Aller au contenu principal

LE COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS EXAMINE LE RAPPORT DU TADJIKISTAN

Compte rendu de séance

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné, vendredi dernier et ce matin, le rapport initial présenté par le Tadjikistan sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions du Pacte sur les droits économiques, sociaux et culturels. Le Comité rendra publiques ses observations finales sur le rapport du Tadjikistan à la fin de la session, le 24 novembre prochain.

Présentant le rapport de son pays, M. Khalifabobo Khamidov, Ministre de la justice du Tadjikistan et chef de la délégation, a déclaré que le Pacte était un traité fondamental du droit international et qu'il détermine toute l'orientation des droits de l'homme. Le Tadjikistan est fidèle aux principes internationaux de protection des droits de l'homme. La dignité de l'homme est désormais inscrite dans la Constitution et les droits de l'homme déterminent l'activité des pouvoirs locaux. L'idéal de la liberté de la personne humaine, de son épanouissement et de la jouissance de ses droits économiques, sociaux et culturels est inscrit au cœur d'une stratégie nationale de développement courant jusqu'à 2015. La stratégie vise à une diminution de la pauvreté et à une amélioration de l'accès aux services sociaux. Il reste à assurer un élargissement de l'accès aux services et l'édification d'un État de droit et d'une société citoyenne moderne. Le Tadjikistan dispose d'importantes ressources en eau et électricité, de même que touristiques et agricoles. Son infrastructure de base est bonne. Par contre, le Tadjikistan est enclavé et loin des grands centres économiques. Les objectifs sont d'atteindre un plus grand niveau de prospérité socio-économique dans le respect des droits de l'homme et une gestion économique et politique transparente. La résolution des problèmes économiques est, de l'avis du Gouvernement du Tadjikistan, la première étape vers la résolution des autres difficultés auxquelles le pays est confronté.

La délégation du Tadjikistan était aussi composée de représentants des ministères de la culture, de l'éducation, de la santé, du travail et de la protection sociale, de l'économie et du commerce et des affaires étrangères. Elle a répondu aux questions des membres du Comité concernant en particulier l'administration de la justice et la garantie d'indépendance des juges; la gestion du système d'assurances sociales; les mesures prises pour garantir un salaire minimum permettant d'assurer un niveau de vie acceptable; le travail des enfants; la promotion du principe d'égalité de traitement entre hommes et femmes; ou encore la protection et la promotion des droits des personnes appartenant à des minorités ethniques ou réfugiées au Tadjikistan.


Le Comité se réunit de nouveau cet après-midi, à 15 heures, pour entamer l'examen du rapport initial de l'ex-République yougoslave de Macédoine (E/C.12/MKD/1).



Présentation du rapport initial de la République du Tadjikistan

M. KHALIFABOBO KHAMIDOV, Ministre de la justice du Tadjikistan et chef de la délégation, a déclaré que le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels était un traité fondamental du droit international et détermine toute l'orientation des droits de l'homme. Le Tadjikistan est fidèle aux principes internationaux de protection des droits de l'homme. La dignité de l'homme est désormais inscrite dans la Constitution; les droits de l'homme déterminent l'activité des pouvoirs locaux. Les traités internationaux ratifiés par le pays font partie de l'ordre juridique interne, et ont la prééminence en cas de conflit avec la législation interne, a précisé le Ministre. L'idéal de la liberté de la personne humaine, de son épanouissement et de la jouissance de ses droits économiques, sociaux et culturels est inscrit au cœur d'une stratégie nationale de développement courant jusqu'en 2015. La stratégie vise à une diminution de la pauvreté et à une amélioration de l'accès aux services sociaux.

Les difficultés économiques liées à la décomposition de l'URSS ont entraîné une guerre civile et un appauvrissement de la population. Les indicateurs économiques se sont effondrés. Malgré ces difficultés, le Tadjikistan a mené une politique économique orientée vers l'économie de marché, qui a permis une reprise de la croissance dès 1997. Par la suite, des mesures d'approfondissement des réformes ont permis de renouer avec la stabilité macroéconomique, de maîtriser l'inflation et de redresser la balance des comptes courants. Cette stabilité a entraîné une réduction de la pauvreté et favorisé la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement.

Des actions restent encore à engager pour assurer l'élargissement de l'accès aux services, le renforcement de l'état de droit et l'avènement d'une société citoyenne moderne. Le Tadjikistan dispose d'importantes ressources en eau et en électricité, de même que touristiques et agricoles. Son infrastructure de base est bonne. Par contre, le Tadjikistan est enclavé et loin des grands centres économiques. Son marché est étroit et le pays vit dans une certaine instabilité sociale et politique. Les objectifs sont d'atteindre un plus grand niveau de prospérité socio-économique dans le respect des droits de l'homme, une gestion économique et politique transparente. Pour y parvenir, une stratégie nationale à long terme a été lancée dans les domaines de la réforme de l'appareil d'État, du développement du secteur privé et du développement des capacités. L'État s'est aussi engagé dans un grand programme de renforcement de ses infrastructures énergétiques et de son réseau de transport. La résolution des problèmes économiques est, de l'avis du Gouvernement du Tadjikistan, la première étape vers la résolution des autres difficultés auxquelles le pays est confronté.

Quant au présent rapport, établi par les services gouvernementaux et par les organisations non gouvernementales, il ne vise pas à dresser un tableau idéalisé de la situation, mais bien d'en donner une vue réaliste, a assuré M. Khamidov.

