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LE COMITÉ POUR LA PROTECTION DES DROITS DES TRAVAILLEURS MIGRANTS EXAMINE LE RAPPORT DE L'ÉGYPTE

Compte rendu de séance

Le Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport initial de l'Égypte sur les mesures prises par ce pays pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

Mme Eisha Abdel Hady, Ministre de la main-d'œuvre et des migrations de l'Égypte, a souligné que l'Égypte est devenue aujourd'hui pays d'origine, de transit et de destination des migrations. Elle a indiqué que son Ministère évaluait à près de 4,7 millions le nombre d'Égyptiens à l'étranger. Parallèlement, a-t-elle ajouté, l'Égypte a accueilli des citoyens en provenance des pays voisins. C'est en outre un pays de transit pour les citoyens de nombreux pays africains et asiatiques qui cherchent à émigrer vers l'Europe et d'autres pays occidentaux. La Ministre a déclaré que l'Égypte doit à la fois faire face aux conséquences de la transition économique vers le système de marché libre et sortir des tensions et des conflits armés dans la région. Rappelant que les Soudanais jouissent d'un statut spécial en Égypte, la Ministre a indiqué que l'on estime actuellement entre deux et cinq millions le nombre de Soudanais dans le pays. Elle a par ailleurs fait valoir que le Gouvernement a mis sur pied un comité interministériel chargé de rédiger une loi antiterroriste dont la promulgation entraînera la levée de l'état d'urgence.

La délégation égyptienne était également composée du Représentant permanent de l'Égypte auprès des Nations Unies à Genève, et de représentants du Ministère de la solidarité sociale, du Ministère de la justice, du Ministère de la main-d'œuvre et des migrations, et du Ministère des affaires étrangères. Elle a fourni des compléments d'information en ce qui concerne, entre autres, le système de la kafala, ou parrainage, et ses conséquences, notamment pour les travailleurs migrants dans les pays du Golfe; les mesures prises pour prévenir les abus de certaines entreprises qui cherchent à l'étranger à employer de jeunes Égyptiens en les induisant en erreur; la situation des Soudanais résidents et des Soudanais migrants; la détention en Israël de migrants illégaux égyptiens; les questions relatives au regroupement familial; ou encore la situation des travailleurs domestiques.

Le rapporteur du Comité chargé du rapport égyptien, M. Abdelhamid El Jamri, s'est dit convaincu que la situation d'état d'urgence qui dure depuis 1981 affecte l'application de certaines lois et de certains traités internationaux. Il a aussi relevé la les situations se rapprochant de l'esclavagisme que vivent des Égyptiens travaillant dans certains pays du Golfe, notamment dans le cadre du système de la kafala. Dans ses observations préliminaires, M. El Jamri a rappelé que tous les étrangers qui demandent à travailler en Égypte doivent subir un test VIH et que ceux qui se révèlent séropositifs ne peuvent recevoir un permis de travail, ce qui est contraire au droit international en matière de travail.

Le Comité adoptera ses observations finales sur l'Égypte dans le cadre de séances à huis clos avant de les rendre publiques à l'issue de la session, vendredi prochain.


Demain, à 10 heures, le Comité tiendra une réunion avec les États parties à la Convention.




Présentation du rapport de l'Égypte

Présentant le rapport de son pays, MME EISHA ABDEL HADY, Ministre de la main-d'œuvre et des migrations de l'Égypte, a souligné que tout au long de son histoire, l'Égypte s'est trouvée, de par sa situation géographique, au carrefour entre l'Orient et l'Occident. Soit en tant que source soit en tant que destination de ces migrations, l'Égypte a connu de nombreuses vagues migratoires qui ont façonné le caractère particulier de la société égyptienne dans son ensemble. L'Égypte a ainsi pu s'enrichir des expériences et de l'héritage de siècles d'interaction entre différents peuples, civilisations et cultures. Ces caractéristiques particulières ont contribué au développement d'une culture qui accepte les migrants et facilite leur intégration au sein de la société égyptienne, favorisant en outre la capacité des migrants égyptiens à s'intégrer harmonieusement dans des sociétés étrangères. Elles ont en outre aidé le peuple et la société égyptiens à accepter de nouveaux concepts et à s'adapter aux nouveaux défis tout en préservant les valeurs morales sur lesquelles la culture, la civilisation et le caractère national égyptiens se sont fondés tout au long de l'histoire.

