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LE COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE LE RAPPORT DE L'UKRAINE

Compte rendu de séance

Le Comité des droits de l'homme a examiné aujourd'hui le sixième rapport périodique de l'Ukraine sur la mise en œuvre par ce pays des dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Le rapport a été présenté par le Vice-Ministre de la justice de l'Ukraine, M. Dmytro Kotlyar, qui a notamment rappelé qu'à l'issue des élections présidentielles de décembre 2004 et de la Révolution orange qui les a accompagnées, une ère nouvelle pour le renforcement des droits de l'homme a commencé en Ukraine. La politique générale de l'État et la situation générale sont, de ce point de vue, positives, a-t-il affirmé. Il a par ailleurs dit sa certitude que son pays ratifiera prochainement le deuxième Protocole facultatif au Pacte, qui concerne l'abolition de la peine de mort. Il a également fait part de l'effort en cours dans le pays pour la réforme du pouvoir judiciaire.

Présentant des observations préliminaires à l'issue de l'examen du rapport de l'Ukraine, la Présidente du Comité, Mme Christine Chanet, a salué le véritable souci du pays de se conformer aux normes internationales relatives aux droits de l'homme. Elle a relevé, parmi les nombreux points positifs la Loi sur l'égalité des chances. Un certain nombre de préoccupations sont toutefois apparues durant cette journée d'examen, dont certaines ont été récurrentes, s'agissant notamment de l'expulsion des Ouzbeks, a poursuivi la Présidente. Par ailleurs, de nombreuses sources ont fait apparaître que près de 60% des personnes détenues étaient encore victimes de mauvais traitements, a-t-elle souligné. De très sérieuses réformes doivent être envisagées pour mettre un terme au surpeuplement des prisons. La lutte contre l'antisémitisme ainsi que la situation des Tatars de Crimée exigent de véritables mesures pour que les discriminations soient enrayées, a-t-elle par ailleurs déclaré.

Le Comité adoptera, dans le cadre d'une réunion privée, ses observations finales concernant l'Ukraine, avant de les rendre publiques à la fin de la session, le vendredi 3 novembre prochain.

Au cours de la séance, la délégation ukrainienne a notamment fourni aux experts des compléments d'information s'agissant des activités du Médiateur des droits de l'homme; de la situation s'agissant de l'égalité entre hommes et femmes; de la déportation d'un groupe de réfugiés ouzbeks vers leur pays d'origine; des dispositions de la législation relatives à la torture, à la détention provisoire, à la procédure pénale et au droit à un procès équitable; des conditions carcérales; de la liberté de religion; de la lutte contre la traite de personnes; de la situation des minorités; des mesures visant à assurer l'indépendance des juges; de la pratique du bizutage au sein de l'armée de conscription; de la situation des médias.

Outre le Vice-Ministre de la justice, la délégation était composée de représentants du bureau du Procureur général, de la Haute Cour administrative, du Commissaire parlementaire aux droits de l'homme (Médiateur) et de la Mission permanente de l'Ukraine auprès des Nations Unies à Genève.


À sa prochaine séance publique, mercredi 25 octobre à 15 heures, le Comité entamera l'examen du troisième rapport périodique de la République de Corée (CCPR/C/KOR/2005/3).

Présentation du rapport

Présentant le rapport de son pays, M. DMYTRO KOTLYAR, Vice-Ministre de la justice de l'Ukraine, a rappelé qu'à l'issue des élections présidentielles de décembre 2004 et de la Révolution orange qui les a accompagnées, une ère nouvelle pour le renforcement des droits de l'homme a commencé en Ukraine. La politique générale de l'État et la situation générale sont, de ce point de vue, positives, a-t-il affirmé. M. Kotlyar a par ailleurs rappelé que l'Ukraine a ratifié le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture, qui est entré en vigueur en septembre dernier. En outre, le deuxième Protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui concerne la peine de mort, est actuellement examiné par le Parlement, auquel il devrait être prochainement soumis; «nous n'avons aucun doute que ce texte pourra donc être ratifié prochainement», a déclaré le Vice-Ministre.

En mai dernier, le Gouvernement a adopté une nouvelle stratégie pour la réforme du pouvoir judiciaire en Ukraine, a poursuivi M. Kotlyar, ajoutant que l'an dernier, un nouveau code civil est entré en vigueur. Le Gouvernement est également en train de parachever l'élaboration d'un projet de loi sur l'assistance juridique gratuite. Il a en outre été décidé que le département responsable de l'administration des peines serait désormais intégré au Ministère de la justice, la garde des établissements pénitentiaires relevant désormais du Ministère de l'intérieur, et non plus des instances militaires – ce qui ne permettait pas de garantir pleinement le respect des droits fondamentaux au sein du système pénitentiaire, a déclaré M. Kotlyar.

