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LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT DE L'AFRIQUE DU SUD

Compte rendu de séance

Le Comité contre la torture a entamé, ce matin, l'examen du rapport initial de l'Afrique du Sud sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Le Ministre de la sûreté et de la sécurité de l'Afrique du Sud, M. Charles Nqakula, a souligné que la Constitution de 1996 énonce le droit de toute personne au respect et à la protection de sa dignité; le droit de tous à la liberté et à la sécurité de la personne, qui inclut le droit de ne pas être détenu sans jugement; ainsi que le droit de ne pas être soumis à une peine ou un traitement cruel, inhumain ou dégradant. Bien que la torture ne soit pas encore définie dans le pays, la Constitution sert de cadre juridique pour traiter de toutes les formes de torture, a souligné le Ministre. Il a fait état d'un projet de loi sur la lutte contre la torture qui doit être présenté au public aux fins de commentaires. En outre, l'Afrique du Sud dispose de la loi de 2002 sur l'application du Statut de Rome de la Cour pénale internationale qui pénalise la torture en tant que crime contre l'humanité.

Les services de sécurité sud-africains opèrent sous un rigoureux régime civil de surveillance, a par ailleurs fait valoir le Ministre. Bien qu'il subsiste des cas de violences ou d'abus de la part de la police à l'encontre de personnes détenues ou arrêtées, la culture des droits de l'homme gagne du terrain, a-t-il assuré. M. Nqakula a par ailleurs rappelé que le 20 septembre dernier, l'Afrique du Sud a signé le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture; le Gouvernement va s'attacher à refléter au niveau interne les obligations découlant du Protocole, ce qui ouvrira la voie à la ratification de cet instrument, a-t-il précisé.

La délégation sud-africaine était également composée de Mme Glaudine J.Mtshali, Représentante permanente de l'Afrique du Sud auprès des Nations Unies à Genève, ainsi que de représentants du Ministère de la justice, du Ministère de l'intérieur, des services de police et des services correctionnels.

M. Andreas Mavrommatis, rapporteur pour l'examen du rapport de l'Afrique du Sud et Président du Comité, a estimé qu'il faudrait que l'Afrique du Sud adopte une définition appropriée de la torture, à savoir celle figurant dans la Convention contre la torture. Il a en outre fait état de sa préoccupation face aux châtiments que subissent les enfants sous forme de flagellation dans les écoles et dans d'autres milieux. Le co-rapporteur, M. Xuexian Wang, a affirmé que si des problèmes et des insuffisances subsistent en Afrique du Sud du point de vue de la mise en œuvre de la Convention contre la torture, ce n'est pas l'absence de volonté politique qui est en cause, mais plutôt les limitations temporelles, financières et autres. Il a toutefois fait part de son inquiétude face à la violence des services de police. Il s'est également dit préoccupé par le nombre important de décès en prison, avec une tendance à la hausse. M. Wang a par ailleurs fait part de sa profonde préoccupation face aux chiffres concernant les viols ou tentatives de viol.


Le Comité entendra demain après-midi, à 15 heures, les réponses de la délégation sud-africaine aux questions soulevées ce matin par les experts. Cet après-midi, à 15 heures, il entendra les réponses de la délégation du Guyana aux questions que lui ont adressées les experts vendredi dernier.


Présentation du rapport

Présentant le rapport de son pays, M. CHARLES NQAKULA, Ministre de la sûreté et de la sécurité de l'Afrique du Sud, a rappelé que, faisant fi de l'appel lancé par la communauté internationale afin qu'il soit mis un terme à l'apartheid et à la torture dont étaient victime les Noirs, le régime de l'apartheid avait, en son temps, adopté une législation répressive qui incluait la loi sur le terrorisme de 1967 et la loi sur la sécurité interne de 1982 prévoyant la détention indéfinie sans jugement - deux lois aujourd'hui abolies. Ces textes législatifs ont fait germer, dans les esprits et dans les opérations des forces de sécurité et de la police travaillant sous le régime de l'apartheid, une culture de la violence et de non-respect des droits de l'homme, a souligné le Ministre. La résistance des étudiants dans les années 1980 et les campagnes d'organisations internes ont amené le régime de l'apartheid à ouvrir le dialogue qui a abouti à l'adoption d'une Constitution intérimaire et aux premières élections démocratiques non raciales le 27 avril 1994.

