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LE COMITÉ POUR LA PROTECTION DES DROITS DE TOUS LES TRAVAILLEURS MIGRANTS EXAMINE LE RAPPORT DU MALI

Compte rendu de séance

Le Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille – qui tient depuis hier et jusqu’à vendredi prochain sa quatrième session au Palais Wilson, à Genève – a examiné, aujourd’hui, le rapport initial présenté par le Mali sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille. Il s’agissait du premier rapport examiné par le Comité depuis sa création.

Présentant le rapport de son pays, M. Sékou Kasse, Chargé d’affaires a.i. du Mali à Genève, a souligné que son Gouvernement accorde une importance particulière aux travailleurs migrants et aux Maliens de l’extérieur, comme en témoigne notamment l’existence dans le pays d’un ministère des Maliens de l’extérieur.

Poursuivant la présentation de ce rapport, Mme Fatoumata Abdourhamane Dicko, Chef de la Division juridique et des normes à la Direction du travail du Ministère de la fonction publique, de la réforme de l’État et des relations avec les institutions du Mali, a notamment indiqué que les autorités de son pays ont rencontré le Comité de coordination des associations et organisations non gouvernementales afin qu’il puisse, dans un proche avenir, jouer un rôle dans la mise en œuvre de la Convention. En février 2006, a-t-elle également indiqué, une réunion sous-régionale s’est tenue à Cotonou, au Bénin, dans le but de faciliter le transfert des gains des travailleurs originaires de la sous-région dans leur pays d’origine. Mme Dicko a par ailleurs assuré qu’au Mali, les travailleurs indépendants ont droit à la même protection que tous les autres travailleurs ; mais le fait est que les travailleurs indépendants sont en très grande majorité des artisans et que, pour des raisons qui leur sont personnelles, la plupart d’entre eux préfèrent évoluer dans le secteur informel.

La délégation malienne était également composée de représentants du Ministère de la sécurité intérieure et de la protection civile ; du Ministère des affaires étrangères et de la coopération internationale ; et du Ministère des Maliens de l’extérieur et de l’intégration africaine. Elle a fourni aux experts des compléments d’information s’agissant notamment de la place de la Convention dans le droit interne ; du transfert des gains des travailleurs migrants vers leur pays d’origine ; des conditions de refoulement des étrangers ; des modalités de confiscation éventuelle de pièces d’identité ; du regroupement familial ; de la traite de personnes. S’agissant de cette dernière question, la délégation a notamment affirmé que le phénomène de la traite des enfants, qui existe bel et bien au Mali, est préoccupant non seulement en raison du nombre très élevé d’enfants concernés, mais aussi en raison de son impact sur le développement de l’enfant et du pays.

En conclusion de cette journée de dialogue, le Président du Comité, M. Prasad Kariyawasam, a notamment déclaré que le Mali s’est doté d’un cadre constitutionnel convenable pour la protection des travailleurs migrants et la mise en œuvre de la Convention. Il faut maintenant espérer que cela va déboucher sur une approche fondée sur les droits, a-t-il ajouté.

Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, des observations finales sur le rapport du Mali avant de les rendre publiques à la fin de la session, vendredi 28 avril. Un communiqué de presse (communiqué final) sera publié à cette occasion.

Présentation du rapport

Présentant le rapport de son pays, M. SéKOU KASSE, Chargé d’affaires a.i. du Mali à Genève, a assuré que son Gouvernement accorde une importance particulière aux travailleurs migrants et aux Maliens de l’extérieur, comme en témoigne notamment l’existence dans le pays d’un ministère des Maliens de l’extérieur.

Poursuivant la présentation du rapport, MME FATOUMATA ABDOURHAMANE DICKO, Chef de la Division juridique et des normes à la Direction du travail du Ministère de la fonction publique, de la réforme de l’État et des relations avec les institutions, a déclaré que les questions que posent les formes contemporaines de migrations de main-d’œuvre constituent une préoccupation des autorités de son pays, le Mali, pays d’émigration par excellence. Les législations et les pratiques mises en place pour réglementer les migrations et l’emploi des travailleurs migrants s’insèrent dans le cadre d’un vaste ensemble de lois et de réglementations sur le travail, l’emploi, la sécurité sociale et l’immigration, a-t-elle ajouté. Le Mali reste attaché à cette catégorie très importante de droits sociaux, a insisté Mme Dicko.

