Aller au contenu principal

LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT DU GUYANA

Compte rendu de séance

Le Comité contre la torture a entamé, ce matin, l'examen du rapport initial du Guyana sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Présentant le rapport de son pays, Mme Gail Teixeira, Conseillère présidentielle pour la gouvernance et membre du Parlement du Guyana, a assuré que depuis 1992, les gouvernements du Guyana n'ont jamais encouragé, toléré ni perpétré la torture ou tout autre traitement cruel, inhumain ou dégradant. La loi sur les prisons prévoit la mise en place de comités de visite composés de membres de la société civile, a-t-elle également fait valoir; de tels comités ont donc été établis dans toutes les prisons du Guyana. La loi sur les prisons interdit l'exercice excessif de la force contre les prisonniers et on retrouve des dispositions similaires dans la loi sur la discipline de la police. Il n'y a pas eu au Guyana d'allégations concernant des cas de prisonniers qui seraient décédés en prison après avoir été victimes de brutalités, a fait valoir , la Conseillère présidentielle.

Le Président du Comité, M. Andreas Mavrommatis, intervenant en tant qu'expert chargé de l'examen du rapport du Guyana, a notamment souligné que, sans pouvoir judiciaire indépendant et réellement efficace, il est difficile d'assurer la mise en œuvre des droits énoncés dans la Convention; il s'est dit surpris par l'existence de «juges temporaires». Il s'est en outre enquis des raisons pour lesquelles le poste de médiateur créé au Guyana n'a toujours pas été pourvu. Le co-rapporteur pour l'examen du rapport guyanien, M. Fernando Mariño Menéndez, a fait état d'informations selon lesquelles la police aurait recours de manière disproportionné à la force et que le pays connaît des taux élevés de violence sexuelle. Il semble que ce soient les services de police eux-mêmes qui enquêtent sur les plaintes contre la police, s'est-il en outre inquiété.

En fin de séance, M. Guibril Camara a rendu compte de la réunion du groupe de travail sur les réserves qui s'est tenue à Genève les 8 et 9 juin dernier entre représentants des divers organes créés en vertu d'instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme.. Certains de ces instruments ont prévu la possibilité de réserves et d'autres pas, a souligné M. Camara. La Convention contre la torture, en ce qui le concerne, a prévu la possibilité d'émettre une réserve en son article 30. M. Camara a notamment souligné que le groupe de travail avait estimé que les organes conventionnels avaient compétence pour évaluer la validité des réserves.


Le Comité entendra demain après-midi, à 15 heures, les réponses de la délégation du Guyana aux questions soulevées ce matin par les experts. Cet après-midi, à 15 heures, il entendra les réponses de la délégation de la Fédération de Russie aux questions que lui ont adressées les experts vendredi dernier.


Présentation du rapport

Présentant le rapport de son pays, MME GAIL TEIXEIRA, Conseillère présidentielle pour la gouvernance et membre du Parlement du Guyana, a souligné que le Guyana est une démocratie émergente qui est parvenue à organiser ses premières élections générales et régionales non violentes en août 2006. Elle a fait part de la volonté des autorités guyaniennes de prendre des mesures afin de moderniser et de démocratiser la société. Depuis 1992, les gouvernements du Guyana n'a jamais encouragé, toléré ni perpétré la torture ou tout autre traitement cruel, inhumain ou dégradant, a assuré Mme Teixeira. Aucun des rapports consacrés au pays, qu'il s'agisse du rapport du Département d'État des États-Unis ou de ceux de l'Organisation des États américains consacrés aux droits de l'homme n'a accusé le Guyana de s'être livré à des actes de torture ou à tout autre acte prohibé par la Convention contre la torture, a fait valoir la Conseillère présidentielle.

Mme Teixeira a par ailleurs attiré l'attention sur un manuel des droits de l'homme mis au point afin d'être utilisé dans la formation des policiers. Les tribunaux souffrent d'un énorme retard dans le traitement des affaires dont ils sont saisis, a-t-elle en outre reconnu. Elle a souligné que le Guyana avait conclu des accords avec la Banque interaméricaine de développement en vue d'une réforme de l'ensemble de l'appareil judiciaire. Des mesures ont également été prises en vue de moderniser les forces de police, a-t-elle ajouté. Elle a en outre fait état de l'existence d'une loi sur les violences conjugales, datant de 1996, qui permet aux victimes de ce type de violence de bénéficier d'une protection en vertu de la loi.

