Aller au contenu principal

LA CONFÉRENCE DU DÉSARMEMENT SE PENCHE SUR SES RÉALISATIONS À L'OCCASION DE SA MILLIÈME SÉANCE

Compte rendu de séance
Elle adresse ses condoléances au peuple et au Gouvernement de la Pologne suite à l'effondrement du toit d'un hall d'exposition de Chorzow

La Conférence du désarmement, qui tenait ce matin sa millième séance, a entendu des déclarations de la Suisse, de l'Italie, de la Norvège, de la Fédération de Russie, de la Chine, des Pays-Bas, de la Colombie, de la Suède et de l'Ukraine. Le Secrétaire général de la Conférence du désarmement et Représentant personnel du Secrétaire général, M. Sergei Ordzhonikidze, a également pris la parole, ainsi que le Président, le Polonais Zdzislaw Rapacki.

La plupart des intervenants ont dressé un bilan des réalisations de la Conférence. En 27 ans d'existence, seuls deux traités sont à porter à son crédit, à savoir la Convention sur les armes chimiques et le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires, ont souligné plusieurs orateurs; et encore, le second n'est-il toujours pas entré en vigueur. Face à l'impasse dans laquelle se trouve la Conférence, qui depuis plusieurs années ne parvient pas à se mettre d'accord sur un programme de travail, ses membres ont été appelés à faire preuve de créativité et d'imagination.

La Fédération de Russie a attiré l'attention sur une initiative russe très récente en vue de la création d'une infrastructure mondiale pour l'enrichissement de l'uranium et le retraitement du combustible nucléaire usé qui assurerait à tous les pays intéressés l'égalité d'accès aux avantages de l'utilisation pacifique de l'énergie nucléaire en stricte conformité avec toutes les normes du régime de non-prolifération nucléaire.

En début de séance, l'Ambassadeur In-Kook Park de la République de Corée, en tant que prochain Président de la conférence et au nom de la Conférence, a présenté ses condoléances au peuple et au Gouvernement de la Pologne suite à l'effondrement, samedi dernier, du toit d'un hall d'exposition à Chorzow (Pologne), au cours duquel 62 personnes ont péri et 160 autres ont été blessées, plusieurs étrangers figurant parmi les victimes.
Le Président de la Conférence, le Polonais Zdzislaw Rapacki, a dit partager sa tristesse avec les pays dont des ressortissants ont été victimes de cet accident. Les intervenants de ce matin ont tous adressé leurs condoléances à la Pologne.


La prochaine séance plénière de la Conférence se tiendra jeudi 2 février, à 10 heures.


Aperçu des déclarations

Tout en se défendant de vouloir attribuer un caractère de célébration à la séance d'aujourd'hui, M. ZDZISLAW RAPACKI, Président de la Conférence, a souligné qu'il s'agissait de la millième séance de la Conférence. Souhaitant profiter de cette occasion pour se pencher sur les réalisations de cette instance et tirer des leçons, il a fait observer que depuis la première session spéciale de l'Assemblée générale sur le désarmement, seuls deux traités ont été négociés dans cette salle, à savoir la Convention sur les armes chimiques et le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires, dont l'un seulement est à ce jour en vigueur. Des organes subsidiaires dotés de mandat de négociation ont travaillé ici pendant plusieurs années sans effets visibles, a poursuivi M. Rapacki, rappelant toutefois que le Comité spécial sur les armes chimiques, qui avait un mandat de discussion, avait par la suite mené à des négociations fructueuses au sujet de la Convention sur les armes chimiques. Il ne faudrait pas juger des réalisations de la Conférence à l'aune du nombre ou du fonctionnement de ses organes subsidiaires, a poursuivi M. Rapacki. En effet, des négociations se déroulent dans cette salle à tout moment, avec ou sans organe subsidiaire, avec ou sans programme de travail. Le chaînon manquant, aujourd'hui, c'est le manque de la prétendue volonté politique ou, plus précisément, les différences de perception entre les nations s'agissant des menaces actuelles pesant sur la sécurité, a déclaré le Président de la Conférence. C'est sur cela que nous devons nous concentrer, a-t-il ajouté.