Le régime de l'apartheid a créé dans le pays des inégalités qui restent un gros défi à relever, a poursuivi le ministre. Ayant pris la voie de la réconciliation et de la consolidation de la démocratie, l'Afrique du Sud a adopté la Constitution intérimaire de 1993 suivie par la Constitution finale de 1996. Les lois, politiques, pratiques ou conduites incompatibles avec la Constitution peuvent être contestées par le biais des tribunaux ordinaires et jusqu'à la Cour constitutionnelle, a-t-il ajouté. Selon l'article 10 de la Constitution, toute personne a droit au respect et à la protection de sa dignité. L'article 11 énonce en outre le droit de tous à la liberté et à la sécurité de la personne, qui inclut le droit de ne pas être détenu sans jugement. Cet article de la Constitution énonce également le droit de ne pas être soumis à une peine ou un traitement cruel, inhumain ou dégradant. Bien que la torture ne soit pas encore définie dans le pays, la Constitution sert de cadre juridique pour traiter de toutes les formes de torture, a souligné le Ministre. Il a fait état d'un projet de loi sur la lutte contre la torture (2005), visant à criminaliser la torture, qui doit être présenté au public aux fins de réception de commentaires de la part de diverses parties prenantes - au nombre desquelles les organisations non gouvernementales et la société civile. M. Nqakula a toutefois rappelé que l'Afrique du Sud dispose de la loi de 2002 sur l'application du Statut de Rome de la Cour pénale internationale qui pénalise la torture en tant que crime contre l'humanité.

Le Gouvernement s'est engagé sur la voie de la transformation des services publics - et en particulier des services de sécurité - afin de renverser la culture de violations, en toute impunité, des droits de l'homme, a poursuivi M. Nqakula. Le personnel de sécurité du nouveau Gouvernement démocratique, à savoir la police, les gardiens de prison et les militaires, reçoit une formation en matière de promotion et de protection des droits de l'homme, et en particulier en matière d'élimination totale et de prévention de la torture à l'encontre de suspects ou de personnes accusées voire condamnées. Il reste un défi à relever eu égard au manque de compétences de certains personnels et à la culture de la torture ou de l'incarcération par l'ancien gouvernement de la minorité blanche, a déclaré le Ministre. Les services de sécurité sud-africains opèrent sous un rigoureux régime civil de surveillance, a-t-il fait valoir. Il a précisé que la Direction indépendante des plaintes est l'organe de surveillance des actions de la police alors que l'Inspection judiciaire des services correctionnels supervise l'action du personnel des établissements correctionnels. Le pays dispose en outre d'une Inspection des renseignements qui supervise les activités des personnels du renseignement.

Bien qu'il subsiste des cas de violences ou d'abus de la part de la police à l'encontre de personnes détenues ou arrêtées, la culture des droits de l'homme - en particulier pour ce qui a trait aux droits des personnes détenues ou arrêtées - gagne du terrain, a poursuivi le Ministre. En outre, l'Afrique du Sud dispose d'un pouvoir judiciaire indépendant et impartial, a-t-il ajouté.

M. Nqakula a par ailleurs indiqué que l'Afrique du Sud avait signé des traités d'extradition et d'assistance juridique mutuelle en matière pénale avec divers pays, notamment avec les États-Unis, le Conseil de l'Europe (pour l'extradition seulement) et la Chine. L'Afrique du Sud s'est également dotée d'une loi sur l'extradition et d'une loi sur la coopération internationale dans les affaires pénales. Ces traités permettent au Gouvernement sud-africain de coopérer pour le traitement de toutes les formes de torture si l'acte visé a été commis dans des pays avec lesquels l'Afrique du Sud a conclu de tels traités. En outre, les deux lois susmentionnées permettent au Gouvernement de coopérer aux mêmes fins avec un pays, même si aucun traité d'extradition ou d'assistance juridique mutuelle n'a été signé avec ce pays. M. Nqakula a par ailleurs rappelé que le 20 septembre dernier, l'Afrique du Sud a signé le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture. Le Gouvernement va s'attacher à refléter au niveau interne les obligations découlant du Protocole, ce qui ouvrira la voie à sa ratification, a précisé le Ministre. En dépit de mesures positives prises en matière de lutte contre différentes formes de torture, l'Afrique du Sud reste confrontée à de nombreux défis, dont l'un des principaux reste celui qui consiste à surmonter l'héritage des systèmes coloniaux et d'apartheid, a conclu M. Nqakula.