Le rapport initial du Tadjikistan (E/C.12/TJK/1) indique que le Gouvernement, après le rétablissement de l'ordre constitutionnel consécutif aux guerres civiles, s'est résolument engagé sur la voie politique de l'instauration de la paix et de l'entente nationale par des moyens pacifiques, c'est-à-dire par le dialogue. Le problème de la pauvreté n'est pas nouveau au Tadjikistan, étant donné qu'avant l'indépendance, le pays enregistrait le plus haut niveau de pauvreté et le plus faible revenu par tête des Républiques soviétiques. Un groupe de travail présidentiel a été créé par le décret présidentiel du 24 mars 2000 afin de préparer un document de stratégie pour la réduction de la pauvreté. En vue de s'assurer d'une large participation de la population, neuf groupes de travail sectoriels comprenant des représentants du Parlement, du Gouvernement, des administrations locales, des instituts de recherche et des universités, des syndicats, du secteur privé, des organisations non gouvernementales et d'autres secteurs de la société ont été mis sur pied. Afin de créer les conditions favorables à la croissance rapide et socialement équitable requise pour élever le niveau des revenus réels et améliorer les niveaux de vie, les deux chambres du Parlement a approuvé le Document de stratégie pour la réduction de la pauvreté le 19 juin 2002. Il a pour but principal d'élever les revenus réels au Tadjikistan, d'assurer la distribution équitable des bénéfices de la croissance économique et, en particulier, de garantir une augmentation des niveaux de vie des groupes les plus pauvres de la population.

Le Tadjikistan a rejoint l'Organisation internationale du travail (OIT) en 1993 et il avait ratifié au 1er janvier 2004 64 conventions et recommandations, notamment la Convention n° 87 concernant la liberté syndicale et la protection du droit syndical, la Convention n° 100 concernant l'égalité de rémunération entre la main-d'œuvre masculine et la main-d'œuvre féminine pour un travail de valeur égale et la Convention n° 182 sur l'interdiction des pires formes de travail des enfants et l'action immédiate en vue de leur élimination.

Le rapport informe dans le détail des mesures d'ordre juridique prises par le Tadjikistan pour garantir en particulier le respect du droit à la santé. La plus grande attention est accordée à la santé génésique dans le cadre d'une stratégie clef des soins de santé visant à réduire la mortalité infantile et maternelle et la dépendance des femmes vis-à-vis de l'avortement. En 1999, 34,6 % des femmes en âge de procréer utilisaient différents types de contraceptifs. Ce nombre est tombé à 28,7 % en 2000, à 22,8 % en 2001 et à 15,3 % en 2002. Toutefois, la dépendance des femmes vis-à-vis de l'avortement en tant que moyen de régulation des naissances demeure relativement élevée, encore qu'elle ait tendance à diminuer. En dépit de certaines tendances à la baisse, les taux de mortalité infantile et maternelle sont encore élevés. Des études montrent que les principales causes de morbidité et de mortalité infantiles et maternelles sont le manque d'informations médicales, la mauvaise qualité de l'habitat et des services, ainsi que le régime alimentaire inadéquat de la population. D'autres informations sont données sur la promotion du principe d'égalité entre les sexes, sur la protection des droits des minorités, l'exercice du droit au travail, entre autres.


Examen du rapport

Cadre d'application du Pacte

Plusieurs experts du Comité se sont dits favorablement impressionnés par la qualité du rapport, bien préparé et très riche d'informations. Des questions demeurent par exemple quant à la situation difficile des réfugiés afghans, dont tous ne sont pas clandestins, et des requérants d'asile, ces derniers étant interdits de résidence dans la capitale, Douchanbé, cette mesure semblant de nature discriminatoire. Le droit au travail est-il accordé aux réfugiés admis à rester sur le territoire? Qu'en est-il de leur droit au logement?

La délégation a expliqué que la situation des réfugiés afghans, qui représentent 1904 personnes, soit 99% du total, est régie par la loi relative aux réfugiés, aux termes de laquelle ils bénéficient de droits équivalents à ceux des autres citoyens. Entre 1993 et 1997, c'est le Haut Commissariat aux réfugiés des Nations Unies qui a géré l'octroi du statut de réfugié. La loi nationale sur les réfugiés a permis de prendre en compte un grand nombre de demandes depuis 1997. L'approche vis-à-vis de ces réfugiés a été durcie ces dernières années, compte tenu du rôle d'État tampon que joue le Tadjikistan et de sa volonté de limiter l'immigration clandestine. Quant à l'accès au marché de l'emploi par les réfugiés afghans, il est garanti dans plusieurs secteurs comme par exemple le commerce de détail. Ils disposent d'une aide médicale gratuite et de la scolarisation de leurs enfants. Les missions diplomatiques du Tadjikistan s'efforcent de conclure des accords avec d'autres États concernant les droits des migrants. Le pays a signé un accord sur les droits des migrants avec la Fédération de Russie par exemple, trois diplomates en poste à Moscou étant spécialisés dans cette question.

Les réfugiés, a par la suite indiqué la délégation, ne sont plus autorisés à séjourner dans certaines zones du pays, pour des raisons liées à la sécurité publique et au maintien de l'ordre. Plusieurs villes sont concernées, notamment Douchanbé, mais la liste des districts concernés a été réduite à la demande du Haut Commissariat des réfugiés. Actuellement 90% des réfugiés vivent à Douchanbé.

Un recensement national est opéré tous les dix ans, a poursuivi la délégation. Il permet d'enregistrer tous les résidents, qui se répartissent en plus de 120 nationalités - Russes, Ouzbeks, Turkmènes, en particulier. Ces nationalités sont représentées au niveau des entreprises et des organisations. En matière d'accès à l'éducation et d'utilisation de leur langue maternelle, les enfants russophones par exemple disposent de 1600 classes d'enseignement, 11 800 étant réservées aux ouzbeks. Ces derniers, dont la langue a adopté l'alphabet latin, bénéficient de manuels scolaires spécifiques commandés par le Gouvernement, tout comme les élèves turkmènes. Cependant l'enseignement officiel donne une large place à la langue et à l'histoire et à la géographie tadjikes, un enseignement indispensable à la formation de citoyens pleinement intégrés. La délégation a aussi précisé que la Constitution prévoit que l'État a pour mission de préserver les patrimoines culturels des minorités vivant au Tadjikistan. Un programme de développement culturel est en cours de mise au point à leur intention, avec la participation de cercles artistiques étrangers.