Rappelant qu'en 1996 la Conférence était parvenue, sans programme de travail, à rétablir le comité spécial sur l'interdiction des essais nucléaires, M. Rapacki a souligné qu'un travail de fond peut avoir lieu - s'il existe un consensus pour cela - même lorsque persistent des problèmes de procédure. Pour autant, reconnaissant qu'il pourrait être nécessaire de rechercher des moyens d'améliorer les méthodes de travail de la Conférence, il a indiqué que c'est précisément la raison pour laquelle les six présidents de la session de 2006 de la Conférence ont entrepris de consulter les délégations sur cette question. Ce dont nous avons réellement besoin, a poursuivi le Président de la Conférence, c'est de créativité; aussi, a-t-il appelé toutes les délégations à insuffler de la substance et du fond à cette instance.

Les années récentes nous ont apporté de nouveaux défis, a souligné M. Rapacki, attirant l'attention sur les préoccupations croissantes nourries à l'égard des armes de destruction massive ou encore sur les tentatives menées afin de répondre aux défis posés par les armes conventionnelles, en particulier les petites armes et les mines antipersonnel. Or, à l'exception du Traité d'interdiction des mines antipersonnel, aucun nouvel instrument juridiquement contraignant n'apparaît dans ces domaines, a-t-il fait observer. Les années récentes ont aussi montré que la communauté du désarmement devrait accorder davantage d'attention aux questions de l'universalisation des traités de contrôle des armements et de désarmement et de vérification effective desdits traités. La Conférence ne devrait pas ignorer ses dilemmes modernes et nous devrions appréhender cette instance comme un outil permettant de traiter les véritables défis de notre monde, a conclu M. Rapacki.

M. JÜRG STREULI (Suisse) a rappelé, en tant que représentant du pays hôte, que la Conférence du désarmement tient aujourd'hui sa millième réunion. Il a souligné qu'il n'y a pas de raison de fêter cet anniversaire étant donné «le piteux état dans lequel se trouve l'état des travaux» au sien de la Conférence. Certains reprochent à la Conférence, en tant qu'institution, en tant que structure, l'immobilisme des années passées et l'en rendent responsable. La Suisse ne partage pas cet avis. La Conférence est une institution qui fonctionne. Le mal réside dans l'absence de volonté politique des États à entamer de nouvelles négociations. Une modification des structures n'y changerait rien, a souligné M. Streuli, qui a fait remarquer que des négociations sur le désarmement nucléaire sans participation des États nucléaires ne seraient qu'un exercice futile.

Le désarmement est un processus de longue haleine qui touche les intérêts sécuritaires fondamentaux des États, a rappelé le représentant suisse. Malgré un sentiment de frustration, les membres de la Conférence doivent «accepter cette traversée du désert et reconnaître que le déséquilibre dans la constellation actuelle des forces rend une solution rapide très difficile». Ce qui ne signifie pas qu'il faille renoncer à faire tous les efforts pour parvenir à une percée: de l'avis de la délégation suisse, les meilleures perspectives de parvenir à une percée sont dans la reprise à brève échéance des négociations sur un traité sur l'arrêt de la production de matières fissiles, et ceci sans conditions préalables, étant entendu que la vérification figure parmi les sujets de négociation. Entre-temps, la Suisse appuie sans réserves la proposition faite par les Présidents de cette année de mener à bien un dialogue thématique structuré avec une planification annuelle.

M. Streuli a rappelé que la Conférence du désarmement n'a pas produit de nouvelle convention depuis bientôt 10 ans. «Il faut que cela change», a-t-il estimé. «Il faut espérer que l'esprit de paix, l'esprit de Genève comme nous nous plaisons à l'appeler, nous guidera et nous permettra de sortir notre conférence de l'ornière».

M. CARLO TREZZA (Italie), prenant note du fait que la Conférence tient aujourd'hui sa millième séance, il a estimé qu'il ne faudrait pas, à cette occasion, s'«autoflageller» et que l'on peut être fier des résultats tangibles que cette instance a enregistrés, en particulier en négociant le Traité de non-prolifération nucléaire (TNP), la Convention sur les armes biologiques, la Convention sur les armes chimiques et le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires. Certes, ces dernières années ne se sont pas avérées productives puisque nous ne sommes pas parvenus à atteindre un consensus sur nos priorités, a admis M. Trezza; mais nous devons poursuivre nos efforts, a-t-il insisté. Indiquant avoir lu avec intérêt le message adressé par le Secrétaire général des Nations Unies à l'occasion de l'ouverture de la session de 2006 de la Conférence, mardi dernier, M. Trezza a affirmé que les propos du Secrétaire général confirment que les difficultés auxquelles la Conférence est confrontée ne sont pas propres à la Conférence et reflètent un malaise plus large. En outre, le fait que nous soyons parvenus, l'an dernier, à tenir des débats de fond sur les questions inscrites à l'ordre du jour et sur d'autres questions pertinentes est en soi un signe de vitalité, a déclaré M. Trezza.

