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LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE EXAMINE LE RAPPORT DU DANEMARK

Compte rendu de séance

Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport du Danemark sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Dans ses observations préliminaires sur le rapport du Danemark, le rapporteur du Comité pour l'examen de ce rapport, M. Noureddine Amir, a relevé qu'un membre de la délégation danoise a utilisé un mot-clé: «carton rouge». Il s'agit d'un terme très fort qui constitue le message envoyé par le Danemark au racisme. Si les minorités ethniques, culturelles et linguistiques ont droit à la protection que leur confèrent les conventions internationales et le droit national, elles se doivent aussi de respecter les droits, les obligations et les devoirs du pays d'accueil, a ajouté M. Amir.

Le Comité adoptera, dans le cadre d'une séance à huis clos, ses observations finales sur le rapport du Danemark, avant de les rendre publiques à la fin de la session, le vendredi 18 août.

Présentant le rapport de son pays, le Directeur du Département des droits de l'homme du Ministère des affaires étrangères, M. Kim Vinthen, a notamment attiré l'attention sur le nouveau système de signalement mis en place afin de rapporter les actes et incidents criminels présumés à motivation raciste; ces actes sont déférés à la justice pénale lorsque le crime a été commis en raison de la race de la victime, de son origine nationale ou ethnique, de ses croyances religieuses ou de son orientation sexuelle. M. Vinthen a par ailleurs indiqué qu'un système de «mentor» a été institué afin d'assurer un meilleur départ, sur le marché du travail, aux personnes sans emploi, en particulier aux immigrants qui ont une connaissance limitée du marché du travail danois.

Complétant cette présentation, une représentante du Gouvernement autonome du Groenland a notamment indiqué que la Commission mixte dano-groenlandaise, instituée pour avancer des propositions en vue d'un nouvel accord d'autonomie pour le Groenland, a tenu en juin dernier sa septième réunion, au cours de laquelle a été débattu un projet global sur l'autonomie.

L'imposante délégation danoise était également composée de représentants des Ministères des affaires étrangères, de l'intégration, de la justice, du travail et de l'éducation. Elle a fourni aux experts des compléments d'information s'agissant notamment de la situation des minorités; du traitement de l'affaire des caricatures de Mahomet; du chômage parmi les étrangers; de la situation des réfugiés.


Le Comité se réunira cet après-midi, à 15 heures, pour entamer l'examen du dix-huitième rapport périodique de la Norvège (CERD/C/497/Add.1).


Présentation du rapport du Danemark

Présentant le rapport de son pays, M. KIM VINTHEN, Directeur du Département des droits de l'homme au Ministère des affaires étrangères du Danemark, a mis l'accent sur l'importance que son Gouvernement accorde à la surveillance internationale indépendante du respect des normes internationales en matière de droits de l'homme. Il s'agit là de l'une des cinq priorités de la politique danoise en matière de droits de l'homme au niveau international, les autres étant de poursuivre les efforts dans un certain nombre de domaines prioritaires tels que la lutte contre la torture ou les droits des peuples autochtones; d'accroître la surveillance de la situation des droits de l'homme dans les pays pris individuellement; de promouvoir la démocratisation et le respect à l'égard des activités d'aide au développement des droits de l'homme; et de renforcer la coopération avec la société civile.

S'agissant des actes et incidents criminels présumés à motivation raciste, M. Vinthen a attiré l'attention sur un nouveau système mis en place afin de rapporter de tels actes qui sont déférés à la justice pénale lorsque le crime a été commis en raison de la race de la victime, de son origine nationale ou ethnique, de ses croyances religieuses ou de son orientation sexuelle. Un système de signalement analogue a été mis en place afin d'assurer la mise en œuvre effective de la loi sur l'interdiction de la discrimination, a précisé M. Vinthen. Il a en outre attiré l'attention sur la publication, en janvier 2006, d'un guide concernant la loi sur l'interdiction de la discrimination sur le marché du travail, dont l'objet est d'assurer le respect de cette loi. Le guide présente notamment les règles relatives aux procédures de plaintes et d'appel, à l'indemnisation et aux sanctions en cas de discrimination illégale.