Un membre du Comité a observé que les femmes sont souvent moins bien loties que les hommes, moins bien payées et moins autonomes. L'État a certes pris des mesures pour interdire la discrimination à l'encontre des femmes dans la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels, a relevé une autre experte, relevant que ces discriminations existent pourtant de fait dans les mentalités, les attitudes patriarcales traditionnelles semblant gagner du terrain.

Un membre de la délégation a déclaré que le Tadjikistan était surtout confronté à une ségrégation entre les sexes au sein des entreprises et des ministères. La part des femmes dans la population active y est passée de 42 à 46% en cinq ans. Les femmes sont cependant majoritaires dans l'agriculture. Le nombre de femmes est toutefois en baisse dans le secteur bancaire et financier, qui est aussi celui où les salaires sont les plus élevés. Les salaires moyens des hommes restent plus élevés que ceux des femmes. Dans la pratique, on constate que les médecins et les enseignants sont majoritairement des femmes, de même qu'elles préfèrent travailler dans le secteur des services et le commerce. En 2005, la part des femmes dans les PME est passée à 25% environ, contre 18% en 2000. Les femmes occupant des postes à responsabilité travaillent surtout dans le secteur de l'enseignement mais représentent 33% des cadres des ministères. La condition de la femme et des minorités fait l'objet des travaux d'un comité également chargé de la situation des religions. Chaque semaine, des émissions éducatives télévisées y sont préparées, visant à sensibiliser la population à l'importance du respect des droits des femmes et des minorités. Le Gouvernement prépare des rapports trimestriels sur l'évolution de la situation. Par ailleurs, depuis la stabilisation politique du pays, on constate que le paternalisme à tendance religieuse a tendance à régresser.

Des explications ont été demandées par des membres du Comité quant au degré d'autonomie dont bénéficient les fonctionnaires du Ministère de la justice. Les juges dépendent des bureaux du procureur et sont censés répondre, dans une certaine mesure au moins, aux attentes de la branche exécutive du Gouvernement. L'indépendance judiciaire est le fondement même du respect des droits de l'homme, a-t-il été observé. Or le Président nomme les magistrats pour une durée de dix ans et leurs salaires semblent insuffisants à prévenir absolument toute corruption. Par ailleurs, il semble qu'un juge dont les jugements sont trop souvent cassés en appel risque de ne pas être reconduit dans ses fonctions. Quant au procureur, il semble qu'il dispose de pouvoirs trop importants, au risque de compromettre l'équité lors des procès.

En réponse à ces interrogations, le Ministre de la justice du Tadjikistan a relevé que son pays n'avait pas encore liquidé certaines des séquelles de son passé soviétique, comme l'a d'ailleurs relevé un membre du Comité. Les responsables politiques, mais aussi les responsables d'organisations non gouvernementales, les fonctionnaires et les citoyens sont tous conscients de la nécessité de passer à un nouvel état des choses. Il y a quelques années, les juges étaient nommés pour cinq ans. Cette durée, jugée insuffisante, a été dans un premier temps portée à dix ans. On peut s'attendre à une évolution graduelle vers des nominations à vie. Mais une telle décision implique d'un autre côté que le personnel juridique soit parfaitement formé à ses tâches. Quant au rôle du procureur, parfois jugé trop envahissant même au Tadjikistan, il fait l'objet d'autres discussions dont on peut espérer qu'elles mèneront à des aménagements.

L'institution du «Conseil de justice» joue un rôle important dans l'organisation et l'administration de la justice, même s'il ne peut juger de la constitutionnalité des lois. La délégation a indiqué que la force du pouvoir judiciaire réside dans la transparence de la sélection des magistrats. Le «Conseil suprême de la magistrature» décide en plénière de la compétence professionnelle des candidats aux charges, qui sont ensuite soumis au Président pour nomination. Du point de vue des salaires, des augmentations ont été consenties, qui certes ne suffiront pas à garantir à elles seules l'indépendance des juges. C'est pourquoi des mesures sont à l'étude pour, notamment, renforcer la position des juges lors des procès et les autonomiser autant que possible par rapport à l'emprise des procureurs. L'État s'efforce ainsi d'avancer pas à pas vers l'indépendance du pouvoir judiciaire. Quant à la révocation des juges, la délégation a indiqué qu'elle ne pouvait intervenir à moins d'acte délictueux et avant l'aboutissement d'une procédure disciplinaire.

Un expert du Comité s'est intéressé à la sensibilisation de fonctionnaires tadjiks aux dispositions du Pacte. Il a ainsi observé qu'à Douchanbé même, le Gouvernement semble dispenser une formation de bonne qualité à ses fonctionnaires. Cependant, dans les districts éloignés, les fonctionnaires locaux n'ont manifestement pas encore pris conscience de leurs obligations et de leurs responsabilités en matière d'éducation par exemple.

La délégation a précisé que le Gouvernement avait fait un effort particulier pour informer les fonctionnaires et les magistrats du contenu du Pacte et des obligations qui en découlent au regard des droits de l'homme. Le Gouvernement a aussi pris des mesures pour améliorer l'éducation juridique des citoyens et le fonctionnement de la justice dans le pays. Pour garantir cette information, la commission nationale chargée de donner effet aux dispositions du Pacte a créé un groupe de travail composé de représentants de plusieurs ministères dont la mission est d'informer leurs fonctionnaires respectifs. Un centre de formation aux droits civils et politiques et économiques, sociaux et culturels a été ouvert. Il assure notamment une formation aux candidats à la magistrature.

Le problème de la corruption demande aussi à être traité de manière efficace, a estimé un expert du Comité. L'État partie a d'ailleurs publié un manuel de lutte contre ce fléau, qui figure au programme de formation de ses fonctionnaires. Quelle est la nature de la corruption, quelles sont ses sources et pourquoi a-t-elle acquis une telle influence dans la société tadjike?