Le sixième rapport périodique de l'Ukraine (CCPR/C/UKR/Q/6) indique notamment que lorsqu'un traité international auquel l'Ukraine est partie institue des règles différentes de celles qui sont prévues dans la disposition correspondante de la législation ukrainienne, les dispositions applicables sont celles du traité international. Chacun a le droit de s'adresser au Commissaire aux droits de l'homme du Conseil suprême de l'Ukraine pour obtenir la protection de ses droits, indique par ailleurs le rapport. Malgré l'existence d'une législation non discriminatoire en Ukraine, les Ukrainiennes ont le sentiment d'être en fait victimes de discriminations dans de nombreux domaines, poursuit le rapport. Cela concerne particulièrement la représentation des femmes au Parlement, aux postes dirigeants des secteurs publics et privés, ainsi que leur participation au processus décisionnel à tous les niveaux de l'État. L'un des principaux progrès vers l'adoption d'une orientation favorable à l'égalité entre les sexes dans la politique publique a été l'adoption par le Conseil suprême, en deuxième lecture en septembre 2005, du projet de loi sur les moyens de garantir l'égalité des droits entre hommes et femmes et les possibilités d'exercer ces droits. Le problème de la violence familiale est en réalité un problème persistant en Ukraine, indique par ailleurs le rapport. Afin de résoudre ce problème, le Conseil suprême a adopté, en novembre 2001, la loi sur la prévention de la violence dans la famille.

Le problème de la traite des êtres humains est un problème relativement nouveau pour l'Ukraine. Les principaux facteurs qui expliquent que cette infraction a pris les proportions que l'on connaît aujourd'hui sont liés au marasme économique général et à l'apparition, puis à l'augmentation brutale du chômage. Il convient de noter que l'Ukraine est l'un des premiers pays européens à avoir modifié son Code pénal national en y introduisant un article spécial qui fait de la traite des êtres humains une infraction pénale. Depuis l'entrée en vigueur de cet article, de mars 1998 à janvier 2005, les services de police ont engagé plus de 872 poursuites pénales (2 en 1998, 11 en 1999, 42 en 2000 et 90 en 2001). Au sujet des brimades dont de jeunes conscrits des forces armées ukrainiennes font l'objet de la part de soldats de classes plus âgées - dont il est fait état dans les observations finales du Comité lors de l'examen du précédent rapport -, l'Ukraine tient à faire part d'une baisse régulière des infractions comportant une violation des règles statutaires régissant les relations entre militaires, avec une diminution de plus de 50 % pour un effectif de 1000 personnes. Aucune mort violente n'a été à déplorer au cours des cinq dernières années, et il n'y a eu aucun cas de militaire conduit au suicide à la suite de violations des règles statutaires régissant les relations entre militaires ou autres violences physiques dont ils auraient fait l'objet, assure le rapport. Depuis 2003, en vertu d'un décret du Ministre de la défense, les commandants des unités militaires n'ont plus le droit de qualifier de violations ordinaires de la discipline militaire, qui sont passibles d'une peine disciplinaire, les faits constituant une violation des règles statutaires régissant les relations entre militaires. Quiconque se rend coupable d'une telle violation est puni conformément aux dispositions du Code pénal.

L'institution de l'enregistrement (propiska) comme moyen d'officialiser le fait de résider ou de changer de résidence en un lieu donné a été remplacée par la procédure d'inscription. À la différence de l'enregistrement, qui était par nature une autorisation administrative, l'inscription du lieu de résidence ou du changement de lieu de résidence, a le caractère d'une communication. À l'heure actuelle, les citoyens ukrainiens, les étrangers et les apatrides résidant légalement sur le territoire ukrainien ne sont pas tenus d'obtenir une autorisation des autorités administratives pour changer de lieu de résidence sur le territoire ukrainien, insiste le rapport. En ce qui concerne les nationalités, la politique de l'État, qui vise à garantir aux représentants des diverses nationalités la possibilité d'exercer leurs droits dans des conditions d'égalité est conforme à la Constitution ukrainienne, à la Déclaration des droits des minorités nationales d'Ukraine du 1er novembre 1991, aux lois du 25 juin 1992 sur les minorités nationales d'Ukraine et du 16 juin 1992 sur les associations, ainsi qu'aux instruments internationaux. On entend par «minorités nationales» les groupes de citoyens ukrainiens qui ne sont pas des Ukrainiens de par leur appartenance ethnique et expriment un sentiment de conscience nationale et d'unité. D'après les données du Recensement ukrainien de 2001, il y a en Ukraine 47 600 Roms (Tziganes), ce qui représente 0,1 % de la population totale du pays. Il existe en Ukraine une organisation ukrainienne des associations roms, le «Congrès des Roms d'Ukraine». Le rapport indique par ailleurs que la République autonome de Crimée décide des questions de sa compétence dans le cadre défini par la Constitution ukrainienne; elle possède sa propre constitution, un organe représentatif et un gouvernement.