L'Égypte est devenue pays d'origine, de transit et de destination des migrations, a poursuivi la Ministre. Elle a indiqué que son ministère évaluait à près de 4,7 millions le nombre d'Égyptiens à l'étranger. Parallèlement, a-t-elle ajouté, l'Égypte a accueilli des citoyens en provenance des pays voisins, qui ont traversé ses frontières tant de manière légale qu'illégale. C'est en outre un pays de transit pour les citoyens de nombreux pays africains et asiatiques qui cherchent à émigrer vers l'Europe et d'autres pays occidentaux.

L'Égypte est particulièrement préoccupée par la dimension humanitaire des migrations, notamment la protection des droits de l'homme des migrants dans un environnement qui menace parfois leurs libertés et droits fondamentaux, a souligné Mme Hady. À cet égard, elle a insisté sur l'importance pour les pays d'accueil d'adopter une approche globale pour le respect des droits de l'homme des migrants sans discrimination aucune, insistant également sur l'importance de respecter les droits, la nationalité et la religion des migrants et de ceux qui cherchent à établir une résidence temporaire ou permanente. La Ministre a également insisté sur la nécessité de mettre l'accent sur les droits des enfants migrants ainsi que sur l'importance d'accorder une protection juridique aux femmes migrantes contre toute forme de violence ou contre toute violation de leurs droits.

S'agissant de la préoccupation exprimée par le Comité dans sa liste de questions écrites adressée à la délégation égyptienne concernant le risque de voir l'état d'urgence actuellement en vigueur affecter la mise en œuvre des dispositions constitutionnelles et autres dispositions législatives, la Ministre a souligné que l'état d'urgence n'entraîne pas la suspension de la Constitution ni n'affecte le travail des diverses institutions de l'État. En outre, les mesures exceptionnelles prévues dans la loi d'urgence sont restreintes à la lutte contre la menace du terrorisme et contre le trafic de stupéfiants, a insisté Mme Hady. Elle a en outre fait valoir que le Gouvernement a mis sur pied un comité interministériel chargé de rédiger une loi antiterroriste dont la promulgation entraînera la levée de l'état d'urgence.

L'Égypte est actuellement confrontée à deux défis principaux, a déclaré la Ministre de la main-d'œuvre et des migrations. L'un consiste à faire face aux conséquences de la transition économique vers le système de marché libre; et l'autre, de nature politique, consiste à sortir des tensions et des conflits armés dans la région, lesquels représentent un obstacle majeur pour les efforts que déploie le pays en vue d'attirer les investissements internationaux afin qu'ils atteignent le niveau nécessaire pour générer les opportunités d'emplois requises. Mme Hady a fait observer que le niveau de chômage a atteint les 9%, selon des statistiques récentes. Elle a toutefois fait valoir que l'Égypte a commencé à enregistrer des succès du point de vue de l'accroissement des flux d'investissements dans le pays. Pour autant, a-t-elle aussitôt ajouté, l'Égypte fait face à une arrivée croissante de réfugiés et de requérants d'asile qui fuient les pays affectés par des conflits armés dans la région. La stabilité dont bénéficie la société égyptienne agit comme un aimant attirant ces catégories de personnes qui finissent par constituer une charge supplémentaire pour l'économie égyptienne – laquelle ne peut faire face aux demandes d'emplois découlant de cet afflux.