M. Trezza a indiqué que son pays attendait un débat basé sur l'ordre du jour de la Conférence, afin d'identifier les questions qui pourraient constituer les points d'un futur programme de travail. À cet égard, il a appelé les délégations à ne pas exprimer simplement leurs positions nationales mais à prendre aussi en compte les priorités des autres. Une synthèse finale devra être faite par la présidence de la Conférence, a-t-il ajouté. Il a enfin demandé au Président actuel de la Conférence et à ses successeurs d'établir un calendrier pour le travail de cette instance durant l'année à venir, les délégations devant en effet se préparer à l'avance sur les questions qui seront discutées.

M. KJETIL PAULSEN (Norvège) a déclaré qu'il y avait peu de motifs de célébrer cette millième séance de la Conférence. Certes, la Conférence a produit deux traités de contrôle des armements durant la période 1990-1996, à savoir la Convention sur les armes chimiques et le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires, a-t-il admis; mais le second n'est toujours pas entré en vigueur et rien d'autre, en 27 ans d'histoire, n'a été produit par la Conférence du désarmement. De plus, la quasi-totalité des instruments de contrôle des armements qui existent a été négociée avant que ne soit établie la Conférence sous sa forme actuelle ou en dehors de cette instance. Aussi, convient-il de rappeler en cette millième séance de la Conférence du désarmement que la Conférence est un moyen et non pas un objectif et que, parfois, le moyen peut obscurcir l'objectif. Ainsi, a-t-il été répété au sein de la Conférence que le moment est venu de négocier un traité d'interdiction de la production future de matières fissiles (FMCT); or, je ne suis pas certain que tel soit le cas, a poursuivi M. Paulsen. Mais tant que la question sera traitée au sein de la Conférence, il ne sera pas possible de savoir si le moment est venu parce que toutes les questions restent otages les unes des autres. Aussi, M. Paulsen a-t-il suggéré que, si le moment est venu de négocier un traité sur les matières fissiles, alors les États dotés d'armes nucléaires se réunissent avec les principaux consommateurs de matière fissile à des fins pacifiques - loin de la Conférence - et envisagent des négociations. Alors, nous pourrons voir si le moment est venu, a déclaré M. Paulsen.

M. VALÉRY LOSHCHININ (Fédération de Russie) a rappelé que, tout au long de son existence, la Conférence du désarmement a fait d'importantes contributions à la cause de la paix internationale, de la sécurité et du désarmement. Elle demeure une instance internationale unique de référence. M. Loshchinin a salué les initiatives à même de rapprocher la Conférence d'un programme de travail. À cet égard, il a attiré l'attention sur l'importante initiative présentée le 25 janvier 2006 par le Président Vladimir Poutine, qui vise à renforcer la coopération internationale dans le domaine des utilisations pacifiques de l'énergie atomique dans le cadre des efforts pour garantir la sécurité énergétique au niveau mondial. L'aspect principal de l'initiative russe est la création, à titre d'essai, d'une infrastructure mondiale qui assurerait à tous les pays intéressés l'égalité d'accès aux avantages de l'utilisation pacifique de l'énergie nucléaire en stricte conformité avec toutes les normes du régime de non-prolifération nucléaire. L'élément principal d'une telle infrastructure consiste à établir des centres internationaux fournissant des services de traitement des combustibles nucléaires, notamment l'enrichissement de l'uranium et le retraitement du combustible nucléaire usé. Ces centres fonctionneraient sur une base non discriminatoire et sous le contrôle de l'Agence internationale de l'énergie atomique.

Une des questions centrales s'agissant de développement de la production d'énergie nucléaire dans le monde concerne les technologies d'enrichissement de l'uranium et du retraitement chimique du combustible nucléaire, a rappelé le représentant russe. Il n'est un secret pour personne que ces technologies peuvent également être appliquées pour produire des matériaux pour les armes nucléaires. Les limitations imposées actuellement à leur transfert ne permettent pas de résoudre tous les problèmes. Il semble que des incitations économiques soient nécessaires pour que les pays qui développent l'énergie nucléaire en arrivent à la conclusion que la construction des infrastructures nécessaires par leurs propres moyens n'est pas raisonnable. Les centres internationaux proposés par la Russie devront produire et traiter le combustible nucléaire dans le cadre de conditions commerciales transparentes et raisonnables au bénéfice des pays renonçant au développement de ces installations sensibles et ne souhaitant pas investir dans des industries coûteuses exigeant des mesures renforcées de sécurité et de sûreté. La Russie invite tous les pays intéressés à soutenir une telle approche.