Examen du rapport

Fournissant des renseignements complémentaires en réponse à une liste de points à traiter, notamment s'agissant du cadre d'application du Pacte, la délégation a souligné que, conformément à la Constitution, les traités internationaux font partie intégrante de la législation interne ukrainienne. En cas de contradiction entre des dispositions du droit interne et des dispositions du Pacte, ce sont ces dernières qui l'emportent. Les dispositions du Pacte peuvent être directement invoquées devant les tribunaux, a ajouté la délégation. Si un traité venait à être en contradiction avec la Constitution elle-même, il conviendrait de modifier cette dernière puisque l'Ukraine est tenue de se conformer au droit international, a estimé la délégation, admettant toutefois qu'il n'y avait pas de jurisprudence en la matière.

Depuis qu'elle a été créée, l'institution du Médiateur des droits de l'homme a été saisie d'environ 700 000 plaintes, dont près du tiers a donné lieu à des poursuites en justice, a indiqué la délégation. Elle a attiré l'attention sur la situation quelque peu inédite qui prévaut en la matière en Ukraine, le Médiateur des droits de l'homme étant aussi membre du Parlement et jouissant, par conséquent, d'un pouvoir d'initiative législative. La délégation a par ailleurs indiqué que la Loi sur le Médiateur allait être amendée afin de donner effet aux dispositions du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture.

La délégation a d'autre part fait observer que quelque 5 à 7 millions d'Ukrainiens se trouvent à l'étranger, ce qui ne va pas sans poser quelques problèmes lorsqu'il s'agit de veiller au respect de leurs droits de l'homme.

S'agissant de l'égalité entre hommes et femmes, la délégation a notamment indiqué que la part des femmes au Parlement est actuellement de 9% (soit 39 députés de sexe féminin) contre 5% en 2002. La représentation des femmes est beaucoup plus importante dans les collectivités locales, a souligné la délégation.

Un expert a estimé que peu de progrès ont été réalisés par l'Ukraine, depuis la présentation du précédent rapport périodique, en matière d'égalité entre hommes et femmes.

En ce qui concerne la violence domestique, la délégation a rappelé que le Médiateur n'a pas le droit de s'immiscer dans la vie intime des particuliers; ses prérogatives se limitent aux rapports de l'individu avec l'État et les organes locaux. D'après les estimations de certains sociologues, on pense qu'environ une femme sur cinq au cours de sa vie aura été victime de violence physique de la part de son conjoint ou partenaire, a précisé la délégation.

Un membre du Comité a relevé que l'écart salarial entre hommes et femmes reste de l'ordre de 27%.

En ce qui concerne la situation des réfugiés ouzbeks déportés vers leur pays d'origine, la décision d'expulser cette dizaine de personnes a été prise par des tribunaux administratifs locaux et appliquée dès le lendemain de son adoption, a indiqué la délégation. Il y a eu violation de la procédure car ces personnes n'ont pas eu le droit d'interjeter appel et n'ont pas pu consulter leurs avocats, ni le représentant du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés une fois que la décision d'expulsion avait été prise à leur encontre, a reconnu la délégation. Les institutions concernées ont été instamment priées de veiller à ce que de telles violations ne se reproduisent pas, a-t-elle déclaré.

Un membre du Comité ayant souhaité savoir quelles mesures ont-elles été prises à l'encontre des fonctionnaires qui ont privé les Ouzbeks expulsés vers leur pays d'origine de leur droit de recours, les exposant à des mauvais traitements dans leur pays d'origine, la délégation a affirmé que le principe de non-refoulement est inscrit dans la législation interne de l'Ukraine. Les dispositions pertinentes peuvent être directement invoquées devant les tribunaux ukrainiens, a-t-elle précisé. On voit bien que dans le cas des demandeurs d'asile ouzbeks, la mise en œuvre de ces textes a pu poser problème, a admis la délégation. Les Tchétchènes constituent un autre groupe vulnérable dont les membres ne reçoivent pas toujours le statut de réfugié, a-t-elle ajouté.

