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COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS; AUDITION D'ORGANISATIONS NON GOUVERNEMENTALES ET INTERNATIONALES

Compte rendu de séance

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a procédé cet après-midi à l'audition de représentants d'institutions des Nations Unies, ainsi que d'organisations non gouvernementales, qui ont abordé la question de la mise en œuvre des droits économiques, sociaux et culturels, notamment dans les pays qui présentent un rapport au cours de la présente session.

M. Kishore Singh, de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture, a rendu compte des activités de l'UNESCO visant à promouvoir en particulier le droit à l'éducation. L'éducation de base est une priorité absolue, de même que la réduction du travail des enfants. Cette dernière démarche est indispensable pour permettre aux plus jeunes de bénéficier des bienfaits de l'éducation primaire. L'UNESCO a décidé de renforcer son action en faveur de la responsabilisation des gouvernements en matière d'instauration de l'éducation primaire gratuite.

M. James Heenan, conseiller du Haut-Commissariat sur le VIH/sida, a présenté la situation dans ce pays, soulignant en particulier que le Gouvernement du Tadjikistan est manifestement engagé à reconnaître la gravité potentielle de la situation. M. Heenan recommande notamment une généralisation des procédures de dépistage, la connaissance précise du statut sérologique étant la première étape nécessaire vers la maîtrise de la maladie.

M. Orest Nowosad, membre du Groupe de travail du Haut Commissariat des droits de l'homme sur les institutions nationales des droits de l'homme, a notamment fait valoir que son équipe a mis au point des directives pour la création et la gestion de ces institutions, qui seront complétées par un atelier de travail qui aura lieu à Berlin à la fin novembre. Les institutions pourront à cette occasion exposer leurs manières de voir et de procéder à l'avenir. M. Nowosad a par ailleurs rapidement évoqué la situation relative aux institutions nationales des droits de l'homme en El Salvador, aux Pays-Bas, au Tadjikistan, en Albanie et en ex-République yougoslave de Macédoine, dont les rapports seront examinés au cours de la présente session.

Des organisations non gouvernementales sont également intervenues sur la situation des droits économiques, sociaux et culturels en El Salvador, s'agissant en particulier du droit à la santé et la situation de l'emploi. Il a notamment été suggéré que le pays devrait mener une politique commerciale qui soit conforme aux nécessités du développement interne et qui favorise le plein-emploi; de prendre des mesures d'encouragement de la production alimentaire interne, en lien avec le droit à l'alimentation. Le Gouvernement devrait aussi établir des critères et indices statistiques fiables pour être en mesure de mettre au point une véritable politique de redressement en matière d'emploi. Une action en faveur de la libre adhésion à un syndicat reste encore à mener en El Salvador, le Gouvernement étant prié de faire preuve de souplesse dans l'interprétation de la législation nationale relative aux syndicats. Un représentant a aussi évoqué le problème de la concentration économique qui prévaut en El Salvador, la richesse nationale étant aux mains d'un nombre très restreint de grandes familles.

Le Président de la Commission des droits de l'homme d'El Salvador, Fundación de Estudios para la Aplicación del Derecho (FESPAD), et Comunidades Eclesiales de Base de El Salvador (CEBES) ont fait des déclarations dans ce cadre.


Le Comité reprendra ses travaux demain matin à 10 heures, pour entamer l'examen du troisième rapport périodique présenté par les Pays-Bas (E/1994/104/Add.30).

Résumé des interventions

Échange avec le représentant de l'UNESCO

M. KISHORE SINGH (Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture) a remercié le Comité pour son invitation à participer à ses travaux tenant notamment au droit à l'éducation, et a salué la priorité que le Comité entend accorder à ce thème. Il a rappelé que l'éducation de base est une priorité absolue, de même que la réduction du travail des enfants. Cette dernière démarche est indispensable pour permettre aux plus jeunes de bénéficier des bienfaits de l'éducation primaire notamment. L'UNESCO a décidé de renforcer son action en faveur de la responsabilisation des gouvernements en matière d'instauration de l'éducation primaire gratuite. Un groupe d'experts a formulé des recommandations visant à l'adoption de mesures concrètes en ce sens.