Mme Hady a rappelé que les Soudanais jouissent d'un statut spécial en Égypte en raison des liens historiques uniques entre deux pays qui n'en formaient qu'un jusqu'au milieu du vingtième siècle, et en raison des accords bilatéraux qui permettent aux ressortissants de chacun des deux pays de jouir de la liberté de mouvement, de travail et de résidence ainsi que du droit de propriété dans l'autre pays. On estime actuellement entre deux et cinq millions le nombre de Soudanais vivant en Égypte, a précisé la Ministre. L'évolution récente de la situation au Soudan ont provoqué une augmentation du nombre de réfugiés soudanais en Égypte ainsi que du nombre de Soudanais en transit en Égypte alors qu'ils cherchent à obtenir l'asile dans d'autres pays par le biais du bureau régional du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. Il est important d'éviter toute confusion entre la situation des Soudanais vivant en Égypte et celle des réfugiés ainsi qu'entre les accords internationaux applicables dans chacun de ces deux cas.

Pour ce qui est du bien-être des Égyptiens ayant émigré à l'étranger, le Gouvernement ne ménage aucun effort pour les protéger et les aider à légaliser leur statut dans leurs pays d'accueil, ainsi que pour s'assurer qu'ils respectent les législations nationales de ces pays. Le Gouvernement égyptien cherche à conclure de nouveaux accords bilatéraux afin de gérer et d'organiser la migration de la main-d'œuvre égyptienne et évaluer les nouvelles perspectives d'emploi dans les pays concernés. Si les rapatriements d'argent opérés par la main-d'œuvre égyptienne de l'étranger constituent une source substantielle de revenu pour l'économie égyptienne, il convient de ne pas sous-estimer l'impact négatif de l'émigration de la main-d'œuvre égyptienne, en particulier du point de vue de la perte des compétences nationales et de la perte des fruits de l'investissement réalisé par l'État. Les efforts que déploie le Gouvernement pour protéger les droits des Égyptiens à l'étranger se fondent sur un certain nombre de piliers, parmi lesquels: la régulation de l'émigration, conformément au droit constitutionnel de migrer, et la mise en liaison des politiques de migration avec les objectifs de l'État dans les domaines économique et social; la fourniture des services nécessaires aux communautés égyptiennes à l'étranger; l'amélioration de la sensibilisation de la jeunesse égyptienne aux dangers associés à la migration illégale; ou encore la création d'un poste d'attaché du travail dans les ambassades égyptiennes.

M. REDA SHEHATA, membre de la délégation égyptienne et ancien membre de la Commission globale sur les migrations, a notamment rappelé que depuis 1990, le monde a profondément changé. Après le 11 septembre 2001, il a été totalement bouleversé. La mondialisation de la sécurité a accompagné la mondialisation du terrorisme, ce qui n'a pas été sans conséquence sur les mouvements migratoires. Il faut donc aborder les problèmes liés à la Convention avec une grande ouverture d'esprit et en se fondant sur la confiance, dans un esprit de dialogue constructif, a-t-il souligné. Il faudra qu'il y ait une véritable collaboration entre les pays de destination et les pays d'origine si l'on veut que soient trouvées des solutions à tous les problèmes que peuvent poser les migrations dans le monde actuel.

Faisant référence aux tragiques événements du 30 décembre 2005 où plusieurs réfugiés et requérants d'asile soudanais avaient trouvé la mort lors de l'intervention de la police égyptienne près du bureau régional du Haut Commissariat pour les réfugiés en Égypte, M. Shehata a rappelé les conditions d'hygiène déplorables qui prévalaient sur le site où s'étaient rassemblées ces personnes. Ces réfugiés avaient besoin de papiers d'identité; très peu d'entre eux les ont obtenus, a-t-il ajouté. Mais il n'y a pas eu de meurtres, de crimes prémédités, a-t-il assuré. L'Égypte a essayé d'accorder son aide à ces réfugiés, mais elle a besoin de l'aide de la communauté internationale qui, en l'occurrence lui est parvenue trop tard, a-t-il poursuivi. Il y a depuis des siècles près de 5 millions de Soudanais qui vivent sur le territoire égyptien et qui y jouissent des mêmes droits que tous les Égyptiens, a insisté M. Shehata.