M. SHA ZUKANG (Chine) s'est dit disposé à procéder à un échange de vues avec ses collègues sur les questions de sécurité et de contrôle des armements qui influent sur la paix et la stabilité internationales. La Conférence du désarmement, dont c'est aujourd'hui la millième séance, a contribué de manière significative à la paix et à la sécurité mondiales et il ne saurait être question de remettre en question son importance, a poursuivi M. Sha Zukang. Au fil des ans, a-t-il rappelé, la Conférence et ses prédécesseurs ont négocié et conclu de nombreux et importants traités internationaux de contrôle des armements. Aujourd'hui, a-t-il insisté, le TNP, la Convention sur les armes chimiques et le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires sont devenus l'essence même du système des traités internationaux de contrôle des armements. Il n'en demeure pas moins vrai que cela fait plusieurs années que la Conférence n'est pas en mesure de mener des travaux de fond, a poursuivi M. Sha Zukang. La cause profonde de l'impasse actuelle réside dans la différence de point de vue des États membres s'agissant de la situation actuelle en matière de sécurité, du concept de maintien de la sécurité ou encore des priorités des intérêts sécuritaires de chacun. Ces différences aboutissent à des approches divergentes quant au programme de travail, a précisé M. Sha Zukang. Pour sortir de l'impasse, nous devons élargir notre vision en procédant à une réévaluation du monde dans lequel nous vivons, de notre perception fondamentale de la sécurité et de la relation entre sécurité, contrôle des armements, désarmement et non-prolifération. Dans notre monde actuel, a poursuivi M. Sha Zukang, aucun pays ne peut assurer sa propre sécurité en ne comptant que sur lui-même. Ce n'est que lorsque la sécurité globale et commune de tous sera réalisée que la sécurité individuelle d'un pays sera garantie, a-t-il souligné. La Chine, en ce qui la concerne, est favorable à la sécurité par le biais de la coopération.

En menant ses travaux, la Conférence devrait respecter un certain nombre de principes; elle devrait notamment tenir pleinement compte des résolutions de l'Assemblée générale des Nations Unies et adhérer au multilatéralisme, adaptant ses méthodes de travail à la nécessité d'examiner différentes idées et de maintenir la règle du consensus, a conclu M. Sha Zukang.

M. JOHANNES LANDMAN (Pays-Bas), a jugé particulièrement infructueux le fonctionnement des groupes régionaux en vigueur au sein de la Conférence et au sujet duquel le règlement intérieur reste silencieux. Le rôle central joué par les groupes régionaux semble être davantage une entrave qu'un atout pour le fonctionnement de la Conférence, a-t-il déclaré. Relevant en outre que les organisations non gouvernementales ne sont autorisées à communiquer avec la Conférence que par écrit et par le biais d'une déclaration conjointe lue par le Secrétaire générale une fois par an, M. Landman a déclaré que cela pourrait prêter à rire si ce n'était si triste. Il ne s'agit pas là uniquement de la nécessité de maintenir la diplomatie en phase avec la réalité ; il s'agit aussi de la question de l'expertise, grandement nécessaire, que peuvent apporter grand nombre de professionnels de la société civile. M. Landman a indiqué que lorsqu'il parle avec des collègues de l'impasse actuelle dans laquelle se trouve la Conférence, un certain nombre d'entre eux concèdent que peut-être seule une catastrophe massive dans un avenir proche redonnerait une certaine urgence à la nécessité de se mettre d'accord sur un programme de travail et de se remettre au travail. Bien entendu, personne ne souhaite que cela arrive, a-t-il ajouté. Il a enfin plaidé en faveur de la mise à disposition d'un calendrier d'activités structurant les débats pour l'année 2006, afin que chacun puisse s'organiser et se préparer à l'avance.