La lutte contre la discrimination dans l'éducation fait aussi l'objet de dispositions pratiques accompagnées de mesures de suivi, a indiqué le représentant de l'UNESCO. Le cadre juridique et financier du droit à l'éducation de base a fait l'objet d'une conférence à Djakarta, suivie de la mise sur pied d'un réseau international d'expertise visant à aider à la modernisation des systèmes scolaires. L'UNESCO a récemment coopéré avec le Gouvernement du Brésil, qui vient d'adopter une nouvelle loi de base obligatoire et gratuite, tout comme le Nigéria. L'UNESCO a également travaillé sur l'initiative mondiale de lutte contre le sida lancée en 2004 et a proposé, dans ce cadre, une série d'actions concrètes à mettre en œuvre dans le contexte de l'éducation des plus vulnérables. L'Organisation s'intéresse à tous les aspects des droits économiques, sociaux et culturels consacrés par le Pacte, a assuré M. Singh.

Suite à cette intervention, un membre du Comité a confirmé que l'éducation est une question prioritaire pour le Comité des droits économiques, sociaux et culturels, tant il est vrai qu'elle est à la base de la jouissance de tous ces droits.

L'expert ayant demandé à M. Singh comment les fonds publics pourraient être mis à contribution en faveur des résidents illégaux, celui-ci a rappelé que le droit à l'éducation est universel, et doit donc bénéficier à chacun, en situation régulière ou non. Les gouvernements insistent cependant sur la notion d'éducation des citoyens, les non-citoyens bénéficiant théoriquement d'autres mesures. Dans tous les cas, il faut veiller à ces que ces dernières mesures soient toujours conformes aux normes internationales.


Examen de la situation relative au VIH/sida au Tadjikistan

M. JAMES HEENAN, conseiller du Haut-Commissariat sur le VIH/sida, a présenté la situation dans ce pays en relevant qu'elle est très particulière en ce qu'il est difficile d'y récolter des statistiques en matière de prévalence du sida. Les estimations varient en effet entre 350 et 16 000 personnes. Ce dernier nombre représente 0,1% de la population. Il est toutefois certain que l'évolution de l'épidémie est particulièrement rapide, avec un doublement probable tous les treize mois. L'épidémie se répand essentiellement par l'injection de drogues. Les toxicomanes, très majoritairement jeunes (90% ont moins de trente ans) consomment surtout de l'héroïne. La maladie s'est progressivement transmise à la population générale: la majorité des femmes qui prennent de la drogue sont en effet des «travailleuses du sexe».

Le rapport de l'État partie est très franc sur ce sujet, a estimé M. Heenan, qui a rapidement évoqué les principaux programmes et fonds engagés par le Gouvernement du Tadjikistan. Ce dernier est manifestement engagé à reconnaître la gravité potentielle de la situation, étant entendu qu'en l'état actuel des choses il est encore possible de vaincre le sida. Les contraintes sont encore nombreuses cependant, a mis en garde M. Heenan. Le droit à l'information conditionne fortement la prévention de la maladie, a-t-il rappelé. C'est l'ignorance qui empêche la protection et la prévention de la transmission. Seules 36% des femmes rurales ont entendu parler de la maladie, a relevé M. Heenan. Les efforts consentis par le Gouvernement n'ont pas toujours atteint ces personnes. Les écoles font l'objet de projets pilotes mais il reste encore beaucoup à faire dans ce secteur. Un réseau d'information anonyme a certes été mis sur pied dans tout le pays, mais davantage d'attention doit être encore accordée à la lutte contre la stigmatisation et la discrimination à l'encontre des personnes vivant avec le sida. De même, une formation doit être dispensée au personnel soignant. Le rapport indique par ailleurs des violations constantes de la confidentialité des personnes vivant avec le sida, une tendance qui doit être combattue, faute de quoi les soins ne profiteront pas aux victimes. M. Heenan a aussi recommandé une généralisation des procédures de dépistage, la connaissance précise du statut sérologique étant la première étape nécessaire vers la maîtrise de la maladie. Des actions ciblées doivent être enfin engagées en faveur des personnes appartenant à des groupes défavorisés tels qu'immigrants, prisonniers (28% sont infectés), travailleurs du sexe notamment.

