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LE COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS EXAMINE LE RAPPORT PÉRIODIQUE D'EL SALVADOR

Compte rendu de séance

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné, hier après-midi et ce matin, les deuxième et troisième rapports périodiques présentés par El Salvador sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions du Pacte sur les droits économiques, sociaux et culturels. Le Comité adoptera des observations finales sur le rapport d'El Salvador qui seront rendues publiques à la fin de la session, le 24 novembre prochain.

Présentant le rapport de son pays, M. Byron Larios, représentant permanent d'El Salvador auprès de l'Office des Nations Unies à Genève, a notamment déclaré que depuis la signature des accords de paix en 1992, le Gouvernement n'a pas ménagé ses efforts pour améliorer les infrastructures nationales, a fait valoir M. Larios, relevant que des catastrophes naturelles survenues dans la période à l'étude ont occasionné des pertes immobilières, agricoles et environnementales à hauteur de plus d'un milliard et demi de dollars. L'État a par ailleurs adopté une stratégie de développement complète, orientée sur l'action sociale, la lutte contre la pauvreté, l'amélioration des infrastructures publiques et du logement, en particulier. La population vivant dans la pauvreté est ainsi tombée de 33% à 15% en 2005. Par ailleurs, une mission de coordination nationale a été instituée pour garantir l'égalité entre les hommes et les femmes. La politique nationale de la femme a été restructurée selon quatre axes de développement et douze domaines d'intervention. Le budget nécessaire a été augmenté de plus de 60%. D'autres actions visent à protéger les victimes de traite internationale des êtres humains. Le Gouvernement témoigne ainsi d'une véritable vision sociale de son action, a conclu M. Larios.

La délégation d'El Salvador était aussi composée de représentants des ministères de l'éducation, de la santé publique et des affaires sociales, des affaires étrangères, du travail et du plan ainsi que de la gouvernance. La délégation a répondu aux questions des membres du Comité concernant la situation de la femme en El Salvador, la présidente de l'Institut salvadorien du développement de la femme, également membre de la délégation officielle, donnant des informations à ce sujet. D'autres questions examinées ont porté sur le soutien accordé par le Gouvernement aux migrants salvadoriens à l'étranger; sur la réalisation du droit au travail; sur l'organisation du système scolaire et sur le traitement social de la violence, en particulier celle qui est le fait de mineurs organisés en bandes.


Demain matin à 10 heures, le Comité entamera l'examen du rapport initial du Tadjikistan (E/C.12/TJK/1)



Présentation du rapport périodique d'El Salvador

M. BYRON LARIOS, Représentant permanent d'El Salvador auprès de l'Office des Nations Unies à Genève, a déclaré que son pays avait accompli des progrès dans les domaines de la consolidation du système démocratique, de l'affermissement de l'État de droit, du respect des libertés politiques, de la réconciliation nationale et des conditions macroéconomiques. Des progrès restent toutefois à accomplir en matière d'amélioration des conditions d'emploi en particulier. M. Larios a aussi indiqué que son pays s'est aussi engagé dans des formes nouvelles de coopération bilatérale pour le développement. D'autre part, depuis la signature des accords de paix en 1992, le Gouvernement n'a pas ménagé ses efforts en direction de l'amélioration des infrastructures nationales, a fait valoir M. Larios, relevant que des catastrophes naturelles survenues dans la période à l'étude ont occasionné des pertes immobilières, agricoles et environnementales à hauteur de plus d'un milliard et demi de dollars. L'État a dû engager d'importantes ressources pour la réparation des ces dommages et pour la prévention de dommages futurs.

L'État a par ailleurs adopté une stratégie de développement complète, orientée sur l'action sociale, la lutte contre la pauvreté, l'amélioration des infrastructures publiques et du logement en particulier. La population vivant dans la pauvreté est ainsi tombée de 33% à 15% en 2005. Dans le même temps, les investissements dans l'éducation ont permis de faire passer le taux d'alphabétisation des jeunes à 94% en 2004. Le budget accordé à ce secteur est en croissance constante. El Salvador a par ailleurs adopté un programme d'action sociale «Réseau solidaire», axé sur les familles. Ce programme consiste en un système de gestion mené en partenariat avec les organisations non gouvernementales. Il appuie directement ou indirectement plus de 100 000 familles démunies et entraîne des dépenses de l'ordre de 50 millions de dollars par an. Dans une deuxième étape (2010-2015), le programme incorporera de nouveaux foyers. Une autre stratégie consiste au renforcement du réseau de santé, mis en œuvre depuis août 2005, l'accent étant mis sur les soins d'urgence et l'extension de la couverture sanitaire, au bénéfice de plus de 3 millions de personnes.