M. Vinthen a par ailleurs indiqué qu'un système de «mentor» a été institué afin d'assurer un meilleur départ, sur le marché du travail, aux personnes sans emploi, en particulier aux immigrants qui n'ont qu'une connaissance réduite du marché du travail danois. Le «mentor» qui leur est associé les guidera et les formera mieux qu'on ne pourrait normalement l'attendre d'un employeur. Ce système est en train de se répandre et de devenir populaire, a fait valoir le Directeur du Département des droits de l'homme.

Le Gouvernement danois a accru son soutien financier aux organisations et initiatives œuvrant à la lutte contre le racisme, la discrimination et l'intolérance et à la promotion de l'égalité des chances et d'une meilleure intégration, a par ailleurs fait valoir M. Vinthen. En mars 2006, le Ministère de l'intégration a alloué 500 000 euros à des initiatives favorisant le dialogue et la compréhension entre les groupes ethniques et religieux.

Complétant cette présentation, la représentante du Gouvernement autonome du Groenland, MME MARIANNE LYKKE THOMSEN, a indiqué que le Gouvernement autonome du Groenland a organisé, en août 2005, une conférence sur l'administration de la justice, qui a apporté une contribution à la préparation du présent rapport. Elle a par ailleurs indiqué que la Commission mixte dano-groenlandaise instituée pour avancer des propositions en vue d'un nouvel accord d'autonomie pour le Groenland, a tenu en juin dernier sa septième réunion, au cours de laquelle a été débattu un projet global concernant l'autonomie. Mme Lykke Thomsen a en outre fait valoir la forte volonté politique de faciliter l'intégration des langues minoritaires.

La délégation a ensuite fourni des renseignements complémentaires, notamment sur la composition ethnique de la population. Elle a indiqué que la population est découpée en trois catégories: Danois, immigrants et descendants, ces derniers étant des personnes qui n'ont pas la nationalité danoise mais qui sont nées au Danemark. Les immigrants, au nombre de 350 436, représentent 6,5% de la population. Quant aux descendants, au nombre de 113 000, ils représentent 2,1% de la population, a précisé la délégation. Le taux d'emploi des immigrants et des descendants est plus bas que celui des Danois, a-t-elle ajouté. Il s'établit en effet à 62% pour les immigrants et descendants originaires des pays occidentaux et à 48 % pour les immigrants et descendants originaires de pays non occidentaux, contre 76% pour les Danois. La délégation a par ailleurs indiqué que le Gouvernement a mis en place un système de promotion de l'emploi destiné au nombre important de personnes qui ne font pas partie du marché du travail danois. Elle a ajouté que les statistiques montrent que la situation de l'emploi s'est améliorée pour les groupes concernés.

Priée de fournir des exemples concrets d'application directe de la Convention par les tribunaux, la délégation a évoqué une décision de justice de 1999 dans laquelle la Convention était citée. Il s'agit d'une affaire où la victime s'était vu refuser l'accès à un restaurant en raison de sa couleur. Une amende de 1000 couronnes a été infligée à l'auteur de la violation.

La délégation a par ailleurs indiqué que le Danemark n'envisageait pas pour l'heure de ratifier la Convention sur la protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille.

Le Comité ayant souhaité savoir quelles mesures ont été prises pour prévenir les déclarations à caractère discriminatoire faites par des politiciens, la délégation a indiqué qu'il n'existe pas de mesures spécifiques pour empêcher ce genre de déclarations. Les États doivent agir dans le respect du principe de la liberté d'expression, ce qui ne signifie toutefois pas qu'il n'y a pas de limites, a précisé la délégation. Ceci a été répété à plusieurs reprises par les tribunaux danois. La Cour suprême a déclaré que la liberté d'expression ne saurait justifier la tenue de propos racistes par des politiciens. La délégation a notamment rappelé que quatre hommes politiques avaient été condamnés pour avoir fait publier dans un magazine une publicité orientée contre les musulmans; ils ont été condamnés à 14 jours de prison avec sursis.

La délégation a en outre souligné que le Gouvernement ne peut pas dissoudre des associations utilisant ou prônant la violence et la propagande haineuses; c'est aux tribunaux de le faire, a-t-elle rappelé.