Le rapport initial de l'Égypte (CMW/C/EGY/1) souligne qu'un étranger, indépendamment du caractère légal ou non de sa présence sur le territoire national, jouit de toutes les protections garanties par la loi, qu'il soit victime d'une violation de ses droits ou qu'il fasse l'objet de poursuites criminelles pour avoir enfreint les lois égyptiennes. En outre, la loi sur les passeports confère à tout Égyptien le droit d'obtenir un passeport pour voyager à l'extérieur du pays et y revenir; seules les autorités judiciaires ou les services de sécurité publique ont le droit d'empêcher une personne de voyager. La loi garantit un droit de recours contre toute décision prise à cet égard. La loi de 1960 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers, qui réglemente les conditions et modalités de délivrance et de renouvellement du titre de séjour, prévoit qu'un étranger qui séjourne légalement dans le pays à titre privé ne peut être expulsé que sur ordre du Ministère de l'intérieur, au motif que sa présence représente une menace pour la sécurité nationale ou la santé publique, la moralité ou l'ordre public.

L'esclavage est réputé incompatible avec l'ordre social existant en Égypte, poursuit le rapport. En droit égyptien, nul ne peut être réduit en esclavage quelle que soit sa nationalité. Contraindre une personne au travail forcé est une infraction pénale aux termes de l'article 117 du Code pénal. Le rapport précise en outre que la propriété et la cession de terrains bâtis et non bâtis par des étrangers en Égypte sont régies par la loi de 1996. Aux termes de la Constitution, l'expropriation n'est légale qu'en vertu d'une décision de justice et, en règle générale, tous les étrangers sont soumis à cette disposition. Le rapport souligne par ailleurs que la destruction de documents officiels est une infraction pénale en droit égyptien. Leur confiscation ou leur retrait est interdit sauf dans certaines circonstances prévues par la loi ou lorsque leur validité est suspecte. Les travailleurs migrants devant recevoir des soins médicaux d'urgence sont admis dans les hôpitaux publics et sont traités de la même façon que le serait tout Égyptien dans des circonstances similaires; leur statut, à savoir le fait d'être en situation régulière ou irrégulière dans le pays, ne peut être invoqué pour leur refuser les soins nécessaires à leur rétablissement. Les travailleurs migrants ont droit aux prestations de sécurité sociale dont bénéficient les travailleurs en vertu du Code du travail. En outre, un décret de 1992 a consacré le principe selon lequel tous les enfants étrangers résidant en Égypte pouvaient être scolarisés dans les écoles publiques et privées dans les mêmes conditions que les ressortissants égyptiens en ce qui concerne l'âge et le regroupement des élèves.

Le rapport indique qu'environ cinq millions d'Égyptiens vivent à l'étranger. Ils forment des communautés laborieuses, productives et disciplinées qui respectent les lois, les traditions et le sentiment national de leurs pays d'accueil tout en restant solidement attachés à leur pays natal. Parallèlement, l'Égypte est un pays qui accueille des immigrants en situation régulière ou irrégulière provenant de nombreux pays voisins. Elle est également devenue, ces dernières années, un pays de transit pour beaucoup de populations d'origine africaine ou asiatique qui désirent se rendre en Europe. Un travailleur migrant qui contrevient aux dispositions légales énoncées dans la loi relative à l'entrée et à la résidence des étrangers est passible d'une amende et tenu de quitter le pays, précise le rapport. Conformément à la loi, un délai pendant lequel aucune restriction ne vient limiter sa liberté et où il ne peut être incarcéré lui est consenti pour quitter le pays volontairement.


Examen du rapport

Observations et questions des membres du Comité

M. ABDELHAMID EL JAMRI, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Égypte, a salué la composition de la délégation présentée par l'Égypte, dont le niveau témoigne de la volonté du pays d'aboutir à des résultats mesurables. Il a également salué les efforts déployés par le pays au niveau de la construction économique comme démocratique, en dépit de toutes les difficultés qui l'entoure.

M. El Jamri a toutefois relevé que dans son rapport initial, l'Égypte a privilégié une approche théorique au détriment d'une approche pratique, c'est-à-dire opérationnelle. Nous sommes convaincus que la situation d'état d'urgence qui dure depuis 1981 affecte l'application de certaines lois et de certains traités internationaux, a par ailleurs affirmé M. El Jamri.