L'éducation est une priorité nationale pour El Salvador, qui s'efforce d'améliorer les opportunités d'apprentissage de toute la population, a poursuivi la délégation. De nouvelles lois ont permis de renforcer la couverture scolaire et de faire reculer l'analphabétisme. Les lacunes ont été identifiées dans le cadre du «Plan national d'éducation 2021», qui comprend quatre objectifs de base, en particulier la formation intégrale des personnes et la scolarité primaire universelle. Une évaluation générale du niveau d'éducation a été menée, permettant de prendre la mesure des déficits scolaires qu'il reste à combler. Ces initiatives se sont accompagnées d'une augmentation importante des investissements, qui atteignent 574 millions de dollars en 2006.

Une mission de coordination nationale a été instituée pour garantir l'égalité entre les hommes et les femmes. La politique nationale de la femme a été restructurée selon quatre axes de développement et douze domaines d'intervention. Le budget nécessaire a été augmenté de plus de 60%. Des séminaires de sensibilisation contre la violence au foyer ont été lancés. Une campagne permanente vise à l'élimination des pires formes de travail des enfants. Plus de 29 000 enfants ont déjà été retirés des travaux les plus risqués. D'autres actions visent à protéger les victimes de traite internationale des êtres humains. Le Gouvernement témoigne ainsi d'une véritable vision sociale de son action, a conclu M. Larios.


Le rapport périodique d'El Salvador (deuxième et troisième rapports réunis en un seul E/1990/6/Add.39) concerne la période de janvier 1995 à décembre 2003, une époque marquée par de profonds changements légaux et institutionnels résultant des accords de paix signés au Mexique en 1992, et notamment en ce qui concerne les libertés civiles et politiques et les mesures prises pour la reconstruction et la transformation de l'économie nationale détruite par la guerre. Les accords de paix, qui mirent fin à un conflit armé de 12 ans, ont favorisé la tolérance idéologique et politique et renforcé et consolidé la démocratie, la reconstruction de l'infrastructure de base, sociale et productive, qui avait été endommagée ou détruite, et ont favorisé la mise en œuvre de politiques macro économiques visant à la stabilisation et au développement de l'économie nationale. Le rapport rappelle certaines difficultés qu'il a fallu affronter pendant les années considérées et en particulier les catastrophes naturelles, la chute durable des prix internationaux du café, l'augmentation des prix du pétrole, le climat international marqué par des récessions économiques, les épidémies de rétrovirus, la dengue, etc. Le Gouvernement a réaffirmé son engagement à lutter contre la pauvreté, grâce au développement humain et à l'adoption de mesures visant à satisfaire les besoins de la population. Bien que les violations présumées des droits fondamentaux qui ont été alléguées manifestent l'existence de telles violations, il ne s'agit pas nécessairement de preuves de ces violations. C'est pourquoi le Gouvernement d'El Salvador considère qu'il est important de dire qu'il n'existe pas une relation directe entre le nombre de plaintes présentées et le nombre de violations effectives. Au contraire, il faut avoir présent à l'esprit que le nombre de plaintes dépasse habituellement celui des violations effectives.

Le rapport indique que les mesures prises dans le domaine économique ont eu des effets positifs, d'une part, et, d'autre part, ont donné lieu à des critiques, soit sans fondement, soit utiles, qui ont servi de références pour modifier de façon appropriée le rythme des réformes. À l'heure actuelle, le système économique salvadorien dispose d'un système bimonétaire, dans lequel le dollar des États Unis circule librement à égalité avec la monnaie nationale, le colon. Ces dernières années, El Salvador a mis en place des instances gouvernementales qui consacrent leurs efforts à des aspects particuliers du développement économique, social et culturel. Ces instances ont mis au point et mettent en pratique des programmes, des politiques, des plans et des projets relevant de leurs compétences. Dans le domaine de l'enseignement, la couverture éducative a été étendue tant en quantité qu'en qualité. En ce qui concerne la santé publique, des systèmes de base de protection intégrale de la santé ont été mis en place pour faciliter l'accès de la population aux services de santé sur l'ensemble du territoire national.