Une personne arrêtée ou placée en détention doit immédiatement être informée des motifs de sa mise en détention; en outre, toute personne a droit à un avocat dès son placement en détention, a rappelé la délégation. L'an dernier, la loi a été modifiée, de sorte que désormais, une personne arrêtée peut refuser d'être interrogée en dehors de la présence de son avocat, a-t-elle indiqué. Récemment, a poursuivi la délégation, le Médiateur a fait une proposition afin de garantir le droit d'accès des citoyens à l'assistance juridique et à la protection devant les tribunaux. En effet, la majorité des citoyens sont pauvres et ne peuvent donc s'offrir les services d'un avocat, a souligné la délégation. Le Parlement est donc saisi d'un projet de loi qui vise à faire valoir ces droits pour tous les citoyens.

En ce qui concerne le placement en détention provisoire à titre préventif qui, d'après la législation en vigueur, peut être prolongée jusqu'à 72 heures, la délégation a souligné que si, passé ce délai, il n'y a pas de décision motivée du tribunal, le mandat permettant de détenir la personne prend fin. La délégation a reconnu que ce délai de 72 heures n'est peut-être pas le meilleur et devrait être réduit. On pourrait pour ce faire amender la Constitution, mais cela serait compliqué; il est donc probable que ce problème sera réglé en agissant au niveau du Code de procédure pénale, a précisé la délégation. Le Code de procédure pénale est un héritage de l'époque soviétique et n'a pas encore été révisé à ce jour, a-t-elle rappelé. Un nouveau Code de procédure pénale ne devrait pas manquer de renforcer la garantie du droit à un procès équitable, a insisté la délégation.

De l'avis du Médiateur, a ajouté la délégation, prolonger la détention provisoire à titre préventif jusqu'à 15 jours - comme cela est prévu dans la loi ukrainienne - est contraire à l'article 9 du Pacte

Un expert ayant fait état d'informations selon lesquelles 62% des personnes détenues dans les commissariats de police en Ukraine disent avoir subi des mauvais traitements, la délégation a notamment assuré que des aveux reçus sous l'effet de mauvais traitements, c'est-à-dire sous la contrainte, sont irrecevables devant un tribunal, a-t-elle par ailleurs indiqué. Elle a également indiqué que c'est un droit constitutionnel que de ne pas témoigner contre soi-même ou contre un membre de sa propre famille.

En ce qui concerne les conditions de détention, la délégation a reconnu l'existence d'un problème de surpeuplement dans les prisons ukrainiennes. Les conditions carcérales ne sont pas parfaites, a-t-elle admis. En 2005, le pays comptait 190 000 personnes placées en détention, y compris préventive; pour cette année, ce nombre se situe à ce jour à 185 000, a-t-elle précisé. Il a notamment été proposé de faire en sorte qu'il ne soit recouru à la détention préventive qu'à titre exceptionnel, a-t-elle ajouté. Nombre de locaux de la milice ne disposent pas des installations adéquates, a par ailleurs reconnu la délégation.

S'agissant de l'interdiction de la torture, la délégation a notamment indiqué qu'en 2005, le Code pénal ukrainien a été modifié. La définition de la torture a en effet été modifiée de manière à renforcer les sanctions encourues pour ce crime.

Interrogée sur les mesures concrètes prises pour lutter contre la traite des femmes et des enfants à des fins d'exploitation sexuelle, la délégation a fait valoir qu'en janvier dernier, un amendement a été apporté au Code pénal afin d'introduire une nouvelle formulation du crime de traite de personnes. Au sein du Ministère de l'intérieur, a par ailleurs été mis en place l'an dernier un département chargé spécifiquement de la lutte contre la traite de personnes – département qui dispose de bureaux régionaux. La traite de personnes est notamment liée à l'instabilité économique du pays et aux phénomènes migratoires, a souligné la délégation. Cette année, 42 personnes ont été condamnées - dont la moitié à des peines privatives de liberté - pour des crimes relevant de la traite de personnes, a précisé la délégation.

