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LE COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE LE RAPPORT DE LA BOSNIE-HERZÉGOVINE

Compte rendu de séance

Le Comité des droits de l'homme a examiné, hier après-midi et aujourd'hui, le rapport initial de la Bosnie-Herzégovine sur la mise en œuvre par ce pays des dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Présentant des observations préliminaires à l'issue de cet examen, la Présidente du Comité, Mme Christine Chanet, a reconnu que la situation dans le pays n'est pas facile. Elle a salué les efforts méritoires déployés par la Bosnie-Herzégovine pour que l'état de droit prévale dans un cadre institutionnel général que le pays n'a pas toujours choisi. Mme Chanet a toutefois relevé le caractère ambigu des fondements de la détention, qui ne sont pas toujours conformes aux normes en la matière. Mme Chanet a par ailleurs affirmé que les retours des personnes déplacées ne se font pas dans des conditions d'égalité. La Présidente du Comité a en outre évoqué la situation des Roms, comparable en Bosnie-Herzégovine à ce qu'elle est ailleurs en Europe, rappelant en particulier l'obligation d'enregistrer tous les enfants. Des préoccupations subsistent en matière de liberté d'expression, des journalistes continuant de faire l'objet de menaces, a en outre souligné Mme Chanet. Elle a aussi relevé que la violence domestique reste considérée, au moins dans une «entité» du pays, comme un délit mineur. Le Comité adoptera, dans le cadre d'une séance privée, ses observations finales concernant la Bosnie-Herzégovine, qui seront rendues publiques à la fin de la session, le vendredi 3 novembre prochain.

Présentant le rapport de son pays, M. Maksim Stanišić, Vice-Ministre aux droits de l'homme et aux réfugiés de Bosnie-Herzégovine, a notamment rappelé que, suite à la guerre qu'a connue le pays, près de la moitié de la population de la Bosnie-Herzégovine a été déplacée. Avec l'aide de la communauté internationale, un effort considérable a été déployé pour combattre les séquelles du conflit, assurer le retour des personnes déplacées et édifier une société démocratique, a-t-il souligné. M. Dragutin Čegar, également du Ministère pour les droits de l'homme et les réfugiés, a ajouté que le pays est conscient que la plupart des problèmes de droits de l'homme peuvent être réglés plus efficacement moyennant l'ajustement des lois pertinentes, l'amélioration des pratiques administratives et l'adoption d'autres moyens susceptibles d'assurer la protection des droits de l'homme. Il importe d'œuvrer sans relâche à la mise en œuvre des lois existantes.

La délégation de Bosnie-Herzégovine était également composée de Mme Jadranka Kalmeta, Représentante permanente de la Bosnie-Herzégovine auprès des Nations Unies à Genève, ainsi que de représentants du Ministère des droits de l'homme et des réfugiés et du Ministère de la justice de la Bosnie-Herzégovine; de la Cour d'État de la Bosnie-Herzégovine; du bureau du Procureur et du Ministère de l'intérieur de la Fédération de Bosnie-Herzégovine; ainsi que de la Mission permanente de la Bosnie-Herzégovine auprès des Nations Unies à Genève. Elle a fourni aux experts des compléments d'information s'agissant, notamment, de l'action du Médiateur des droits de l'homme; de la situation des femmes; du fonctionnement du système judiciaire; de l'état des poursuites judiciaires suite aux événements de Srebrenica de 1995; de la traite de personnes; de la mendicité des enfants; du retour des personnes déplacées durant la guerre; de la liberté de religion; de la situation d'un groupe d'Algériens expulsés vers les États-Unis; des minorités; et des personnes disparues. À cet égard, la délégation a notamment indiqué que l'Institut pour les personnes disparues créé cette année disposera d'une base de données unique pour l'ensemble de la Bosnie-Herzégovine, ce qui n'était pas le cas jusqu'ici. Selon les estimations les plus récentes, 21 374 personnes au total ont été portées disparues, dont près de 15 000 le sont toujours.


À sa prochaine séance publique, lundi matin, à 10 heures, le Comité entamera l'examen du sixième rapport périodique de l'Ukraine (CCPR/C/UKR/6).