La délégation a fait valoir que la lutte contre la corruption passe par le renforcement des droits des citoyens et l'adoption de mesures juridiques. Le Tadjikistan est à cet égard le premier pays d'Asie centrale à mettre en œuvre le Programme d'Istanbul de lutte contre la corruption. Des mesures d'encadrement judiciaire ont été prises par le Parlement, en partenariat avec les offices des procureurs, qui disposent de départements spéciaux. Un programme d'État vise les forces de l'ordre et d'autres sphères de la fonction publique, ainsi que le secteur de l'éducation et la santé. Des mesures spécifiques sont prévues contre le népotisme. Les dirigeants des services publics sont tenus de donner une conférence de presse servant à informer les médias de leurs efforts, et surtout des résultats enregistrés, en matière de lutte contre la corruption. Au niveau de la jurisprudence, on constate que des miliciens et des juges coupables de corruption ont déjà été poursuivis au pénal. Si ces mesures ont permis d'enregistrer des résultats encourageants, a dit la délégation, il reste que des progrès importants doivent encore être accomplis. L'amélioration dépendra en fin de compte de la situation économique des citoyens, exprimée en termes de salaires par exemple. Un plan de réforme de la justice prévoit précisément une augmentation des traitements des fonctionnaires du Ministère de la justice.

Répondant à une question concernant la pluralité des élections présidentielles, la délégation a fait savoir que les dernières échéances avaient été marquées par une transparence très satisfaisante. Elle a précisé qu'un parti n'a pas présenté de candidat, deux partis ont boycotté l'élection. Le président actuel a été élu au terme d'une procédure régulière.

Le sort des seigneurs de la guerre, un problème évoqué par un expert, a été résolu après l'année 2000, a dit le Ministre de la justice. D'une manière générale, les militaires ayant participé à la guerre civile ont fait l'objet d'une amnistie dès 1995, dans le cadre d'une loi de réconciliation générale. Cependant bon nombre de responsables militaires ont connu un sort très différent, certains purgeant actuellement de longues peines de prison en punition de crimes particulièrement graves.

Un expert s'étant inquiété de l'absence d'une institution nationale des droits de l'homme, la délégation a dit que son pays est en train d'étudier la mise sur pied d'un tel organe, en collaboration avec un représentant du Haut Commissariat aux droits de l'homme notamment. Le problème n'est pas celui de la création, mais bien du fonctionnement d'un tel organe.

L'endettement extérieur du pays équivaut à 110-120% du PIB, soit environ 820 dollars par habitant. Un plan de restructuration de cette dette a été mis au point avec le FMI et la Russie en particulier. Les fonds ainsi économisés sont transférés à des chantiers d'infrastructure. D'autres emprunts contractés auprès de la Chine par exemple seront également consacrés à des dépenses d'infrastructure.

La délégation a indiqué que la polygamie est interdite par la loi tadjike, qui criminalise cette pratique. Dès constatation d'un délit contre la famille ou contre des mineurs, en particulier contre les jeunes filles, des sanctions sont prises contre les auteurs. En 1999, il n'y a un qu'un seul cas de polygamie recensé, trente en 2002, 56 en 2005 et 159 en 2006. Ceci montre que les autorités œuvrent de manière efficace au respect de la loi. Les mesures préventives consistent à assurer la formation des jeunes filles.

En réponse à une question du Comité concernant le rôle des organisations non gouvernementales dans la préparation du rapport, la délégation a fait savoir que ce dernier a été rédigé sous la direction de la Commission nationale chargée de la mise en œuvre du Pacte. Cette Commission inclut des représentants de plusieurs organisations non gouvernementales, dont deux membres figurent au comité directeur. La Commission a aussi bénéficié des compétences d'un expert du Comité des droits économiques, sociaux et culturels. Des organisations internationales ont aussi été mises à contribution, comme l'antenne locale de la direction suisse de la coopération au développement.

La délégation a aussi donné un aperçu des mesures prises pour améliorer la condition des migrants se trouvant sur son territoire. Un accord a été passé par le Tadjikistan en 2000 avec la Communauté des États indépendants pour le règlement des conditions de séjour des ressortissants des deux entités. De même, le Gouvernement a signé en 2000 un plan d'action régissant les mesures d'accueil des citoyens tadjiks en Russie. Le Ministère du travail et de la protection sociale indique que depuis l'an 2000 ses statistiques sont fondées sur des enquêtes auprès des ménages; la population étrangère immigrée au Tadjikistan (personnes ayant obtenu des permis de séjour) s'élevait à près de 300 000 personnes en 2005. La délégation a également donné des statistiques concernant le nombre des ressortissants tadjiks installés à l'étranger.

Concernant l'application de la Déclaration de Vienne (1993) en matière de renforcement de la protection des droits de l'homme, et en particulier les droits des femmes, des minorités et d'autres catégories défavorisées, le Tadjikistan a adopté plusieurs plans et stratégies nationaux relatifs aux plans de développement pour des domaines précis. La loi réglemente les liens socio-économiques et veille à l'application des instruments internationaux, en particulier le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Conformément à la Constitution, les instruments internationaux adoptés par le Tadjikistan sont intégrés au droit interne.

Répondant à une question sur l'incidence du travail forcé au Tadjikistan, la délégation a indiqué que la loi admet qu'il puisse être exigé en temps de guerre, ou dans des conditions extraordinaires de mise en danger de la sécurité des populations (catastrophes naturelles, etc.). Les tribunaux peuvent aussi prononcer des peines de travail obligatoire ou forcé.


Sécurité sociale

Un membre du Comité a relevé que le Gouvernement du Tadjikistan avait organisé un système de sécurité sociale tripartite tenant compte des citoyens n'étant pas en mesure de cotiser, des personnes salariées et des indépendants: quelles sont les priorités du Gouvernement en la matière? Par ailleurs, selon certaines informations, les fonctionnaires chargés de l'application de ce système de sécurité sociale seraient mal formés. Des questions continuent de se poser aussi quant à la couverture sociale des travailleurs indépendants, comme les agriculteurs, et des femmes; quant au sort des orphelins, qui ne semblent pas bénéficier des pensions auxquelles ils auraient droit par manque d'information; quant au niveau de la retraite qui, selon les chiffres indiqués, apparaît comme étant très bas; et quant au nombre des cas d'abandon d'enfants, un phénomène probablement dû au fait que les allocations familiales sont assez peu élevées. Un expert a demandé des précisions sur le mode de calcul du montant minimal de la pension de retraite; un autre a voulu savoir pourquoi le pays n'avait pas accédé aux Conventions de l'organisation internationale du travail régissant les normes minimales et l'égalité de traitement en matière de sécurité sociale.