Le rapport initial de l'Afrique du Sud (CAT/C/52/Add.3) rappelle que la lutte pour la libération, qui s'est payée de souffrances indicibles aux mains des forces de sécurité du régime d'apartheid, a ouvert la voie à la démocratie constitutionnelle aujourd'hui présente en Afrique du Sud. La Loi constitutionnelle de 1996, qui garantit le droit à la liberté et à la sécurité de la personne, en se référant expressément au droit de ne pas être torturé de quelque manière que ce soit, sert de base aux mesures législatives et administratives indispensables pour appliquer la Convention contre la torture et les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Dans une affaire qui a fait date, l'affaire Makwanyane, la Cour constitutionnelle a statué que la peine de mort relevait des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Dans l'affaire Williams, la Cour constitutionnelle a statué que la flagellation des mineurs relevait également des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Bien que l'Afrique du Sud ne dispose pas d'une législation criminalisant la torture stricto sensu, la common law permet de traiter la torture comme une forme d'agression. L'Afrique du Sud dispose de quelques textes législatifs s'appliquant à d'autres formes de torture, notamment la loi de modification du droit pénal, qui prévoit l'annulation des condamnations à mort, et la loi sur l'abolition des châtiments corporels. La Force de défense sud-africaine, la police sud-africaine et les services correctionnels, qui constituent les Services de sécurité sud-africains, ont prévu des politiques et des programmes pour faire face à toute forme de torture et se sont dotés de programmes et/ou de manuels de formation visant à éduquer leurs membres au traitement humain des suspects, des délinquants et des citoyens en général.

Bien que les services de sécurité sud-africains mènent de bonnes politiques et dispensent de bonnes formations pour lutter contre la torture, des cas de torture continuent de se produire. Ce problème, compte tenu de l'héritage du passé, ne disparaîtra pas immédiatement. Le Gouvernement est résolu à lutter contre ce fléau, le principal défi étant de transformer la vieille culture des forces de sécurité pour rallier ces dernières au respect et à la défense des valeurs démocratiques, y compris le traitement humain des suspects, des délinquants et des citoyens en général. Le Gouvernement doit toutefois pouvoir compter sur l'appui des acteurs économiques, des partenaires sociaux et de la société civile dans le combat qu'il mène pour transformer les forces de sécurité, combat qui doit s'accompagner d'une action pour un renouveau moral. L'objectif est de faire de l'Afrique du Sud un pays sûr où chacun vive en sécurité.


Examen du rapport

M. ANDREAS MAVROMMATIS, rapporteur pour de l'examen du rapport de l'Afrique du Sud et Président du Comité, a jugé très bon le rapport présenté par le pays, même s'il manque une mise à jour portant sur la période après 2002. Il a par ailleurs jugé pertinente la démarche suivie par l'Afrique du Sud qui consiste à tenir compte des implications que les inégalités et le chômage ont sur l'apparition d'une culture de la violence.

M. Mavrommatis a estimé qu'il faudrait que l'Afrique du Sud adopte une définition appropriée de la torture, à savoir celle figurant dans la Convention contre la torture. Aussi, a-t-il exhorté le pays à faire progresser l'examen par le Parlement du projet de loi de lutte contre la torture afin de faire en sorte que l'Afrique du Sud se dote d'une définition appropriée de la torture. Il a en outre fait état de sa préoccupation face aux châtiments que subissent les enfants sous forme de flagellation, dans les écoles et dans d'autres milieux. Que comptent faire les autorités afin d'assurer que cette pratique soit effectivement interdite dans les écoles, a-t-il demandé?

La primauté de la Constitution sur les lois locales s'applique-t-elle aussi aux lois tribales, a par ailleurs demandé M. Mavrommatis? S'assure-t-on que la Constitution, mais aussi la Convention, prévalent sur les lois tribales, a-t-il insisté? Il s'est ensuite enquis de la place des traités internationaux ratifiés par le Parlement dans l'ordre juridique interne sud-africain.

M. Mavrommatis s'est fait l'écho de rumeurs selon lesquelles la police ne verrait pas la Direction indépendante des plaintes d'un bon œil, estimant en effet qu'elle pourrait elle-même faire le travail qui est dévolu à cette direction (et qui consiste en particulier à enquêter sur les plaintes portées à l'encontre de la police).