Présentation du rapport de la Bosnie-Herzégovine

M. MAKSIM STANIŠIĆ, Vice-Ministre au Ministère pour les droits de l'homme et les réfugiés de Bosnie-Herzégovine, a rappelé que son pays avait déjà présenté ses rapports à plusieurs organes créés en vertu de traités internationaux relatifs aux droits de l'homme et entendait poursuivre sur cette voie, notamment en présentant en 2006 son rapport initial sur la mise en œuvre de la Convention internationale sur les droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille. Suite à la guerre qu'a connue le pays, près de la moitié de la population de la Bosnie-Herzégovine a été déplacée, a rappelé M. Stanišić. Avec l'aide de la communauté internationale, un effort considérable a été déployé pour combattre les séquelles du conflit, assurer le retour des personnes déplacées et édifier une société démocratique, a-t-il souligné.

M. DRAGUTIN ČEGAR, expert conseiller au Ministère des droits de l'homme et des réfugiés de Bosnie-Herzégovine, a rappelé que son pays a ratifié le Pacte international relatif aux droits civils et politiques par succession, en 1993. Pour l'élaboration de ce rapport initial, le pays s'est efforcé de rechercher un équilibre entre la théorie et la pratique, a-t-il expliqué. La Bosnie-Herzégovine est consciente que la plupart des problèmes de droits de l'homme peuvent être réglés plus efficacement moyennant l'ajustement des lois pertinentes, l'amélioration des pratiques administratives et l'adoption d'autres moyens susceptibles d'assurer la protection des droits de l'homme, a déclaré M. Čegar. Le plus important reste d'œuvrer sans relâche à la mise en œuvre des lois existantes et à la réalisation des tâches qui ont été arrêtées, que ce soit par les autorités de l'État ou par les organisations et institutions internationales.

Le rapport initial de la Bosnie-Herzégovine (CCPR/C/BIH/1) rappelle que durant les événements tragiques de la guerre en Bosnie-Herzégovine, de nombreux exemples et formes de tortures, de traitements ou comportements inhumains et dégradants ont violé les prescriptions du Pacte. Les victimes de toutes formes de torture qui cherchent encore à obtenir satisfaction se répartissent en deux groupes: ensemble de la population civile résidant sur le territoire de Bosnie-Herzégovine au début de la guerre et durant les hostilités, puis, sitôt après la fin des conflits; groupes de personnes victimes des formes les plus cruelles de torture telles que les personnes privées de liberté et internées dans des camps militaires par recours à la force et à des traitements inhumains, personnes appartenant à des minorités nationales présentes durant les hostilités dans certains secteurs, enfants de tous âges, constituant la catégorie la plus vulnérable qui subit les conséquences permanentes du conflit sous forme de handicap physique et mental, femmes victimes de violences sexuelles, membres des forces armées marqués par le syndrome de l'après-guerre. Toutes catégories mentionnées confondues, il est difficile d'en distinguer l'une ou l'autre qui n'ait pas été exposée, entre 1992 et 1995, directement ou indirectement à la torture et n'en subisse pas à un degré plus ou moins grand les conséquences de la guerre et de l'après-guerre, affirme le rapport. La coopération avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) n'a pas été, durant la période examinée, fructueuse et n'a donc pas atteint les résultats escomptés. Plus d'un an après la signature de l'Accord-cadre général pour la paix en Bosnie-Herzégovine et la fin de la guerre civile dans ce pays, les auteurs de crimes de guerre n'ont pas encore été arrêtés. La responsabilité incombe tout particulièrement aux autorités de la Republika Srpska dont la volonté de coopérer avec le TPIY ne donne aucun résultat, affirme le rapport.

Bien que la situation se soit nettement améliorée depuis la signature de l'accord de paix de Dayton (décembre 1995), des violations des droits de l'homme se produisent encore en Bosnie-Herzégovine; les autorités compétentes devraient les condamner mais ne réagissent pas. Les droits de l'homme élémentaires en sont un exemple - droit au logement et droit d'en jouir paisiblement, droit au travail. Les questions individuelles ont été résolues, mais les conditions sociales ne sont pas remplies ou réglées, de même que dans les domaines de l'emploi, de l'instruction et des conditions nécessaires pour exercer les droits culturels et nationaux fondamentaux. À ce titre, demeure le problème crucial de la situation des réfugiés serbes venus de Croatie et arrivés en Republika Srpska. C'est là pour un véritable enjeu dans la situation politique actuelle du pays, d'autant qu'il ne peut garantir à cette catégorie de réfugiés les droits que leur reconnaît la Convention internationale de 1951. Les droits fondamentaux humains et démocratiques de cette population réfugiée de Croatie sont donc en danger. Entre la signature de l'Accord de paix de Dayton et septembre 2004, on a enregistré un total de 1 002 668 retours, dont 440 486 réfugiés et 562 182 personnes déplacées. Mais l'objectif stratégique consistant à créer des conditions nécessaires à un retour durable et à la réintégration des rapatriés a obtenu de médiocres résultats. Des mesures et réglementations mal définies et peu cohérentes en matière de santé, d'éducation, de protection sociale, d'emploi et autres questions propres au retour durable, en particulier durant la période précédente, empêchent tout aboutissement dans ce domaine.