Un expert ayant demandé quelles mesures sont prises pour assurer la protection des témoins dans les affaires de traite de personnes, la délégation a indiqué que l'Ukraine dispose d'un programme de protection des témoins, conformément à la loi récemment adoptée dans ce domaine; ce programme a déjà été appliqué, a précisé la délégation. Elle a par ailleurs ajouté que la lutte contre la traite de personnes est compliquée par le fait que les victimes ne sont pas toujours disposées à se faire connaître ou à témoigner des problèmes qu'elles ont pu rencontrer en tant que victimes, a souligné la délégation.

Un membre du Comité a fait part de sa satisfaction que l'Ukraine prenait au sérieux le problème de la traite d'enfants à des fins d'adoption.

Pour ce qui concerne la situation des personnes appartenant à des minorités, la délégation a assuré qu'aucune loi n'envisage un quelconque traitement discriminatoire à l'encontre d'un quelconque groupe ou minorités, a par ailleurs souligné la délégation. Si des Roms ou des Tatars de Crimée, par exemple, sont victimes de traitements illégaux, cela ne peut que relever de cas isolés, a-t-elle assuré la délégation. En Ukraine, l'égalité de traitement doit être garantie à tous, a insisté la délégation. Il est vrai qu'il subsiste des cas où des membres de la milice placent illégalement des Roms en détention, a reconnu la délégation; des plaintes sont alors déposées par les Roms concernés.

S'agissant des Tatars de Crimée, la délégation a assuré que leurs droits fondamentaux sont garantis: l'État ukrainien fournit une aide à la réinstallation de ces personnes dans les régions où elles vivaient avant d'être déportées. Des fonds sont notamment prévus pour la construction de logements à l'intention de ces rapatriés, a insisté la délégation. Au 1er décembre 2001, il y avait 243 000 Tatars de Crimée; il y a en a aujourd'hui 260 000, a-t-elle précisé. La plupart des rapatriés sont devenus citoyens ukrainiens, a fait valoir la délégation. Désormais, le problème des Tatars de Crimée est essentiellement un problème économique, un problème de logement et d'éducation, a-t-elle indiqué.

Un membre du Comité ayant demandé des précisions sur une disposition prévoyant la possibilité de restreindre la liberté de religion en cas de situation d'urgence, la délégation a expliqué que les droits à la liberté d'expression et de religion sont garantis par la Constitution, laquelle prévoit néanmoins certains motifs légitimes pour lesquels ces droits peuvent être limités. De telles restrictions doivent toutefois être légales et viser des intérêts légitimes, notamment relatifs à l'ordre public, a précisé la délégation.

Un membre du Comité ayant fait état d'informations indiquant que la question de la discrimination raciale est un grand problème en Ukraine et que la police aurait tendance à procéder à des arrestations ou à des vérifications d'identité en ciblant en premier lieu les personnes de couleur, la délégation a reconnu des problèmes de mauvais traitements à l'égard de certaines minorités au niveau local. Ces pratiques sont inacceptables et la loi devrait être respectée, a ajouté la délégation ukrainienne. Elle a notamment évoqué, à cet égard, la nécessité de dûment former les forces de l'ordre au respect des droits de l'homme.

Il y a bien eu plusieurs cas d'attaques supposées liées à la nationalité ou la race des victimes, notamment à Kiev et dans d'autres villes, a reconnu la délégation. Des enquêtes sont encore en cours à ce sujet, a-t-elle précisé. Après les incidents de 2005, et en particulier après l'attaque perpétrée contre la synagogue de Kiev, les autorités au plus haut niveau ont condamné les faits, a rappelé la délégation. En 2005, le Président de la République a lui-même demandé aux instituts d'enseignement et de recherche de renforcer leur enseignement de la tolérance religieuse. Tout en affirmant partager les préoccupations exprimées par certains membres du Comité face à des actes tels que l'attaque de la synagogue de Kiev, la délégation a déclaré que les informations faisant état d'antisémitisme en Ukraine sont malheureusement souvent bien imprécises voire exagérées. Il n'en demeure pas moins que si l'on ne met pas un terme aux manifestations d'antisémitisme, cela risque d'entraîner des conflits plus graves. Les services du Médiateur des droits de l'homme ne disposent pas de faits attestant de cas flagrants de discrimination à l'égard des juifs en Ukraine, a précisé la délégation.

En Ukraine, il peut y avoir d'autres problèmes et difficultés liés aux relations entre peuples, mais le pays ne connaît pas l'islamophobie, a par ailleurs assuré la délégation.

