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LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT DU TADJIKISTAN

Compte rendu de séance

Le Comité contre la torture a entamé, ce matin, l'examen du rapport initial du Tadjikistan sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Présentant le rapport de son pays, M. Khalifuboba Khamidov, Ministre de la justice du Tadjikistan, a rappelé que son pays a ratifié la Convention contre la torture en 1994, alors que le pays connaissait la guerre civile et que l'économie subissait des dommages à hauteur de sept milliards de dollars. Dans ces conditions, la ratification de la Convention témoigne de la foi du Gouvernement dans les principes humanitaires, a-t-il fait valoir. La Constitution tadjike stipule que nul ne peut être soumis à la torture ni à des traitements cruels, inhumains ou dégradants, a-t-il ajouté. M. Khamidov a d'autre part indiqué que le Tadjikistan mène actuellement un processus de réforme judiciaire et q'un décret présidentiel a été adopté en 2002 sur la réforme du système d'application des peines. Un programme de réforme du système pénal a en outre été engagé, qui prévoit d'humaniser l'application des peines et d'améliorer les conditions de détention, a précisé M. Khamidov.

La délégation du Tadjikistan était également composée du Président de la Cour suprême, M. Izbillo Khodjaev, ainsi que de représentants du bureau du Président de la République, du bureau du Procureur général et du Ministère des affaires étrangères.

L'experte chargée de l'examen du rapport du Tadjikistan, Mme Felice Gaer, a notamment souhaité savoir si l'amnistie qui a été décrétée à la fin de la guerre civile visait également les crimes de torture et de traitements cruels, inhumains et dégradants. Elle a en outre souhaité obtenir des précisions sur le rôle du Ministère de la sûreté. De quelle façon exactement les agents de l'État peuvent-ils être tenus pour responsable d'actes de torture en vertu du Code pénal, a demandé Mme Gaer? Il semble que les représentants de l'autorité ne puissent être poursuivis que pour abus d'autorité et non pour l'acte qu'ils ont précisément commis en la matière, a-t-elle ajouté.

Le co-rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Tadjikistan, M. Alexander Kovalev, a pour sa part souhaité obtenir des renseignements sur les conditions de placement en détention provisoire.

Le Comité entendra demain après-midi, à 15 heures, les réponses de la délégation du Tadjikistan aux questions soulevées ce matin par les experts. Demain matin, à 10 heures, il entamera l'examen du quatrième rapport périodique du Mexique (CAT/C/55/Add.12).


Présentation du rapport

M. KHALIFUBOBA KHAMIDOV, Ministre de la justice du Tadjikistan, a rappelé que le Tadjikistan a ratifié la Convention contre la torture le 21 juillet 1994, alors que régnait dans le pays la guerre civile et que l'économie subissait des dommages à hauteur de sept milliards de dollars. Dans ces conditions, la ratification de la Convention témoigne de l'attachement du Gouvernement aux principes humanitaires, a-t-il fait valoir. Dans sa Constitution, a-t-il poursuivi, le Tadjikistan a proclamé que l'homme, ses droits et sa liberté avaient la plus grande valeur. La Constitution stipule en outre que nul ne peut être soumis à la torture ni à des traitements cruels, inhumains ou dégradants. Elle stipule également qu'il est interdit de contraindre une personne à se soumettre à des expériences médicales et scientifiques.

M. Khamidov a d'autre part indiqué que le Tadjikistan mène actuellement un processus de réforme judiciaire et a notamment l'intention de renforcer les statuts de la magistrature et du Parquet. Il a fait état du décret présidentiel adopté en 2002 sur la réforme du système d'application des peines, qui préconise le transfert progressif des pouvoirs dans ce domaine du Ministère de l'intérieur au Ministère de la justice. A en outre été engagé un programme de réforme du système pénal pour les années 2004-2008 qui prévoit d'humaniser l'application des peines et d'améliorer les conditions de détention, a précisé M. Khamidov.

