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LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE EXAMINE LE RAPPORT DE LA RÉPUBLIQUE DE CORÉE

Compte rendu de séance

Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport initial de la République de Corée sur la mise en œuvre des dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport, M. Anwar Kemal, a notamment souligné que les préoccupations s'agissant de la République de Corée se concentrent largement sur le groupe des travailleurs venus de l'étranger et sur les quelques personnes qui sont issues de mariages mixtes. La discrimination à l'encontre de ces «sangs mêlés» est un problème douloureux, a-t-il insisté. En outre, il serait bon que le pays se dote d'une législation distincte spécifiant l'illégalité de la discrimination raciale. Dans des observations préliminaires, M. Kemal a estimé, s'agissant du traitement des migrants, que le Gouvernement devrait prendre en considération le principe de l'avantage mutuel. Lorsque les travailleurs réalisent des travaux pénibles et dangereux, a-t-il notamment souligné, non seulement ils doivent être rémunérés de manière appropriée, mais il convient en outre d'assurer leur sécurité. Il a d'autre part estimé qu'il serait plus humain de concéder aux travailleurs migrants des permis de séjour plus longs que le visa de trois ans qui leur est actuellement accordé.

Le Comité adoptera, dans le cadre d'une séance privée, ses observations finales sur le rapport de l'Indonésie, qui seront rendues publiques à la fin de la session, le vendredi 17 août 2007.

Présentant le rapport de son pays, M. Donh-hee Chang, Représentant permanent adjoint de la République de Corée auprès des Nations Unies à Genève, a affirmé qu'avec sa longue histoire en tant que société homogène, la République de Corée a eu peu de raisons concrètes de traiter de la question de la discrimination raciale, mais a souligné que la Constitution énonce le principe général d'égalité. Des efforts sont déployés par le Gouvernement afin de faire adopter un projet de loi sur l'interdiction de la discrimination. Le représentant a aussi fait valoir l'entrée en vigueur cet été de la «Loi fondamentale sur le traitement des étrangers en Corée».

Un représentant de la Commission nationale des droits de l'homme de la République de Corée a affirmé que, contrairement à ce qu'indique le rapport, la loi sur la Commission nationale des droits de l'homme ne fournit pas la base légale permettant qu'un acte discriminatoire puisse être déclaré illégal et passible de sanctions. Les étrangers continuent de souffrir d'une discrimination sur le plan social en dépit des lois et mécanismes institutionnels mis en place pour les protéger, a-t-il ajouté.

La délégation de la République de Corée était également composée de représentants du Ministère des affaires étrangères et du commerce, du Ministère de la justice et du Ministère du travail. Elle a fourni des compléments d'information en ce qui concerne, entre autres, les notions de pureté et d'homogénéité; les questions de nationalité; les questions relatives aux étrangers, en particulier celles en rapport avec l'emploi des étrangers et les écoles pour étrangers; les questions d'asile; des incidents ayant fait des victimes parmi des étrangers. Plusieurs membres du Comité s'étant inquiétés des notions de «personne de sang pur», d'homogénéité et de «sangs mêlés» auxquelles le rapport fait référence, la délégation a souligné qu'il s'agissait d'une traduction littérale de certains termes coréens; mais le Gouvernement n'avalise en aucune manière les attitudes auxquelles renvoient ces termes, a-t-elle assuré. Ces concepts sont erronés et il eut été plus prudent d'entourer ces expressions de guillemets, a estimé la délégation.


Cet après-midi, à 15 heures, le Comité se penchera sur la question de l'harmonisation des méthodes de travail des organes conventionnels dans le domaine des droits de l'homme. L'examen du septième rapport périodique de la République de Moldova, initialement prévu pour cet après-midi et lundi matin, est reporté à une future session.



