Aller au contenu principal

LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE POURSUIT L'EXAMEN DU RAPPORT DE LA FÉDÉRATION DE RUSSIE

Compte rendu de séance
Il entend les réponses de la délégation russe aux questions posées par les experts

Le Comité contre la torture a poursuivi, cet après-midi, l'examen du quatrième rapport périodique de la Fédération de Russie en entendant les réponses apportées par la délégation de ce pays aux questions que lui avaient posées vendredi les experts. Le Comité présentera à la fin de la session, vendredi 24 novembre 2006, ses observations finales sur le rapport de la Fédération de Russie.

Dirigée par le Représentant permanent de la Fédération de Russie auprès des Nations Unies à Genève, M. Valery Loshchinin, la délégation russe a notamment fait valoir que la loi sur les situations d'urgence interdit toute forme de tribunaux spéciaux ou de justice spéciale. Elle a en outre indiqué que la détention des personnes placées en détention préventive pour terrorisme ou crime grave ne doit pas dépasser les trois mois.

Les statistiques montrent que le nombre des enlèvements en République de Tchétchénie est en baisse constante ces dernières années, a par ailleurs souligné la délégation. Il est faux de prétendre que les enlèvements et détentions illégales en République de Tchétchénie sont le fait d'agents de l'État; ce sont des groupes criminels organisés qui se rendent coupables de ces délits, afin d'obtenir des rançons, a-t-elle affirmé. Il n'y a pas de lieux de détention au secret en République de Tchétchénie ou ailleurs dans le Nord-Caucase, a également assuré la délégation.

La délégation a par ailleurs indiqué être en mesure d'assurer que la visite du Rapporteur spécial sur la torture, M. Manfred Nowak, aurait bien lieu, l'objectif des autorités russes n'étant absolument pas d'empêcher cette visite.


Demain matin, à 10 heures, le Comité entamera l'examen du rapport initial de l'Afrique du Sud (CAT/C/52/Add.3).


Réponses de la délégation russe

Répondant aux questions des membres du Comité sur la question de la définition de la torture dans la législation russe, la délégation a notamment fait valoir qu'en Fédération de Russie, c'est la norme internationale qui prime sur les textes nationaux lorsqu'il s'agit d'interpréter les textes législatifs.

Les établissements pénitentiaires sont contrôlés par les tribunaux, a par ailleurs indiqué la délégation. En outre, des représentants des organisations internationales ou régionales comme le Conseil de l'Europe effectuent des visites dans ces établissements, y compris en République de Tchétchénie, a souligné la délégation.

Contrairement à ce qui se fait dans d'autres pays, le système russe d'exécution des peines dispose de ses propres services médiaux, a par ailleurs indiqué la délégation. Chaque établissement de détention préventive et chaque prison disposent de tels services, a-t-elle précisé.

Environ 58 000 femmes se trouvent actuellement placées en détention, a d'autre part indiqué la délégation. Pour prévenir les violences sexuelles à leur encontre, le Code pénal stipule que les femmes ne doivent pas être détenues avec les hommes. En règle générale, le personnel des lieux de détention pour femmes est féminin, a ajouté la délégation. Elle a indiqué qu'aucune plainte pour voie de fait contre une femme détenue n'a été enregistrée.

En réponse aux questions soulevées par les experts s'agissant de la situation en République de Tchétchénie, la délégation a rappelé que dans certaines conditions exceptionnelles, la loi prévoit la possibilité de restreindre certains droits et libertés. La loi sur les situations d'urgence interdit toute forme de tribunaux spéciaux ou de justice spéciale, a précisé la délégation. En outre, la détention des personnes placées en détention préventive pour terrorisme ou crime grave ne doit pas dépasser les trois mois.

En 2005, a poursuivi la délégation, le nombre de crimes de nature terroriste a été de 427 au lieu de 389 l'année précédente. En outre, les statistiques montrent que le nombre des enlèvements en République de Tchétchénie est en baisse constante ces dernières années; il y en a eu 108 en 2005 contre 218 en 2004, 567 en 2003 et 845 en 2002. Il est faux de prétendre que les enlèvements et détentions illégales en République de Tchétchénie sont le fait d'agents de l'État; ce sont des groupes criminels organisés qui se rendent coupables de ces délits, afin d'obtenir des rançons, a par ailleurs affirmé la délégation, ajoutant que les membres de ces groupes criminels se déguisent parfois pour se faire passer pour des agents de l'État.

Il n'y a pas de lieux de détention au secret en République de Tchétchénie ou ailleurs dans le Nord-Caucase, a en outre assuré la délégation.

La délégation a expliqué que les points de filtrage en République de Tchétchénie n'existent plus depuis un certain temps déjà, de sorte que la liberté de circulation est garantie. D'après la loi de 1993, tout citoyen de la Fédération de Russie a le droit de se déplacer librement et de choisir librement son lieu de résidence, a par ailleurs rappelé la délégation.

Les activités du Ministère de l'intérieur en République de Tchétchénie sont contrôlées par le Ministère de l'intérieur de la Fédération de Russie et par les procuratures de la République de Tchétchénie et de la Fédération de Russie, a indiqué la délégation. Elle a affirmé que le statut des forces militaires déployées en République de Tchétchénie ne se distingue en rien de celui des autres troupes déployées ailleurs en Fédération de Russie.