Le Gouvernement a élaboré et met en œuvre depuis 2001 une politique de prévention du virus de l'immunodéficience humaine et du syndrome d'immunodéficience acquise VIH/sida. El Salvador a participé à la procédure relative à un cas présenté par la Commission interaméricaine des droits de l'homme, CIDH, au sujet des personnes porteuses du VIH/sida, afin d'améliorer les soins administrés à ces personnes et de leur fournir les médicaments antirétrovirus requis, dans le cadre des relations amicales, manifestant ainsi la volonté de l'État de porter attention à cette question liée à la protection des droits économiques, sociaux et culturels. Les personnes qui sont placées sous la juridiction de l'État salvadorien bénéficient d'un système qui, bien qu'encore imparfait, s'efforce d'assurer au mieux le respect des garanties constitutionnelles et le respect des droits et libertés démocratiques. Enfin le rapport indique que les services du Haut Commissariat aux droits de l'homme des Nations Unies ont coopéré avec le Gouvernement d'El Salvador en 2003 2004 dans le cadre du projet de coopération technique pour les droits de l'homme en El Salvador.



Examen du rapport

Cadre d'application du Pacte

La délégation a souligné qu'El Salvador a adhéré à plusieurs conventions de l'Organisation internationale du travail interdisant la discrimination. Le Code du travail, le Code pénal et la Constitution contiennent chacun des dispositions dans ce domaine. La loi prévoit aussi des mesures visant au respect des droits à cet égard des personnes handicapées et des personnes d'origine autochtone.

L'Institut salvadorien pour le développement des droits de la femme, dont la mission est de lutter contre toutes les discriminations à l'encontre des femmes, a lancé des programmes de sensibilisation à ce sujet. Cette action est menée de concert avec les organisations non gouvernementales et d'autres organisations de la société civile. Dès 2004, les sports et la culture figurent parmi les secteurs d'action prioritaire. Le Gouvernement s'efforce aussi de prévenir les violences sexuelles et d'aider les victimes, par l'ouverture notamment de foyers d'accueil. Dans 262 communes, des «Salons de sensibilisation» ont été institués pour sensibiliser la population à la gravité des violences sexuelles. Les jeunes filles victimes de ces violences sont particulièrement protégées et suivies. Le plan d'action pour la période 2000-2004 a été suivi d'un nouveau plan courant jusqu'à 2009, couvrant tout le territoire et doté d'un budget doublé. Les élections en El Salvador sont libres et ouvertes. La participation des femmes dans la vie politique s'est élevée à 12% en 2005 dans le législatif, à 24% au niveau de l'exécutif.

La délégation a rappelé que conformément à sa loi constitutionnelle, les instruments internationaux ratifiés par le pays sont immédiatement applicables dans le système juridique salvadorien. Au niveau des sentences, une jurisprudence a pu être constituée, conformément à la loi constitutionnelle. L'application des dispositions de l'accord de paix relatives aux conditions socio-économiques a permis de relancer la lutte contre la pauvreté par l'intermédiaire d'un programme social axé sur la cellule familiale, plutôt que sur les individus. La mère de famille fait ainsi l'objet de toutes les priorités, notamment en matière de formation. Des projets concrets de microcrédit ont été lancés en direction de ces familles. L'action en faveur des enfants est orientée sur la réintégration des enfants. Près de 800 000 personnes handicapées ont été aidées pour réintégrer le marché de l'emploi. La loi sur les personnes âgées a été accompagnée de programmes de suivi. Les autorités compétentes s'intéressent aussi à l'amélioration de l'intégration sociale des populations autochtones, l'accent étant mis par exemple sur une formation spécifique des forces de police à la problématique du respect systématique des droits de tous les citoyens salvadoriens.

Un membre du Comité ayant demandé si le Pacte était directement invocable devant les tribunaux, la délégation a expliqué que les dispositions de la Constitution prévalent de manière générale. En réponse à d'autres questions, elle a indiqué qu'en cas de conflit avec une norme secondaire toutefois, ce sont les instruments internationaux qui prévalent, a précisé la délégation. Le Pacte ne peut pas être invoqué directement, mais doit être lié à la Constitution; ses dispositions servent à éclairer certains problèmes juridiques. La jurisprudence mentionne ainsi tel ou tel article du Pacte, en fonction des besoins. L'État forme les juges et les procureurs de manière à ce qu'ils aient recours à la Constitution en premier lieu, au Pacte en second lieu.