Présentation du rapport

Présentant le rapport de son pays, M. DONG-HEE CHANG, Représentant permanent adjoint de la République de Corée auprès des Nations Unies à Genève, a affirmé qu'avec sa longue histoire en tant que société homogène, la République de Corée a eu peu de raisons concrètes de traiter de la question de la discrimination raciale. Sur cette toile de fond historique et culturelle, l'article 11 de la Constitution énonce le principe général d'égalité sans faire de référence spécifique à la discrimination raciale, a-t-il souligné, ajoutant que l'article 37 de la Constitution stipule que les libertés et droits des citoyens ne sont pas négligés au motif qu'ils ne sont pas énumérés dans la Constitution. Les principes du respect des droits de l'homme et de l'égalité de tous devant la loi sont consacrés dans la Constitution et s'appliquent aussi aux étrangers, à l'exception des droits découlant de la citoyenneté coréenne, tels que le droit de vote et le droit d'exercer des fonctions officielles, a souligné M. Chang. La République de Corée n'exclut pas la possibilité de prendre d'autres mesures législatives à l'avenir afin d'assurer une application plus effective de la Convention, a-t-il indiqué.

Le représentant de la République de Corée a fait part des efforts déployés par le Gouvernement coréen afin de faire adopter le projet de loi sur l'interdiction de la discrimination qui permettra d'apporter une réponse globale et effective à la discrimination, conformément aux recommandations émises par la Commission nationale des droits de l'homme en 2006. Cette loi contiendra des références spécifiques à la discrimination fondée sur la race, qui sera considérée comme constituant un acte illégal et interdit. Le Ministère de la justice travaille actuellement avec les autres ministères concernés afin d'accélérer le processus d'adoption de ce projet de loi, a indiqué le représentant.

M. Chang a par ailleurs fait savoir que le Plan national d'action pour la promotion et la protection des droits de l'homme a été promulgué au mois de mai dernier pour une mise en œuvre devant intervenir sur la période 2007-2011. La «Loi fondamentale sur le traitement des étrangers en Corée» a été adoptée et est entrée en vigueur le mois dernier, a en outre souligné M. Chang. C'est la première fois que le pays se dote d'une législation distincte visant uniquement à protéger les étrangers en République de Corée, a-t-il insisté. En ce qui concerne les préoccupations exprimées précédemment par le Comité au sujet de la situation des travailleurs migrants et des stagiaires professionnels, M. Chang a souligné qu'un certain nombre de mesures importantes ont été prises afin de promouvoir les droits de l'homme des migrants. Ainsi, le «programme des stages professionnels» a-t-il été aboli le 1er janvier 2007, de sorte que le système de permis de travail, adopté en 2003 et entré en vigueur en 2004 est devenu la seule voie pour l'emploi des travailleurs étrangers en République de Corée, a précisé M. Chang. Le système de permis de travail étant opérationnel depuis plus trois ans, les autorités ont conscience qu'il y a matière à amélioration dans ce domaine.

M. Chang a par ailleurs souligné que la République de Corée condamne fermement toute notion ou théorie de supériorité d'une race ou d'un groupe ethnique sur un autre, comme cela est explicitement stipulé à l'article 11 de la Constitution. Aussi, tout acte de discrimination raciale peut être sanctionné en vertu du Code pénal, au titre des articles 307 et 309 qui traitent de diffamation et de calomnie. En outre, conformément à l'article 51 du Code pénal, la discrimination raciale peut constituer une circonstance aggravante pour tout délit pénal.

Le représentant de la République de Corée a d'autre part souligné que le Gouvernement ne ménage aucun effort pour améliorer la procédure de reconnaissance du statut de réfugié ainsi que les politiques d'aide en faveur des réfugiés. Afin de protéger les droits de l'homme des requérants d'asile, le Gouvernement est en train d'œuvrer à l'interdiction législative du rapatriement forcé des demandeurs pour lesquels la procédure de détermination du statut de réfugié n'est pas achevée, a indiqué M. Chang. En outre, un cadre légal sera bientôt mis en place afin de mettre en place des services d'aide aux réfugiés et d'autoriser le travail des requérants d'asile et des personnes bénéficiant d'une autorisation de séjour à titre humanitaire, pour autant que ceux-ci répondent à un certain nombre d'exigences minimales.