Priée d'apporter des informations quant à la position du Gouvernement et aux mesures adoptées suite à la publication, en septembre 2005, de caricatures du Prophète Mahomet dans un journal danois, la délégation a rappelé que plusieurs associations privées ainsi que des particuliers avaient porté plainte, estimant que le journal avait commis une offense. Après examen des plaintes, le Procureur public régional n'a pas conclu à une quelconque violation et a décidé de ne pas engager de poursuites. Quant à la position du Gouvernement dans ce débat animé sur les limites de la liberté d'expression, elle a été claire, a affirmé la délégation. À l'occasion des vœux du 1er janvier 2006, le Premier Ministre danois a clairement condamné toute expression ou action visant à diaboliser des personnes sur la base de leur religion. La liberté d'expression doit se manifester sur un ton civilisé et ce genre d'expression doit être répudié. Le Gouvernement danois respecte l'Islam, a insisté la délégation.

En février 2005, a poursuivi la délégation, le Gouvernement danois a présenté un projet de loi contre la ghettoïsation qui a été adopté par le Parlement au mois d'avril suivant. Cette loi confère un certain nombre de pouvoirs aux autorités municipales en matière de logement. Il est encore trop tôt pour évaluer l'impact de ces mesures et dire si ce nouveau régime a atteint son objectif, qui est de lutter contre la ghettoïsation. Les conseils municipaux semblent avoir du mal à offrir des logements de substitution, a ajouté la délégation.

La délégation a indiqué ne pas être en mesure de confirmer l'information selon laquelle le nombre de sans-abri au sein de la population immigrée aurait augmenté. La ville de Copenhague a pris des mesures pour aider les sans-abri appartenant à des minorités, notamment ceux originaires de Somalie, a fait valoir la délégation.

Concernant la réduction des indemnités sociales pour les immigrants nouvellement arrivés, dans le but de les encourager à chercher un emploi, la délégation a expliqué que le nouveau Gouvernement entré en fonction en 2001 a introduit le principe selon lequel seules les personnes qui ont résidé au Danemark sept ans au cours des huit dernières années peuvent bénéficier de ces indemnités. Cette règle s'applique aussi aux Danois qui ont vécu à l'étranger et qui reviennent ensuite au Danemark, a souligné la délégation.

La délégation a par ailleurs indiqué que les classes d'école séparées pour les enfants rom n'existent plus. Concernant l'obligation de fournir un enseignement linguistique approprié aux enfants bilingues, la délégation a assuré que le gouvernement attachait une attention particulière à la possibilité pour ces enfants de parler leur langue.

La délégation a souligné que, dans le cadre de procès devant les tribunaux pénaux, si une personne ne parle pas danois, les services d'un interprète sont alors requis.

S'agissant de la participation des personnes issues des minorités ethniques, la délégation a indiqué que tous les ressortissants danois ont le droit de voter à toutes les élections nationales et sont éligibles au Parlement. Les non ressortissants sont éligibles aux conseils locaux lors des élections municipales et peuvent voter à ces élections s'ils peuvent justifier d'une adresse permanente au Danemark durant les trois dernières années écoulées. En 2005, 67 représentants issus des minorités siégeaient dans les conseils municipaux et trois au Parlement.

Concernant l'allégation selon laquelle la police serait réticente à recevoir des plaintes de musulmans, la délégation a expliqué que le Gouvernement danois ne dispose pas de statistiques à ce sujet. Quoi qu'il en soit, le Gouvernement accorde une priorité absolue à la lutte contre la discrimination sous toutes ses formes. Un recours est possible face à une décision de ne pas donner suite à une plainte, a fait valoir la délégation. En mars 2005, la police de Copenhague a mené pendant deux semaines une campagne de lutte contre la discrimination en matière d'accès aux lieux publics. C'est généralement l'absence de preuves qui est responsable de la décision de ne pas donner suite à une plainte. En revanche, il ne saurait être accepté qu'un agent de police refuse d'enregistrer une plainte pour discrimination, a souligné la délégation.