Répondant à des questions sur le fonctionnement et l'indépendance du système judiciaire et à des informations selon lesquelles de nombreux cas de corruption et d'impunité sont à déplorer, de même que des fraudes impliquant la nomination de faux juges, la délégation a indiqué que plusieurs enquêtes avaient en fait conclu à des irrégularités, plutôt qu'à de véritables fraudes, qui portaient surtout sur les diplômes de quelques fonctionnaires. L'État a entre-temps mis sur pied un nouveau programme de formation des juges, en partenariat avec des experts juridiques de pays étrangers. Une nouvelle série de trente candidats magistrats a été sélectionnée, après la nomination récente d'une première promotion.

En réponse à une question sur la coordination et le suivi des nombreux programmes et plans destinés à améliorer le sort des populations défavorisées, la délégation a expliqué qu'El Salvador s'est, très tôt, orienté vers la restructuration du lien social et la réparation des conséquences des catastrophes naturelles. L'action a donc porté sur des mesures de diagnostic et sur l'application de mesures concrètes. Une carte de la pauvreté a pu être dressée qui indique quelles zones ont le plus besoin de services sociaux. Ces informations ont été notamment mises à profit dans les activités du «Réseau solidaire». Par ailleurs, la coordination des programmes est assurée par le Conseil des ministres (au niveau supérieur), puis par un comité technique qui répartit les tâches, puis enfin par des réseaux locaux chargés de l'application sur le terrain. Les programmes sociaux font également l'objet d'études d'impact visant à en évaluer l'efficacité.

La délégation a répondu à l'observation d'un expert du Comité selon lequel il demeure encore des différences profondes de traitement entre hommes et femmes en faisant valoir qu'un projet de loi sur l'égalité entre les sexes est à l'étude. En outre, en 2002 et 2003, la loi sur la violence familiale a été entièrement refondue, avec l'adoption de 27 réformes subséquentes. Le harcèlement sexuel est pénalement réprimé, a ajouté la délégation.

En réponse à une autre question, la délégation a rappelé que les accords de paix signés en 1992 n'avaient pas prévu explicitement les questions touchant aux droits économiques, sociaux et culturels, compte tenu des urgences de l'époque. Les réformes économiques et sociales ont néanmoins été encouragées par ces accords, et l'on constate de fait une amélioration des indicateurs socio-économiques depuis cette époque.

Une experte ayant demandé des détails sur les activités de l'Institut pour le développement des droits de la femme, et si son budget était suffisant à l'accomplissement de sa mission, la délégation a fait savoir que les activités de l'Institut touchent une centaine de communautés, par le biais de programmes ciblés sur les familles. Le budget de l'Institut a augmenté grâce à des participations d'autres institutions. La délégation a fait état de mesures d'identification des besoins dans neuf municipalités. Une banque a octroyé des microcrédits pour ouvrir des jardins d'enfants et des crèches. L'action a aussi porté sur l'encouragement des femmes à participer à la vie politique. En moyenne, douze demandes de formation arrivent chaque jour à l'Institut, émanant surtout de zones rurales.

Répondant en outre à des questions sur les mesures pratiques prises pour remédier de manière efficace aux discriminations dont les femmes sont victimes dans le secteur de l'emploi, la délégation a indiqué que le Ministère du travail et des affaires sociales avait créé une unité spéciale de traque des cas de discrimination, avec à la clé des contrôles in situ. Les inspecteurs ont également pour mission de dénoncer le travail clandestin interdit par les Conventions de l'Organisation internationale du travail. Le même Ministère a lancé un appel général à une autoanalyse des conditions de travail existant dans les entreprises du pays. À terme, un guide sera publié à l'intention des entrepreneurs précisant leurs droits et obligations. Ces dernières interdisent par exemple l'utilisation du détecteur de mensonges, dont un expert s'était inquiété qu'il soit utilisé, dans le cadre des procédures de recrutement, pour vérifier les réponses à des questions d'ordre personnel, une pratique qui pourrait conduire à des pratiques discriminatoires si elle était avérée. Le Ministère a aussi engagé quinze personnes chargées de préparer des directives sur la manière de s'adapter aux exigences posées par la ratification des accords de libre-échange.