Depuis le 10 mai dernier, a poursuivi M. Chang, les étrangers sans papiers sont autorisés à séjourner et même à travailler en République de Corée jusqu'à ce que toute procédure de recours qu'ils pourraient avoir engagée soit achevée, qu'il s'agisse, par exemple, d'un traitement médical ou d'une indemnisation pour accident de travail.

Fournissant des renseignements complémentaires en réponse à une liste de questions, la délégation a expliqué que les étrangers ne se voient pas accorder certains droits économiques qui sont réservés aux seuls ressortissants coréens, à savoir le droit de propriété foncière et les droits d'extraction minière. En outre, pour des raisons de souveraineté nationale, certains droits politiques ne leur sont pas non plus accordés, notamment le droit de vote ou le droit de se présenter à des élections.

La délégation a par ailleurs fait valoir que même si la Constitution ne fait expressément référence à la discrimination raciale, la Convention a le même effet juridique que les lois nationales, conformément à la Constitution, de sorte que la définition de la discrimination raciale énoncée dans la Convention est considérée comme étant intégrée au droit interne. En outre, le Gouvernement a une politique ferme qui consiste à ne tolérer aucun traitement discriminatoire non raisonnable fondé sur la race, la langue, l'éducation, la santé, l'âge, l'idéologie politique ou le lieu d'origine.

Étant donné que la République de Corée a été, jusqu'à récemment, une société homogène, la question de la discrimination raciale n'a pas retenu beaucoup l'attention et presque aucun crime clairement lié à la discrimination raciale n'a été rapporté dans le pays, a indiqué la délégation. Pour autant, étant donné le nombre croissant de mariages impliquant des migrants et le nombre croissant de travailleurs migrants, il est possible que des délits en rapport avec la discrimination raciale se produisent à l'avenir, a ajouté la délégation.

En mai 2006, a poursuivi la délégation, le Gouvernement a élaboré des directives fondamentales pour la politique relative aux étrangers, qui traitent notamment des mariages de migrants, des travailleurs migrants, de la main-d'œuvre étrangère, des résidents permanents étrangers, des Coréens de nationalité étrangère et des réfugiés. La loi sur le traitement des étrangers qui est entrée en vigueur cet été permet aux étrangers de mieux s'adapter à la société coréenne, a fait valoir la délégation. Afin d'assurer la mise en œuvre de cette loi, a-t-elle précisé, le Ministère de la justice va élaborer un plan de mise en œuvre sur cinq ans, les autres ministères étant appelés à élaborer eux aussi leurs propres plans de mise en œuvre.

La délégation a par ailleurs souligné que le Gouvernement coréen ne ménage aucun effort pour lutter contre le trafic de personnes. En vertu de la loi en vigueur, le trafic de personnes à des fins de prostitution est sévèrement sanctionné et, depuis août 2001, une équipe de lutte contre le trafic d'êtres humains opère dans le pays en collaboration avec les institutions concernées, a précisé la délégation. La loi de 2004 sanctionnant la prostitution stipule que dans le cas où la victime est une femme étrangère, l'expulsion forcée de cette personne est suspendue, indépendamment de l'illégalité de sa situation, jusqu'à ce que les procédures aient été menées à terme.

Afin d'assurer une protection adéquate des droits des épouses étrangères, a poursuivi la délégation, le Gouvernement leur accorde la permission de rester en République de Corée en cas de décès de leur époux coréen ou en cas de séparation ou de divorce. Depuis le mois de janvier dernier, a précisé la délégation, une période de trois mois est accordée aux étrangères dont l'assurance d'identité a été retirée par l'époux, pour qu'elles se trouvent un nouveau garant.

Afin de prévenir les mariages blancs aux seules fin d'entrée illégale en République de Corée, le Ministère de la justice est en train de renforcer la procédure d'entretien aux fins de l'obtention d'un visa de mariage, dans le contexte de la révision de la loi sur le contrôle de l'immigration, a précisé la délégation.

