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LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE POURSUIT L’EXAMEN DU RAPPORT DU BURUNDI

Compte rendu de séance
Il adresse des questions complémentaires à la délégation de la Fédération de Russie

Le Comité contre la torture a poursuivi, cet après-midi, l'examen du rapport initial du Burundi en entendant les réponses apportées par la délégation de ce pays aux questions que lui avaient posées hier matin les experts. Il présentera des observations finales sur le rapport du Burundi à la fin de la session. Le Comité a également poursuivi l'examen du rapport de la Fédération de Russie, commencé ce matin, des membres du Comité adressant à la délégation russe des questions supplémentaires.

Dirigée par la Ministre de la solidarité nationale, des droits de la personne humaine et du genre, Mme Françoise Ngendahayo, la délégation burundaise a notamment reconnu que le Code pénal actuel ne réprime pas dans sa juste dimension le crime de torture. C'est pourquoi la révision en cours du Code pénal entend remédier à cette lacune en définissant la torture et les autres traitements cruels, inhumains et dégradants et en leur associant des peines appropriées. En ce qui concerne l'âge minimum de la responsabilité pénale, actuellement fixé à 13 ans, le projet de Code pénal entend porter cet âge à 15 ans, a ajouté la délégation. Les détenus ont droit à un avocat dès leur arrestation, a par ailleurs assuré la délégation. La durée de la garde à vue est de sept jours renouvelables une fois, a-t-elle en outre indiqué. Toute personne qui se rend coupable d'un acte de torture est poursuivie par la loi et cela s'applique également aux agents des services de renseignement, a fait valoir la délégation.

En réponse aux préoccupations exprimées hier matin s'agissant de la pratique qui veut que les dettes contractées par une personne malade peuvent entraîner la détention indéfinie de ce patient, la délégation a affirmé que l'État burundais s'était retrouvé confronté à un dilemme: soit il refoulait les malades, soit il acceptait de les soigner dans l'attente qu'un bienfaiteur se manifeste. Ainsi, a insisté la délégation, l'option a-t-elle été prise de soigner les malades dans l'attente que la famille ou une organisation bienfaitrice vienne les libérer.

Reprenant en fin de séance l'examen du rapport de la Fédération de Russie, des membres du Comité se sont notamment inquiétés de la possibilité, offerte dans le contexte de la législation antiterroriste, de détenir une personne pendant 30 jours sans qu'elle ne se voie spécifier les charges retenues à son encontre. Un expert a par ailleurs souhaité connaître la réaction de la délégation russe face aux allégations de certaines organisations non gouvernementales qui font état d'établissements de détention secrets en Ingouchie et en Tchétchénie, entre autres. Relevant le rôle joué par les procureurs militaires dans la République de Tchétchénie, un expert a souhaité savoir si l'on se situait ici dans le cadre de l'application des lois normales ou dans la logique d'une justice militaire.

Le Président du Comité, M. Andreas Mavrommatis, a exhorté la Fédération de Russie à accepter la visite du Rapporteur spécial contre la torture. Si je me trouvais à la place du Rapporteur spécial, je n'accepterais pas cette visite s'il ne m'était pas permis de rencontrer quelque personne que ce soit sans notification préalable aux autorités russes, a déclaré M. Mavrommatis.


Lundi matin, à 10 heures, le Comité entamera l'examen du rapport initial du Guyana (CAT/C/GUY/1).


Réponses de la délégation du Burundi

En l'absence de loi nationale portant spécifiquement sur le délit de torture, les tribunaux burundais répriment les actes pouvant être assimilés à la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en faisant appel aux qualifications énoncées dans les dispositions pénales relatives aux lésions corporelles. Elle a reconnu que le Code pénal actuel ne réprime pas dans sa juste dimension le crime de torture. C'est pourquoi la révision en cours du Code pénal entend remédier à cette lacune en définissant la torture et les autres traitements cruels, inhumains et dégradants et en leur associant des peines appropriées.

Les détenus ont droit à un avocat dès leur arrestation, a par ailleurs assuré la délégation. Auparavant, jusqu'en 1999, les avocats n'intervenaient qu'au stade de l'instruction, a-t-elle souligné. Il n'existe pas d'avocats commis d'office car l'administration burundaise n'a pas les moyens d'offrir ce service, a par ailleurs indiqué la délégation.

En ce qui concerne la garde à vue, sa durée est de sept jours renouvelables une fois, pour un maximum de 14 jours de garde à vue au total. Avant 1999, le délai de garde à vue n'était pas réglementé et était donc laissé à la seule appréciation du magistrat, a rappelé la délégation.

La police militaire et les forces armées ont la capacité d'arrêter les personnes en flagrant délit; mais elles ont l'obligation de les déférer aussitôt devant les autorités judiciaires compétentes, a par ailleurs indiqué la délégation.

Les agents des services nationaux de renseignement ont le droit de prendre toutes les mesures nécessaires à l'accomplissement de leur mission de sécurité de l'État. Néanmoins, toute personne qui se rend coupable d'un acte de torture est poursuivie par la loi et cela s'applique également aux agents des services de renseignement, a fait valoir la délégation.

Le ministère public a l'obligation d'inspecter tous les lieux de détention à travers le pays afin d'y détecter toute irrégularité éventuelle, a d'autre part rappelé la délégation. Néanmoins, cette obligation se heurte au manque de moyens, a-t-elle admis. Le nombre de prisonniers a sensiblement diminué avec la récente libération des prisonniers dits politiques, a par ailleurs indiqué la délégation.

En ce qui concerne l'âge minimum de la responsabilité pénale, actuellement fixé à 13 ans, la délégation a indiqué que le projet de Code pénal entend porter cet âge à 15 ans.