À ce jour, a poursuivi Mme Dicko, seules trois questions parmi celles soulevées par le Comité dans sa liste de questions écrites adressée au Mali sont restées sans réponse. Pour l’une d’elles, celle relative au rôle des organisations non gouvernementales (ONG) dans la mise en œuvre de la Convention, Mme Dicko a indiqué que les autorités de son pays ont rencontré le Comité de coordination des associations et ONG afin qu’il puisse, dans un proche avenir, jouer un rôle dans la mise en œuvre de la Convention. S’agissant d’une autre question, relative au mécanisme de transfert des gains des travailleurs migrants maliens travaillant à l’étranger, Mme Dicko a indiqué que c’est un système classique qui existait au Mali, à savoir que dans un pays donné, un Malien de l’étranger était chargé de transférer les gains de l’ensemble des Maliens travaillant dans ce pays. Puis, certaines banques, prenant conscience de l’importance des fonds en jeu, ont ouvert des succursales dans les pays comptant un grand nombre de travailleurs Maliens. Depuis un certain temps, existe aussi la possibilité d’un transfert de fonds par le biais de la Western Union. En février 2006, a précisé Mme Dicko, une réunion sous-régionale s’est tenue à Cotonou, au Bénin, dans le but de faciliter le transfert des gains des travailleurs originaires de la sous-région dans leur pays d’origine. Quant à la troisième question jusqu’ici restée sans réponse, à savoir celle relative au support juridique existant pour assurer la mise en œuvre de la Convention pour les travailleurs indépendants, Mme Dicko a souligné qu’au Mali, les travailleurs indépendants ont droit à la même protection que tous les autres travailleurs. Rappelant qu’au Mali, les travailleurs indépendants sont en très grande majorité des artisans, elle a indiqué que la plupart pour ne pas dire tous ces travailleurs préfèrent, pour des raisons qui leur sont personnelles, évoluer dans le secteur informel.

Le rapport initial du Mali (CMW/C/MLI/1) rappelle notamment que pour donner effet à la Convention, le pays a adopté un ensemble de dispositifs législatifs au nombre desquels figure la loi du 25 novembre 2004 relative aux conditions d’entrée, de séjour et d’établissement des étrangers en République du Mali. Les caractéristiques et la nature des flux migratoires sont difficilement quantifiables faute de statistiques disponibles sur cet élément, ajoute le rapport. Il précise par ailleurs que la législation malienne ne fait aucune distinction entre travailleurs migrants et travailleurs nationaux. Le Mali a ratifié la Convention n°111 de l’OIT concernant la discrimination dans l’emploi et la profession. En outre, la Constitution malienne prohibe toute discrimination fondée sur l’origine sociale, la couleur, la langue, la race, le sexe, la religion et l’opinion politique. La législation malienne n’établit pas de restrictions particulières quant aux droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille de quitter librement le Mali. Selon les termes de la loi du 25 novembre 2004 précitée, la circulation des étrangers est libre au Mali, sous réserve seulement de la présentation des documents exigés pour séjourner.

Le Mali a ratifié en août 1960 la Convention n°29 de l’OIT sur le travail forcé, poursuit le rapport. Pour sa part, le Code du travail interdit le travail forcé ou obligatoire de façon absolue. La Constitution malienne reconnaît en son article 4 la liberté de pensée, de conscience, de religion, de culte, d’opinion, d’expression et de création dans le respect de la loi. Le Code du travail dispose que « tout travailleur ou employeur peut adhérer librement à un syndicat de son choix dans le cadre de sa profession. De même, il est interdit à tout employeur de prendre en considération les opinions, l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une activité syndicale pour arrêter ses décisions en ce qui concerne notamment l’embauche, la conduite et la répartition du travail, la formation professionnelle, l’avancement, la rémunération et l’octroi d’avantages sociaux, les mesures de discipline et de congédiement. Le rapport indique par ailleurs que l’inexécution d’une obligation contractuelle ne figure pas au nombre des raisons d’expulsions prévues à l’article 24 de la loi du 25 novembre 2004 précitée. La carte de résident ou le visa de séjour peuvent être retirés notamment lorsqu’ils ont été obtenus au moyen de fausses déclarations. L’article L.95 du Code du travail malien garantit l’égalité de rémunération à tous les travailleurs en ces termes : « à conditions égales de travail, de qualification professionnelle et de rendement, le salaire est égal pour tous les travailleurs, quels que soient leur origine, leur sexe, leur âge et le statut dans les conditions prévues au présent chapitre ». Le Mali a ratifié la Convention n°100 de l’OIT sur l’égalité de rémunération. Il convient d’ajouter que l’exercice de l’activité salariale par un étranger au Mali est subordonné à une autorisation conformément à la législation du travail. L’accès à l’éducation et le respect de l’identité culturelle sont reconnus à tout étranger remplissant les conditions d’entrée fixées aux articles 8 et suivants de la loi du 25 novembre 2004 ainsi que par la Constitution du Mali. Pour ce qui est du droit des travailleurs migrants de transférer leurs gains, leurs économies et leurs effets personnels dans l’Etat d’origine et de leur droit d’être informés des droits que leur confère la Convention, le rapport indique que la législation malienne ne traite pas des questions prévues aux articles 32 et 33 de la Convention. Cependant, dans la pratique, les dispositions prévues aux articles 32 et 33 sont garanties aux travailleurs migrants. S’agissant enfin des mesures relatives à la bonne organisation du retour des travailleurs migrants et des membres de leur famille dans l’Etat d’origine, à leur réinstallation et à leur réintégration culturelle, le rapport rappelle que le Mali a conclu des accords bilatéraux dans ce domaine notamment avec la France pour des Maliens qui comptent mener des activités dans le pays d’origine. Un programme d’aide au retour est organisé en vue de la réinstallation et de la réintégration de ces migrants dans le pays d’origine.