Le rapport périodique du Danemark (seizième et dix-septième rapports réunis en un seul document - CERD/C/496/Add.1) souligne que le Ministère des réfugiés, de l'immigration et de l'intégration a été créé par le décret royal du 27 novembre 2001. Sa création avait pour but de réunir sous la responsabilité d'un seul organe tous les domaines clefs concernant l'immigration et l'intégration et, ce faisant, de renforcer les politiques d'intégration des immigrants et des réfugiés. Le Gouvernement prend régulièrement de nouvelles initiatives pour améliorer l'intégration des étrangers dans la société danoise, note le rapport. Le 17 janvier 2002, le Gouvernement a publié un document d'orientation intitulé «Nouvelle politique concernant les étrangers», qui met l'accent sur la nécessité générale d'adapter les politiques d'emploi de manière à améliorer l'intégration des immigrants dans le marché du travail.

Le Gouvernement danois accorde un rang de priorité élevé à la lutte contre la discrimination sous toutes ses formes, y compris les appels à la haine. Le nombre de poursuites pénales engagées contre des politiciens atteste que les autorités chargées des poursuites judiciaires et les tribunaux n'hésitent pas à fixer des limites à la liberté d'expression des politiciens quand ces derniers tiennent des propos racistes y compris, dans certains cas, des propos qui s'apparentent à des appels à la haine. Au sujet des cas de harcèlement à l'égard des arabes et des musulmans, le rapport note qu'un système de signalement est mis en place pour veiller à ce que les actes criminels qui semblent obéir à des motifs racistes ou religieux, lesquels sont punissables par la loi, soient signalés au Commissaire national de la police. Le nombre d'actes criminels signalés en rapport avec l'article 6 indique qu'une diminution s'est produite de 2002 à 2003. La situation concernant les actes de harcèlement subis par les Arabes et les musulmans depuis le 11 septembre 2001 s'est donc apparemment améliorée. Toutefois, le Gouvernement continuera de suivre attentivement la situation.

Une enquête montre qu'en 2000, 22 % des immigrants et réfugiés vivant au Danemark pensaient faire l'objet de discrimination dans la recherche d'un emploi ou dans les transports publics, entre autres. Aujourd'hui, ce pourcentage est descendu à 12 %. Il y a cinq ans, 42 % des personnes estimaient qu'elles faisaient l'objet de discrimination raciale. Aujourd'hui, 27,63 % des immigrants et réfugiés vivant au Danemark estiment que les personnes de souche danoise ont adopté une attitude plus positive à leur égard en tant que personnes, contre 13 % seulement qui estiment que la perception de la population danoise est négative.


Examen du rapport

Commentaires et questions des membres du Comité

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Danemark, M. NOUREDDINE AMIR a félicité le Danemark pour l'importance que le pays accorde aux travaux de ce Comité, ce dont témoigne le niveau de représentation élevé de la délégation danoise. Le Danemark est à l'avant-garde en matière d'aide aux pays en voie de développement, a rappelé M. Amir. La création en 2001 d'un nouveau Ministère des réfugiés, de l'immigration et de l'intégration s'inscrit dans l'ambitieux chantier engagé avec l'adoption de la loi de 1998 sur l'intégration des étrangers au Danemark. L'objectif de cette loi est noble puisqu'elle vise à aider les immigrants à obtenir la citoyenneté danoise s'ils le désirent et à garantir aux étrangers leurs droits en vertu des traités internationaux. Relevant que 70 conseils d'intégration avaient été créés afin de promouvoir l'accès des minorités et des réfugiés à l'emploi, M. Amir a regretté que le rapport ne fournisse aucune statistique permettant au Comité d'évaluer véritablement l'efficacité de ces mesures.

M. Amir a par ailleurs regretté que le Gouvernement ait choisi de ne pas intégrer la Convention dans le droit interne danois, ce qui aurait pourtant permis d'assurer des recours plus effectifs pour les victimes de discrimination raciale.

Selon un quotidien danois, le nombre d'incidents à caractère racial a augmenté de 23 cas en 2004 à 48 en 2005, a poursuivi M. Amir. Selon les statistiques de la police nationale, 27 cas de violation de la section 266b du Code pénal (haine raciale) ont été enregistrées en 2004, pour lesquels 15 ont été retenus, et 41 cas similaires ont été enregistrés en 2005, pour lesquels 15 également ont été retenus. Pour tous ces cas de figure, les plaintes ne seraient pas fondés selon le Procureur général qui a refusé d'initier des procédures judiciaires à l'encontre des auteurs des violations des articles visés.