MME CLEMENCIA FORERO UCROS (Colombie), tout en relevant que 2005 s'est achevée sans grands résultats et que 2006 commence sans grande raison d'être optimiste – si l'on en juge par les déclarations et positions radicales qui amènent de nouvelles inquiétudes dans le domaine du désarmement -, elle a pris acte de l'initiative d'action coordonnée des six présidents de la session de 2006 ainsi que des initiatives d'intégration d'un groupe des «Amis du Président» et de mise en place d'un calendrier pour la tenue des débats thématiques.

Mme Forero Ucros a tenu à souligner que des faits tels que la possibilité de voir un État non doté d'armes nucléaires faire l'objet d'une attaque ou d'une menace d'attaque de la part un État doté de telles armes de destruction massive renouvellent les inquiétudes quant à l'importance des garanties négatives de sécurité. Elle a en outre rappelé le souhait de son pays de voir aborder certains thèmes, notamment les armes petites et légères (qui, dans le cas de la Colombie, constituent de véritables armes de destruction massive, a-t-elle souligné) et les attaques terroristes contre des infrastructures essentielles à caractère civil (oléoducs, voies de communication…). Pour autant, Mme Forero Ucros a admis que dans les circonstances actuelles qui sont celles de la Conférence, ajouter de tels thèmes pourrait aboutir à un éparpillement des efforts, au détriment du consensus.

Mme Forero Ucros a indiqué que si tous les membres de la Conférence estiment que la manière la plus efficace de sortir de la paralysie actuelle est d'aborder des thèmes additionnels, de traiter chacun des thèmes de l'ordre du jour de manière indépendante ou d'attendre de nouvelles propositions de programme de travail basées seulement sur les questions «mûres», alors la Colombie est en première ligne pour commencer les négociations respectives. D'un autre côté, si les membres de la Conférence estiment que nous devons travailler, sans préjuger des résultats, sur les thèmes de l'ordre du jour que nous avons nouvellement appuyés et que ce qu'il faut absolument, c'est vaincre la méfiance réciproque et le manque de volonté politique, alors nous invitons les membres de la Conférence à relire la proposition des cinq Ambassadeurs.

MME ELISABET BORSIIN BONNIER (Suède) a déclaré qu'en cette millième séance de la Conférence, «nous savons tous de quoi cette instance a été capable», rappelant les textes juridiques internationaux et les mécanismes de contrôle qui y ont été négociés. La primauté du droit reste un principe essentiel non seulement dans les affaires internes mais aussi dans les affaires internationales, a poursuivi Mme Borsiin Bonnier. Le fait que certains puissent violer la loi ne rend pas les lois moins nécessaires, a-t-elle insisté. Elle a par ailleurs fait observer que le débat actuel qui tend à opposer les nouvelles menaces aux anciennes est un faux débat dont l'effet - dans une large mesure - a été qu'aucune de ces deux catégories de menaces n'a été traitée. Faisant référence à l'impasse de la Conférence, elle a souligné que le problème n'est pas le mécanisme lui-même, car l'échec est politique. Il faut parvenir à faire comprendre à ceux qui bloquent tout progrès au sein de la Conférence que l'inertie ne porte pas seulement préjudice à la sécurité commune mais aussi à leur propre sécurité.

La Conférence devrait sans délai entamer des négociations sur un traité d'interdiction de la production de matières fissiles à des fins d'armement, a poursuivi Mme Borsiin Bonnier. Un tel traité constituerait un pas important et irréversible vers le désarmement nucléaire à long terme et réduirait de manière significative le risque de prolifération nucléaire, a-t-elle souligné. Nous savons également que les questions du désarmement nucléaire et des garanties négatives de sécurité sont sur la table, a-t-elle ajouté. Les discussions sur ces deux questions restent des priorités alors que nombreux sont ceux qui sont profondément préoccupés par les indications selon lesquelles certains États dotés de l'arme nucléaire pourraient envisager de développer de nouveaux types d'armes nucléaires et de nouvelles doctrines pour leur utilisation, a précisé Mme Borsiin Bonnier. Enfin, nous savons que la prévention d'une course aux armements dans l'espace est essentielle, a-t-elle ajouté, soulignant toutefois l'ordre du jour de la Conférence est inclusif et qu'il ne limite pas les travaux à ces domaines prioritaires.

M. SERGEI ORDZHONIKIDZE, Secrétaire général de la Conférence du désarmement et Représentant personnel du Secrétaire général des Nations Unies, a déclaré que cette millième séance fournit l'occasion idoine pour évaluer les résultats engrangés par la Conférence et pour réfléchir sur les causes de l'impasse dans laquelle elle se trouve depuis 1999 environ, a déclaré M. Ordzhonikidze. Il a souligné que les priorités de la Conférence sont consignées dans le décalogue à partir duquel il fut convenu que devait être élaboré l'ordre du jour annuel.