La délégation a observé que les pensions constituent le deuxième poste de dépense de l'État, après les salaires des fonctionnaires. Un cinquième des retraités ne bénéficie pas d'une retraite suffisante, un autre cinquième n'a pas cotisé suffisamment pour recevoir la moindre prestation. De 2002 à 2006, neuf arrêts présidentiels ont porté sur la réforme de ce système, l'âge de la retraite étant désormais fixé à 58 ans pour les femmes, 63 ans pour les hommes. Le système de pension est basé sur la solidarité, et donc sur les cotisations de la population active: la part de cette dernière ayant tendance à diminuer, les fonds récoltés également, ce qui entraîne un problème de financement. Le niveau minimum des pensions a été multiplié par 20 depuis 1998; des mesures sont prises pour en fixer le seuil supérieur et pour indexer la pension au dernier salaire reçu, mesure qui a pour but de réduire les écarts.

Les entreprises agricoles publiques font bénéficier leurs employés du plan de retraite et d'assurance sociale publics, a poursuivi la délégation. Les cotisations sont prélevées sur les salaires. Des prestations sont offertes pour conditions de travail particulières, comme par exemple pour les femmes employées dans la récolte du coton. Les entrepreneurs, autrement dit les exploitants agricoles indépendants peuvent, comme les autres catégories de salariés, adhérer à des régimes collectifs de sécurité sociale et de retraite. Le montant des prestations dépend du nombre d'années de cotisation.


Travailleurs migrants

Un expert ayant demandé des renseignements sur le problème des travailleurs migrants tadjiks exploités à l'étranger, voire tués, et sur le détail des mesures de protection et d'indemnisation prises par le Gouvernement, la délégation a précisé que le Parlement tadjik s'est saisi de ce dossier par l'intermédiaire en particulier d'un bilan trimestriel des flux migratoires et d'une analyse des conditions d'accueil de ses ressortissants à l'étranger. La base législative est améliorée de manière systématique et constante. L'essentiel des migrants tadjiks travaillant de manière saisonnière en Russie, les autorités axent leur réflexion sur cet aspect du problème. Par ailleurs, la banque nationale du Tadjikistan a facilité les modalités de transferts de fonds envoyés par les migrants.

La délégation a par la suite précisé que le nombre de travailleurs migrants au Tadjikistan varie entre 320 000 et 420 000 personnes, selon la saison. Les statistiques sont établies au niveau local, puis transmises par voie hiérarchique au Ministère.



Égalité entre hommes et femmes

Revenant sur des statistiques citées par la délégation, un membre du Comité a demandé si le Tadjikistan considérait que certaines professions ne seraient pas accessibles aux femmes. Le principe de l'égalité salariale pour des travaux identiques est-il respecté, a voulu savoir l'expert. Une experte a demandé des précisions sur le terme de «ségrégation au travail» utilisé par la délégation.

La délégation a précisé que la loi impose le principe «un salaire égal pour un travail égal». Cependant, des raisons historiques font que les femmes sont employées dans certains secteurs moins bien rémunérés que d'autres. Naturellement aucune loi n'interdit l'embauche de femmes dans tel ou tel secteur. L'État a pris des mesures pour égaliser les salaires entre hommes et femmes, avec une augmentation des salaires des femmes dans le secteur médical (40% dès avril 2006), l'enseignement, l'action sociale, la culture, en particulier.

L'État constitue des réserves d'effectifs pour pourvoir aux postes vacants (30% de femmes), prenant en compte la nécessité de promouvoir la place des femmes; la procurature occupe par exemple 19% de femmes, a par la suite précisé la délégation en réponse à la question d'un membre du Comité.

Répondant à une question sur le chômage chez les femmes, la délégation a dit que ce problème était au cœur des préoccupations du Gouvernement. Le taux général de chômage est relativement stable, légèrement à la baisse, avec 43 000 chômeurs dont 54% de femmes, surtout jeunes. Des programmes d'aide à l'emploi ainsi qu'un plan national valables jusqu'à 2012 prévoient notamment, pour lever les pressions sur l'emploi par la création de nouveaux postes dans l'agriculture privée, dans les transports et autres activités liées.


Liberté syndicale

Un membre du Comité a voulu savoir quel était le degré d'indépendance des syndicats au Tadjikistan. Un autre expert a relevé que plus de 90% des employés sont syndiqués, un taux extrêmement important. L'obligation d'appartenir à un syndicat semble ainsi implicite au Tadjikistan, mais ce type de structure assure-t-il la protection des travailleurs ou leur contrôle? Une question corollaire est celle de l'absence de grève au Tadjikistan, surprenante compte tenu des conditions de travail généralement difficiles. Dans quels cas les activités des syndicats peuvent-elles être restreintes, a demandé un expert.

La délégation a notamment précisé que les syndicats sont des organisations sociales qui peuvent être organisées par secteurs, régions et branches d'activités. La loi définit l'activité de syndicats dans le secteur public et dans le secteur privé. Les syndicats organisent eux-mêmes leur vie associative, dans le cadre légal. En cas d'infraction, les autorités peuvent décider de suspendre un syndicat sur la base d'une décision de justice. L'appartenance ou non à un syndicat n'entraîne aucune limitation des droits constitutionnels des citoyens, la discrimination à l'embauche notamment étant réprimée. Les syndicats sont libres d'adhérer ou non à la Fédération des syndicats du Tadjikistan. Dans la pratique, toutes les organisations ont choisi d'y adhérer.