La délégation a souligné que 20% de la population salvadorienne vit à l'étranger. Un vice-ministère a été créé pour veiller au respect de leurs droits, faciliter la réunification familiale et la participation politique ou régler les affaires consulaires. Une institution d'aide aux candidats à la migration a été mise sur pied, avec une attention spéciale aux enfants et aux femmes. Un fonds pour le rapatriement des citoyens à l'étranger a aussi été institué à l'intention des Salvadoriens installés aux États-Unis: 150 000 familles en sont bénéficiaires. Une carte d'identité personnelle a été émise à chaque migrant. Cinq cents consulats mobiles ont été mis sur pied pour permettre aux migrants d'obtenir les papiers d'identité dont ils ont besoin; le Gouvernement a engagé un cabinet d'avocat aux États-Unis offrant des conseils juridiques à ses ressortissants.

Sur un autre plan, le Gouvernement analyse la structure des flux migratoires et s'efforce, en collaboration avec plusieurs institutions des Nations Unies, de contrecarrer la traite des êtres humains. Un programme prioritaire de lutte contre la «fuite des cerveaux», et pour le rapatriement des migrants et de leurs compétences professionnelles, a été lancé. El Salvador a aussi pris des mesures pour limiter l'exode rural dans le cadre d'un projet général de traitement des migrations qui touchera 2 millions de citoyens, grâce à un budget de 400 millions.

Interrogée sur des allégations de menaces contre la responsable de la «procurature» chargée de veiller au respect des droits de l'homme et d'arrestation arbitraire de membres de la procurature, la délégation a précisé à cet égard que le 17 décembre 2002, dans la province de Mariona, la procureur des droits de l'homme a été en effet ouvertement menacée; des coups de feu ont aussi été tirés à cette occasion, mais sans que l'on puisse établir avec certitude qu'ils la visaient. Deux policiers en ont été victimes. Un fonctionnaire de la procurature a été interpellé à l'aéroport international du pays, dans le cadre d'une enquête internationale. La délégation a aussi donné des précisions sur la mission de la procurature, chargée de veiller à l'application de tous les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme mais aussi à ceux relatifs aux droits économiques, sociaux et culturels, compte tenu de l'interdépendance de tous les droits de l'homme. Il existe d'ailleurs un poste de procureur adjoint chargé des droits économiques, sociaux et culturels. Le suivi est aussi assuré au niveau individuel, comme par exemple en cas de licenciement injustifié ou de déni du droit à la santé.

En réponse à la question d'un membre du Comité, la délégation a fait savoir que l'appui des coopérants internationaux est coordonné par un bureau technique dépendant de la présidence et du ministère du développement. Pour faciliter la coopération sur des projets précis, ce bureau désigne un coordonnateur chargé de centraliser les informations et ressources nécessaires. La coopération ne concerne pas les frais de fonctionnement et les dépenses récurrentes sont couvertes par un mécanisme d'absorption spécial. Le suivi des projets de coopération est très scrupuleux. Le budget de la coopération est d'environ 65 millions de dollars. Son impact est sensible, par exemple dans le domaine de l'éducation, avec l'aide du Japon notamment.

La délégation a par ailleurs fait savoir qu'aucune église salvadorienne ne reçoit de subvention. L'église catholique bénéficie, comme toutes les autres d'ailleurs, de privilèges fiscaux: les églises ont le statut d'associations de personnes, qui les dispense de payer l'impôt.

Droit au travail

À la question de savoir pourquoi El Salvador n'a pas ratifié la Convention 169 de l'OIT sur les populations indigènes et tribales, la délégation a fait savoir qu'en l'état actuel, cet instrument contient des dispositions contraires à la Constitution du pays. Une nouvelle Assemblée nationale devrait être désignée pour adopter les réformes qui devraient être engagées pour ratifier la Convention. La délégation a précisé en outre que trois autres Conventions de l'OIT ont été ratifiées. Un travail de réflexion autour d'une réforme de la loi du travail est en cours en partenariat avec le secteur privé et les syndicats. Des mesures ont d'ores et déjà été prises pour lutter contre la discrimination des femmes sur le marché de l'emploi. La délégation a aussi tenu à préciser que les «maquilas» (ateliers de travail clandestins) ne méritent pas toujours les opprobres dont elles sont l'objet: le salaire moyen y est en effet supérieur à la moyenne nationale et aucun enfant n'y est employé.

La délégation a par ailleurs indiqué qu'un dispositif de contrôle de l'égalité des chances dans le travail est organisé en 28 bureaux décentralisés dans tout le pays. Un projet national d'égalité des chances a déjà permis d'aider près de 36 000 employés à trouver un emploi ou une formation. Un projet de formation continue fait, par ailleurs, l'objet d'une assistance technique et financière espagnole. Les mairies sont chargées de gérer ces actions par le biais de «Salons de l'emploi» qui ont déjà permis l'embauche de 22 000 personnes. Le dernier «Salon» était consacré à l'insertion professionnelle des jeunes, compte tenu de leurs besoins.