En réponse à une question sur l'indépendance des magistrats, notamment s'agissant de la durée des mandats et la rémunération des juges et d'informations selon lesquelles des juges recevraient des pots-de-vin pour retarder ou classer certaines affaires, la délégation a admis que la rémunération des juges est relativement faible, de sorte qu'ils peuvent être vulnérables à la corruption. C'est pourquoi les juges ont récemment bénéficié de hausses de salaires, lesquelles devraient se poursuivre à l'avenir, a-t-elle indiqué.

Un membre du Comité ayant relevé que des informations continuent de faire état de sévices liés aux pratiques de bizutage dans l'armée, la délégation a expliqué que ces pratiques à l'égar des jeunes recrues sont un héritage du passé et que la meilleure façon d'y mettre fin serait d'abolir le service militaire et de recourir à une armée de professionnels; c'est précisément ce que prévoit de faire le Gouvernement d'ici 2010. La délégation a en outre souligné que l'on constate une réduction du nombre d'incidents de violence dans l'armée. On comptait 280 victimes en 2004, et 249 victimes en 2005.

S'agissant de la concentration des médias, la délégation a fait état de l'adoption, en janvier dernier, d'une nouvelle loi sur la radio et la télévision qui prévoit qu'une personne physique ou morale ne peut contrôler plus de 35% des médias aux niveaux national, régional ou local. Un organisme a été chargé de la lutte contre les monopoles, a ajouté la délégation. Le Ministère de la justice a par ailleurs proposé un projet de loi afin d'assurer une plus grande transparence quant à la propriété des médias.

Des progrès ont été réalisés, depuis la «révolution orange» en ce qui concerne l'enquête sur l'assassinat du journaliste Georgiy Gongadze, a indiqué la délégation. L'an dernier, les trois policiers poursuivis pour ce meurtre ont été traduits en justice; ils ont avoué avoir commis ce meurtre. Le procès est en cours. Mais il ne s'agit que d'une première étape car on n'a pas encore abordé la question des commanditaires de ce crime et les progrès ne concernent pour l'heure que ceux que l'on pourrait appeler «les exécutants directs du crime», a souligné la délégation. En outre, plusieurs personnes liées à cette affaire sont décédées; ainsi, l'ancien Ministre de l'intérieur se serait suicidé - selon la version officielle-, a déclaré la délégation.


Observations préliminaires

Présentant en fin de journée des observations préliminaires, la Présidente du Comité, MME CHRISTINE CHANET, a notamment salué la compétence de la délégation qui a présenté aujourd'hui le rapport ukrainien devant le Comité. Elle a également relevé le véritable souci du pays de se conformer aux normes internationales relatives aux droits de l'homme. De nombreux points positifs seront soulignés dans les observations finales que le Comité adoptera sur le rapport ukrainien, s'agissant notamment de la Loi sur l'égalité des chances, a indiqué Mme Chanet. En outre, le Médiateur fait de remarquables «analyses cliniques» de la situation, a-t-elle relevé.

Un certain nombre de préoccupations sont toutefois apparues durant cette journée d'examen, dont certaines ont été récurrentes, s'agissant notamment de l'expulsion des Ouzbeks, a poursuivi Mme Chanet, tout en relevant que la délégation avait consenti qu'il y avait eu dans ce domaine une violation des dispositions du Pacte. À cet égard, Mme Chanet a invité l'Ukraine à suivre la situation de très près afin de s'assurer qu'il n'arrive rien d'irrémédiable à ces ressortissants ouzbeks. Par ailleurs, de nombreuses sources ont fait apparaître que près de 60% des personnes détenues étaient encore victimes de mauvais traitements, a souligné la Présidente du Comité. La délégation a également admis le problème du surpeuplement des prisons, a relevé Mme Chanet; à cet égard, de très sérieuses réformes doivent être envisagées pour mettre un terme à cette situation qui n'est pas conforme aux dispositions du Pacte.

La lutte contre l'antisémitisme, ainsi que la situation des Tatars de Crimée – bien que les deux questions ne doivent pas être mises sur un pied d'égalité – exigent de véritables mesures pour que les discriminations soient enrayées, a par ailleurs déclaré Mme Chanet. En ce qui concerne la liberté de la presse et le harcèlement des journalistes, la délégation a affirmé que les problèmes en la matière appartenaient du passé, a relevé la Présidente du Comité. Il faudrait néanmoins que l'État prenne des mesures pour garantir la liberté de la presse. En effet, ce n'est pas parce que la presse est privée que la liberté de la presse est garantie, a souligné Mme Chanet. Ce qu'il faut, c'est garantir le pluralisme, a-t-elle ajouté.


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CT06015F