Selon les chiffres disponibles, et non encore vérifiables, quelque 30 000 personnes étaient portées disparues pendant la guerre sur le territoire de Bosnie-Herzégovine. La loi sur les personnes disparues permet d'améliorer les moyens de recherche en donnant une définition précise de la personne disparue et en imposant l'établissement d'une base de données centrale sur les personnes disparues, l'exercice des droits sociaux et autres des membres des familles disparues, ainsi que le traitement de toutes autres questions liées à la recherche de ces personnes. L'objet fondamental de l'adoption de ladite loi est d'éliminer toute discrimination dans les domaines social, économique et culturel et d'établir des dispositions conformes aux normes et pratiques suivies dans les pays membres de l'Union européenne. Par manque de volonté d'un certain nombre d'administrations compétentes dans les deux Entités (Fédération de Bosnie-Herzégovine et Republika Srpska), la recherche des personnes disparues se heurte à des difficultés et prend du temps. Pour pallier ces inconvénients, la loi précise la responsabilité et la nécessité d'une coopération plus directe des autorités compétentes dans l'ensemble de la Bosnie-Herzégovine et les pays voisins, où des personnes pourraient avoir disparu.

Les étrangers titulaires d'un permis de séjour humanitaire ont le droit de travailler et de bénéficier des possibilités d'instruction, de protection sanitaire et sociale, aux mêmes conditions que les autochtones. Le Conseil des ministres peut, à titre exceptionnel, décider d'expulser des étrangers s'il l'estime nécessaire pour l'ordre public ou pour des motifs de sécurité nationale. Le Conseil des ministres a exercé ce droit dans le cas du groupe algérien, indique le rapport. Le rapport reconnaît par ailleurs que des obstacles empêchent d'accorder aux femmes une meilleure place et en freinent la possibilité. Les problèmes sociaux et économiques en général et leur situation économique, souvent très inférieure à celle des hommes, en sont les principales causes. Le problème de la violence familiale se pose réellement en Bosnie-Herzégovine, mais demeure un sujet tabou. Certains chiffres indiqueraient qu'elle touche une famille sur quatre. La traite d'êtres humains est un autre problème dans le pays: jusqu'à présent, la Bosnie-Herzégovine n'était qu'un pays de transit et d'accueil des femmes victimes de traite; mais il ressort de statistiques qu'elle est devenue un pays d'origine des victimes de la traite des femmes. Il semble raisonnable d'estimer qu'aujourd'hui plus de 20 000 Roms vivent en Bosnie-Herzégovine, soit une augmentation supérieure à 100 % par rapport au recensement d'avant la guerre. À noter que sur un total de 17 groupes minoritaires, seuls les Monténégrins, groupe de jure le plus nombreux, ne comptent aucune forme d'association enregistrée ou établie. Mais, selon les dernières informations, cette minorité a organisé certaines activités associatives.


Examen du rapport

Répondant à des questions sur le statut du Pacte dans le droit interne, la délégation de Bosnie-Herzégovine a indiqué qu'en vertu de la Constitution, les instruments internationaux ratifiés par le pays - dont fait partie le Pacte international relatif aux droits civils et politiques - sont incorporés dans le droit interne, de sorte que leurs normes sont directement applicables. Lorsque cela s'avère nécessaire, l'État est tenu d'harmoniser les éléments de la législation interne non seulement à la Constitution mais aussi aux dispositions des instruments internationaux qui ont été ratifiés.