La délégation a par ailleurs indiqué que le salaire minimum a été révisé en fonction d'études techniques menées au plan national. Ce salaire a ainsi été réévalué de 10% dans plusieurs secteurs. Une étude exhaustive a été commandée pour évaluer dans quelle mesure ce salaire minimum suffisait à la subsistance.

Quant au harcèlement sur le lieu de travail, il fait l'objet de l'attention d'une unité spéciale du Ministère du travail. Les employés sont encouragés à faire valoir leurs droits et à déposer plainte le cas échéant. Les travailleuses sont désormais mieux informées de leurs prérogatives, a estimé la délégation. Le Ministère du travail gère en outre des centres d'information gratuite à l'intention des travailleurs et travailleuses. Par ailleurs, a aussi indiqué la délégation, le rapport contient une erreur: c'est bien plus de 35 000 inspections du travail qui ont été effectuées, et non pas 15 000. Le Gouvernement a enfin lancé un programme d'incitation à l'emploi indépendant et à la création de microentreprises.

À une demande de précision d'un membre du Comité concernant le salaire minimum, qui semble varier suivant les secteurs d'emploi et les régions, étant par exemple plus élevé en ville que dans les zones rurales, la délégation a fait remarquer que le salaire rural comporte une variable supplémentaire: l'employeur doit assumer en effet une part salariale en nature (nourriture notamment). Des propositions sont en cours d'examen afin de déterminer dans quelle mesure ces compléments doivent être adaptés. La situation salariale est difficile, a convenu la délégation, assurant que l'amélioration de la situation est une préoccupation constante de l'État.

Répondant à une question sur la création de syndicats et l'exercice du droit de grève en El Salvador, deux aspects problématiques selon des rapports indépendants, la délégation a fait état de l'existence de plus de 360 syndicats, 20 fédérations et quatre confédérations. Des structures étatiques orientent les personnes souhaitant créer une telle structure. D'une manière générale, l'État privilégie la concertation sociale et la négociation collective. Quant au droit de grève, il n'est, de fait, pas expressément stipulé dans la convention de l'OIT posant la liberté d'association. La grève, qui reste cependant un droit des travailleurs, doit être menée dans le respect des règles prévues et ne pas mettre en péril la fourniture de services indispensables, a déclaré la délégation.

Un membre du Comité a souligné que les «maquilas» sont bien souvent des zones de non droit, où le harcèlement sexuel et des pratiques antisyndicales sont particulièrement fréquents, ainsi qu'il apparaît dans un rapport de 2003 de la Confédération internationale des syndicats libres.

La délégation a néanmoins confirmé que des mesures prises par le Gouvernement ont permis d'y maintenir les salaires à des niveaux supérieurs à la moyenne.


Protection sociale

Le système d'assurance sociale salvadorien est passé d'une conception solidaire à une organisation fondée sur la responsabilisation individuelle, dont on sait qu'elle ne favorise pas les personnes moins bien loties au plan économique, a observé une experte du Comité: quelle a donc été l'évolution de la situation constatée en matière de justice sociale? Quelle protection existe-t-il contre le risque de chômage? Les employés du secteur informel bénéficient-ils d'une quelconque couverture sociale? Un autre expert a demandé des précisions sur le régime de retraites des travailleurs indépendants et des personnes appartenant à des groupes marginalisés, comme les autochtones. À cet égard l'absence de statistiques de recensement des autochtones, signalée un peu plus tôt par la délégation, ne favorise pas la prise de mesures ciblées en leur faveur, a estimé un expert. La délégation a fait savoir qu'elle répondrait ultérieurement par écrit à ces dernières questions, des consultations avec sa capitale étant nécessaires.

Le système de retraite par épargne s'inscrit dans le cadre d'une politique de prévoyance globale, a expliqué le chef de la délégation. L'administration de fonds réunis par les employeurs est supervisée par l'État. L'affiliation à ce système est obligatoire dès l'emploi. Les indépendants (résidents sans employeurs et ressortissants salvadoriens vivant à l'étranger) peuvent s'affiler au même système. Le taux de couverture sociale est facilement évaluable en observant le nombre d'affiliés au bénéfice d'un numéro de sécurité sociale: jusqu'en 1997, la couverture atteignait 22% de la population; en 2006, on est passé à 48%. Quant à la retraite moyenne, elle était de 100 dollars en 2000 et de 190 dollars en 2006.