M. Amir a rappelé qu'au nom de la liberté d'expression, et conformément à l'article 77 de la Constitution concernant les questions religieuses, les instances judiciaires avaient décidé - notamment pour l'affaire des caricatures - d'exclure toute possibilité de faire appel devant une plus haute instance des décisions de justice rendues le 6 février 2006 par le Procureur régional de Viborg et le 15 mars suivant par le Procureur général national qui confirma le verdict du Procureur régional. Or, la section 140 du Code pénal protège les convictions religieuses contre les dérisions et le mépris, a relevé M. Amir. Quant à la section 266b de ce même Code, elle protège les groupes de personnes contre le mépris et la déchéance sur le compte de la religion, a-t-il ajouté. «Dans ces dimensions, les expressions tombent par nature dans le cadre de ces règles, c'est-à-dire qu'il n'existe pas de liberté et de droit non restreint pour exprimer des opinions sur les sujets à caractère religieux», a déclaré M. Amir.

L'expert a relevé que le Gouvernement danois prenait avec sérieux les recommandations du Comité et s'efforçait de les appliquer. Néanmoins, un certain nombre de préoccupations subsistent s'agissant du système de quota pour les logements, de l'admission des enfants de minorités dans certaines crèches ou encore de l'interdiction de l'utilisation de la langue maternelle d'un enfant dans certains établissements. D'autres préoccupations ont trait aux restrictions pesant sur le mariage et sur la réunification familiale; à l'élévation de trois à sept ans du nombre d'années nécessaires avant de se voir octroyer un permis de résidence; à la réduction des services sociaux destinés aux réfugiés; et à la multiplication des motifs permettant de justifier le refus d'octroyer l'asile.

Le fait que la Convention n'est pas incorporée dans la législation interne limite l'application de la Convention par les cours de justice, a de nouveau souligné M. Amir; la protection effective des minorités s'en trouve donc affaiblie et cela a un impact négatif sur la prise de conscience au sein de la société danoise. Les organes décisionnels n'ont pas suffisamment de pouvoir pour faire face à la discrimination indirecte, a ajouté l'expert.

Il semble que la police hésite à enquêter sur des plaintes pour discrimination raciale présentées par des musulmans, a relevé un autre membre du Comité.

Dans quelle mesure le Danemark considère-t-il la tribu Thulé (réinstallée en 1953 en liaison avec la construction de la base aérienne) comme un peuple autochtone, s'est enquis un expert? Un autre membre du Comité s'est enquis de la situation de la langue inuit au Groenland. Quelles mesures sont-elles prises pour renforcer cette langue?

Un membre du Comité a déclaré que le Gouvernement danois devrait revoir sa décision de ne pas incorporer la Convention dans son droit interne.

Un expert a souhaité en savoir davantage sur la perception qu'a le Danemark des différentes cultures et notamment sur sa vision restrictive de la «civilisation occidentale».


S'agissant de la publication des caricatures du Prophète Mahomet, un expert s'est dit surpris par l'approche qu'a retenue le Gouvernement dans cette affaire. La société danoise est certes fondée sur la liberté d'expression, mais le Danemark a-t-il l'intention de mettre un terme à l'incitation à la haine raciale en dépit de l'inscription de la liberté d'expression dans la Constitution?