La délégation a indiqué que l'institution du Médiateur des droits de l'homme a commencé à fonctionner en Bosnie-Herzégovine en 1996. Occupé à l'origine par une personnalité internationale connue, le poste revient aujourd'hui à un ressortissant bosniaque, a précisé la délégation. Les services du Médiateur sont surchargés de travail puisque, selon les informations disponibles, ils auraient plus de 5000 plaintes à traiter. Pour l'essentiel, les plaintes portent désormais sur les relations de travail depuis que les questions relatives au droit de propriété - qui constituaient jadis l'essentiel des plaintes - ont été réglées, a précisé la délégation.

En ce qui concerne la situation des femmes, la délégation a notamment fait valoir que ces deux dernières années, la Bosnie-Herzégovine a élaboré des textes visant à prévenir la violence domestique. Les autorités sont en train de mettre au point des mesures pratiques qui devraient permettre aux institutions compétentes d'agir efficacement face aux cas de femmes victimes de violence domestique. L'auteur d'actes de violence domestique peut être expulsé de son foyer, ce qui concourt à protéger les femmes contre ce type de violence, a poursuivi la délégation. Les services sociaux ne sont toutefois pas dotés de ressources financières suffisantes pour régler l'ensemble des problèmes qui se posent en matière de violence domestique, a-t-elle reconnu.

Un membre du Comité s'est enquis des éventuelles procédures médicales normalisées permettant de recueillir des preuves de violence domestique dans les hôpitaux; il semble en effet que le personnel médical ne sache pas vraiment comment recueillir de telles preuves, faute de savoir, par exemple, quels types de preuves doivent être présentés au procès.

La délégation a reconnu qu'un problème demeure pour ce qui est de la représentation des femmes au niveau de l'exécutif. Plus du tiers des candidats aux élections locales sont des femmes et environ la même proportion de femmes sont élues maires, a-t-elle précisé. La délégation a par ailleurs fait état d'une initiative lancée dans le pays en faveur des femmes victimes de la guerre et victimes de viol.

La délégation a d'autre part indiqué que, suite à une réforme du système judiciaire, il est désormais stipulé que le processus de sélection des magistrats, y compris des juges, ne doit répondre à aucun critère politique, les magistrats ne devant appartenir à aucun parti politique et être neutres sur le plan politique. En outre, il n'y a plus de juge-enquêteur et ce sont désormais le procureur et la police qui sont en charge des enquêtes, a ajouté la délégation. Depuis que la nouvelle procédure pénale est en vigueur, des faiblesses ont été identifiées et des amendements devraient donc être apportés afin de garantir des procédures encore plus efficaces.

Ce sont désormais plus de 70% des décisions des tribunaux qui sont mises en œuvre, a fait valoir la délégation en réponse à certaines allégations selon lesquelles les décisions de justice ne seraient pas mises en œuvre en Bosnie-Herzégovine.

Le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY), mis sur pied en 1993, a renvoyé six affaires concernant neuf personnes aux tribunaux de la Bosnie-Herzégovine; il s'agit là d'une première parmi les pays de la région, ce qui témoigne du sérieux avec lequel la Bosnie-Herzégovine appréhende ces questions et de l'excellence de la procédure qui existe dans le pays en matière de crimes de guerre, a fait valoir la délégation. Les autorités de Bosnie-Herzégovine ont pris toute une série de mesures pour tenter de localiser Radovan Karadžić et Ratko Mladić; des mandats de perquisition de certains locaux ou lieux appartenant à la famille de Radovan Karadžić ont été délivrés dans le but de le localiser.

S'agissant des événements de Srebrenica de 1995, la délégation a indiqué que des personnes appartenant aux trois groupes ethniques (ndlr: Bosniaques, Serbes et Croates) ont participé aux travaux de la Commission indépendante sur Srebrenica mise en place en Republika Srpska, dont le rapport a été présenté au Haut Représentant de la communauté internationale en Bosnie-Herzégovine. Onze personne ont été accusées de génocide et un procès est en cours, a rappelé la délégation. C'est la première fois que des inculpations pour génocide ont été prononcées dans un pays de l'ex-Yougoslavie, a-t-elle insisté. Près de 800 personnes présumées responsables des événements de Srebrenica de 1995 sont citées dans le rapport, a indiqué la délégation.

Priée de fournir des renseignements sur les initiatives qui ont été prises ou envisagées en vue de promouvoir la réconciliation et la rétablissement de la confiance mutuelle entre les différents groupes ethniques, la délégation a assuré qu'il s'agissait là d'un processus en cours dans le pays. Chaque procès pour crime de guerre est un pas vers la réconciliation et chaque institution commune également, a fait valoir la délégation.

