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LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME ADOPTE UNE DÉCISION SUR LE DARFOUR

Compte rendu de séance

Le Conseil des droits de l'homme a adopté, cet après-midi, par 25 voix pour, 11 contre et 10 abstentions, une résolution dans laquelle il constate avec préoccupation la gravité de la situation des droits de l'homme et de la situation humanitaire au Darfour et engage toutes les parties à mettre fin immédiatement aux violations des droits de l'homme et du droit international humanitaire, en accordant une attention particulière aux groupes vulnérables, notamment aux femmes et aux enfants.

Le Conseil se félicite par ailleurs de l'accord de paix au Darfour signé à Abuja ainsi que des mesures déjà prises pour le mettre en œuvre.

Le Conseil avait auparavant rejeté des propositions d'amendements présentées par le Canada et la Finlande (au nom de l'Union européenne). Ces amendements visaient notamment à vivement engager le Gouvernement soudanais à prendre ses responsabilités dans la protection des populations civiles. Plusieurs délégations ont fait des observations ou expliqué leur vote s'agissant du texte sur le Darfour. Le Soudan a pris la parole à titre de pays concerné.


Le Conseil des droits de l'homme tiendra une brève séance de clôture de sa deuxième session demain matin, à partir de 10 heures, en adoptant son rapport à l'Assemblée générale. Il procédera immédiatement après à l'ouverture des travaux de sa troisième session, qui portera essentiellement sur la procédure d'examen périodique universel et sur la révision des mandats.

Décision sur le Darfour

Par une décision sur le Darfour (A/HRC/2/L.44), adoptée cet après-midi par 25 voix pour, 11 contre et 10 abstentions, le Conseil se félicite de l'accord de paix au Darfour signé à Abuja ainsi que des mesures déjà prises pour le mettre en œuvre. Il demande à toutes les parties qui ne l'ont pas encore fait de signer l'accord, conformément aux résolutions pertinentes de l'Organisation des Nations Unies. Le Conseil constate avec préoccupation la gravité de la situation des droits de l'homme et de la situation humanitaire au Darfour et engage toutes les parties à mettre fin immédiatement aux violations des droits de l'homme et du droit international humanitaire, en accordant une attention particulière aux groupes vulnérables, notamment aux femmes et aux enfants, sans faire obstacle au retour dans leurs foyers de toutes les personnes déplacées. Le Conseil note que l'accord de paix au Darfour pose les principes de la responsabilisation et de la lutte contre l'impunité. Il enjoint toutes les parties de défendre les principes qui sont applicables tant aux États qu'aux autres acteurs, et de coopérer pleinement à l'application de cet instrument. Le Conseil demande à toutes les parties, qu'elles aient ou non signé l'accord de paix au Darfour, d'assurer le plein et libre accès des observateurs du Haut-Commissariat aux droits de l'homme déployés au Soudan à tous les lieux où ils ont des tâches à accomplir, et de veiller à la sécurité de l'aide humanitaire qui doit parvenir intégralement et sans entrave aux personnes dans le besoin au Darfour. Le Conseil se félicite de la coopération établie par le Gouvernement soudanais avec le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme au Soudan, et le prie de poursuivre et renforcer sa coopération avec le Conseil et ses mécanismes. Le Conseil exhorte la communauté internationale en général, et les pays donateurs ainsi que les partenaires de paix en particulier, à honorer leurs engagements d'aide et de fournir de toute urgence au Gouvernement soudanais l'assistance financière et technique dont il a besoin pour promouvoir et protéger les droits de l'homme.

Ont voté pour (25) : Afrique du Sud, Algérie, Arabie saoudite, Azerbaïdjan, Bahreïn, Bangladesh, Brésil, Chine, Cuba, Djibouti, Fédération de Russie, Gabon, Inde, Indonésie, Jordanie, Malaisie, Mali, Maroc, Mexique, Nigéria, Pakistan, Philippines, Sénégal, Sri Lanka et Tunisie.

Ont voté contre (11) : Allemagne, Canada, Finlande, France, Pays-Bas, Pologne, République tchèque, Roumanie, Suisse, Ukraine et Royaume-Uni.