Conformément à la pratique du Comité, l'Institut danois des droits de l'homme, insititution nationale de promotion des droits de l'homme, a été invité à prendre la parole. Sa représentante a déclaré que la lutte contre le racisme et la discrimination constitue un problème majeur dans une société qui insiste sur le mode de vie majoritaire. Les normes de la vie culturelle danoise sont promues et célébrées, mais la célébration de la différence ne fait pas partie de la vie politique au Danemark. En dépit des efforts déployés par le Gouvernement pour promouvoir la culture et les droits de l'homme des minorités au sein de la société danoise, on observe une persistance de la discrimination à l'encontre des immigrants et des minorités, a poursuivi la représentante de l'Institut danois des droits de l'homme. Il est très difficile pour les immigrants d'accéder au marché du travail, a-t-elle précisé. Elle a mis l'accent sur la difficulté à déceler ce type de discrimination indirecte et a déploré le manque de ressources consacrées à la recherche dans ce domaine. Un programme a néanmoins été lancé qui a pour but de renforcer l'intégration des minorités ethniques dans le marché du travail. Le traitement accordé aux demandeurs d'asile et aux membres de leur famille atteste toutefois d'un manque de volonté de la part du Gouvernement d'intégrer les immigrés dans la vie danoise. Ainsi, les familles sont souvent déplacées à travers le territoire en attendant qu'il soit statué sur leur demande. Il s'agit là d'une pratique discriminatoire qui semble avoir pour motivation d'empêcher ces personnes de s'intégrer dans la société en tissant des liens dans une communauté particulière.


Réponses et renseignements complémentaires de la délégation

La délégation a réitéré que le Gouvernement danois n'avait pas l'intention d'incorporer la Convention en droit interne.

S'agissant des restrictions en matière le regroupement familial, la délégation a assuré que le Gouvernement respecte le droit des personnes d'être unies avec leur famille.

S'agissant de la violence contre les femmes d'origine étrangère, la délégation a indiqué que, d'après la loi sur les étrangers, une femme victime de violences conjugales se séparant de son mari alors que son permis de séjour dépend de celui de son mari risque de perdre son statut juridique au Danemark. Elle peut toutefois demander de rester pendant une durée de deux ans sur le territoire.

En ce qui concerne le Conseil pour les minorités ethniques, la délégation a indiqué qu'il est financé par le Ministère de l'intégration qui lui sert de secrétariat. En mars 2006, le Ministère a rencontré, par le biais de ce Conseil, des représentants de minorités ethniques et des musulmans, a précisé la délégation. Elle a ajouté que, dans le cadre du prochain budget, quelque 500 000 couronnes ont été allouées au lancement d'initiatives favorisant le dialogue.

S'agissant du traitement de l'affaire des caricatures du Prophète Mahomet - et notamment de la décision du Parquet de ne pas poursuivre -, la délégation a insisté sur la nécessité de trouver un équilibre entre la protection de la liberté d'expression et la protection des droits des minorités. La liberté d'expression a des limites; il n'est pas possible de déclarer n'importe quoi, a ajouté la délégation. L'interdiction des discours haineux et du blasphème est un exemple de ces limites, a-t-elle précisé. Dans l'affaire des caricatures du Prophète Mahomet, le Procureur a estimé qu'il n'existait aucune base juridique pour engager une poursuite car les portraits en cause ne relevaient d'aucune disposition du Code pénal, qu'il s'agisse de l'article 140 ou de l'article 266b de ce Code.

S'agissant de la scolarisation des enfants bilingues, la délégation a indiqué que le nombre d'enfants bilingues continue de croître. Ils représentent actuellement 10% de l'ensemble des élèves. Tous les enfants bilingues ayant besoin de soutien linguistique, y compris les enfants rom, se voient offrir un enseignement du danois en tant que seconde langue.

Priée de fournir des informations supplémentaires sur les langues utilisées au Groenland, la délégation a déclaré que 88 % de la population du Groenland est considérée comme Inuit. Si la langue de l'administration reste le danois, la langue essentiellement utilisée au Parlement autonome du Groenland est le groenlandais avec des services d'interprétation simultanée en danois. Le groenlandais n'est absolument pas menacé, a assuré la délégation; il s'agit d'une langue qui prospère, même si des problèmes subsistent. Le groenlandais est en outre la principale langue d'éducation au Groenland.

À propos des conseils locaux d'intégration, la délégation a indiqué que leur nombre va bientôt augmenter suite à une réforme de l'organisation des municipalités. En 2005, une étude d'impact a été menée concernant ces conseils, dont il est ressorti qu'ils étaient efficaces puisqu'ils renforcent l'intégration dans les municipalités dans lesquelles ils existent.

La distinction opérée entre immigrants issus de pays occidentaux et immigrants issus de pays non occidentaux ne procède que d'un simple souci statistique, a expliqué la délégation.