Le rapport initial du Tadjikistan (CAT/C/TJK/1) souligne que, outre l'effondrement de l'Union soviétique, qui a eu pour effets des relations avec l'extérieur difficiles et la perturbation des liens commerciaux et économiques avec les anciennes républiques de l'URSS, un conflit armé a éclaté au Tadjikistan avec pour résultat de nombreux décès et le départ forcé du pays de beaucoup de citoyens. La signature de l'Accord général sur l'établissement de la paix et l'entente nationale au Tadjikistan et la pleine mise en œuvre de ses dispositions en 1997 ont mis un terme à l'un des conflits les plus longs et âpres dans la région anciennement soviétique. Le rapport rappelle en outre que selon la Constitution, les instruments juridiques internationaux reconnus par la République du Tadjikistan font partie intégrante du système juridique de la République. En cas de disparité entre les lois de la République et les instruments juridiques internationaux reconnus, les normes de ces derniers s'appliquent, précise le rapport.

Aux termes de l'article 18 de la Constitution, chacun a droit à la vie. Nul ne peut être privé de sa vie, si ce n'est sur décision de justice et pour une infraction particulièrement grave. En outre, nul ne peut être soumis à la torture ni à des traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il est par ailleurs interdit de contraindre une personne à se soumettre à des expériences médicales et scientifiques. L'application de la peine de mort a été suspendue au Tadjikistan en application de la loi sur la (suspension de la) peine de mort et de la Loi sur le Code pénal (amendements). L'article 19 de la Constitution confère à chacun le droit à une protection judiciaire et le droit de faire examiner sa cause par un tribunal compétent et impartial établi en vertu de la loi. Nul ne peut être placé en détention sans motif prévu dans la loi. Les prévenus ont droit à l'assistance d'un avocat dès le moment où ils se trouvent en détention. Au titre de la loi portant amendement du Code pénal, adoptée en mai 2004, l'article 117 du Code pénal a été complété par la note de caractère général ci-après, indique le rapport: «Dans le présent article comme dans les autres articles du code actuel, la torture se définit comme le fait d'infliger une souffrance physique ou mentale en vue de contraindre une personne à témoigner ou à effectuer une quelconque action contre sa propre volonté, ou en guise de châtiment ou à une quelconque autre fin». Aux termes de la définition de la torture inscrite dans le Code pénal tadjik, les auteurs d'actes de torture peuvent être des personnes dont les actes ne sont pas liés à l'exercice de fonctions publiques, mais qui agissent de concert avec des personnes qui exercent l'autorité publique ou qui enquêtent sur des actes criminels. En outre, précise le rapport, le refus d'exécuter un ordre ou d'obéir à une directive dont le caractère illégal est connu exclut la responsabilité pénale.

L'article 117 du Code pénal criminalise les traitements cruels, à savoir le fait d'infliger une douleur physique ou mentale par des coups portés systématiquement ou par toute autre forme de violence accompagnée de torture ou de cruauté; l'article 354 interdit l'intimidation, la torture ou autres formes de contrainte ou de coercition sur la personne d'un accusé, d'un suspect, d'un défendeur, d'une victime ou d'un témoin pour qu'il donne une déposition ou un témoignage; l'article 403 interdit les violations intentionnelles des normes du droit international humanitaire pendant un conflit armé, manifestées dans des actes de torture ou des traitements inhumains, y compris les expériences biologiques sur des personnes. Aux termes du Code pénal tadjik, la sanction de la torture est une peine privative de liberté d'une durée comprise entre 2 et 10 ans, et jusqu'à 30 ans dans le cas de délits multiples.

Examen du rapport

La rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport du Tadjikistan, MME FELICE GAER, a rappelé que ce rapport initial est censé couvrir toute la période depuis l'entrée en vigueur du Pacte, en 1995; or il ne semble porter que sur la période allant de 2000 à 2004. Ce rapport met l'accent sur certains des problèmes rencontrés par le Tadjikistan dans les premières années de son indépendance, a relevé Mme Gaer. Elle a souhaité savoir si l'amnistie qui a été décrétée à la fin de la guerre civile visait également les crimes de torture et de traitements cruels, inhumains et dégradants.

Mme Gaer a par ailleurs souhaité en savoir davantage sur le rôle, apparemment important, joué par le Ministère de la sûreté. Les juges sont nommés et relevés de leurs fonctions par le Président sur proposition du Conseil de la justice, a-t-elle relevé; aussi, a-t-elle souhaité en savoir davantage à ce sujet.

Y a-t-il eu dans le pays des cas précis où serait apparu un conflit entre une disposition de la législation interne et une disposition d'un traité international ratifié par le Tadjikistan, a également demandé Mme Gaer?