Suite aux Accords de Dayton, ceux qui ont aidé la Bosnie-Herzégovine ont contribué à abattre les frontières ethniques, a souligné la délégation. Désormais, il va falloir prévoir la mise en œuvre du départ progressif du Haut Représentant de la Bosnie-Herzégovine - poste originellement occupé par M. Carl Bildt et désormais occupé par M. Christina Schwarz-Schilling, a-t-elle ajouté.

La délégation a indiqué que les recherches des personnes disparues ont été centralisées à l'Institut pour les personnes disparues créé cette année. Cet Institut est chargé d'une question extrêmement sensible, a-t-elle souligné. Il convient de ne pas interrompre le processus de fouilles des fosses communes réclamées par les familles. Aussi, l'Institut examinera-t-il les lieux d'inhumation en collaboration avec les membres des familles de personnes disparues et travaillera à l'identification des sites en question et à leur marquage. L'Institut disposera d'une base de données unique pour l'ensemble de la Bosnie-Herzégovine, ce qui n'était pas le cas jusqu'ici, a précisé la délégation.

Un membre du Comité a souhaité savoir combien de personnes sur les 30 000 portées disparues ont été retrouvées. Un autre a souligné que si les autorités ne font rien pour retrouver les personnes disparues, cette passivité des autorités ne fait qu'aggraver la souffrance des proches de ces personnes. Onze ans après la fin de la guerre, il existe désormais un Institut pour les personnes disparues; mais il semble qu'il ne soit pas pleinement opérationnel. Pourquoi avoir attendu autant de temps, a demandé l'expert? Quand cet Institut va-t-il être pleinement opérationnel?

La délégation a indiqué à cet égard que, selon les estimations les plus récentes, 21 374 au total ont été portées disparues, dont près de 15 000 le sont toujours. Des commissions n'ont cessé de fonctionner en Fédération de Bosnie-Herzégovine et en Republika Srpska afin de traiter de cette question, a rappelé la délégation.

En ce qui concerne la traite de personnes, la délégation a assuré qu'aujourd'hui, la situation s'est quelque peu améliorée en Bosnie-Herzégovine suite à l'adoption d'un certain nombre de mesures ces dernières années. La situation est meilleure qu'elle ne l'était par exemple en l'an 2000, a insisté la délégation. Le coordonnateur de l'État chargé de la lutte contre la traite a beaucoup fait pour contenir le phénomène, par le biais de mesures de formation, d'éducation et de sensibilisation, a-t-elle indiqué. Aujourd'hui, la Bosnie-Herzégovine ne compte plus que deux boîtes de nuit faisant office de bordels alors qu'elle en comptait jadis deux cents. Les deux qui subsistent ne vont pas rester ouvertes très longtemps, a assuré la délégation, affirmant que les boîtes de nuit étaient effectivement au cœur de la traite de personnes puisqu'elles recrutaient des étrangères d'Ukraine, de la Moldova et d'autres pays d'Europe de l'Est.

Un expert s'est inquiété que le budget du programme de lutte contre la traite de personnes dépende presque exclusivement de l'aide étrangère.

Un expert ayant relevé la difficulté de percevoir de quelle manière les autorités entendent s'attaquer au problème de la mendicité forcée des enfants, la délégation a expliqué que le phénomène touche essentiellement les enfants rom. Ce phénomène est dû à la situation économique de ces enfants, qui appartiennent généralement à des familles très pauvres pour lesquelles la mendicité constitue le seul moyen de survivre. Dans certains cas seulement, on a eu affaire à des groupes organisés qui abusaient des enfants en les forçant à mendier; ces cas ont été portés devant les tribunaux, a précisé la délégation.

S'agissant du cas des Algériens expulsés auquel il est brièvement fait référence dans le rapport, la délégation a souligné que la Bosnie-Herzégovine a reconnu qu'il y avait eu violation des droits de ces personnes. Aussi, le pays a-t-il entrepris un certain nombre mesures pour assurer le respect des droits de ces personnes. Il a notamment demandé aux États-Unis d'Amérique de renvoyer ces personnes en Bosnie-Herzégovine; mais il n'y a pas encore eu d'accord en la matière à ce jour. Aujourd'hui, plus rien ne dépend de la volonté de la Bosnie-Herzégovine mais plutôt de la volonté de «l'autre partie», pour que ces personnes soient libérées et rentrent en Bosnie-Herzégovine, a souligné la délégation. La Bosnie-Herzégovine a entrepris une démarche diplomatique afin de mettre un terme à cette situation regrettable, a insisté la délégation, précisant faire référence à la situation de personnes se trouvant actuellement à Guantánamo.