S'agissant des questions liées au logement des réfugiés, la délégation a souligné qu'un logement permanent est octroyé à tout réfugié. Les réfugiés sont répartis dans les municipalités en fonction d'un système de quotas qui assure leur répartition harmonieuse. Les réfugiés peuvent choisir leur municipalité de résidence sur une liste de municipalités dont le quota n'est pas encore atteint. Ce système permet aux municipalités de planifier les services qu'elles auront à offrir, notamment dans le cadre des programmes d'introduction pour réfugiés, qui durent trois ans et dont l'évaluation a révélé qu'ils fonctionnent bien.

Il n'y a pas de ghetto au Danemark, a souligné la délégation. En revanche, on assiste à un processus de ghettoïsation qui voit les personnes sans emploi et avec peu de ressources se regrouper et qui risque de créer des problèmes si rien n'est fait. Aussi, les autorités entendent-elles traiter ce problème.

À cet égard, un membre du Comité a invité le Danemark à se pencher sur les raisons d'une telle propension de certaines personnes à se regrouper; ne se pourrait-il pas qu'il y ait là un certain désir d'asseoir une forme d'identité.

Priée de fournir des informations complémentaires s'agissant du taux de chômage particulièrement élevé parmi les étrangers, la délégation a expliqué que des données statistiques et des sondages confirment que si ce taux est plus élevé parmi les étrangers que dans l'ensemble de la population, cela est dû à un manque de compétence. Il y a certainement d'autres facteurs qui peuvent expliquer ce taux de chômage élevé, a toutefois admis la délégation.


Observations préliminaires sur le rapport du Danemark

Dans ses observations préliminaires, le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Danemark, M. Noureddine Amir, a relevé qu'un membre de la délégation danoise a utilisé un mot-clé: «carton rouge». Il s'agit d'un terme très fort qui constitue le message envoyé par le Danemark au racisme, a estimé M. Amir. La délégation a aussi envoyé un message clair affirmant que le Danemark est un État de droit où la liberté d'expression existe, a relevé M. Amir. Si les minorités ethniques, culturelles et linguistiques ont droit à la protection que leur confèrent les conventions internationales et le droit national, elles se doivent aussi de respecter les droits, les obligations et les devoirs du pays d'accueil, a-t-il ajouté.

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Rectificatif

Dans notre compte-rendu de séance HR/CRD/06/23 du 9 août 2006, dans la section «Aperçu de la discussion concernant la dernière réunion intercomités, la dernière réunion des Présidents d'organes conventionnels et la réforme des organes conventionnels», les deux premiers paragraphes de l'intervention du Président doivent se lire comme suit:

M. RÉGIS DE GOUTTES, Président du Comité, a présenté le rapport de la cinquième Réunion intercomités (19-21 juin 2006) en indiquant notamment que le «document de réflexion» de la Haut-Commissaire aux droits de l'homme concernant la réforme des organes conventionnels y avait été examiné. Au cours de cette réunion, des réserves ont été exprimées sur l'établissement d'un organe conventionnel permanent unifié. Les autres suggestions du «document de réflexion» ont néanmoins été approuvées, comme la proposition d'établir des directives unifiées pour les documents des organes conventionnels. La Réunion a également pris note de la suggestion de création d'un organe unique chargé de l'examen de toutes les communications individuelles, a indiqué M. de Gouttes, qui a rappelé que cette idée avait été avancée à l'origine par le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale.

S'agissant de la dix-huitième Réunion des Présidents d'organes conventionnels (22 et 23 juin 2006) M. de Gouttes a indiqué que la majorité des Présidents des organes a aussi estimé que la création d'un organe permanent unifié n'était pas utile et qu'il serait préférable de maintenir la spécificité de chacun des organes existants. Lors de cette Réunion, l'accent a été mis sur la nécessité d'améliorer les travaux des organes conventionnels et, à cette fin, le projet de directives harmonisées pour le document de base et les rapports spécifiques a été approuvé. La proposition de création d'un organe unique pour les communications individuelles n'a pas pu faire l'objet d'une discussion approfondie à ce stade.

Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

CRD06024F