Travail des enfants

Un membre du Comité a admis que la faiblesse économique pouvait expliquer dans une certaine mesure le grand nombre d'enfants au travail, en particulier dans la récolte du coton, où les conditions sont parfois proches de l'esclavage. Le problème est compliqué par d'autres facteurs, comme l'engagement de certains de ces enfants dans des activités criminelles. L'experte a demandé des précisions sur les mesures du Gouvernement en faveur de ces enfants. L'absence de toute indication chiffrée concernant la proportion d'enfants au travail n'a pas échappé à un autre expert, qui a demandé à la délégation de se prononcer sur une évaluation externe avançant le chiffre de 20%.

Le Ministre de la justice du Tadjikistan a indiqué qu'il avait lui-même participé à la récolte du coton dans sa jeunesse, une activité qui a l'époque était une fierté. Aujourd'hui, le Gouvernement a décidé de ne plus avoir recours aux enfants scolarisés dans le primaire ou dans le secondaire. Un membre de la délégation a précisé que les personnes de moins de 15 ans ne sont pas autorisées à travailler, sauf pour des travaux non astreignants et avec l'autorisation des parents. La loi réduit la durée du travail pour les 15-17 ans à 35 heures hebdomadaires, 23 heures pour les 13-15 ans. Le travail des enfants résulte de la pauvreté (64% de la population en 2003); les traditions ont aussi une incidence sur ce phénomène, les enfants travaillant en général dans des entreprises familiales privées. L'on juge aussi que les petites filles, destinées au mariage, ont moins besoin d'aller à l'école, ce qui s'est traduit par une chute de leur taux de scolarisation depuis la fin de l'ère soviétique.

Quant aux enfants abandonnés, il n'existent pas en tant que tels au Tadjikistan, et l'on doit plutôt faire face au problème du travail des enfants, dont il vient d'être question, et au phénomène des enfants des rues, dont l'ampleur est difficile à cerner. Le Bureau de l'Asie centrale de protection de l'enfance déploie depuis quelques années ses activités au Tadjikistan, de même que des organisations non gouvernementales locales, tous ayant pour objectif de réintégrer ces enfants dans le système scolaire. Un centre d'accueil a été ouvert. Il est équipé d'ordinateurs et de machines à coudre. Un centre de réintégration sociale des adolescents a été ouvert avec l'aide d'organisations non gouvernementales et de la coopération suisse au développement. Des cours d'alphabétisation rapide ont également été organisés.


Conditions de travail

Une experte ayant demandé si le phénomène du harcèlement sexuel sur le lieu de travail faisait l'objet de mesures de prévention de la part du Gouvernement, la délégation a précisé que le Code pénal du Tadjikistan considère l'incitation à des actes de nature sexuelle par une personne détenant une autorité professionnelle est une infraction. Les peines sont l'amende, le travail d'intérêt général ou le licenciement. Ces mesures jouent un rôle préventif, a estimé la délégation.


Droit à un niveau de vie acceptable

Un membre du Comité a voulu savoir quels étaient les plans du Gouvernement pour faire monter le niveau du salaire minimum, dont le rapport indique qu'il est encore trop bas pour assurer de bonnes conditions de vie. Un autre expert, observant que le rapport indique qu'entre 1999 et 2002 le salaire moyen avait pratiquement triplé, tandis que le salaire minimal quintuplait, a demandé à la délégation où le pays avait trouvé les ressources nécessaires à ce progrès. Un expert a observé que le niveau de pauvreté est fixé en fonction d'une auto-évaluation pratiquée par les familles elles-mêmes, sans application de critères objectifs. Le rapport mentionne une chute très rapide du nombre des pauvres, louable en soit, mais dont il reste à montrer qu'elle pourra se maintenir à ce rythme.

La délégation a notamment indiqué qu'une famille est considérée comme pauvre si son revenu est inférieur à 2,15 dollars par jour. Certaines analyses permettent de conclure que l'indice actuel de la pauvreté selon ce critère, soit 63% de la population, tombera en 2007 à 50%. Au printemps 2007, une étude fera le bilan de la situation précise au Tadjikistan. Le Gouvernement a pris de nombreuses mesures de réduction de la pauvreté, notamment une stratégie sur cinq ans pour la période 2000-2005. Cette stratégie a consisté entre autres en projets d'investissements pour plusieurs milliards de dollars, à destination de la santé, de la protection sociale et de l'agriculture. Des capitaux étrangers sont d'ores et déjà acquis pour le renforcement des branches susceptibles de diminuer la pauvreté pendant la période 2006-2008. Un plan de développement à long terme fondé sur les Objectifs du Millénaire pour le développement a été mis au point avec les partenaires internationaux du Tadjikistan.


Traite des personnes

La loi et le Code pénal ont été adaptés aux conditions actuelles de la lutte contre la traite des personnes, a indiqué la délégation en réponse à d'autres questions. Une Commission interdépartementale est chargée de la coordination avec les instances internationales et de veiller à la conformité des textes nationaux avec les normes internationales. Les services de l'État ont, en collaboration avec les Émirats arabes unis, procédé à des rapatriements de personnes victimes de la traite des êtres humains. Avec la participation d'organisations non gouvernementales, des programmes de sensibilisation ont été organisés à l'intention des fonctionnaires du gouvernement, initiatives appuyées par l'aide internationale. Les organes d'enquête du Ministère de l'intérieur ont été complétés par une unité spéciale chargée de traquer ces crimes. Par ailleurs, des mesures de réhabilitation et de réinsertion sont prises par les ministères concernés. Près de 70 actions pénales pour traite de mineurs ont été intentées en 2005; quatorze personnes ont été condamnées.


Protection de la famille

Une experte a constaté un retard dans l'adoption de la loi sur la violence au foyer. Entre-temps, qu'est-il fait pour secourir les victimes? Un autre expert a relevé le décès de 30 à 40 femmes par an dans des violences conjugales. Ces derniers crimes n'étant pas poursuivis d'office, il est à craindre que le chiffre réel soit bien plus élevé.