Abstentions (10) : Argentine, Équateur, Ghana, Guatemala, Japon, Maurice, Pérou, République de Corée, Uruguay et Zambie.


Avant l'adoption de la décision sur le Darfour, le Conseil a rejeté, par 22 voix contre 20, et quatre abstentions, les propositions d'amendements présentées par le Canada et la Finlande (au nom de l'Union européenne) figurant dans le document A/HRC/2/L.48. Ces propositions d'amendements visaient notamment à demander au Conseil de prendre note avec inquiétude de la gravité de la situation des droits de l'homme et de la situation humanitaire au Darfour et de demander la cessation immédiate des violations persistantes des droits de l'homme. Ces propositions d'amendements visaient également à ce que le Conseil demande à toutes les parties de mettre un terme à l'impunité et de coopérer pleinement à la mise en œuvre de l'Accord de paix pour le Darfour et des résolutions pertinentes de l'ONU.

Ont voté pour (20) : Allemagne, Argentine, Canada, Équateur, Finlande, France, Ghana, Guatemala, Japon, Mexique, Pays-Bas, Pérou, Pologne, République de Corée, République tchèque, Roumanie, Royaume-Uni, Suisse, Ukraine et Uruguay.

Ont voté contre (22) : Afrique du Sud, Algérie, Arabie saoudite, Azerbaïdjan, Bahreïn, Bangladesh, Chine, Cuba, Djibouti, Fédération de Russie, Gabon, Inde, Indonésie, Jordanie, Malaisie, Mali, Maroc, Nigéria, Pakistan, Sénégal, Sri Lanka et Tunisie.

Abstentions (4) : Brésil, Maurice, Philippines et Zambie.


Observations et explications de vote

M. IDRISS JAZAÏRY (Algérie, au nom du Groupe africain) a expliqué que de longues négociations se sont tenues pour tenter d'aboutir à un accord sur ce projet. Il a souhaité remercier l'Union européenne pour la patience et la souplesse dont elle a fait preuve. Le représentant a fait part de plusieurs changements possibles évoqués durant les consultations, regrettant que l'Union européenne ait finalement préféré s'en tenir revenir au texte de base, y compris aux amendements qu'elle se proposait d'y apporter. Le représentant a regretté cette décision, se déclarant toutefois prêt à discuter encore de ce projet.

M. VESA HIMANEN (Finlande, au nom de l'Union européenne) a affirmé que l'Union européenne a engagé des négociations sur la situation au Darfour en toute bonne foi. Ce n'est pas seulement une différence technique entre «des» rapports et «un» rapport dont il s'agit; l'Union européenne pense que la situation au Darfour est telle qu'il faut au minimum qu'un rapport spécifique soit préparé par la Haut Commissaire, a expliqué le représentant finlandais. Il y a eu d'autres désaccords sur la question importante de l'impunité et il ne s'agit pas là, encore une fois, d'un simple problème technique mais bien d'un problème de fond, a-t-il poursuivi. Il a ensuite présenté les amendements présentés par sa délégation au projet de décision L.44 et figurant dans le document L.48.

M. IDRISS JAZAÏRY (Algérie, au nom du Groupe africain) a précisé qu'une réunion avait eu lieu le 16 novembre dernier à Addis-Abeba, réunion au cours de laquelle a été brossé un bilan de la situation beaucoup plus positif que celui auquel vient de conclure l'ambassadeur de la Finlande au nom de l'Union européenne. Le représentant a dit ne pas partager par conséquent le pessimisme qui vient d'être exprimé et indiqué que le Groupe africain s'opposerait aux amendements proposés.