La délégation a par ailleurs attiré l'attention sur les divers outils juridiques et institutionnels dont dispose la République de Corée afin d'éliminer toute discrimination à l'encontre des travailleurs migrants et de protéger leurs droits et leurs intérêts. Conformément à la Constitution, à la Loi sur les normes de travail et à la Loi sur la Commission nationale des droits de l'homme, le Gouvernement garantit des conditions de travail égales à tous les individus, quelle que soit leur nationalité. Les lois sur le travail s'appliquent aux travailleurs étrangers de la même manière qu'elles s'appliquent aux travailleurs nationaux, a souligné la délégation. Les travailleurs étrangers, qu'ils soient en situation régulière ou non, se voient garantir les mêmes droits que les travailleurs nationaux pour ce qui est des salaires et des accidents de travail, a-t-elle insisté. En revanche, a-t-elle ensuite précisé, les étrangers séjournant illégalement dans le pays ne se voient pas accorder les droits syndicaux ni le droit de négociation collective.

La loi de 2004 sur l'emploi des travailleurs étrangers stipule que ces derniers peuvent changer d'emploi sous certaines conditions, à savoir: dans le cas où l'employeur, pour un motif raisonnable, souhaite mettre un terme au contrat de travail avant son expiration ou refuse de le renouveler; dans le cas où le travailleur étranger ne peut plus travailler en raison de la suspension ou de la cessation d'activité ou pour toute autre raison ne relevant pas de sa responsabilité; dans le cas où des mesures de restriction d'emploi ou d'annulation de l'autorisation d'employer des étrangers ont été prises à l'encontre de l'employeur en raison de difficultés à respecter le contrat de travail qui seraient en rapport avec des arriérés de salaires ou avec des violations des dispositions législatives relatives aux conditions de travail et aux droits syndicaux; et dans le cas où le maintien de l'emploi d'un travailleur étranger blessé sur un lieu de travail déterminé serait inapproprié mais où sa capacité à travailler sur un autre lieu de travail a été reconnue.

Entre le 26 novembre 2001 et le 31 décembre 2006, a par ailleurs indiqué la délégation, sur un nombre total de 2137 plaintes enregistrées par la Commission nationale des droits de l'homme, 593 concernaient des étrangers (c'est-à-dire que soit le plaignant, soit la victime n'était pas ressortissant coréen). Sur ces 593 plaintes, 17 sont encore en suspens, la procédure étant achevée pour toutes les autres. Au total, il y a eu 47 cas de discrimination fondée sur la race, la couleur de la peau et l'origine nationale, ce qui représente 7,9% du total des plaintes concernant des étrangers et 0,2% du nombre total de plaintes traitées par la Commission, a précisé la délégation.


Le quatorzième rapport périodique de la République de Corée (CERD/C/KOR/4)
indique que la République de Corée, qui comptait 47 254 000 habitants en novembre 2005, est un pays homogène sur le plan ethnique; mais des données précises sur la composition ethnique de sa population font défaut car elle ne procède pas à des recensements par ethnie. Le nombre total de citoyens naturalisés est passé de 5 986 en 2003 à 38 020 en décembre 2005, en raison d'une hausse du nombre de personnes ayant acquis la nationalité par mariage et de Coréens de la deuxième génération vivant à l'étranger qui ont opté pour la naturalisation. Récemment, poursuit le rapport, la République de Corée a connu une augmentation rapide de sa population étrangère, notamment des travailleurs migrants. Au mois d'octobre 2005, les étrangers résidant dans le pays étaient au nombre de 711 869. Les Chinois sont les plus nombreux (36,9% du total), suivis par les Américains (14,8%), les Philippins (5,1%) et les Japonais (4,2%). Au mois d'octobre 2005, ajoute le rapport, 186 614 étrangers se trouvaient toujours dans le pays après l'expiration de leur titre de séjour, dont 80 404 Chinois, 14 455 Bangladais, 13 651 Philippins, 11 541 Thaïlandais, 10 877 Vietnamiens et 10 563 Mongols. La majorité des étrangers en situation irrégulière en République de Corée sont des travailleurs qui exercent des emplois pénibles et dangereux. En 2004, indique en outre le rapport, 4105 lieux de travail où des étrangers étaient employés ont été inspectés et 1906 cas de violation ont été constatés dans 1533 d'entre eux. Depuis 1997, poursuit le rapport, les ressortissants étrangers, y compris les Chinois de souche, peuvent posséder des actions et des biens immobiliers. En vertu de la loi révisée sur la nationalité, les Chinois de souche dont l'époux (ou l'épouse) est de nationalité coréenne peuvent donner à leurs enfants la possibilité d'opter pour la nationalité coréenne.