Une experte ayant constaté que le Code pénal ne contient pas d'article qualifiant explicitement les violences commises dans le cadre domestique, la délégation a fait observer que la procurature analyse et diffuse des informations sur ce phénomène, informations étudiée par les organes chargés de l'application de la loi. Malheureusement la violence a pris une ampleur inquiétante ces dernières années, avec 264 homicides au total en 2005, dont une grande partie commis au sein du contexte familial. Des mesures sont prises pour lutter contre la violence commise au sein de la famille. Des cabinets d'aide médicale et psychologique ont été ouverts à Douchanbé. Le Code pénal ne criminalise pas explicitement les crimes commis dans le contexte familial, malgré leur gravité. Une nouvelle loi permet par contre de poursuivre ces crimes au civil, de même qu'elle dégage des ressources permettant aux victimes d'engager plus facilement des poursuites pénales. Les mesures vivant à prévenir les suicides de femmes passent par la prévention des situations dangereuses dans les familles et par la poursuite des comportements violents à l'égard des femmes. Les médias participent activement aux campagnes de prévention de cette forme de violence.

Les enfants orphelins, pupilles de l'État, sont à la charge de l'État, a indiqué la délégation.

La délégation a par ailleurs souligné que le Tadjikistan est un État laïque, où les mariages religieux n'ont pas force de loi, seul le mariage civil célébré à la mairie étant reconnu. Les enfants issus de mariages religieusement mixtes bénéficient des mêmes droits que ceux issus de mariage civils. Les mariages avec une personne mineure sont considérés comme une infraction, punissables par le Code pénal. Les mariages arrangés, considérés comme une contrainte, sont une tradition bien ancrée au Tadjikistan. Cependant, cette institution a passablement évolué et les jeunes, les filles en particulier, ont maintenant leur mot à dire dans ce domaine.


Santé

S'agissant de la situation en ce qui concerne la pandémie du VIH/sida, le pays a enregistré 508 cas ces trois dernières années, dont 85% d'hommes et 15% de femmes. La délégation a précisé que 85% sont des toxicomanes âgés de moins de trente ans. Cependant, ces chiffres ne concernent que la période commençant en 2003, aucune information n'ayant été récoltée les années précédentes. La pauvreté et le chômage sont certainement les principaux facteurs de propagation de la maladie, ainsi que le nombre croissant des populations mobiles et des toxicomanes. Les mesures prises par le Gouvernement visent le renforcement de l'institution de lutte contre le paludisme, le sida et la tuberculose. Cet organisme bénéficie aussi de subventions du Fonds mondial pour son action préventive auprès des groupes à risques, et pour l'aménagement de laboratoires. Un effort particulier est fait en direction des toxicomanes et des prostituées. Des points de conseil ont été ouverts à l'intention des migrants également. La formation du personnel médical a aussi été renforcée.

Une loi fixe les modalités de la lutte contre le sida. Elle prévoit la protection des droits des personnes vivant avec le sida. Un travail d'information est mené auprès de la population pour l'informer de ses droits.

En matière de lutte contre le sida et la tuberculose en milieu carcéral, la délégation a indiqué que c'est désormais le Ministère de la justice qui est en charge de ce dossier. Une nouvelle loi dispose que les institutions de santé doivent fournir une aide médicale aux détenus. En 2006, le Ministère a créé un département médical chargé de la lutte contre la tuberculose chez les détenus de la région de Douchanbé. Un peu plus de 1000 condamnés sont actuellement porteurs de cette maladie, a précisé la délégation du Tadjikistan, avec 62 décès en 2005 et déjà 68 décès en 2006. Le premier cas de sida en milieu carcéral s'est posé pour la première fois en 1997. Par la suite, le nombre des condamnés atteints par le sida n'a cessé de croître, pour atteindre 128 personnes en 2006. Le taux de prévalence est préoccupant compte tenu de l'augmentation simultanée de la tuberculose et des faibles moyens accordés à la gestion des prisons. Le surpeuplement des prisons, un phénomène généralisé, et la précarité des conditions sanitaires sont à l'origine de la propagation de la maladie. Le Ministère a lancé un projet de lutte contre ces maladies prévoyant en particulier une campagne de dépistage volontaire du sida, un soutien psychologique, une formation des détenus et du personnel carcéral à l'hygiène. Une enquête menée auprès des détenus a montré que près de 70% des hommes et 64% des femmes ont connaissance du sida. Les modes de transmission de cette maladie ne sont connus que d'un peu plus de la moitié des détenus. Des points de distribution de préservatifs ont été installés dans 16 pénitenciers du pays; quatre mille personnes ont pu subir un test de dépistage. Les fonds octroyés sont existants mais encore modestes, a convenu la délégation, qui a insisté sur la volonté du Gouvernement de prendre ces problèmes de santé à bras-le-corps.

Les soins de santé mentale, a également expliqué la délégation, sont dispensés en soins ambulatoires et sein d'institutions psychiatriques qui accueillent notamment un peu plus de 10 000 patients atteints de schizophrénie, soit environ 70% à 80% du total des patients. Ces soins ont soulevé des problèmes sérieux compte tenu de la pénurie de médecins et de médicaments, et de difficultés liées aux diagnostics et aux prises en charge tardives. Une loi a donc été votée concernant les soins psychiatriques visant à garantir aux citoyens atteints de troubles psychiques une prise en charge médicale satisfaisante. Le Gouvernement agit également en direction de la prévention des maladies mentales, de la prise en charge d'urgence des dépressions et de la formation des généralistes en matière de protection de la santé psychiques. Les soins ambulatoires font l'objet de mesures incitatives. Les malades hospitalisés sur une base volontaire sont invités à participer à l'amélioration des structures des hôpitaux, où l'on a ouvert vingt-cinq ateliers de couture, le travail étant rémunéré.

Le Gouvernement a adopté un programme de lutte contre le tabac dont l'application s'échelonnera jusqu'à 2010, a par ailleurs indiqué la délégation.

