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LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT DE LA HONGRIE

Compte rendu de séance

Le Comité contre la torture a entamé, ce matin, l'examen du quatrième rapport périodique de la Hongrie sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Présentant le rapport de son pays, M. Gyula Szelei Kiss, Représentant permanent de la Hongrie, a rappelé que la Constitution hongroise garantit le droit des personnes à la vie et à la dignité. Les dispositions légales hongroises, a-t-il assuré, forment un réseau dense de protection contre la torture. Il a insisté sur la volonté de la Hongrie de travailler en toute transparence et indiqué que les observations et conclusions du Comité seront notamment publiées sur le site de la mission.

La délégation hongroise était également composée de représentants du Ministère des affaires étrangères et du Ministère de la justice, ainsi que de représentants des autorités pénitentiaires.

M. Claudio Grossman, rapporteur pour le rapport de la Hongrie, a félicité la délégation pour les explications complètes et détaillées qu'elle a présentées. Il s'est réjoui par ailleurs de la volonté de transparence démontrée dans le rapport très exhaustif soumis par la Hongrie. Il a relevé toutefois que la Constitution et le Code pénal hongrois demeurent insuffisamment précis quant à la qualification de la torture, la responsabilité des agents de l'État et aux punitions légalement admises. Des membres du Comité ont aussi constaté que la Hongrie n'avait pas tenu compte des observations du Comité et campait sur des positions jugées irrecevables en ce qui concerne la responsabilité des agents de la police ou d'agents pénitentiaires dans des actes de torture. La Hongrie maintien en effet que les soldats et policiers ne peuvent pas être sanctionnés pour avoir obéi à un ordre.

La question du traitement des demandes d'asile et de la détention des étrangers aux postes frontières a fait l'objet de plusieurs questions de membres du Comité. Tout en reconnaissant les progrès accomplis en matière de conditions de détention des étrangers et particulièrement de mineurs, les membres du Comité ont relevé de nombreuses irrégularités dans les procédures d'examen des demandes d'asile et de renvois de personnes d'origine étrangère. Le Comité s'est interrogé tout particulièrement sur la différenciation de traitement basée sur la notion d'ethnie, notion qu'elle a estimée discriminatoire et inappropriée dans le contexte de l'examen d'une demande de séjour.


Le Comité entendra demain après-midi, à 15 heures, les réponses de la délégation hongroise aux questions soulevées ce matin par les experts. Cet après-midi, à 15 heures, il entendra les réponses de la délégation de l'Afrique du Sud aux questions posées par les membres du Comité hier matin.





Présentation du rapport

M. GYULA SZELEI KISS, Représentant permanent de la Hongrie, a fait valoir que la Constitution hongroise garantit le droit inhérent à la vie et à la dignité humaine et prévoit que nul ne saurait être sujet à la torture ou à des traitements cruels, inhumains ou dégradants. Les dispositions légales, a-t-il assuré, forment un réseau dense de protection contre la torture, et la Hongrie s'est engagée et continuera à œuvrer à l'application de ces dispositions.

Le représentant hongrois a indiqué que les observations et conclusions du Comité sur l'examen du rapport de la Hongrie seront publiées sur le site internet de la Mission permanente à Genève et diffusées auprès des ministères et agences concernées.

Bien que la torture ne soit pas définie par la législation interne dans des termes identiques à ceux de la Convention, les dispositions de la Convention sont pleinement intégrées dans la Constitution et le Code pénal, a indiqué la délégation . Il a aussi été rappelé que si aucune mesure n'a été prise pour traduire les articles de la Convention, le système hongrois prévoit toutefois que les obligations internationales prévalent sur les lois nationales.

La délégation hongroise a informé le Comité qu'aucun changement n'était prévu dans la loi qui statue que celui qui commet un acte criminel en obéissant à un ordre ne peut être tenu responsable de ses actes s'il ignore qu'il commet un crime.

Le Comité ayant fait part de plusieurs éléments de préoccupation en ce qui concerne les conditions de détention, les procédures de protection prévues par la loi hongroise ont été mentionnées. Toute personne soupçonnée d'avoir commis un délit comparaîtra devant un juge le plus rapidement possible. Dans l'avis qu'il a émis le 7 octobre 2004, le Procureur général a établi que les détenus peuvent exercer le droit à la défense dès le début de la procédure de détention, ce qui couvre la période de détention initiale au commissariat. Personne n'est placé en garde à vue sans être examiné par un médecin. L'opinion de celui-ci est prise en compte et les détenus ont accès é leur dossiers médical. Les personnes de la parenté sont notifiées de la détention dans les 24 heures. Les détenus ont le droit de correspondre avec les membres de leur famille et de recevoir des colis; ceci vaut pour les personnes en détention préventive ainsi que pour les personnes détenues dans un commissariat de police. Il a aussi été relevé que toute personne victime d'une détention illégale peut obtenir réparation. La détention préventive est purgée dans une institution pénitentiaire; exceptionnellement elle peut se dérouler au commissariat et ceci pour un maximum de 60 jours. Quatre-vingt personnes sont actuellement détenues préventivement dans un commissariat. Des alternatives à la détention préventive sont toutefois appliquées, comme l'assignation à résidence ou la remise d'une caution. La délégation s'est dite consciente du problème de surpeuplement dans les prisons; à cet égard, elle a indiqué qu'une étude était en cours sur la question. Elle a aussi rendu compte des mesures prises afin d'améliorer les conditions de vie des prisonniers, notamment dans le domaine sanitaire, notant que grâce au travail de supervision effectué par le Procureur, la tendance était positive.