La loi sur les prisons prévoit la mise en place de comités de visite composés de membres de la société civile, a également fait valoir la Conseillère présidentielle. De tels comités ont donc été établis dans toutes les prisons du Guyana, a précisé Mme Teixeira. La loi sur les prisons interdit l'exercice excessif de la force contre les prisonniers et on retrouve des dispositions similaires dans la loi sur la discipline de la police, a souligné la Conseillère présidentielle. Le Guyana ne dispose pas de spécialistes en médecine légale, a reconnu Mme Teixeira.

Une loi sur la protection des témoins a été adoptée en mai 2006, a d'autre part indiqué la Conseillère présidentielle. Récemment, il n'y a pas eu au Guyana d'allégations concernant des cas de prisonniers qui seraient décédés en prison après avoir été victimes de brutalités, a-t-elle en outre fait valoir.

Le rapport initial du Guyana (CAT/C/GUY/1) rappelle qu'en vertu de la Constitution, nul ne peut être intentionnellement privé de la vie sauf en exécution de la sentence prononcée par un tribunal pour une infraction à la loi guyanienne dont il a été reconnu coupable. En outre, poursuit le rapport, nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas autorisés par la loi, lesquels incluent «aux fins d'empêcher la propagation d'une maladie infectieuse ou contagieuse», «s'il s'agit d'une personne qui est, ou dont on peut raisonnablement penser qu'elle est aliénée, toxicomane, alcoolique ou sans domicile fixe, pour lui dispenser des soins ou un traitement ou pour protéger la société» et «aux fins d'empêcher l'entrée illégale de cette personne au Guyana».

L'article 4 de la loi sur la discipline de la police interdit aux fonctionnaires de police d'exercer des violences inutiles à l'encontre des personnes avec lesquelles ils pourraient entrer en contact dans l'exercice de leurs fonctions et énonce les sanctions applicables en cas de violation de cette interdiction, indique par ailleurs le rapport. Le rapport précise en outre que l'article 141 de la Constitution (disposition générale relative aux droits fondamentaux) interdit la torture mais ne la définit pas. La Constitution dispose que dans l'interprétation des dispositions relatives aux droits fondamentaux, les tribunaux tiennent dûment compte du droit international et des instruments internationaux se rapportant aux droits de l'homme. Il en découle que les tribunaux sont non seulement habilités mais encouragés à s'appuyer sur la Convention contre la torture pour interpréter l'article 141 susmentionné. Aucun cas de violation de l'article 141 de la Constitution n'ayant été porté devant les tribunaux, il n'existait pas de jurisprudence en la matière au moment de la soumission du présent rapport.

Le fait d'avoir agi sur ordre d'un supérieur n'exonère pas un membre des forces armées ayant commis des actes illicites de sa responsabilité pénale individuelle, souligne d'autre part le rapport. Tout individu qui affirme avoir été soumis à la torture peut s'adresser à la Haute Cour pour demander réparation en application des articles 141 et 154 A) de la Constitution.


Examen du rapport

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Guyana, M. ANDREAS MAVROMMATIS, qui est également Président du Comité, a jugé excellent ce rapport initial. Il montre en effet que le Guyana a des talents. Néanmoins, le Comité aurait notamment souhaité connaître les résultats des mesures qui viennent d'être prises en matière de contrôle parlementaire ou de changements apportés dans le domaine du judiciaire. Quelles mesures ont été prises en matière d'octroi de licences d'armes à feu, a par ailleurs demandé M. Mavrommatis?

M. Mavrommatis a par ailleurs souligné que l'association nationale des droits de l'homme avait présenté des recommandations utiles dont la mise en œuvre pourrait s'avérer efficace. Il s'est en outre enquis des raisons du faible taux de condamnation suite à des crimes de violence sexuelle. Relevant qu'il a été proposé d'éliminer les enquêtes préliminaires dans les affaires de viol, M. Mavrommatis a estimé qu'il faudrait qu'une telle mesure soit l'exception et non la règle.

Sans pouvoir judiciaire indépendant et réellement efficace, il est difficile d'assurer la mise en œuvre des droits énoncés dans la Convention, a souligné le Président. Il s'est notamment dit surpris par l'existence de juges temporaires.

M. Mavrommatis s'est par ailleurs enquis de la place de la Convention contre la torture dans le droit interne guyanien. Les dispositions de la Convention peuvent-elles être invoquées par les tribunaux, ne serait-ce que pour interpréter des dispositions du droit interne?