Un membre du Comité a souligné la nécessité de rassembler des chiffres précis sur la prévalence du sida parmi les catégories de population à risque. Un autre expert s'est interrogé sur la nécessité de distribuer «des centaines de millions de préservatifs», estimant qu'il faut rechercher une solution plus fondamentale à ce problème. De même, l'accès au dépistage est-il une solution? Comment faire face à la croissance exponentielle potentielle du VIH? Une experte a voulu savoir quelle maladie, de la tuberculose ou du sida, était la plus problématique pour le Tadjikistan.

Répondant aux interrogations de membres du Comité, M. Heenan a estimé qu'une approche plus en profondeur du traitement du sida doit tenir compte des aspects relatifs aux droits de l'homme, plutôt que des aspects strictement axés sur la santé publique. Il est difficile de doser les deux approches, est convenu M. Heenan. En matière de prévention, la mise à disposition de préservatif doit absolument s'accompagner de mesures d'information. L'avenir est cependant encore sombre et il faudrait agir résolument, maintenant qu'il est encore temps, pour inverser la tendance. Quant à la tuberculose, elle est extrêmement problématique, mais sera bientôt éclipsée par le sida. Les deux maladies, on le sait bien, sont quoi qu'il en soit étroitement liées l'une de l'autre.

Un membre du Comité s'étant dit intrigué par la distinction opérée par M. Heenan entre les deux approches «santé publique» et «droits de l'homme» de la lutte contre le sida. Pourquoi ne pas traiter le VIH comme le choléra, par exemple? Le problème est ici la notion de discrimination et de stigmatisation, d'une part, et aussi la constatation qu'il n'est pas possible d'isoler les personnes vivant avec le sida, la maladie étant à ce stade inguérissable. Un expert a fait observer à ce propos que les gouvernements sont tenus à la protection du public en même temps qu'à celle des droits des individus. L'important est de concilier les deux démarches.


Débat sur les institutions nationales des droits de l'homme

M. OREST NOWOSAD, membre du Groupe de travail du Haut Commissariat des droits de l'homme sur les institutions nationales des droits de l'homme, a notamment fait valoir la nécessité de rappeler à l'ordre les gouvernements concernant le respect de leurs obligations au regard des instruments internationaux des droits de l'homme, une mission que le Comité des droits économiques, sociaux et culturels appuie déjà utilement.

Les critères clés des institutions nationales sont bien connus. L'équipe de travail a mis au point à ce propos des directives pour la création et la gestion de ces institutions, qui seront complétées par un atelier de travail qui aura lieu à Berlin à la fin novembre. Les institutions pourront à cette occasion exposer leurs manières de voir et de procéder à l'avenir. M. Nowosad a déploré que certains États s'opposent à ce que les institutions nationales contribuent à la préparation de rapports nationaux. Il a souligné qu'il reste au nouveau Conseil des droits de l'homme de fixer les modalités pratiques de la participation des institutions nationales à ses travaux.

Évoquant la production de rapports parallèles par les institutions nationales, M. Nowosad a relevé que certaines institutions disposent de moyens extrêmement limités. Le Comité doit fixer les limites de ce qu'il est possible de demander à ces institutions nationales d'accomplir.