Après avoir conclu avec succès les négociations relatives à la Convention sur les armes chimiques et au Traité d'interdiction complète des essais nucléaires, la Conférence a mis ses efforts en sourdine, aboutissant à une impasse, a rappelé M. Ordzhonikidze. Les relations internationales sont devenues plus complexes, plus dangereuses et moins prévisibles qu'auparavant. Le multilatéralisme a peu à peu cédé le pas à la domination d'intérêts nationaux particuliers. En 1998, deux comités ad hoc ont été constitués ; l'un sur les garanties négatives de sécurité et, l'autre, sur l'interdiction de la production de matières fissiles à des fins d'armement. Pour autant, la Conférence n'a pas pu démarrer de négociations ni mener de débat structuré sur de quelconques points inscrits à son ordre du jour. Des efforts intenses visant à sortir de l'impasse n'ont pas entraîné les résultats escomptés. Par conséquent, au lieu de négocier des accords de désarmement multilatéraux, la Conférence s'est efforcée de façonner un consensus sur les priorités actuelles en matière de désarmement, a fait observer M. Ordzhonikidze. Au fil des années, a-t-il rappelé, l'impasse a été imputée à un certain nombre de causes - notamment des divergences de points de vue concernant l'ordre du jour, le règlement intérieur, le processus de prise de décision, le système de groupes, la composition de la Conférence ou encore l'absence de participation de la société civile, pour n'en citer que quelques-unes. L'augmentation du nombre de membres de la Conférence de 23 membres en 1996 et de 5 membres en 1999 n'a pas aidé la Conférence à surmonter ses difficultés. Les États membres ne sont pas parvenus à se mettre d'accord sur la modification d'un ordre du jour élaboré au tout début de l'existence de la Conférence, ni sur la composition des groupes politiques. De plus, la société civile n'utilise pas les mécanismes existants lui permettant de faire connaître ses points de vue et ses informations aux membres de la Conférence, a souligné M. Ordzhonikidze. Dans ce contexte, il ne faut pas perdre de vue que les progrès en matière de désarmement et de non-prolifération nucléaire nous ont échappé, au sein de la Conférence comme dans d'autres contextes. En témoigne le fait que l'on ne soit pas parvenu à s'entendre, lors du Sommet de 2005, ne serait-ce que sur un paragraphe unique traitant de la non-prolifération nucléaire et du désarmement. Les armes de destruction massive constituent un danger extrêmement grave pour nous tous, notamment le risque de les voir tomber entre les mains terroristes, a poursuivi M. Ordzhonikidze. Les progrès en matière de désarmement et de non-prolifération restent essentiels pour notre sécurité collective. Le désarmement pourrait libérer des ressources considérables susceptibles d'être allouées à l'aide au développement, a par ailleurs fait valoir M. Ordzhonikidze.

L'impasse dans laquelle se trouve la Conférence est politique et non pas structurelle ou procédurale, a poursuivi M. Ordzhonikidze. Les débats tenus en 2004 et 2005 afin de remettre la Conférence au travail ont révélé des positions politiques inchangées ; dans de telles circonstances, il semble qu'il sera difficile de s'entendre sur un programme de travail sans qu'il y ait des efforts conjoints fondés sur de nouvelles approches créatives, a-t-il souligné. Aussi, a-t-il appelé tous les membres de la Conférence à faire preuve d'imagination dans leurs approches politiques quant aux questions de fond et non de procédure.