La délégation a par ailleurs fait part de l'élaboration en cours d'une loi sur l'asile. Il n'y a pas de refoulement sans consentement, a assuré la délégation.

S'agissant du massacre du camp de réfugiés de Gatumba, auquel des membres du Comité ont fait référence, la délégation a fait état d'un rapport, publié par une commission, qui a fait porter la responsabilité de ce massacre au Palipehutu FNL, lequel vient de signer un accord de cessez-le-feu avec le Gouvernement burundais. Cette affaire devrait être réexaminée dans le cadre du futur tribunal pénal pour le Burundi, car pour l'heure, une immunité provisoire couvre cette affaire, a indiqué la délégation.

En réponse aux préoccupations exprimées hier matin par un expert face à la pratique selon laquelle les dettes contractées par une personne malade peuvent entraîner la détention indéfinie de ce patient, la délégation a affirmé que l'État burundais s'était retrouvé confronté à un dilemme: soit il refoulait les malades, soit il acceptait de les soigner dans l'attente qu'un bienfaiteur se manifeste. Ainsi, a insisté la délégation, l'option a-t-elle été prise de soigner les malades dans l'attente que la famille ou une organisation bienfaitrice vienne les libérer.

Normalement, le budget de la santé dans les pays d'Afrique subsaharienne représente environ 15% du budget national; mais au Burundi, il ne dépassait guère les 3% et le Gouvernement a décidé de remédier à cette situation, a indiqué la délégation.


Fin de l'examen du rapport du Burundi

Le rapporteur du Comité chargé de l'examen du rapport du Burundi, M. FERNANDO MARIÑO MENÉNDEZ, s'est enquis de l'existence d'éventuelles décisions émanant d'un organe judiciaire burundais qui aurait appliqué la Convention contre la torture. Les normes des traités ratifiés par le Burundi ont rang de dispositions de droit interne, a-t-il en effet rappelé.

M. Mariño Menéndez est en outre revenu sur la question du refoulement des étrangers en relevant que s'il n'y pas de refoulement sans consentement, comme l'affirme la délégation, que se passe-t-il lorsqu'il n'y a pas consentement?

La délégation a indiqué qu'elle transmettrait ultérieurement au Comité un certain nombre de réponses écrites aux questions posées par les experts.

Insistant sur l'aspect préventif de la lutte contre la torture, le co-rapporteur du Comité pour l'examen du rapport burundais, M. GUIBRIL CAMARA, a souligné ne pas avoir connaissance d'un autre pays où les agents des services de renseignement ont la qualité d'officier de police judiciaire. En outre, le propre des officiers de police judiciaire est d'agir sous la direction du Procureur.

«Je crois que le procureur général peut les sanctionner», comme toutes les autres personnes, quand ils transgressent la loi, a déclaré un membre de la délégation en réponse à cette dernière intervention.


Questions et observations complémentaires des experts concernant le rapport de la Fédération de Russie

La co-rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de la Fédération de Russie, MME ESSADIA BELMIR, a évoqué le rôle des procureurs militaires en Tchétchénie en relevant la possibilité offerte aux habitants de saisir les parquets militaires des zones où des garnisons sont déployées. Est-on ici dans le cadre de l'application des lois normales ou dans la logique d'une justice militaire, a demandé Mme Belmir? Les informations disponibles font état de l'application des codes pénaux et de procédure pénale, mais aussi de l'application des dispositions en rapport avec des manquements dits administratifs, a par ailleurs relevé Mme Belmir, souhaitant obtenir des précisions au sujet de ces derniers.

Les passeports internes limitent l'exercice des droits des citoyens, notamment en matière de logement, de travail et de déplacements, a ajouté Mme Belmir.

Mme Belmir a en outre fait part de sa préoccupation face aux pressions psychologiques, parfois assimilables à des tortures, exercées à l'encontre de personnes incarcérées.

Mme Belmir a par ailleurs attiré l'attention sur la situation de personnes qui étaient détenues à Guantánamo et qui ont été remises à la Fédération de Russie. À leur retour, ces personnes ont parfois été condamnées à des peines très lourdes, affirmant en outre avoir été torturées et n'avoir pas eu droit à un procès équitable, a souligné la co-rapporteuse.

Un autre membre du Comité s'est inquiété de la possibilité, offerte dans le contexte de la législation antiterroriste, de détenir une personne pendant 30 jours sans qu'elle ne se voie spécifier les charges retenues à son encontre, c'est-à-dire sans inculpation. À ce sujet, un autre expert a souhaité savoir si les dispositions en la matière prévoient la mise au secret du détenu.

Un expert a souhaité connaître la réaction de la délégation russe face aux allégations de certaines organisations non gouvernementales qui font état d'établissements de détention illégaux, c'est-à-dire secrets, en Ingouchie et en Tchétchénie, entre autres.

Un autre expert s'est dit alarmé par la surpopulation dans les hôpitaux psychiatriques et dans les centres de soins pour enfants.

Il ne fait aucun doute que la Fédération de Russie a réalisé de très grands progrès dans un certain nombre de domaines, que ce soit au niveau législatif ou au niveau des mesures prises, par exemple, pour réduire le nombre de personnes placées en détention, a pour sa part déclaré le Président du Comité, M. Andreas Mavrommatis. Il reste néanmoins au pays un long chemin à parcourir, précisément dans le domaine carcéral, a-t-il souligné. M. Mavrommatis a exhorté la Fédération de Russie à accepter la visite du Rapporteur spécial contre la torture. «Si je me trouvais à la place du Rapporteur spécial, je n'accepterais pas cette visite s'il ne m'était pas permis de rencontrer quelque personne que ce soit sans notification préalable aux autorités russes», a déclaré M. Mavrommatis.


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