Dès le moment où le tribunal émet un ordre de détention préventive, une personne ne peut plus être gardée à vue au commissariat de police, a par ailleurs indiqué la délégation. Une personne peut être placée en garde à vue dans les locaux de la police pour une durée maximale de 24 heures, a ajouté la délégation, précisant que dans la pratique, les gens restent généralement bien moins de 24 heures en garde à vue. Quoi qu'il en soit, passé ce délai de 24 heures, la personne gardée à vue doit impérativement être présentée à un procureur, a souligné la délégation.
Les conditions carcérales se sont grandement améliorées depuis la fin de la guerre, a d'autre part indiqué la délégation.

Un membre du Comité a néanmoins relevé que, selon le rapport (paragraphe 65), l'isolement cellulaire est la sanction disciplinaire la plus couramment appliquée contre les détenus, même si elle est réservée aux fautes les plus graves.

En ce qui concerne les personnes déplacées, la délégation a rappelé qu'après la fin de la guerre, la moitié de la population avait été déplacée en Bosnie-Herzégovine ou à l'extérieur. Au total, ce sont plus d'un million de personnes qui, depuis la fin de la guerre, sont rentrées en Bosnie-Herzégovine. L'essentiel des retours s'est produit dans les premières années qui sont suivi la signature des Accords de Dayton, a indiqué la délégation; plus de la moitié des retours se sont effectuées durant les trois premières années qui ont suivi les Accords de Dayton. Les rapatriements ont ensuite repris en 2000/2001 et en 2002, plus de 100 000 personnes supplémentaires sont rentrées chez elles. Désormais, le problème des retours n'est plus un problème de sécurité mais un problème économique, auquel s'ajoute notamment le problème du déminage, a indiqué la délégation. Elle a précisé qu'entre le début de la guerre et le premier semestre de 2005, plus de 4000 personnes avaient été tuées par des mines, dont plus de 1500 entre 1996 et le premier semestre de 2005.

Un membre du Comité s'est inquiété d'informations faisant état de la persistance de discriminations à l'égard des personnes qui rentrent chez elles. Un autre expert s'est enquis des raisons de la lenteur du processus de déminage; ne s'agit-il pas là d'une manière de signifier que personne ne s'attend véritablement à ce que la société soit davantage soudée ?

La délégation a assuré qu'il n'y a pas de discrimination en matière de financement des retours ni de problèmes en ce qui concerne la participation des différentes entités à ce financement.

S'agissant du droit à un procès équitable, la délégation a notamment rappelé que les juges et les procureurs sont libres de toute influence politique, qu'elle émane du pouvoir exécutif ou du pouvoir législatif. Il leur est interdit d'appartenir à un parti politique, a de nouveau souligné la délégation. La loi sur les rémunérations et indemnités versées aux juges et aux procureurs protège ces magistrats contre toute influence politique dans ce domaine, a-t-elle ajouté.

Les juges peuvent-ils exercer leurs droits syndicaux, a souhaité savoir un membre du Comité ? Les juges peuvent être membre d'un syndicat, a indiqué la délégation en réponse à la question d'un membre du Comité, précisant toutefois qu'à sa connaissance, aucun juge en Bosnie-Herzégovine n'est membre d'un syndicat. Il existe des associations, regroupant une grande majorité des juges du pays, qui s'occupent globalement de tous les problèmes dont s'occupent traditionnellement les syndicats, a-t-elle ajouté.

En ce qui concerne la liberté de religion, la délégation a rappelé que la Bosnie-Herzégovine avait adopté, en 2003/2004, une loi sur la liberté de religion et le statut juridique des églises des différentes communautés religieuses. Cette loi tient compte des valeurs traditionnelles de coexistence et de tolérance. La Bosnie-Herzégovine est ainsi parvenue à mettre au point une loi-cadre accordant une grande liberté d'expression et d'activités aux différentes églises et communautés religieuses, sans discrimination aucune.