Face à l'impasse, certains ont envisagé la possibilité de suspendre, voire de dissoudre la Conférence, si elle n'était pas en mesure de produire des résultats dans un avenir proche et de constituer une autre instance fondée par exemple sur le concept de «rapprochement des esprits»; d'autres estiment que remplacer la Conférence par un autre mécanisme de négociation ne permettrait pas forcément de résoudre les problèmes auxquels elle se heurte. À cet égard, il convient tout d'abord de souligner que les divergences fondamentales de points de vue sur les priorités concernant le programme de désarmement international et les préoccupations de sécurité spécifiques des États ne disparaîtraient pas pour autant, si la Conférence était dissoute, a fait observer M. Ordzhonikidze. La principale différence entre la Conférence du désarmement et tout organe de négociation fondé sur ce concept de «rapprochement des esprits» c'est que, dans ce dernier cas, l'on exclut certains États qui ne se considèrent pas comme s'inscrivant dans ce rapprochement des esprits mais dont la participation resterait pourtant essentielle pour obtenir un résultat significatif à l'issue des négociations, a-t-il souligné. Il va donc sans dire que certaines questions ne peuvent être réglées qu'à l'aide d'un organe multilatéral de négociations de désarmement, à savoir la Conférence du désarmement, a souligné M. Ordzhonikidze. Parallèlement, la Conférence devrait revoir ses méthodes de travail afin de mieux pouvoir répondre aux menaces et défis de sécurité actuels, a-t-il ajouté. Les progrès peuvent être modestes, mais la Conférence ne peut se permettre de rester inactive. L'édification du consensus est un processus qui peut certes prendre du temps mais peut-être pas autant que cette conférence n'en a pris jusqu'ici, a déclaré M. Ordzhonikidze. la persévérance et la patience doivent être les vertus qui guident la Conférence dans ses efforts futurs, a-t-il conclu.

M. YEVHEN BERSHEDA (Ukraine) a déclaré que 2005 a été une nouvelle année d'impasse pour la Conférence qui n'a pas su entamer ses travaux malgré les inlassables efforts déployés par les présidents successifs de cette instance, a-t-il ensuite rappelé. La Conférence ne saurait demeurer sourde aux attentes légitimes de la communauté internationale, a souligné M. Bersheda. Force est de constater que certains points de notre ordre du jour ont été repris par d'autres enceintes, a-t-il poursuivi. La communauté internationale a-t-elle encore besoin d'une instance multilatérale de négociation inefficace en matière de désarmement? Nous devons réaffirmer notre engagement en faveur du multilatéralisme en tant que principe essentiel des négociations dans le domaine du désarmement et de la non-prolifération, a déclaré M. Bersheda.

L'Ukraine a maintes fois déclaré que le TNP est la pierre angulaire du régime mondial de non-prolifération; aussi, continue-t-elle d'attacher une grande importance à l'universalité de ce traité et à l'universalité de son respect, ainsi qu'au Plan d'action en 13 points. Rappelant que tous les États parties au TNP s'étaient mis d'accord sur des négociations concernant un traité d'interdiction de la production future de matières fissiles destinées à la fabrication d'armes nucléaires et sur la mise en place d'un organe subsidiaire approprié ayant pour mandat de traiter de la question du désarmement nucléaire, il a affirmé que cet engagement devrait ouvrir la voie d'un accord sur un programme de travail à la Conférence. L'Ukraine estime que des garanties négatives de sécurité juridiquement contraignantes venant des États dotés de l'arme nucléaire et destinées aux États qui n'en sont pas dotés et qui sont parties au TNP renforceraient grandement le régime de non-prolifération en éliminant les motifs plausibles de chercher à se doter d'une capacité nucléaire. À cet égard, l'Ukraine soutient l'idée de mettre en place un comité spécial au sein de la Conférence.

Le lancement immédiat des négociations sur un traité d'interdiction de la production future de matières fissiles destinées à la fabrication d'armes nucléaires ou autres dispositifs explosifs nucléaires et le traitement, au sein de mandats appropriés, des questions du désarmement nucléaire et de la prévention d'une course aux armements dans l'espace sont les trois éléments qui constituent aujourd'hui la base pour un accord qui permettrait à la Conférence de commencer son travail. Le trafic illicite et l'accumulation incontrôlée des armes petites et légères restent parmi les principales entraves au développement durable, à la prévention des conflits et à l'instauration de la paix après-conflit, a poursuivi M. Bersheda. Il a en outre indiqué que l'Ukraine a déposé le 27 décembre dernier son instrument de ratification de la Convention d'Ottawa sur l'interdiction des mines antipersonnel. M. Bersheda s'est par ailleurs dit profondément préoccupé par le manque continu de consensus au sein de la Conférence, soulignant que cela pourrait engendrer une érosion des instruments multilatéraux dans les domaines du contrôle des armements et du désarmement - érosion qui, du reste, est déjà entamée, ce qui ne manque pas d'avoir un impact sur la confiance mutuelle entre les États.

* *** *

Les communiqués de presse du Service de l'information sont destinés à l'information; ils ne constituent pas des documents officiels.

DC0604F