M. Nowosad a souligné qu'en El Salvador, le responsable national des droits de l'homme a été attaqué dans le cadre de ses fonctions. Il appartient au Comité de rappeler à l'État concerné l'importance de ce poste. Aux Pays-Bas, le Comité pourrait explorer les intentions véritables de l'État partie et déterminer si les mesures qu'il se propose de prendre suffiront à atteindre les objectifs fixés. Au Tadjikistan, le Comité pourrait évaluer les progrès de l'institution nationale des droits de l'homme. La question du respect du pluralisme se pose par ailleurs en Albanie et en République de Macédoine.

La Présidente du Comité des droits économiques, sociaux et culturels, MME VIRGINIA BONOAN-DANDAN, a rappelé la position et l'action du Comité en faveur des institutions nationales de droits de l'homme, regrettant cependant que la situation dans ce domaine n'ait pas évolué de manière aussi positive qu'il aurait fallu. Certaines difficultés pratiques demeurent en particulier en matière de participation aux travaux du Comité.

Un autre membre du Comité a demandé comment il était possible d'opérer une distinction claire entre les organisations non gouvernementales et les institutions nationales de droits de l'homme, insistant sur le critère de l'indépendance de ces institutions. Concernant cette notion importante, une experte a observé que l'ombudsman n'est pas nécessairement indépendant car il est souvent nommé par l'État. L'institution nationale peut par contre être dotée d'un mandat plus libre et il conviendrait de favoriser la création des deux instances, le cas échéant. Un autre expert a souligné que la création d'une institution nationale des droits de l'homme n'est pas une obligation découlant du Pacte. Il a aussi été demandé à M. Nowosad comment la mise en œuvre des droits devait être conduite au niveau international, et dans quelle mesure les institutions nationales couvrent ou non l'intégralité des droits garantis par les pactes. Les plans d'action nationaux seraient utiles, mais dans la mesure où ils seraient conformes aux Principes de Paris. Certaines institutions pourraient être traitées sur le même pied que les organisations non gouvernementales, a aussi estimé l'expert, rappelant par ailleurs la présence notable d'un représentant de l'institution nationale de droits de l'homme au sein d'une délégation nationale. Un autre expert a demandé à M. Nowosad des précisions sur les menaces dont l'institution des droits de l'homme d'El Salvador avait fait l'objet, et quelles mesures l'État partie avait décidé de prendre.

Répondant aux questions du Comité, M. Nowosad a estimé que ce qui distingue les institutions des droits de l'homme et de l'«ombudsman» des organisations non gouvernementales est le fait que les premières sont instituées par des lois nationales. La promotion des droits économiques, sociaux et culturels doit aussi incomber à ces institutions, a dit M. Nowosad, relevant que les «ombudsmans» se voient attribuer des moyens leur permettant de diffuser leurs messages sur tout le territoire. L'indépendance est certes un critère fondamental. L'institution doit cependant aussi répondre de ses actes à une institution supérieure, que ce soit le parlement ou le gouvernement. Les principes de Paris ne devraient pas être les seuls critères pour la détermination du degré d'indépendance, a déclaré M. Nowosad, rappelant d'un autre côté que même une institution théoriquement indépendante peut parfois poser des problèmes. La connaissance du rôle des organes de traités doit être améliorée, a aussi fait valoir M. Nowosad, suggérant que des institutions nationales soient invitées dans le cadre de rencontres informelles pour prendre connaissance de l'importance des travaux du Comité par exemple. L'utilisation conjointe d'institutions nationales de droits de l'homme et d'ombudsman est une tendance courante à l'heure actuelle. Certains ombudsmans ne disposent que d'attributions administratives, d'autres reçoivent les plaintes individuelles.

Enfin, M. Nowosad a indiqué que le Gouvernement d'ElSalvador avait accordé une protection policière renforcée au responsable des droits de l'homme menacé, mais il est constant que le titulaire d'un tel poste, particulièrement exposé, sera toujours soumis à des pressions.