M. PAUL MEYER (Canada) a indiqué que la situation au Darfour a été la source de graves préoccupations de la communauté internationale, particulièrement s'agissant de la situation des droits de l'homme. La deuxième session du Conseil, a poursuivi le représentant, a entendu de nombreuses voix demander une réaction immédiate du Conseil. De nombreux témoins ont fait état de violations récentes conduisant à la mort de nombreux civils. Les amendements de l'Union européenne et du Canada soulignent à juste titre l'obligation du Gouvernement soudanais de protéger les civils, tout en appelant toutes les parties à cesser leurs exactions contre les civils et à lutter contre l'impunité. Les déclarations ne suffisent pas, a affirmé le représentant; des mesures concrètes sont nécessaires. Il a appelé au renforcement des mécanismes de surveillance et invité le Conseil à organiser une réunion pour discuter des mesures à prendre. Il faut mettre un terme aux souffrances des victimes de ce conflit, a conclu le représentant canadien, et il appartient au Conseil d'agir sans tarder.

M. MOUSA BURAYZAT (Jordanie) a regretté que le Conseil ne soit pas parvenu à un consensus sur le texte de la décision relative à la situation au Darfour. Prenant acte de cet échec, le représentant jordanien a souhaité faire part d'un certain nombre de commentaires s'agissant de ce qu'il a pu observer au sujet de la situation au Darfour, à la suite d'une visite qu'il y a effectuée sur invitation du Gouvernement soudanais. Le représentant a indiqué avoir désormais, de la situation dans cette région, une image quelque peu différente de celle traditionnellement donnée dans les médias. On ne peut certes pas dire que la situation au Darfour soit paradisiaque. Elle est difficile. Mais le représentant a dit avoir la conviction que la situation est différente de ce que l'on peut penser s'agissant de la cause et des origines du conflit. Le Conseil doit être au fait des réalités sur le terrain en se fondant sur diverses sources avant de prendre les décisions qui s'imposent, a déclaré le représentant jordanien. Les amendements au texte initial du projet de résolution L.44, présentés par la Finlande, ont une dimension politique; or le Conseil doit se départir de tout ce qui est politique pour se concentrer sur l'humanitaire.

M. JEAN-DANIEL VIGNY (Suisse) a indiqué que sa délégation est en faveur des amendements proposés par l'Union européenne figurant dans le texte L.48.

M. IBRAHIM MIRGHANI IBRAHIM (Soudan) a réaffirmé la volonté de son gouvernement de protéger les droits de l'homme et de respecter les conventions internationales en la matière. Le représentant a souligné que les trois accords de paix signés entre 2005 et 2006 consacrent ces principes et a réitéré la volonté de son gouvernement de coopérer avec le Conseil des droits de l'homme. Il a toutefois insisté sur l'importance que les décisions de cet organe soient fondées sur de fausses informations. Pour écarter ce risque, le Gouvernement a reçu près de 470 délégations pour qu'elles prennent connaissance de la situation. Depuis la signature de l'accord de paix du 5 mai 2006, les progrès de la situation humanitaire ont été manifestes, a fait valoir le représentant. Ce dernier a regretté que les rebelles et les groupes hors-la-loi continuent de rejeter l'accord de paix. Cet accord traitait pourtant de manière appropriée des causes du conflit, a précisé le représentant, réitérant le souhait de son Gouvernement de coopérer avec tous les mécanismes des droits de l'homme, le Conseil, le Haut-Commissariat et les organisations non gouvernementales. Pour conclure, le représentant a remercié l'Union africaine pour l'effort qu'elle a consenti dans le cadre des négociations avec l'Union européenne et demandé au Conseil de voter contre les amendements de l'Union européenne et en faveur du projet de résolution du Groupe africain.

M. VESA HIMANEN (Finlande, au nom de l'Union européenne), intervenant après le rejet de sa proposition d'amendement, a fait part de sa profonde déception devant l'impossibilité de parvenir à un accord. Il a rappelé que l'Union européenne a maintes fois exprimé son inquiétude face à la situation des droits de l'homme dans le Darfour et sa grave préoccupation face à la culture d'impunité croissante. Il a souligné que la responsabilité incombe au premier chef au Gouvernement du Soudan et a appelé toutes les parties à mettre un terme à la violence et à permettre l'acheminement de l'aide humanitaire. Le représentant a, à cet égard, estimé que la question de la responsabilité du Gouvernement soudanais, tout comme celle des autres parties au conflit, doit continuer d'être évaluée par le Conseil. Le représentant a aussi indiqué que la réunion qui s'est tenue à Addis-Abeba le 16 novembre dernier s'est terminée sur des conclusions aux termes desquelles la communauté internationale rappelle au Soudan son obligation de protéger ses citoyens et de faciliter le travail de l'Union africaine. Le projet L.44 n'arrive pas à refléter les préoccupations relatives à la détérioration de la situation des droits de l'homme au Darfour, a estimé le représentant. Si l'on veut que le Conseil fasse une différence et se montre efficace, il faut viser les résultats, ce que le projet L.44 ne permet pas, a estimé le représentant finlandais, ajoutant que, pour toutes ces raisons, sa délégation voterait contre le projet de résolution.