La notion de «personne de sang pur», due à la fierté que les Coréens tirent de l'homogénéité ethnique de leur pays, a induit différentes formes de discrimination, souvent invisibles et qui ne sont pas illégales, à l'encontre de personnes nées de couples mixtes (métis) dans tous les domaines de la vie, y compris l'emploi, le mariage, le logement, l'éducation et les relations interpersonnelles, reconnaît le rapport. Cela est d'autant plus grave que ces pratiques se transmettent d'une génération à la suivante. Le Gouvernement est en train d'élaborer un train de mesures en la matière, dont une réforme institutionnelle qui vise à combattre les sources de discrimination découlant de la structure sociale du pays en s'appuyant sur une analyse de l'origine des métis et de la situation dans laquelle se trouve chaque catégorie d'entre eux. Dans la mesure où la plupart des métis et des membres des minorités ethniques occupent des emplois faiblement rémunérés et vivent dans la pauvreté, le Gouvernement a particulièrement à cœur de mettre au point un plan global pour assurer leur bien-être et leur sécurité, comprenant notamment une aide à la formation professionnelle et au logement. Avec l'entrée en vigueur de la nouvelle loi sur le contrôle de l'immigration en 2005, le nombre d'années de résidence requis pour qu'un titulaire de visa F-2 (autorisation de séjour de longue durée) marié à un citoyen ou une citoyenne de la République de Corée puisse obtenir le visa F-5 (nouveau statut de résident permanent) est passé de cinq à deux années. Les étrangers victimes de discrimination raciale peuvent intenter une action en dommage-intérêts devant un tribunal et saisir la juridiction compétente en matière de contentieux administratif. Si un étranger dont les droits fondamentaux ont été bafoués par la puissance publique a épuisé sans succès tous les recours internes, il peut se porter devant la Cour constitutionnelle.


Examen du rapport

Observations et questions des membres du Comité

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la République de Corée, M. ANWAR KEMAL, a d'emblée affirmé que la République de Corée «jouit d'une réputation viable à travers le monde». Partie dans les années 1950 du même niveau de développement économique que les pays d'Asie du Sud, la République de Corée a réalisé des progrès impressionnants dans les domaines économique, social, scientifique et technologique. Le peuple de la République de Corée a toutes les raisons d'être fier de ces réalisations, a souligné M. Kemal. Compte tenu de ces succès remarquables, nous sommes en droit d'attendre de ce pays un niveau élevé de respect des droits de l'homme ainsi que des efforts concertés aux fins de l'élimination de la discrimination raciale, a-t-il ajouté.

M. Kemal a par ailleurs relevé que l'écrasante majorité de la population de la République de Corée appartient à la race et à la culture coréenne. Seuls 2% de la population appartiennent à d'autres groupes ethniques; il s'agit essentiellement des immigrants et des travailleurs venus de l'étranger, dont plus du tiers sont des travailleurs d'origine chinoise. La hausse du niveau de vie enregistrée ces dernières années en République de Corée a agi comme un aimant sur les migrants économiques originaires de Chine, d'Asie du Sud-Est et du sous-continent sud-asiatique, qui sont à la recherche d'une vie meilleure et qui gravitent autour des emplois relativement mal payés et considérés comme difficiles, dangereux voire «sales» par la population coréenne, a fait observer M. Kemal. Aussi, pour ce qui est de la discrimination raciale, les préoccupations se concentrent-elles largement sur ce groupe de travailleurs venus de l'étranger et soumis à l'exploitation ainsi que sur les quelques rares personnes qui sont issues de mariages mixtes, c'est-à-dire dont l'un des parents est Coréen et l'autre étranger. La discrimination à l'encontre de ces prétendus «sangs mêlés» est un problème douloureux qui a été reconnu par les plus hautes autorités coréennes, a insisté M. Kemal.