Examen du rapport

Un membre du Comité a souhaité en savoir davantage sur la procédure permettant de confisquer des pièces d’identité. Cet expert a également souhaité savoir si le Mali a lui-même prévu des facilités en matière de transfert des gains des travailleurs migrants. Existe-il des dispositions interdisant explicitement les expulsions collectives, s’est également enquis cet expert ? Qu’en est-il des mesures prises pour informer les Maliens travaillant à l’étranger ainsi que les travailleurs migrants étrangers au Mali des droits qui leur sont accordés par la Convention ?

S’agissant du droit des travailleurs migrants de former des associations et des syndicats et de leurs droits de prendre part aux affaires publiques, de voter, d’être élus et de jouir des droits politiques, un membre du Comité a relevé que, selon le rapport, « l’exercice de ces droits est garanti par la législation nationale, mais l’étranger doit jouir de ses droits civiques et respecter les conditions visées par la loi n°04-058 du 25 novembre 2004 sur les conditions d’entrée et de séjour au Mali ». Aussi, cet expert s’est-il dit perplexe face au « mais » contenu dans cette phrase. Quelles sont les conditions d’entrée et de séjour que l’étranger doit respecter ? Ce même expert s’est enquis des procédures existantes en matière de regroupement familial.

À la lecture du rapport, on ne parvient pas à se faire une idée des services existants au Mali pour s’occuper des questions relatives à la migration des travailleurs, a par ailleurs relevé l’expert.

Un membre du Comité a souhaité savoir si des procès ont été engagés au Mali contre des personnes ayant commis des délits de traite de personnes.

Quel est le statut de la Convention dans le droit interne malien ; est-elle directement applicable devant les tribunaux, a demandé un expert ? Quelles mesures sont prises pour assurer le respect du Code du travail, s’est-il également enquis ?

La délégation a indiqué que la confiscation de pièces d’identité et autres documents intervient en cas de faux avéré, suite à un contrôle de routine.

Dans la pratique, il n’a jamais encore été procédé, au Mali, à la moindre expulsion collective, a fait valoir la délégation. À cet égard, il convient de souligner que le Mali est considéré comme un pays hospitalier, un pays d’accueil. Le pays a insisté dans sa Constitution sur son attachement à la réalisation de l’Unité africaine ; dans ces conditions, il serait très difficile au Mali de procéder à des expulsions collectives. En tout cas, aucune disposition législative ne permet de telles expulsions, a insisté la délégation.

Pour ce qui est des conditions de refoulement des étrangers, la délégation a précisé que le refoulement peut intervenir en cas de séjour irrégulier de la personne ; en cas d’insuffisance des ressources que le travailleur migrant peut présenter aux frontières ; en cas d’incapacité de la personne de justifier sa présence sur le territoire ; et dans le cas où une personne a fait l’objet d’une interdiction de séjour à la suite d’un jugement. Une expulsion du territoire est prononcée par arrêté du Ministère de la sécurité intérieure contre un migrant ayant commis une infraction et ayant fait l’objet d’une décision de justice portant interdiction de séjour, a précisé la délégation.

S’agissant de la question du transfert des gains des migrants étrangers travaillant au Mali, la délégation a fait part de l’existence de conventions entre le Gouvernement malien et certains investisseurs, notamment dans le secteur minier ; les transferts se font alors par le biais de la Banque centrale de l’Afrique de l’Ouest (BCAO).

Bon an, mal an, la diaspora malienne vivant en France injecte au Mali 120 milliards de francs CFA, a indiqué la délégation.