En ce qui concerne les droits des Égyptiens migrants, dont l'écrasante majorité se trouve dans des pays arabes, notamment dans les États du Golfe, M. El Jamri a souhaité savoir comment le Gouvernement égyptien se positionnait par rapport à certains problèmes, notamment celui du «parrainage», la kefala, en vigueur dans nombre de pays arabes et en vertu duquel plusieurs personnes se retrouvent sous la dépendance d'une seule personne. Certaines situations se rapprochent de l'esclavagisme dans certains pays du Golfe, a insisté le rapporteur.

S'agissant de la situation des Soudanais en Égypte, M. El Jamri a indiqué avoir des difficultés à comprendre leur situation Combien sont-ils, a-t-il notamment vousu savoir, soulignant que si leur nombre s'élevait à 5 millions, comme certaines sources l'indiquent, cela ferait de l'Égypte un pays de destination des migrations puisque le nombre d'étrangers ayant émigré en Égypte serait supérieur à celui des Égyptiens ayant émigré à l'étranger.

M. El Jamri a en outre évoqué la question des migrants égyptiens détenus en Israël, dont bon nombre sont des bédouins sans papiers dont le traitement du dossier se retrouve retardé du fait que les autorités égyptiennes tardent à leur fournir des papiers d'identité.

Un autre expert a souhaité savoir si l'Égypte avait des accords de réadmission avec des pays de l'Union européenne. Si oui, comment cela se passe-t-il ? Un migrant qui rentre dans son pays peut-il encore y bénéficier des prestations sociales dont il bénéficiait dans le pays où il a travaillé, a demandé ce même membre du Comité ?

Un membre du Comité a souhaité en savoir davantage sur les réserves émises par l'Égypte à l'égard de certaines dispositions de la Convention. Relevant que la protection accordée aux travailleurs migrants est sujette dans certains domaines au principe de réciprocité, cet expert a fait observer que la Convention ne mentionne pas le principe de réciprocité et insiste sur la nécessité d'accorder les mêmes droits à tous les travailleurs migrants. Aussi, sur quelle base l'Égypte légitime-t-elle la réciprocité dans ce contexte ?

Ce même membre du Comité a attiré l'attention sur le phénomène nouveau des Indonésiennes venant de Jordanie travailler en Égypte, en dehors des circuits migratoires légaux, ainsi que sur le phénomène des mariages d'été qui ne durent qu'une saison et constituent une forme de traite.


Réponses de la délégation

La délégation égyptienne, par la voix du Représentant permanent de l'Égypte auprès des Nations Unies à Genève, M. Sameh Shoukry, a rappelé qu'en 2005, pour la première fois, les élections qui se sont déroulées en Égypte ont vu la participation de la société civile en qualité d'observateurs. Elle a en outre rappelé que les amendements constitutionnels récemment adoptés visaient à assurer encore davantage l'égalité entre les citoyens.

Interrogée sur la place des instruments internationaux ratifiés par l'Égypte dans l'ordre juridique interne, la délégation a indiqué que dès qu'elle a été ratifiée, la Convention est devenue partie intégrante du droit égyptien. Elle y occupe, comme les autres instruments internationaux, une place intermédiaire entre la Constitution et les lois nationales.

La délégation a fait état de l'existence d'une ligne téléphonique ouverte 24 heures sur 24 pour entendre les plaintes des travailleurs égyptiens se trouvant à l'étranger et leur fournir les services requis.

La loi sur l'assurance sociale permet au travailleur migrant qui travaille à l'extérieur de cotiser à une police d'assurance lui permettant d'accéder à une assurance retraite le jour où il rentrera au pays, a indiqué la délégation.