La Hongrie a nommé deux ombudsman, l'un responsable des droits civils, l'autre affecté aux minorités ethniques. Ils agissent de manière indépendante de la police et prennent des mesures sur la base de la Constitution et de la loi. Entre le 1er juillet 1995 et le 31 juillet 2006, la Commission pour les droits civils a reçu 75 165 plaintes, dont 16,5% ont donné lieu à une enquête. Dans une proportion infime, ces enquêtes ont conclu à des pratiques inhumaines et dégradantes. S'agissant de l'ombudsman pour les droits des minorités, celui-ci a traité quelque 5000 plaintes depuis 1995, dont 10% impliquaient des agents de police, mais aucune concernant des cas de torture perpétrés par la police. La plupart des victimes sont des Roms, ce qui témoigne des difficultés existant entre la communauté Rom et la police. Une campagne a été menée afin de sensibiliser les Roms à leurs droits. Une formation a d'ailleurs été organisée à l'intention des agents de police afin de lutter contre les stéréotypes négatifs à l'encontre des Roms.


Le quatrième rapport périodique de la Hongrie (CAT/C/55/Add 10) relève que les autorités hongroises accordent une grande attention à la surveillance internationale de la protection des droits de l'homme. Elles s'attachent en permanence à améliorer le degré de protection de ces droits et souhaitent vivement entretenir un dialogue suivi et fécond avec les divers organes des Nations Unies et du Conseil de l'Europe œuvrant en la matière.

Le rapport apporte également des informations faisant suite à deux visites du Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) dans le pays, en 1999 et en 2003, et ayant pour but de faire le point sur la situation des personnes en détention provisoire dans des locaux de police ou des établissements pénitentiaires. Le rapport montre que des progrès sont intervenus récemment en ce qui concerne tant le nombre de personnes qui sont dans cette situation que la durée de séjour des prévenus dans des locaux de police. Toutefois, des progrès restent à faire pour rendre le système pénitentiaire conforme aux normes professionnelles. L'insuffisance des moyens financiers freine considérablement la mise en application des normes européennes que la Hongrie a inscrites dans sa législation.

Le service du parquet qui supervise les prisons a mené une enquête nationale sur le traitement des détenus et publié un rapport sur ses constatations, dont il ressort que le traitement des détenus dans les établissements pénitentiaires est de manière générale conforme aux dispositions légales. Le rapport indique que, depuis le 1er mars 2000, les infractions commises par des agents pénitentiaires sur leur lieu de travail ou dans le cadre de leurs fonctions - y compris les mauvais traitements infligés aux détenus - doivent faire l'objet d'une enquête de la part des organes de la justice militaire. Cette nouvelle règle institue une garantie supplémentaire ainsi qu'une procédure de règlement judiciaire spécialisée plus rigoureuse. Quant à l'application de sanctions, elle est désormais réglementée de façon plus stricte. Depuis le 1er mars 1999, l'article 83 2) du Code pénal dispose que lorsque les tribunaux prononcent une peine d'emprisonnement, celle-ci doit être dans la plupart des cas d'une durée intermédiaire entre les limites minimale et maximale prévues par la loi. Il ne peut être dérogé à cette règle que pour des raisons particulières, notamment s'il y a eu manquement à la Convention contre la torture.



Examen du rapport

M. CLAUDIO GROSSMAN, rapporteur pour le rapport de la Hongrie, a salué les explications détaillées fournies par la Hongrie et la transparence dont elle fait preuve.

M. Grossman a toutefois questionné un manque de clarté dans les textes de loi, s'agissant notamment de la qualification de la torture dans le Code pénal hongrois. Il a aussi demandé ce qu'implique le terme de «personne officielle», demandant si les personnes qui pourraient être de connivence dans la commission d'actes de torture sont prises en compte. Pour ce qui est des «interrogatoires forcés», leurs modalités doivent être mentionnées explicitement, a-t-il dit.