Interventions concernant la situation en El Salvador

M. RICARDO SANTAMARÍA, de la Fundación de Estudios para la Aplicación del Derecho (FESPAD), a notamment souligné qu'il était essentiel que la nouvelle politique économique du Gouvernement salvadorien s'accompagne de mesures d'encouragement de la production alimentaire interne, en lien avec le droit à l'alimentation. Le représentant a aussi déploré le fort taux de chômage, calculé pourtant de manière partielle et ne tenant pas compte d'une frange importante de la population. Le Gouvernement devrait établir des critères et indices statistiques fiables à cet égard pour être en mesure de mettre au point une véritable politique de récupération de l'emploi. Il faut aussi déplorer les pratiques de travail clandestin que le Gouvernement pourrait contrecarrer en ratifiant sans attendre, et en appliquant, les conventions concernées de l'Organisation internationale du travail. Une action en faveur de la libre adhésion à un syndicat reste encore à mener en El Salvador, a déploré le représentant, demandant notamment au Gouvernement de faire preuve de souplesse dans l'interprétation de la législation nationale relative aux syndicats. En matière de systèmes de pension, M. Santamaría a relevé que la dévolution au secteur privé des caisses de pension a conduit à une précarisation des retraites. Le Gouvernement doit procéder aux revalorisations nécessaires de manière à garantir dans les faits le droit à la retraite. Le représentant a aussi préconisé des mesures gouvernementales en faveur de la sécurité alimentaire et de la lutte contre la sous-alimentation.

M. LUIS ALBERTO GARCÍA MELARA, représentant des Comunidades Eclesiales de Base de El Salvador (CEBES), a insisté sur la nécessité d'améliorer fortement la couverture sanitaire de base en El Salvador, un service dont plus d'un demi million d'habitants sont dépourvus. Plus de la moitié des personnes tombées malades en 2005 n'ont pu consulter de médecin, faute d'offre. Des problèmes existent par conséquent aussi en termes de prescription de médicaments. Le Gouvernement doit agir pour garantir le droit à la santé. En matière de droit à l'éducation, M. García Melara a notamment rapporté que le taux net d'inscription à l'école primaire était de moins de 50% en 2002 (26% à l'école primaire). Il appartient donc au Gouvernement d'instituer des indicateurs fiables et de s'abstenir de prendre des mesures de privatisation qui mettent en péril l'exercice du droit à l'éducation. M. García Melara a aussi donné des indications chiffrées sur le traitement de certains produits toxiques en El Salvador, des populations ayant été contaminées. Par ailleurs, le représentant a dénoncé des cas d'accidents environnementaux mettant en péril l'approvisionnement en eau potable dans certaines régions du pays. Le ministère de l'environnement devrait recevoir un mandat de contrôle des pratiques industrielles dangereuses pour l'environnement, a estimé le représentant. D'une manière générale, il a déploré l'affaiblissement depuis une dizaine d'années du rôle de l'État auprès des forces du marché et la répartition inégale des richesses en raison de l'application de politiques libérales. Les droits économiques, sociaux et culturels sont ainsi en régression en El Salvador, en parallèle avec la détérioration des conditions économiques que connaît la population en général. Le Gouvernement devrait donc, entre autres mesures de correction, revenir aux mesures préconisées dans les accords de paix de 1992, faire appliquer les conventions de l'Organisation internationale du travail et revenir sur certaines mesures à caractère libéral qui compromettent les droits de la population.