La délégation a indiqué que le Tadjikistan compte encore plus de 3000 handicapés rescapés de la Grande guerre patriotique (seconde guerre mondiale), le Gouvernement ayant procédé à plusieurs revalorisations de leurs pensions. La loi prévoit que les handicapés ont le droit à des soins de santé gratuits et au remboursement des frais de transports jusqu'aux établissements de soins. Quatre sanatoriums et centres de soins sont explicitement consacrés aux vétérans. Des examens médicaux sont organisés chaque année par les médecins généralistes, permettant de définir les besoins particuliers des vétérans handicapés.

En réponse à d'autres questions, la délégation a indiqué que l'État garantit la protection sanitaire et sociale des personnes les plus démunies et il n'est pas prévu de privatiser ce secteur. Les modalités fondamentales des réformes en cours portent sur l'assistance médicale du premier niveau et sur un renforcement des financements, avec la définition de catégories de malades devant bénéficier de l'aide gratuite ou au contraire jugés capables d'assumer des soins payants. Le but est d'améliorer la qualité générale des soins de santé au Tadjikistan.


Droit au logement

Un membre du Comité a demandé des informations sur la situation du logement à Douchanbé. Cette ville, qui compte 600 000 habitants, connaît en effet une pénurie de logement, un motif d'inquiétude particulier si l'on en croit certaines études faisant état d'une croissance probable de la ville jusqu'à 1,5 millions d'habitants. L'approvisionnement en eau potable est préoccupant dans cette perspective.

La délégation a confirmé le caractère préoccupant des conditions d'accès à l'eau potable dans la ville de Douchanbé. Le Gouvernement procède actuellement à une remise en état des réservoirs et stations d'épuration dans le cadre d'un projet - financé entre autres par la Banque asiatique de développement - de rénovation du réseau hydrique. Grâce à ces mesures, on peut s'attendre à une résolution du problème d'approvisionnement en eau d'ici à juin 2008.



Éducation

Répondant à des questions sur la politique d'éducation du Tadjikistan, la délégation a précisé que les budgets de l'enseignement sont en augmentation annuelle. Le budget 2007 consacre 428 millions à l'éducation, soit 22% du budget de l'État. Le taux d'enseignement élémentaire est très satisfaisant. L'acquisition des manuels est problématique par contre, compte tenu des très faibles tirages. Cependant, avec l'aide de partenaires internationaux, on espère que ces difficultés seront résolues d'ici peu. Les enfants malades ou demandant des soins particuliers sont accueillis dans des établissements spécialisés dont le nombre est encore insuffisant, a admis la délégation. Les écoles de niveaux moyen et supérieur ne disposent pas de manuels spécifiques pour l'enseignement des droits de l'homme. Une convention passée avec des gouvernements européens va améliorer les conditions d'enseignements dans ces établissements, a précisé la délégation.

Culture

Un membre du Comité a relevé que le Tadjikistan ne prévoit pas de programme spécial concernant l'histoire et la culture des minorités ethniques, de même qu'il n'existe pas de programme de lutte contre la discrimination raciale. Qu'envisage-t-il de prendre comme mesures pratiques de lutte pour la promotion des spécificités des minorités ethniques et pour garantir la participation dynamique de toutes les personnes à la vie culturelle? Quel pourcentage du budget est-il consacré à la culture?

Le Tadjikistan a adopté un plan de développement de sa politique culturelle, qui fait la part belle à la culture des minorités nationales, a indiqué la délégation. Des ébauches de programmes officiels sont actuellement en cours de préparation dans ce domaine. Plusieurs groupes artistiques représentant les traditions culturelles des minorités nationales (russe, ouzbèke, entre autres) sont actifs.

Le Tadjikistan est partie à plusieurs accords internationaux sur la protection des biens culturels, a poursuivi la délégation. Une loi sur l'importation et l'exportation des bien culturels a été votée dans ce contexte. La participation de tous à la vie culturelle est encouragée par l'organisation de concours et de festivals et de tournées de troupes locales dans d'autres pays. Le financement de la culture est passé de 14 millions en 2004 à 17 millions en 2006 (3,6% du budget de l'État).


Conclusion

M. KHALIFABOBO KHAMIDOV, Ministre de la justice du Tadjikistan, a conclu la présentation de son rapport en faisant valoir que la mise en application du Pacte rencontre un certains succès au Tadjikistan, même si des difficultés demeurent, dues notamment aux moyens limités dont dispose le pays, une situation propre à de nombreux pays en voie de développement. Le Tadjikistan s'efforce de trouver des solutions à ses problèmes, dans la transparence et l'ouverture. Le Ministre a estimé que les commentaires et suggestions des membres du Comité aideront son pays à avancer dans la voie de l'amélioration de ses conditions économiques, sociaux et culturels.

Le Tadjikistan est parfois accusé d'être un État policier, a déploré M. Khamidov, dont témoigneraient notamment les disparités salariales entre enseignements et policiers. Cette accusation n'est pas étayée et est complètement erronée. Le critère salarial n'est d'autre part pas complètement pertinent, car les deux catégories de fonctionnaires reçoivent des salaires proportionnés à leur charge. D'autre part, le niveau des salaires de l'État a décuplé ces dernières années. Le Tadjikistan est un État membre des Nations Unies, peuplé de gens normaux qui aiment leur pays et qui a droit au respect.

En ce qui concerne les accusations selon lesquelles les membres de la minorité ouzbèke seraient davantage emprisonnés que d'autres, elles sont sans fondement et ne tiennent pas compte du fait que les personnes concernées ont toutes été reconnues d'appartenance à des organisations terroristes.

MME VIRGINIA BONOAN-DANDAN, Présidente du Comité des droits de l'homme, s'est félicitée de l'échange convivial qui a permis au Comité d'obtenir des informations intéressantes sur la situation au Tadjikistan, dont le Comité attend avec impatience le deuxième rapport. Entre-temps, il adoptera ses observations finales sur le rapport tadjik, espérant qu'elles seront utiles à l'élaboration des rapports futurs.

Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

ESC0616F