En vertu de la Convention, les tortionnaires ne sauraient bénéficier d'aucun sanctuaire dans le monde, a rappelé M. Mavrommatis. Une personne qui a commis un crime de torture doit être soit extradée soit jugée, a-t-il insisté.

L'Afrique du Sud ayant accepté l'article 22 de la Convention, par lequel elle reconnaît la compétence du Comité pour examiner des plaintes individuelles, comment se fait-il qu'aucune plainte n'ait été déposée à ce titre, a demandé M. Mavrommatis?

M. Mavrommatis s'est en outre enquis de la situation des immigrants du Zimbabwe

Le co-rapporteur du Comité pour l'examen du rapport sud-africain, M. XUEXIAN WANG, a affirmé que si des problèmes et des insuffisances subsistent en Afrique du Sud du point de vue de la mise en œuvre de la Convention contre la torture, ce n'est pas l'absence de volonté politique qui est en cause, mais plutôt les limitations temporelles, financières et autres.

M. Wang a toutefois fait part de son inquiétude face à l'écart entre la politique annoncée et la pratique; on constate en effet une violence caractérisée de la part des services de police. Comment, dans ce contexte, assurer et évaluer l'efficacité de la formation dispensée aux agents des forces de l'ordre, a demandé M. Wang? Il semble que la violence des services de police soit généralisée, a-t-il insisté.

M. Wang s'est en outre dit préoccupé par la situation de surpopulation qui règne dans les établissements correctionnels. Il s'est également dit préoccupé par le nombre important de décès en prison, qui s'élevait à 2624 en 2004, la tendance étant nettement à la hausse dans ce domaine. Nombre de ces décès sont liés au surpeuplement, c'est-à-dire qu'ils ont pour cause la pneumonie, la tuberculose ou d'autres causes médicales, a ajouté le co-rapporteur.

En ce qui concerne la situation des enfants placés en détention et en dépit des efforts déployés pour qu'ils soient placés dans des établissements autres que les prisons, M. Wang s'est inquiété que lorsqu'ils sont placés dans d'autres établissements, ces enfants ne fassent plus l'objet d'une surveillance.

M. Wang a par ailleurs fait part de sa profonde préoccupation face aux informations indiquant qu'entre avril 2003 et mars 2004, par exemple, plus de 52 000 viols ou tentatives de viol ont été signalés aux services de police. De février 2002 à juin 2003, a ajouté le co-rapporteur, 21 494 cas de viols d'enfants ont été signalés à la police, ce chiffre n'incluant même pas les tentatives de viol. Ce genre de situation n'est tout simplement pas tolérable, a affirmé M. Wang. Aussi, s'est-il enquis des mesures qui sont envisagées pour faire face à cette situation. Des mesures doivent être prises de toute urgence pour renverser cette tendance, a insisté le co-rapporteur.

M. Wang a noté que les châtiments corporels au foyer sont autorisés par la loi, mais pas dans les écoles. Pourtant, selon certaines informations, ils seraient pratiqués dans les écoles, a-t-il relevé.

Un autre membre du Comité a rappelé que la Convention de Genève relative au statut des réfugiés interdit de considérer comme un délit l'entrée illégale sur un territoire d'un requérant d'asile.

Relevant que onze langues cohabitent en Afrique du Sud, un expert a dit craindre que les groupes ethniques les plus pauvres se voient dénier la possibilité de porter plainte. Qu'en est-il de l'assistance juridique en faveur de ces personnes?

Un expert a fait part de sa préoccupation face aux informations faisant état de l'existence en Afrique du Sud de la traite de personnes, y compris d'enfants, aux fins de trafic d'organes - un phénomène qui semble s'étendre. Aussi, cet expert s'est-il enquis des mesures prises pour lutter contre ce phénomène. Il s'est également enquis de la réglementation en vigueur en matière de permis de port d'armes.

Rappelant que la discrimination peut être source de torture, un membre du Comité a attiré l'attention sur la ségrégation de facto qui règne dans le pays. Or, la justice ne semble pas agir pour réprimer les cas de discrimination ou de ségrégation, a-t-il relevé.

Un membre du Comité a souhaité en savoir davantage sur l'âge de la responsabilité pénale. Il a par ailleurs dit avoir appris avec stupéfaction que l'Afrique du Sud peut extrader ses propres ressortissants.

À cet égard, plusieurs experts ont souhaité en savoir davantage sur la question des transferts illégaux de personnes vers des pays tiers.

Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

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