Discrimination à l'égard des femmes, travail des enfants

La délégation a précisé que la discrimination et le harcèlement sexuel sur le lieu de travail sont deux problèmes distincts qui font l'objet d'un suivi des autorités. Des cas de harcèlement ont fait l'objet de plaintes et de sanctions contre les responsables. La lutte contre la discrimination passe par l'information des employeurs et des employés à leurs obligations et droits respectifs, a dit la délégation. El Salvador a d'autre part ratifié la Convention n° 107 de l'OIT, relative aux populations indigènes et tribales et qui règle certains problèmes touchant les populations autochtones, notamment la protection de leur culture et de leur patrimoine. La ratification de la Convention n°169 sur les peuples indigènes et tribaux fait l'objet de discussions en El Salvador et est examinée dans le détail par le Conseil supérieur du travail dans le sens d'une éventuelle compatibilité avec la loi fondamentale du pays.

La délégation a aussi fait état des importants progrès réalisés par El Salvador dans la réduction du nombre des enfants subissant les pires formes de travail en particulier, avec plus de 40 000 bénéficiaires au terme de plusieurs campagnes de sensibilisation menées dans tout le pays en faveur de l'éducation. Des centres locaux de formation ont été mis sur pied, les organisations non gouvernementales participant aux projets nationaux. Des évaluations de l'action des inspecteurs du travail et des fonctionnaires du ministère chargés de ces actions ont conclu à la qualité de leurs interventions.

Un autre expert ayant demandé confirmation des chiffres sur le travail des enfants que contient le rapport, la délégation a notamment indiqué que son pays compte 28 000 enfants de 5 à 7 ans au travail (14% de la tranche d'âge) dans le secteur agricole. Ce problème est indéniable et le Gouvernement cherche, comme d'autres pays voisins de l'Amérique centrale, à le résoudre. Les familles qui s'engagent à envoyer leurs enfants à l'école reçoivent des subventions.

Les enfants des rues bénéficient de programmes spéciaux de placement et de scolarisation, avec la participation d'organisations non gouvernementales, a aussi indiqué la délégation. La démarche adoptée par El Salvador engage aussi bien le ministère du travail que celui de la famille. Si les parents sont localisables, l'État tente de les responsabiliser à leurs obligations. À défaut, des organismes compétents sont chargés de recueillir ces enfants et de les scolariser dans des classes d'appui aux méthodes pédagogiques adaptées à leurs besoins. Les enfants retirés du marchés du travail sont aussi accueillis dans ces classes. Les mères de famille bénéficient de subventions qui couvrent en partie les pertes de revenus induites, pour autant que les enfants soient effectivement scolarisés, ce qui est attesté par l'instituteur.

Les jeunes qui courent le plus grand risque d'être recrutés par des bandes délinquants sont dépistés par un programme d'observation et, ensuite, pris en charge par des éducateurs. Les mineurs surpris dans des zones urbaines où ils n'ont rien à faire sont signalés à leurs parents après avoir subi une admonestation. En cas de délits, on s'efforce de poursuivre les adultes responsables.

Répondant aux observations d'une experte sur le harcèlement sexuel, qui peut pousser les adolescentes à quitter l'école et les femmes, dans le monde professionnel, à quitter leur emploi, la délégation a affirmé que le ministère du travail emploie six personnes chargées de veiller au respect de la loi dans ce domaine.

Plusieurs experts du Comité s'étant inquiétés du sort des jeunes filles employées dans des travaux domestiques, tant du point de vue des abus sexuels possibles que de leur couverture d'assurance en cas de maladie, la délégation a expliqué que cette forme d'emploi est régie par le Code du travail. Le Code prévoit que toute personne concernée peut déposer une plainte si elle estime que ses droits n'ont pas été respectés. Le procureur général veille à ce que l'aide juridique soit accordée aux personnes qui en ont besoin. Les services sociaux et sanitaires sont tenus de fournir des soins médicaux gratuits aux travailleuses domestiques, de même qu'à toute personne dépourvue d'assurance.