Le rapporteur a estimé qu'il serait bon – à des fins de clarification et de bonne diffusion de l'information à ce sujet – que la République de Corée se dote d'une législation distincte spécifiant l'illégalité de la discrimination raciale. Traiter de cette question de manière indirecte ou oblique n'est pas la meilleure manière d'agir en la matière, a-t-il estimé, demandant à la délégation de préciser la position de son gouvernement à cet égard.

M. Kemal a par ailleurs félicité la République de Corée pour l'importante mesure qu'a constituée la mise en place du système de permis d'emploi permettant de légaliser l'emploi des travailleurs étrangers. Il faut espérer que ce changement mettra un terme aux violations des droits de l'homme des «stagiaires» et des travailleurs venus de l'étranger, a-t-il ajouté. Dans ce contexte, le rapporteur a attiré l'attention sur les allégations faisant état de restrictions imposées à la mobilité de la main-d'œuvre, le Gouvernement affirmant pour sa part que de telles mesures sont inévitables pour éviter le désordre et résoudre les problèmes de pénurie de main-d'œuvre. M. Kemal a par ailleurs souhaité savoir comment les cols blancs venus d'Asie pour travailler en République de Corée sont traités par rapport aux cols blancs européens ou américains venus travailler dans le pays.

En ce qui concerne la lutte contre le trafic de personnes, M. Kemal a notamment fait observer que le groupe de personnes le plus vulnérable à l'exploitation de ce point de vue est constitué par les épouses étrangères, c'est-à-dire celles qui ont contracté un mariage avec un Coréen, et dont on exige encore qu'elles aient un garant en cas de dissolution du mariage, même s'il faut se réjouir qu'elles ne soient pas expulsables dans ce cas. Le deuxième groupe le plus vulnérable dans ce contexte est celui des femmes travailleuses.

Un autre membre du Comité a relevé que les visas de danseuses ont cessé d'être octroyés aux femmes qui travaillaient comme telles dans des clubs spéciaux; mais il semble que des visas de chanteuses soient désormais accordés et l'on peut se demander s'il ne s'agit pas là de la perpétuation, sous une autre forme, d'une pratique que l'on prétend éliminer.

Un expert s'est par ailleurs fait l'écho d'informations indiquant que des personnes d'origine africaine se sont plaintes de faire l'objet de discriminations, notamment dans les lieux publics.

Un autre membre du Comité s'est inquiété d'informations faisant état de retenues arbitraires sur les salaires et de cas de travailleurs étrangers qui ont expulsés sans avoir été payées, notamment en 2005 - un bon millier de personnes étant ici concernées.

Un expert a affirmé que les travailleuses migrantes font l'objet de harcèlements sexuels sur leur lieu de travail; que font les autorités coréennes pour mettre un terme à ces pratiques, s'est-il enquis ?

Plusieurs membres du Comité se sont inquiétés de la notion de «personne de sang pur» à laquelle le rapport de la République de Corée fait référence et de la manière dont est appréhendée cette notion dans la société coréenne.