M. LUIS ROMERO GARCÍA, Président de la Commission des droits de l'homme d'El Salvador, a pour sa part brossé les conditions économiques régnant dans son pays, relevant que dès avant l'instauration d'un cadre économique et social suite aux accords de paix de 1992, des ajustements structurels avaient été mis en place au détriment de l'immense majorité de la population et au profit d'une minorité privilégiée. El Salvador connaît le taux de croissance le plus faible de l'Amérique centrale. L'État s'est considérablement endetté, le niveau de pauvreté relative atteint 40% de la population, celui de la grande pauvreté 19% (chiffres Programme des Nations Unies pour le développement), et ce malgré la part très importante des transferts de fonds des Salvadoriens émigrés à l'étranger. Les inégalités sociales ont crû de manière spectaculaire après la signature des accords de paix et s'accompagnent d'une violence omniprésente. Dans ces conditions, on a enregistré une diminution du nombre des emplois dans le secteur formel; le droit syndical est à peine respecté; le salaire minimal est insuffisant à la survie. El Salvador souffre d'une administration conduisant à l'exclusion. La pauvreté y est mal comptabilisée, ce qui empêche l'adoption de mesures efficaces. La corruption et le blanchiment d'argent ont pris une ampleur inquiétante. Le Gouvernement doit absolument faire en sorte que les questions d'ordre social prévalent dans toutes les activités et initiatives. Le Gouvernement doit revenir à la lettre des accords de paix et engager désormais une véritable politique sociale.

Un membre du Comité a relevé que la privatisation de la sécurité sociale des travailleurs du secteur privé avait été lancée dès 1999, et demandé ce qu'il en était de la situation du secteur public. Elle a également voulu avoir des précisions sur la situation alimentaire respective des populations rurales et urbaines. Une autre experte a souhaité obtenir des précisions sur la politique agricole et la politique de l'emploi en El Salvador. Elle a aussi demandé des précisions sur le financement du système de couverture médicale et de retraite. Un expert a dit avoir constaté que le rapport salvadorien ne fait nulle mention de la question des migrants salvadoriens, lesquels seraient au nombre de 2 millions à l'étranger (le Salvador compte 6 millions d'habitants). L'État a-t-il pris des mesures en faveur des travailleurs migrants, a demandé l'expert. Il s'est dit surpris d'entendre qu'El Salvador enregistrait un taux de croissance très faible, alors que les fonds qu'il reçoit de sa diaspora s'élèveraient à trois milliards de dollars.

Répondant à ces questions, le représentant d'une organisation non gouvernementale a précisé que la production clandestine des maquilas (ateliers clandestins), ne pouvait être comptabilisée dans le PNB, contrairement aux imputations du Gouvernement. Ce dernier, a aussi dit le représentant, encourage de fait la tendance à l'émigration des travailleurs, un phénomène qui est à l'origine d'une désintégration inquiétante des structures familiales et de la floraison d'une classe de passeurs vivant de la détresse des candidats à l'émigration. Ceci reflète bien le désintérêt total dont le Gouvernement fait preuve pour le bien-être social du pays, préférant susciter des flux de devises artificiels qui n'ont aucune incidence sur la croissance économique, car il favorisent le secteur de la consommation et non les investissements. La croissance s'est, de fait, révélée très faible en comparaison du taux régional, a fait remarquer le représentant. Quant au traité de libre-échange avec les États-Unis adopté par le Parlement, il a immédiatement entraîné une dégradation de la situation des producteurs agricoles salvaldoriens.

La santé est de fait sous-traitée à des sociétés commerciales, ce qui entraîne mécaniquement une réduction des prestations et du recours aux prestations, compte tenu des coûts nettement plus élevés de ces services privés, a poursuivi le représentant. La différence entre les niveaux alimentaires ruraux et urbains est un fait déplorable, probablement explicable par des raisons idéologiques. L'agriculture a été désorganisée par la mise en concurrence avec le marché international, entraînant des conséquences désastreuses pour la sécurité et l'indépendance alimentaires.

Le représentant d'une autre organisation non gouvernementale a évoqué le problème de la concentration économique qui prévaut au Salvador, la richesse nationale étant dans les mains d'un nombre très restreint de grandes familles. La santé de la population n'intéresse pas les industriels bénéficiaires de la privatisation de l'assurance maladie, situation qui laisse le Gouvernement indifférent, a déploré un représentant.


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