Aucune mesure n’a encore été prise à ce jour pour informer les Maliens de l’extérieur et les travailleurs migrants au Mali des droits qui leur sont reconnus par la Convention, a par ailleurs admis la délégation, tout en rappelant que la ratification de cet instrument par le Mali reste récente.

On estime à environ 4 millions le nombre de Maliens se trouvant à l’extérieur du pays, dont l’écrasante majorité (plus des trois quarts) se trouvent en Afrique, a indiqué la délégation. La population malienne vivant à l’étranger n’a jamais fait l’objet d’un recensement exhaustif ; aussi, les chiffres ici soumis sont-ils ceux transmis par les services consulaires, a-t-elle précisé. La délégation s’est dite dans l’incapacité, à ce stade, de préciser si ces 4 millions de Maliens sont compris ou non dans les 12 millions d’habitants que compte officiellement le Mali.

La délégation a par ailleurs indiqué que la loi du 25 novembre 2004 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers au Mali traite aussi du regroupement familial et définit toutes les mesures administratives en rapport avec ce type de regroupement.

En ce qui concerne la polygamie, acceptée au Mali, la délégation a souligné qu’il est difficile pour les autorités maliennes à Paris, par exemple, de trouver une solution aux situations où un ressortissant malien vivant en France a plusieurs femmes et où une seule d’entre elles peut jouir de ses droits au titre du regroupement familial. C’est une question qui revient régulièrement dans les consultations entre le Mali et la France, a indiqué la délégation.

Faisant référence aux faits qui se sont produits récemment, en particulier, dans les enclaves de Ceuta et de Melilla, la délégation a rappelé que les exactions de ces derniers mois ont été condamnées au plus haut niveau par les autorités maliennes. Mais ce phénomène migratoire dépasse le Mali ; en outre, ni le Sud ni le Nord n’ont de solution face à ce problème, a déclaré la délégation. Sur le plan politique, l’Union africaine s’est saisie de cette question. Une réunion spéciale Union européenne/Union africaine sur cette question est programmée pour cet automne, à Bruxelles, a indiqué la délégation. En outre, le Mali n’a de cesse d’attirer l’attention sur l’impact que pourraient avoir, à cet égard, les résultats d’un certain nombre de négociations au sein de l’Organisation mondiale du commerce, si les jeunes Maliens en arrivaient à penser qu’ils n’ont résolument plus d’avenir dans leur propre pays.

Le phénomène de la traite des enfants existe bel et bien au Mali, a reconnu la délégation. Ce phénomène est préoccupant à double titre, a-t-elle ajouté : d’une part, en raison du nombre très élevé d’enfants concernés et, d’autre part, en raison de son impact sur le développement de l’enfant et du pays. La délégation a souligné que l’élimination de la traite des enfants ne peut se faire du jour au lendemain car ce phénomène est l’un des nombreux aspects du sous-développement. Il n’existe pas de statistiques fiables sur le double phénomène du trafic et du travail des enfants, a poursuivi la délégation. Elle a souligné que le Gouvernement malien a mis en place, en coopération avec l’Organisation internationale du travail, un programme national de lutte contre le travail des enfants.

Selon la Constitution malienne, les conventions et traités ratifiés par le Mali ont une valeur juridique supérieure à la loi nationale. Tout Malien – et par extension tout travailleur migrant – peut donc se prévaloir des instruments internationaux ainsi ratifiés. Mais dans la pratique, les dispositions de ces instruments doivent être transposées dans des textes nationaux.

En conclusion de cette journée de dialogue, le Président du Comité, M. Prasad Kariyawasam, a souligné que traditionnellement, le Mali a toujours été un carrefour de migrations. Il a pris note des bonnes mesures prises par ce pays afin d’appliquer la Convention. Il est clair que le Mali s’est doté d’un cadre constitutionnel convenable pour la protection des travailleurs migrants et la mise en œuvre de la Convention, a déclaré M. Kariyawasam. Il faut maintenant espérer que cela va déboucher sur une approche fondée sur les droits, a-t-il poursuivi. Si le cadre institutionnel est bon, il faut maintenant agir sur la mise en œuvre, a-t-il déclaré. Il faut espérer que le Mali s’efforcera de recueillir et de fournir des statistiques, a-t-il ajouté ; à cet égard, il conviendrait pour le Comité d’encourager la fourniture d’une coopération technique au Mali. De nombreux pays où résident des travailleurs migrants maliens n’ont pas encore ratifié la Convention, a par ailleurs relevé M. Kariyawasam ; aussi, le Comité devrait-il encourager les pays qui accueillent des travailleurs migrants maliens à ratifier la Convention, afin d’aider le Gouvernement malien à pleinement appliquer cet instrument.

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