Réponses et renseignements complémentaires de la délégation

Un représentant de la Commission nationale des droits de l'homme de la République de Corée a rappelé que la Commission nationale des droits de l'homme a été créée en 2001 avec pour mandat de faire des recommandations en matière de politiques relatives aux droits de l'homme, d'enquêter sur les violations des droits de l'homme et d'assurer un recours en la matière – y compris sur les cas de discrimination fondée sur la race, la couleur de la peau et l'origine nationale et ethnique -, et de contribuer à l'éducation et à la sensibilisation dans le domaine des droits de l'homme. Le représentant de la Commission a souligné que le Gouvernement avait demandé à cette dernière d'apporter ses commentaires au sujet du projet de rapport périodique présentement examiné. Il a affirmé que, contrairement à ce qui figure au paragraphe 12 dudit rapport, la loi sur la Commission nationale des droits de l'homme ne fournit pas la base légale permettant qu'un acte discriminatoire puisse être déclaré illégal et passible de sanctions. La Commission nationale des droits de l'homme avait recommandé que soient prises des mesures pour réduire la valorisation du sentiment de fierté associé en République de Corée au fait de constituer une société homogène du point de vue ethnique. La Commission a aussi recommandé que soit élaboré un plan d'action permettant d'apporter un soutien à ceux que le rapport de la République de Corée qualifie de «sangs mêlés»; or, cette recommandation n'a pas été reprise dans le rapport gouvernemental.

Les étrangers continuent de souffrir d'une discrimination sur le plan social en dépit des lois et mécanismes institutionnels mis en place afin de les protéger, a poursuivi le représentant de la Commission nationale des droits de l'homme. À ce sujet, a-t-il poursuivi, il convient de souligner que la Commission avait recommandé que le présent rapport périodique de la République de Corée mentionne le fait que le Gouvernement reconnaissait cette situation et s'efforçait d'y remédier; or, cette recommandation n'a pas été reflétée dans le rapport.

La délégation a assuré que la République de Corée n'a pas l'intention d'insuffler dans la population coréenne une quelconque fierté associée au fait qu'elle aurait un sang pur. La société coréenne n'est plus aussi monolithique qu'elle a pu l'être, a par ailleurs souligné la délégation. La délégation a expliqué que cette idée d'homogénéité de la société coréenne n'avait en fait été qu'une tentative de résistance, le pays ayant longtemps été pris entre deux grands empires.

La délégation a fait observer que l'accroissement du nombre de mariages interethniques est un phénomène important aujourd'hui. Le Gouvernement est conscient que la notion d'identité mono-ethnique est dangereuse, a poursuivi la délégation. L'idéologie autoritaire et nationaliste a été abandonnée en République de Corée, a-t-elle assuré.

En ce qui concerne les notions de pureté, d'homogénéité et de «sangs mêlés» - au sujet desquelles plusieurs membres du Comité ont exprimé des inquiétudes -, la délégation a souligné qu'il s'agissait d'une traduction littérale de certains termes coréens; mais le Gouvernement n'avalise en aucune manière les attitudes auxquelles renvoient ces termes, a assuré la délégation. Ces concepts sont erronés et il eut été plus prudent d'entourer ces expressions de guillemets, a ajouté la délégation.

S'agissant de l'incident mentionné par un expert en rapport avec l'incendie d'un centre de détention qui s'est produit cette année, la délégation a indiqué qu'il s'agit d'un accident tragique au cours duquel dix travailleurs étrangers ont été tués et plusieurs autres blessés. Le 23 juillet dernier, deux responsables dans cette affaire ont été condamnés à des peines de prison fermes et trois autres condamnés à des peines d'emprisonnement avec sursis parfois assorties d'amendes. Des indemnités ont été versées aux familles des victimes, a précisé la délégation.

La loi sur la nationalité coréenne n'autorise pas la double-nationalité, a fait savoir la délégation.

Admettant qu'il est difficile d'obtenir la nationalité coréenne en vertu des lois actuellement en vigueur, la délégation a fait valoir que des mesures ont néanmoins été prises afin de faciliter l'obtention de visas de longue durée, ce qui permet d'obtenir plus aisément un statut de résident permanent.

Il n'y a aucune différence entre les droits des étrangers et ceux des Coréens de souche, à l'exception du droit de vote et du droit d'être élu, a par ailleurs souligné la délégation.