Le droit de correspondance et de visite peuvent être restreints en Hongrie dans l'intérêt des procédures pénales, a poursuivi le rapporteur. Or, la Convention établit que la restriction de droits importants requiert des notions telles que la proportionnalité. Y a-t-il des antécédents de dépôt de plaintes quant à des restrictions de droits à la visite, par exemple, a-t-il demandé? Il a par ailleurs voulu obtenir de plus amples renseignements sur le droit d'une personne appréhendée de bénéficier d'une assistance juridique. À quel moment la personne appréhendée est-elle notifiée de son droit à l'assistance juridique. Qu'en est-t-il s'agissant de l'assistance juridique au bénéfice des ressortissants étrangers?

Se référant aux 85 personnes actuellement détenues en commissariat, M. Grossman a souhaité savoir si ce chiffre était à la hausse ou à la baisse.

Des informations sont parvenues au Comité selon lesquelles les policiers exercent des pressions sur les détenus pour qu'ils ne portent pas plainte contre des instances officielles, a poursuivi M. Grossman. Les détenus sont-ils informés de leur droit à un examen médical durant la détention? Les examens sont apparemment faits en présence de gardes-frontières ou de policiers: y a-t-il eu des demandes de la part de détenus d'examens de bénéficier d'examens médicaux en privé?

S'agissant de la détention préventive, quel est le temps moyen de détention préventive avant que le prévenu ne comparaisse devant le tribunal, a demandé le rapporteur. Le rapport indique que dans des circonstances exceptionnelles, la détention préventive au commissariat peut être prolongée jusqu'à 30 jours: quels sont les critères définissant les «circonstances exceptionnelles»? À quelle fréquence la détention pour les ressortissants étrangers s'est-elle prolongée?

Constatant avec satisfaction que la Hongrie a mis en place un code de conduite pour les interrogatoires policiers, des membres du Comité ont demandé des précisions sur les dispositions relatives à la torture et aux traitements dégradants. Y a-t-il des cas de poursuite de policiers ayant enfreint ce règlement?

Le Comité contre la torture a eu connaissance de 500 cas de brutalité dont 5% seulement ont donné lieu à des arrestations, avec un pourcentage encore moindre de sanctions: la délégation peut-elle confirmer ces informations, a demandé un expert?

S'agissant du principe de non-refoulement et des évaluations permettant une prise de décision à ce sujet, un membre du Comité a souhaité être informé plus précisément d'exemples où une évaluation a donné lieu à des procédures d'asile ou à un refus de refouler le requérant dans son pays. Il a encore été demandé quelle assistance juridique est fournie aux personnes détenues à la frontière. Y a-t-il des visites d'ONG dans ces lieux de détention, notamment de la part du Comité d'Helsinki, très actif dans la défense des droits des requérants d'asile? Le Comité a posé des questions sur la durée de la procédure d'examen et du suivi d'une décision de non-recevabilité d'une demande d'asile.

Quel est le statut des recommandations de l'ombudsman, ont demandé des membres du Comité? Ces recommandations ont-elles été suivies, de manière générale?

Quels sont les mécanismes permettant de porter plainte contre des actes de torture, ont demandé les experts? Dispose-t-on de données sur le nombre de plaintes déposées? Dans combien de cas des tortures ou mauvais traitements ont été constatés? Y a-t-il des statistiques concernant les garde-frontières ou les agents de police ayant commis des actes de violence? Y a-t-il eu des cas, des accusations et peines prononcées? Existe-t-il des règles prévoyant le licenciement d'agents de police?

Faisant état d'informations obtenues par des organisations non gouvernementales sur le classement de plaintes jugées insuffisamment fondées, un autre membre du Comité a demandé combien de plaintes aboutissent à une sanction. Pourquoi de nombreuses plaintes ne font-elles jamais l'objet d'un examen?

Des membres du Comité ont aussi voulu savoir comment les troubles et manifestations récentes avaient été gérées, évoquant des rumeurs de recours à la force excessifs. Des plaintes ont-elles été déposées, suite à la répression de manifestations? Comment seront-elles examinées et par qui? Quelles mesures sont prises en matière de sensibilisation et de formation des agents de l'État.

Un membre du Comité a interrogé la délégation hongroise sur l'admission des requérants d'asile ukrainiens. Il a relevé qu'en 2003, 140 personnes de différentes nationalités (iraquiens, afghans, turcs) ont été expulsés aux frontières sans examen, ce qui est contraire à la législation hongroise et à ce que prévoit l'accord de réadmission. Quel est le sort de ces 140 personnes renvoyées en Ukraine? La Hongrie s'est-elle intéressée à connaître leur sort?

Il a aussi été question de la notion d'ethnie sur laquelle la Hongrie se base dans l'examen de la situation des étrangers sur son sol. Un membre du Comité a insisté sur le fait que cette notion s'apparente à une mesure discriminatoire et demandé des explications.

Des membres du Comité ont par ailleurs constaté avec regret que la Hongrie ne se départissait pas de la position exprimée dans ses précédents rapports quant à la non-responsabilité des soldats et policiers qui commettent un acte de torture sur ordre d'un supérieur, et ce malgré les arguments avancés par le Comité.

Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

CAT06034F