S'agissant du système de la kafala dans les pays du Golfe et de ses conséquences, la délégation a souligné que l'Égypte respecte les réglementations internes de chaque pays et les règles qui y sont applicables aux travailleurs migrants. Ce sont des lois internes qui sont applicables aux travailleurs migrants et il n'est donc pas possible pour l'Égypte de s'immiscer dans les réglementations internes des pays concernés, a insisté la délégation. L'Égypte a néanmoins discuté de ces questions avec certaines autorités, notamment en Arabie saoudite, a-t-elle ajouté. Par le passé, le travailleur migrant n'était pas autorisé à passer d'un kafil (un répondant ou garant) à l'autre, faute de quoi il était soumis à une amende; ce n'est plus le cas, a fait valoir la délégation.

Dénonçant les abus de certaines entreprises qui tentent à l'étranger d'employer de jeunes Égyptiens en les induisant en erreur, la délégation a indiqué que l'Égypte a signé une convention avec l'Italie et s'efforce de l'appliquer afin d'éviter que de jeunes travailleurs égyptiens ne se retrouvent en danger en cherchant à aller travailler en Italie, en transitant par la Libye souvent au péril de leur vie. Ainsi, un accord a-t-il été conclu entre l'Égypte et l'Italie pour que l'enregistrement des travailleurs migrants se fasse aussi du côté italien. Les entreprises qui souhaitent employer un travailleur migrant sont invitées à faire part de leurs besoins en la matière afin que leurs demandes soient mises en rapport avec l'offre en Égypte. L'Égypte souhaite engager des démarches similaires avec la Grèce et l'Espagne, a précisé la délégation. Des mémorandums d'accord ont également été signés avec la Jordanie et avec le Maroc, a-t-elle ajouté.

En ce qui concerne la situation des Soudanais, la délégation a insisté sur la nécessité de distinguer les Soudanais résidents et les Soudanais migrants. En effet, certains Soudanais se rendent en Égypte pour fuir la situation dans certaines régions du Soudan; il y viennent non pas pour s'y installer mais parce que le bureau régional du Haut Commissariat pour les réfugiés y est installé. Ils sont donc généralement en transit vers des pays tiers. Les problèmes qui se sont posés en décembre 2005 proviennent notamment du fait que les pays donateurs avaient réduit leurs fonds, a ajouté la délégation. Quant aux autres Soudanais présents en Égypte, ils y résident depuis des décennies et il est souvent très difficile de les distinguer du reste de la population, a souligné la délégation.

S'agissant de la question des migrants illégaux égyptiens détenus en Israël, qui sont en particulier des bédouins, la délégation a indiqué avoir appris qu'il y avait eu un retard dans l'émission de documents pour ces personnes et que, selon certains, cela constituerait une discrimination à leur encontre. Or, l'Égypte n'a jamais connu de discrimination ni de racisme dans toute son histoire, a assuré la délégation. Tous les citoyens égyptiens sont égaux, a –t-elle insisté. Il n'y a pas de dimension ethnique en jeu lorsque l'on parle des bédouins; ce groupe n'est pas différent du reste de la population, a-t-elle poursuivi. En 2006, il y avait 95 citoyens égyptiens en prison en Israël; il n'y en a désormais plus que 82 puisque 13 sont revenus en Égypte. Certaines de ces personnes, lorsqu'elles ont été arrêtées, ont nié être égyptiennes parce qu'elles étaient en fait recherchées pour divers délits en Égypte, a indiqué la délégation. Certaines étaient impliquées dans divers trafics – de personnes, d'armes et de stupéfiants – à la frontière, a ajouté la délégation.

Répondant à une question sur le regroupement familial, la délégation égyptienne a souligné que rien n'empêche un travailleur étranger résidant légalement en Égypte de faire venir en Égypte son épouse ou ses enfants. Ce n'est toutefois pas le cas si le travailleur se trouve illégalement sur le territoire égyptien.

L'Égypte n'est pas un sanctuaire pour la prostitution, a par ailleurs souligné la délégation en réponse à d'autres questions. C'est en revanche un pays de transit pour de nombreuses personnes désirant se rendre dans des pays tiers, a-t-elle souligné. La délégation a réfuté l'allégation selon laquelle l'Égypte serait un fournisseur de prostituées au profit des pays du Golfe.