Un expert s'est référé à un rapport du Département d'État américain selon lequel la liberté religieuse ferait l'objet de nombreux abus en Bosnie-Herzégovine et présente un tableau assez sombre à cet égard. Un autre membre du Comité a estimé que le problème de la tolérance se posait pleinement en Bosnie-Herzégovine et a demandé quelles mesures étaient prises concrètement pour lutter contre l'intolérance religieuse dans le pays. Dans quelle mesure les autorités ont-elles un droit de regard sur l'éducation religieuse dispensée dans l'enseignement privé, de manière à ce que l'extrémisme ne soit pas favorisé, a également souhaité savoir cet expert? Il s'est enquis de l'existence d'éventuelles ingérences politiques, voire financières venant de l'étranger qui viendraient rendre le problème encore plus complexe.

La délégation a assuré que les cas d'extrémisme religieux sont rares. La Bosnie-Herzégovine est en train d'améliorer et de normaliser les relations entre les différentes communautés religieuses et les différents groupes ethniques, a insisté la délégation.

L'incitation à la haine est incriminée dans les codes pénaux tant de la Fédération de Bosnie-Herzégovine que de la Republika Srpska, a fait valoir la délégation. Cela ne signifie pas pour autant que les tribunaux vont agir systématiquement dans de telles affaires; dans un premier temps, la médiation sera souvent privilégiée, en s'adressant aux autorités religieuses concernées, a expliqué la délégation.

S'agissant de la situation des minorités, la délégation a notamment indiqué que la Bosnie-Herzégovine compte 17 groupes minoritaires qui se sont vu accorder officiellement ce statut, la législation prévoyant la protection des minorités nationales. La discrimination positive fait partie de l'éventail des mesures qui ont été prises en faveur des personnes appartenant à ces minorités, a précisé la délégation. Une stratégie en 14 points, axée en particulier sur l'éducation, l'emploi et le logement, a été approuvée pour régler les problèmes inhérents à la communauté rom, a par ailleurs indiqué la délégation.

Un expert s'est inquiété d'informations indiquant que les Roms sont exclus de la vie publique faute de disposer de papiers d'identité ou de résidence clairement identifiée en Bosnie-Herzégovine.

La délégation a insisté sur les importants problèmes de pauvreté, de sous-emploi et de reconstruction auxquels est confrontée la Bosnie-Herzégovine et qui font que la population est insuffisamment sensibilisée aux problèmes particuliers que peut rencontrer la communauté rom. Pour autant, il n'y a pas, de la part du Gouvernement, de discrimination à l'encontre des Roms, a assuré la délégation.

Observations préliminaires

Présentant des observations préliminaires sur la mise en œuvre du Pacte en Bosnie-Herzégovine, la Présidente du Comité, MME CHRISTINE CHANET, a reconnu que la situation dans le pays n'était pas facile; le Comité n'ignore pas ce qu'est la situation d'un État après un conflit tel que celui que la Bosnie-Herzégovine a connu, a-t-elle insisté. Le rapport initial que le Comité vient d'examiner était particulièrement intéressant, a-t-elle ajouté. Elle a salué les efforts méritoires déployés par la Bosnie-Herzégovine pour que l'état de droit prévale dans un cadre institutionnel général que le pays n'a pas toujours choisi. S'il y a des progrès dans la coopération avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, des lacunes persistent, notamment en matière de protection des témoins et ce, en dépit de l'existence de lois de protection des témoins tant au niveau national qu'au niveau des deux entités. En ce qui concerne les femmes, qui ont été particulièrement victimes de la guerre, Mme Chanet a relevé que la violence domestique reste considérée, au moins dans une entité du pays, comme un délit mineur.

S'agissant des règles de la détention, Mme Chanet a relevé le caractère ambigu des fondements de la détention, qui ne sont pas toujours conformes aux normes en la matière. Sans qualifier de discriminatoires les conditions dans lesquelles les personnes déplacées doivent revenir, Mme Chanet a souligné que les retours ne se font pas dans des conditions d'égalité. La Présidente du Comité a en outre évoqué la situation des Roms, comparable en Bosnie-Herzégovine à ce qu'elle est ailleurs en Europe, en rappelant l'obligation qui incombe à l'État d'enregistrer tous les enfants. Des préoccupations subsistent en matière de liberté d'expression, des journalistes continuant de faire l'objet de menaces, a en outre souligné Mme Chanet.


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