M. NICHOLAS THORNE (Royaume-Uni) a déclaré qu'il est difficile d'imaginer situation qui appelle de manière plus urgente l'intervention du Conseil que celle qui prévaut actuellement au Darfour. Il a rappelé que la situation humanitaire ne cesse de se détériorer dans cette région, que les civils y sont systématiquement pris pour cibles, que l'on compte des milliers de personnes déplacées et que les institutions des Nations Unies éprouvent les pires difficultés à accéder aux victimes. Aux dernières nouvelles, a ajouté le représentant, le Gouvernement soudanais a rejeté les plans pour l'envoi d'une force de la paix mixte, africaine et internationale. Citant le Secrétaire général des Nations Unies, le représentant a déclaré que le Darfour était «au bord du gouffre». Il a estimé que cette situation est une épreuve pour le Conseil et que celui-ci perdrait toute crédibilité s'il n'était déterminé à se saisir que de la situation prévalant au Moyen-Orient, en ignorant celles qui, comme le Darfour, méritent son attention urgente.

M. JEAN-MAURICE RIPERT (France) s'est associé à la déclaration faite par la Finlande au nom de l'Union européenne. Il n'est pas concevable qu'une situation d'une telle gravité ne soit pas traitée à sa mesure par l'organe des Nations Unies dont c'est le mandat, a souligné le représentant. La France regrette qu'il n'ait pas été possible de se mettre d'accord sur un texte qui reconnaisse la responsabilité première du Gouvernement soudanais en matière de lutte contre l'impunité. Cela conduit la France à se prononcer contre le projet de texte qui est soumis au Conseil. Il faut que le Conseil reste saisi de cette question aussi longtemps que nécessaire; la France n'acceptera pas que le silence retombe sur les drames dont sont victimes les femmes, les enfants et les hommes du Darfour, a conclu le représentant français.

M. GALO LARENAS SERRANO (Équateur), intervenant après l'adoption de la décision, a déclaré que, de l'avis de son pays, la situation au Darfour exige une attention de la communauté internationale eu égard aux graves violations de droits de l'homme dont y sont victimes les civils. L'Équateur s'est donc abstenu lors du vote sur le texte du L.44.

M. DONG-HEE CHANG (République de Corée) a déploré que le Conseil ne soit pas parvenu à un consensus et ait dû voter sur une question aussi critique. La situation des droits de l'homme au Soudan est très préoccupante et l'accord de paix de mai 2006 n'a pas inversé cette tendance, a rappelé le représentant. Il a insisté sur la nécessité de prendre des mesures rapides, soulignant qu'à cet égard le Conseil doit offrir son assistance. Enfin, le représentant a appelé toutes les parties à respecter l'accord de paix, à mettre un terme à la violence contre les civils, à assurer le rapatriement des personnes déplacées et à négocier des solutions. Nous pensons que les amendements présentés par l'Union européenne auraient contribué à cibler davantage la résolution et la rendre plus pertinente, a-t-il conclu.

M. GUSTI AGUNG WESAKA PUJA (Indonésie) a exprimé son soutien à la détermination de la communauté internationale d'agir pour améliorer la situation des droits de l'homme dans le monde. Ceci, a-t-il toutefois précisé, doit se faire par le biais du dialogue. Le représentant a réaffirmé que la situation au Darfour était complexe et que les efforts visant à sa résolution seront plus efficaces s'ils émanent des intervenants régionaux, raison pour laquelle l'Indonésie a soutenu le projet de résolution L.44.



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HRC06069F