La traite de personnes est un phénomène mondial et nouveau; c'est la troisième industrie du monde après l'industrie des armements et celle des stupéfiants, a rappelé la délégation. Comme cela a déjà été dit, l'Égypte n'est ni source ni destination de telles pratiques, mais il se trouve que c'est un pays de transit.

En ce qui concerne les réserves que l'Égypte a émises à l'égard de certaines dispositions de la Convention, la délégation a notamment assuré que toute personne qui estime avoir été victime d'une erreur judiciaire peut ester en justice contre le juge. L'Égypte est en train de réviser sa législation relative au dédommagement en cas d'erreur judiciaire.

Rappelant que, selon la législation égyptienne, une autorisation devait être donnée par le mari pour qu'une femme puisse obtenir un passeport, la délégation a fait état d'un avis de la Cour suprême statuant que la loi ne devait pas prévoir une telle autorisation du mari pour qu'une femme obtienne un passeport. Les décisions de la Cour suprême s'imposent et ne peuvent être contestées, a rappelé la délégation.

La loi sur la citoyenneté égyptienne se fonde sur le droit du sang et non pas sur le lieu de naissance (ou droit du sol), a par ailleurs souligné la délégation.

En ce qui concerne les travailleurs saisonniers et domestiques, la délégation a admis que les travailleurs domestiques posent problème, en ce sens que la législation ne prévoit pas de dispositions les concernant. Aucun inspecteur ne peut en effet entrer dans un foyer car on se doit de respecter le caractère privé de chaque ménage. Les employés de maison sont considérés comme culturellement inférieurs et cela explique qu'il y ait eu des lacunes dans leur protection, a poursuivi la délégation. Les autorités égyptiennes sont en train d'étudier les moyens de modifier la loi et le code du travail afin de remédier à cette situation afin de défendre davantage la dignité aux travailleurs domestiques, a-t-elle indiqué.


Observations préliminaires

Le rapporteur du Comité chargé du rapport égyptien, M. ABDELHAMID EL JAMRI, a remercié la délégation de l'Égypte pour la qualité de son écoute et pour les efforts qu'elle a déployés afin de répondre aux questions soulevées par les experts. Il a salué l'échange sincère et riche que le Comité a eu avec la délégation, grâce auquel les membres du Comité disposent d'éléments leur permettant de mieux évaluer la situation eu égard à la mise en œuvre de la Convention par l'Égypte. Le Comité va maintenant formuler des recommandations sur la base des éléments dont il dispose à ce jour et ne pourra donc tenir compte des informations que la délégation s'est engagée à transmettre au Comité ultérieurement - à moins que ces informations parviennent au Comité dans les tout prochains jours.


M. El Jamri a insisté sur la nécessité de traiter la question des travailleurs migrants à l'échelle régionale. Aussi, l'Égypte a-t-elle, à cet égard, besoin d'un soutien international pour faire face aux problèmes que connaît l'ensemble de la région. Le rapporteur a par ailleurs rappelé que le Comité a exprimé des inquiétudes en rapport avec l'état d'urgence et la loi sur le terrorisme qui est en préparation.

Le Comité a également relevé de bonnes pratiques, dont témoigne notamment l'accord passé avec l'Italie concernant les jeunes Égyptiens appelés à émigrer vers ce pays. M. El Jamri a par ailleurs rappelé que tous les étrangers qui demandent à travailler en Égypte doivent subir un test VIH et que ceux qui se révèlent séropositifs ne peuvent recevoir un permis de travail, ce qui est contraire au droit international en matière de travail (qu'il s'agisse des normes de l'OIT ou de celles de l'OMS) puisqu'il n'existe aucun risque de transmettre le VIH/sida au travail.

M. El Jamri a par ailleurs indiqué avoir appris dans la presse égyptienne de ce jour que la «Maison des syndicats et des services aux ouvriers» a été fermée; aussi, a-t-il demandé à la Ministre de la main-d'œuvre et des migrations de l'Égypte, qui dirige la délégation égyptienne, d'user de tout son humanisme pour permettre à cette organisation non gouvernementale de reprendre le cours normal de son travail.



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