M. Mavrommatis a demandé pourquoi le poste de médiateur, qui a pourtant été créé, n'a toujours pas été pourvu.

Apparemment, la législation guyanienne ne contient aucune définition de la torture, a également relevé le Président du Comité.

S'agissant de l'extradition, quelle procédure est-elle suivie au Guyana lorsqu'une personne invoque la protection au titre de l'article 3 de la Convention, a d'autre part demandé M. Mavrommatis?

Le co-rapporteur du Comité pour l'examen du rapport guyanien, M. FERNANDO MARIÑO MENÉNDEZ, a notamment fait état d'informations émanant d'organisations non gouvernementales selon lesquelles le Guyana souffrirait notamment d'un recours disproportionné à la force de la part de la police et d'un nombre important de cas de violences sexuelles. M. Mariño Menéndez a également indiqué avoir eu connaissance d'informations selon lesquelles l'ancien Ministre de l'intérieur, M. Ronald Gajraj aurait été impliqué dans la promotion d'actes d'exécutions extrajudiciaires.

Relevant qu'il n'existe pas de jurisprudence en ce qui concerne la torture en tant que crime commis au Guyana, M. Mariño Menéndez s'est enquis du statut exact de la Convention contre la torture. Peut-elle être invoquée directement devant les tribunaux et appliquée directement lors dûn procès?

Le co-rapporteur a par ailleurs souhaité en savoir davantage sur les comités de visite institués pour les prisons. Ces comités visitent-ils d'autres lieux de détention que les prisons?

Il semble que ce soient les services de police eux-mêmes qui enquêtent sur les plaintes contre la police, s'est en outre inquiété M. Mariño Menéndez.

Le co-rapporteur s'est en outre inquiété des cas de menaces contre les témoins, en particulier dans les affaires de violence sexuelle. Des enquêtes sur des intimidations de témoins ont-elles été menées et est-il arrivé que cela débouche sur des poursuites en justice?

La peine de mort s'applique au Guyana, a rappelé M. Mariño Menéndez; aussi a-t-il souhaité en savoir davantage sur la façon dont le maintien d'un détenu dans les couloirs de la mort est considéré dans le pays; est-ce assimilable à un traitement cruel, inhumain ou dégradant?

Le co-rapporteur a par ailleurs relevé que l'Association nationale des droits de l'homme a été saisie de nombreuses plaintes de violences imputables à la police. Il y a eu 15 cas pour la seule année 2005, ce qui n'est pas négligeable pour un pays aussi petit que le Guyana. Il y a eu de nombreux cas de décès imputables à l'utilisation d'armes à feu par les policiers dans l'exercice de leurs fonctions, a ajouté M. Mariño Menéndez.

Un autre membre du Comité s'est inquiété d'informations selon lesquelles les délinquants juvéniles seraient détenus dans les mêmes centre que les adultes. Cet expert a souhaité en savoir davantage sur la pratique de réduction des rations alimentaires des détenus qui se rendent coupables d'infractions en prison.

Plusieurs experts ont souhaité en savoir davantage sur la pratique de la flagellation en tant que mesure disciplinaire en prison; des mesures ont-elles été prises pour mettre définitivement un terme à cette pratique?

Comment peut-on dire que l'on incrimine la torture si on ne la définit pas, s'est interrogé un expert? Une personne peut-elle être arrêtée pour non-paiement d'une dette civile, a-t-il par ailleurs souhaité savoir? L'âge de la responsabilité pénale est fixé à 10 ans, a par ailleurs relevé l'expert, avant de s'inquiéter des placements d'enfants en détention préventive parmi les adultes.

Un membre du Comité a soulevé le problème de la détention avant jugement, rappelant que lors de l'examen de la situation au Guyana, le Comité des droits de l'homme avait profondément regretté que la durée de détention avant jugement dans ce pays puisse être prolongée jusqu'à trois ou quatre ans. Des changements législatifs sont-ils intervenus depuis ces observations du Comité des droits de l'homme?

Un expert a relevé que le rapport du Département d'État américain fait état, s'agissant du Guyana, d'un grand nombre d'abus - certes, sans évoquer la torture - perpétrés contre les suspects, qui seraient notamment victimes d'arrestations illégales et d'emploi abusif de la violence.


Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

CAT0630F