La délégation a indiqué que le bureau du procureur militaire fait partie du système unifié de la procurature générale.

Interrogée sur les raisons pour lesquelles les trois avocates engagées pour défendre un jeune homme détenu suite à un raid d'hommes armés sur la ville de Naltchik en octobre 2005 ont été dessaisies, la délégation a expliqué que ces trois avocates s'étaient vu retirer cette affaire car elles avaient été citées comme témoins, ce qui est un motif suffisant de dessaisissement au regard de la loi.

En Fédération de Russie, tout accusé est présumé innocent tant que sa culpabilité n'aura pas été prouvée, a par ailleurs rappelé la délégation.

La délégation a en outre fait état de tendances nettement positives en ce qui concerne la diminution du nombre d'infractions enregistrées en rapport avec des voies de fait et autres mauvais traitements à l'encontre des soldats.

Au total, 165 fonctionnaires ont été poursuivis durant le premier semestre de cette année pour ne pas avoir suivi les procédures légales en matière d'enquête, a d'autre part fait valoir la délégation.

La délégation a indiqué que la Fédération de Russie était en train de mettre au point une nouvelle version de la loi sur les réfugiés afin, notamment, d'alléger le fardeau bureaucratique induit par l'examen des dossiers dans ce domaine.

La manière dont sont nommés les magistrats en Fédération de Russie garantit leur indépendance vis-à-vis du pouvoir exécutif, a assuré la délégation.

En ce qui concerne la violence au sein de la famille, la délégation a indiqué que le Code pénal et le Code de procédure pénale ont été amendés afin d'améliorer les garanties juridiques de protection des individus contre tout mauvais traitement.

La délégation a par ailleurs assuré que les autorités russes s'efforcent de lutter contre la traite de personnes et la prostitution; plus de 800 procédures ont été engagées face à des crimes de cette nature durant le premier semestre 2006, contre plus de 1300 pour l'ensemble de l'année 2005.

S'agissant de la visite que le Rapporteur spécial contre la torture, M. Manfred Nowak, doit effectuer en Fédération de Russie - et qui a pour l'heure été reportée -, la délégation a de nouveau expliqué que la liste des critères de cette visite telle que présentée par le Rapporteur spécial n'est pas compatible avec la législation russe. Les autorités russes sont en étroit contact avec M. Nowak et certaines difficultés ont pu être aplanies, a toutefois précisé la délégation. M. Nowak souhaitait pouvoir se rendre de manière inopinée dans les lieux de détention et y avoir des contacts avec les détenus, ce qui est contraire à la loi puisqu'il faut pour cela obtenir l'autorisation du juge d'instruction, a poursuivi la délégation. Or, seules certaines personnes, comme le Président de la République, peuvent être exemptées d'une telle autorisation. Aussi, faudrait-il par exemple que le Président russe prenne une décision extraordinaire concernant M. Nowak. La délégation a indiqué être en mesure d'assurer que la visite de M. Nowak aurait bien lieu, l'objectif des autorités russes n'étant absolument pas d'empêcher cette visite.


Questions complémentaires

La rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de la Fédération de Russie, MME FELICE GAER, a affirmé que les allégations faisant état en République de Tchétchénie de personnes portées disparues après avoir été vues pour la dernière fois entre les mains d'agents de l'État sont tellement légion qu'il est difficile de penser qu'il s'agirait en fait d'enlèvements perpétrés par des personnes appartenant à des groupes criminels qui se déguiseraient pour faire croire qu'il s'agit d'agents de l'État.

Mme Gaer a pris note de l'information selon laquelle le bureau du procureur militaire fait partie du système unifié de la procurature générale, ce qui établirait donc une hiérarchie verticale en vertu de laquelle la procurature militaire est en quelque sorte un sous-système de la procurature générale.

La délégation a précisé à cet égard que le Procureur militaire est le représentant du Procureur général et fait partie de la procurature générale.

Mme Gaer s'est par ailleurs dite surprise qu'il n'y ait pas de plainte concernant des voies de fait commises contre les femmes en détention.

La co-rapporteuse pour l'examen du rapport de la Fédération de Russie, MME ESSADIA BELMIR, a déploré que la loi russe ne prévoie pas d'exclure a priori de la liste des jurés des personnes tels que les magistrats, les militaires ou les avocats.

En ce qui concerne les disparitions forcées en République de Tchétchénie, Mme Belmir a rappelé la Cour européenne avait été saisie d'un certain nombre de cas. La co-rapporteuse a en outre insisté pour savoir dans quel type de situation on se trouvait en République de Tchétchénie; s'agit-il d'une situation normale, d'une situation d'exception, d'une situation d'urgence?

Interrogée au sujet des activités du Bureau opérationnel de recherche, la délégation a indiqué que ce bureau, situé à Grozny, traite des affaires de criminalité organisée. Au total, 112 personnes ont été détenues dans ce bureau en 2006; elles ne sont plus que 10 à l'heure actuelle, a précisé la délégation. C'est la procurature dont dépend la ville de Grozny qui est chargée de la surveillance de ce bureau, a-t-elle ajouté. En 2005, il y a eu 14 plaintes concernant les détentions dans ce bâtiment.

Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

CAT06031F