De quelle façon exactement les agents de l'État peuvent-ils être tenus pour responsables d'actes de torture en vertu de l'article 117 du Code pénal, s'est en outre enquise Mme Gaer? À cet égard, des sanctions ont-elles déjà été prononcées à l'encontre d'agents de l'État en vertu de cet article? Il semble que les représentants de l'autorité ne puissent être poursuivis que pour abus d'autorité et non pour l'acte lui-même qu'ils auraient commis, a ajouté Mme Gaer.

Relevant que, selon ce qu'affirme le rapport, les prévenus ont droit à l'assistance d'un avocat dès le moment où ils se trouvent en détention, Mme Gaer a souhaité savoir si cela vaut dès le moment de la garde à vue; dès le moment où les chefs d'accusation sont présentés; ou dès le moment où la détention elle-même est enregistrée.

Des moyens illégaux ont-ils été utilisés pour obtenir des aveux ou des renseignements et des sanctions ont-elles été prises dans ce domaine, a également demandé Mme Gaer? Existe-il une disposition législative concernant l'impossibilité d'invoquer un ordre émanant d'un supérieur pour justifier un acte de torture, a-t-elle par ailleurs demandé?

Lorsqu'une personne est détenue, un procès verbal est-il établi et un registre tenu à jour permettant de garder des traces de cette détention, s'est en outre enquise la rapporteuse?

Qu'en est-il des violences sexuelles dans les prisons? La délégation tadjike dispose-t-elle de statistiques à ce sujet et peut-elle préciser dans quelle mesure des contrôles sont effectués dans ce domaine? La traite de personnes et la violence au foyer sont-elles criminalisées, a également demandé Mme Gaer?

Faisant état de cas d'Afghans expulsés et renvoyés dans leur pays, Mme Gaer a souhaité 000savoir si ces personnes avaient eu la possibilité de contester la légalité de la décision les concernant qui avait été prise par le Ministère de la sûreté avec l'assentiment du Procureur général.

La rapporteuse spéciale a demandé à en savoir davantage sur la procédure d'extradition en général telle qu'en vigueur au Tadjikistan.

Ayant relevé que la délégation tadjike avait fait état, devant le Comité des droits de l'homme, de trois affaires datant de 2005 dans lesquelles des accusations avaient été portées contre des tortionnaires, Mme Gaer a souhaité connaître les suites données à ces affaires: qu'en est-il des peines finalement infligées et y a-t-il eu des dédommagements dans ces affaires?

Le co-rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Tadjikistan, M. ALEXANDER KOVALEV, a relevé que selon le rapport, «nul ne peut être placé en détention provisoire excepté sur la base d'une décision judiciaire ou avec l'accord d'un procureur (Code de procédure pénale, article 6). Aussi, a-t-il souhaité savoir dans quels cas précis un individu peut être placé en détention provisoire.

M. Kovalev a par ailleurs relevé que les personnes placées en détention semblent avoir du mal à avoir accès à un avocat dès le moment de leur placement en détention.

Le trafic de personnes fait-il l'objet de mesures spéciales, a par ailleurs demandé un expert; existe-t-il un service judiciaire spécialisé dans ce domaine, qui permettrait de suivre les cas? L'expert a en outre fait état de huit cas de torture constatés au Tadjikistan et apparemment imputés à des officiers de police: aussi, s'est-il enquis des suites données à ces affaires.

Un expert a souhaité en savoir davantage sur la carrière judiciaire au Tadjikistan. Où en est le processus de réforme du système judiciaire dont la délégation a fait état, a par ailleurs demandé cet expert?

Il a par ailleurs été demandé si l'introduction d'un recours face à une décision d'expulsion empêchait l'exécution de cette décision, a-t-il également demandé?

Existe-il un système de surveillance et de contrôle des personnes détenues, a demandé un autre membre du Comité?

Un autre expert a relevé qu'au Tadjikistan, le Procureur ne fait pas partie du pouvoir judiciaire; sinon, ses décisions seraient susceptibles d'être contestées devant le pouvoir judiciaire et non pas, comme c'est le cas, par un procureur de plus haut niveau. Aussi, une grande partie des décisions prises par les procureurs échappent à la justice et la question se pose du droit à un procès équitable dès le commencement de l'action publique.

Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

CAT06023F