Compte tenu de la durée de la procédure de détermination du statut de réfugié, le Ministère de la justice est en train de réviser la loi afin que les requérants d'asile dont la demande est en cours d'examen soient autorisés, sous certaines conditions et à titre humanitaire, à travailler dans le pays, a indiqué la délégation.

En 2003, le Gouvernement a légalisé la situation de quelque 190 000 travailleurs qui se trouvaient alors en situation irrégulière dans le pays, a par ailleurs rappelé la délégation. Il est faux de prétendre que le Gouvernement ne fait rien pour lutter contre cette immigration irrégulière et préfère en profiter pour employer des travailleurs étrangers à bas salaires, a protesté la délégation.

En vertu du nouveau système de visas de travail, les travailleurs étrangers travaillant légalement en République de Corée sont autorisés à changer d'emploi à quatre reprises au cours des trois années de validité du visa, a indiqué la délégation. Elle a fait part d'un certain nombre de campagnes qui ont été lancées afin d'assurer que les travailleurs étrangers dont le visa de travail expire quittent la République de Corée et ne se transforment pas en étrangers en situation irrégulière.

En ce qui concerne les questions relatives aux écoles pour étrangers, la délégation a rappelé que le système d'enregistrement des établissements scolaires a été aboli en 1999. Il existe dans le pays des écoles qui sont accréditées et d'autres qui ne le sont pas; plusieurs écoles pour étrangers qui n'accueillent que leurs propres nationaux n'ont pas demandé à être accréditées, a indiqué la délégation.

La Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale jouit en République de Corée du même rang juridique que la législation interne; par conséquent, la définition de la discrimination raciale énoncée à l'article premier de cet instrument est déjà intégrée dans le droit interne, a souligné la délégation.

La future loi contre la discrimination fournira le cadre juridique pour l'examen quinquennal du plan de lutte contre la discrimination, conformément à la recommandation de la Commission nationale des droits de l'homme, a fait savoir la délégation.

La délégation a de nouveau souligné que l'utilisation du terme d'«homogénéité» dans le rapport ne visait qu'à rappeler le contexte historique de la République de Corée. Il ne s'agissait pas d'appuyer ce concept de quelque façon que ce soit, a insisté la délégation. La société coréenne est une société multiraciale et multiculturelle et la République de Corée tiendra dûment compte de toutes les recommandations que le Comité pourra émettre s'agissant de ces questions, a ajouté la délégation.

Certains experts s'étant inquiétés des entraves que rencontreraient les personnes d'origine chinoise pour obtenir la citoyenneté coréenne, la délégation a expliqué que quatre critères sont appliqués aux fins de la naturalisation coréenne: cinq ans de résidence dans le pays, adulte, capacité à mener une vie indépendante dans le pays et connaissance de base de la langue et de la culture coréennes. Elle a ajouté que de nombreux Chinois remplissent pleinement ces critères.


Conclusions du rapporteur

Présentant des observations préliminaires, le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la République de Corée, M. ANWAR KEMAL, a salué les progrès réalisés par le pays pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention et a fait observer que d'autres encore peuvent être attendus. Aussi, a-t-il exprimé l'espoir que les lacunes relevées par les experts seront prises en compte par les autorités.

M. Kemal a par ailleurs évoqué la notion de «sangs mêlés» en soulignant que l'éducation et la sensibilisation de l'opinion publique sont les clefs des problèmes auxquels renvoie l'utilisation de cette notion.

Pour ce qui est du traitement des travailleurs migrants et des migrants en général, M. Kemal a estimé que le Gouvernement devrait prendre en considération le principe de l'avantage mutuel. Lorsque les travailleurs réalisent des travaux pénibles et dangereux, a-t-il notamment souligné, non seulement ils doivent être rémunérés de manière appropriée, mais il convient en outre d'assurer leur sécurité. Il serait plus humain de concéder aux travailleurs migrants des permis de séjour plus long que le visa de trois ans qui leur est actuellement accordé, a d'autre part souligné le rapporteur.


Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

CERD07023F