieurs années, car certains faits ont révélé d'éventuels trafics d'enfants ou encore l'incapacité de mettre en place une autorité centrale en matière d'adoption.

La délégation a confirmé que le 26 avril 2007, la France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme pour ne pas disposer dans sa législation d'un recours suspensif contestant le refus d'entrée sur le territoire national. La délégation a rappelé que des recours existaient,
que le juge pouvait suspendre la mesure, mais que le seul dépôt du recours ne suspendait pas une telle mesure jusqu'à la décision du juge. La Cour européenne avait donc demandé à la France d'inscrire dans la loi qu'à partir du moment où un recours était engagé, la personne ne pouvait être renvoyée. Le recours va donc être rendu suspensif, a fait savoir la délégation.


Observations préliminaires

Le rapporteur du Comité pour le rapport de la France sur le Protocole facultatif sur l'implication des enfants dans les conflits armés, M. AWICH POLLAR, a remercié la délégation pour ce dialogue avec le Comité, qui a été à la hauteur des attentes. Il a toutefois estimé qu'il pourrait être utile d'obtenir davantage d'informations s'agissant, entre autres, des zones d'attente, de la question de la participation directe à des hostilités ou encore des règles en vigueur dans les départements et territoires d'outre-mer.

Le rapporteur du Comité pour le rapport de France sur le Protocole facultatif sur la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, M. HATEM KOTRANE, a lui aussi remercié la France pour le dialogue constructif et fructueux entre le Comité et la délégation, qui conforte le Comité dans l'idée qu'il a traité aujourd'hui avec un pays qui était déjà ami de la Convention et qui l'est davantage encore pour ce qui est du présent Protocole. Dans ses observations finales, le Comité devrait insister sur la nécessité d'améliorer les outils de collecte des données statistiques et de faire en sorte que «la réalité se rapproche davantage de la législation». Il conviendrait en outre pour la France d'élargir encore davantage sa juridiction universelle afin de couvrir toutes les infractions relevant du Protocole, a ajouté M. Kotrane.



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