La délégation a par ailleurs indiqué que l'État s'efforce d'aider les femmes à concilier leur vie professionnelle et familiale en mettant sur pied des ateliers de formation et en ouvrant des crèches et des garderies. Le congé paternité n'est pas généralisé, compte tenu de l'attitude machiste qui prévaut encore dans la société salvadorienne. Un programme de formation et de prévention a été lancé à l'intention des hommes et des femmes, visant à leur faire prendre conscience de leurs responsabilités partagées vis-à-vis de la vie de famille. La délégation a par ailleurs précisé que l'État prévoit des mesures spéciales, simplifiées et gratuites permettant d'enregistrer a posteriori les mineurs qui n'ont pas été déclarés à l'état civil à leur naissance. C'est souvent faute d'argent que les familles renoncent à procéder à cette formalité, a observé la délégation, qui a indiqué que des projets de sensibilisation à l'importance de l'enregistrement des naissances sont menés en partenariat avec l'UNICEF en particulier.

Concernant les châtiments corporels et le harcèlement sexuel dans le milieu scolaire, évoqués par un expert du Comité, la délégation a expliqué que ces agissements font l'objet d'enquêtes et de poursuites. Un processus de consultation permanent a été instauré au sein des conseils sociaux pour prévenir ce type de comportements.

Logement

La délégation a aussi indiqué que son Gouvernement procède actuellement à un recensement socio-économique de la population salvadorienne, qui l'aidera à piloter sa politique sociale. Une cartographie précise a été établie permettant de désigner des zones de précarité particulièrement importante, à la suite de quoi des mesures de relogement notamment ont pu être prises en faveur des populations concernées. Des subventions et des aides au crédit ont par ailleurs été octroyées pour le logement des couches les moins favorisées.


Droit à l'éducation

La délégation a indiqué qu'il existe des fonds destinés à des bourses d'enseignement alimentés par la privatisation d'autres secteurs économiques, mais il ne s'agit là que de l'un des programmes gouvernementaux concernant l'éducation. Si l'État estime important d'accorder la priorité à l'éducation de base gratuite, il s'efforce néanmoins de promouvoir l'enseignement supérieur, payant. Le budget de l'université nationale ne cesse par ailleurs de croître. L'enseignement secondaire n'est pas non plus gratuit, mais il existe un grand nombre d'écoles financées par l'État et fréquentées par 78% des enfants scolarisés dans le secondaire. Les frais d'inscription s'élèvent de 9 à 15 dollars par mois, sans compter les autres frais à la charge des familles: livres scolaires, uniformes. Cette exigence peut poser des difficultés pour certaines familles, qui sont dans certains cas exonérés du paiement de ces frais et peuvent bénéficier d'aides. Le système scolaire est divisé en plusieurs niveaux, l'éducation de base comptant en El Salvador neuf ans, au lieu de trois comme c'est l'usage: le secondaire inférieur (collège / cycle d'orientation) est donc gratuit.

En matière de lutte contre l'abandon scolaire, le Gouvernement a rencontré certains succès ces dernières années. Cependant, les jeunes engagés dans la vie active, ou les jeunes filles confrontées à une grossesse non désirée, sont davantage susceptibles de souhaiter quitter l'école, une tendance que les autorités s'efforcent de contrecarrer par des programmes ciblés.

Droits culturels

L'État salvadorien se désigne comme multiculturel, composé d'un grand nombre d'ethnies différentes, a observé un membre du Comité: certaines obligations résultent de cette situation, notamment sous le rapport de la défense des langues autochtones. Celles-ci ont-elles un statut de langues officielles, a voulu savoir l'expert? Ce dernier a également demandé des précisions quant à la protection des droits de propriété intellectuelle des populations autochtones et du degré de maîtrise qu'elles détiennent sur leurs terres ancestrales.

La délégation a relevé que la totalité de la population salvadorienne peut faire valoir des origines même partiellement autochtones. La Constitution reconnaît les ethnies, leurs coutumes et leurs terres ancestrales comme partie intégrante du patrimoine national, et prévoit qu'elles soient protégées à ce titre. Le prochain recensement demandera aux citoyens s'ils se considèrent eux-mêmes comme autochtones. Les trois populations autochtones bénéficiant de ce statut officiel n'utilisent leur langue que dans le cadre de leurs échanges privés, la vie publique utilisant l'espagnol, parlé par la totalité de la population salvadorienne. Par ailleurs le Gouvernement a mis en place des mesures de promotion d'au moins une langue autochtone, afin que la jeunesse ne soit pas coupée de ses racines. La délégation a assuré le Comité que les populations autochtones bénéficient, ou pâtissent le cas échéant, des mêmes conditions de vie que les autres citoyens.

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