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LE COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS TIENT UNE SÉANCE D'AUDITION DES ONG

Compte rendu de séance

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a procédé, cet après-midi, à l'audition de plus d'une dizaine de représentants d'organisations non gouvernementales qui se sont exprimés au sujet des situations qui prévalent, en matière de droits économiques, sociaux et culturels, dans des pays dont les rapports seront examinés au cours de la session, à savoir la Slovénie, l'Autriche et la Bosnie-Herzégovine. Un échange a également eu lieu entre le Comité et les ONG s'agissant du projet de protocole facultatif au Pacte, relatif à l'examen de plaintes.

S'agissant de la situation en Slovénie, l'attention du Comité a été attirée sur la question des personnes dites «effacées» suite à l'indépendance de la Slovénie. À ce jour, un tiers d'entre elles n'a toujours aucun statut officiel. Cette situation a de graves conséquences sur le travail et les droits sociaux pour ces 6000 personnes. Il a été entre autre demandé que toutes les mesures de réparation nécessaires soient prises par les autorités.

Au sujet de l'Autriche, plusieurs représentants d'organisations non gouvernementales sont intervenus pour attirer l'attention du Comité sur les questions ayant trait, entre autres, aux requérants d'asile; au chômage et à la pauvreté; et aux risques associés aux organismes génétiquement modifiés.

S'agissant de la Bosnie-Herzégovine, un intervenant a souligné la difficulté de mise en œuvre des dispositions relatives aux droits économiques, sociaux et culturels en raison de la complexité du système politique de cet État.

En fin de séance, le Comité a tenu un court débat concernant l'opportunité d'une réunion future entre le Comité et la coalition d'organisations non gouvernementales en faveur du protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Le représentant des organisations non gouvernementales a estimé que ce serait un grand pas en avant si ce protocole voyait le jour. Pour cela, il faut maintenant mettre en place une stratégie pour commencer la rédaction.

Les représentants des organisations non gouvernementales suivantes sont intervenus : Amnesty International, Société Kljuc, ProLife, Obfrau Asylkoordination, Arbeitslose-Initiative, FIAN-Autriche, WIDE, Evangelische Entwicklungszammenarbeit, Comité d'Helsinki et Centre pour l'accès libre à l'information, Commission internationale de juristes, Centre on Housing Rights. & Evictions.


Le Comité entamera demain matin, à 10 heures, l'examen du rapport initial de la Slovénie (E/1990/5/Add.62).



Aperçu des déclarations d'organisations non gouvernementales concernant les rapports devant être examinés au cours de la session

Slovénie

Le représentant d'Amnesty International a insisté sur les violations liées au statut non résolu des personnes dites «effacées». En 1992, au lendemain de l'indépendance, 18 305 personnes qui vivaient de manière permanente sur le territoire et qui n'ont pas demandé expressément la nationalité slovène ont été retirées du registre des résidents permanents et transférés au registre des étrangers. Si 12 000 ont finalement réussi à obtenir la nationalité slovène, mais sans avoir reçu de dédommagements, plus de 6000 personnes sont à ce jour encore privées de nationalité. Par conséquent, ces personnes ont perdu leur travail et, faute de papiers, n'ont que des emplois non déclarés, sans sécurité sociale, ni retraite, ni accès aux soins. Les autorités slovènes doivent adopter des mesures pour garantir une pleine réparation et établir une commission d'enquête pour examiner entre autres les conséquences de ces mesures au niveau des droits de l'homme.

La représentante de la Société Kljuc, (Centre pour la lutte contre la traite des êtres humains), a attiré l'attention du Comité sur la diminution de crédits dont bénéficie son organisation pour s'occuper des victimes de la traite, entravant ainsi ses activités et l'obligeant parfois à refuser de l'aide.

Un membre du Comité ayant souhaité en savoir davantage sur les personnes dites «effacées», le représentant d'Amnesty International a expliqué qu'en l'absence de données précises, il n'était pas en mesure d'apporter une réponse concernant le nombre de personnes sans statut qui vivent toujours en Slovénie.


Autriche

La représentante de ProLife a attiré l'attention sur le potentiel de nuisance de la manipulation génétique lorsqu'elle est appliquée à la production alimentaire et à l'agriculture. Elle a souligné que, lorsque des pays voisins cultivent des semences génétiquement modifiées, il n'est plus possible d'opérer librement un choix dans ce domaine ni de se protéger contre les organismes génétiquement modifiés (OGM); nul n'ignore en effet que les abeilles peuvent généralement parcourir une distance quotidienne de 14 kilomètres en transportant du pollen. La libération d'OGM constitue une menace irréversible pour la sécurité alimentaire de la population autrichienne, a insisté la représentante. Aussi, le Comité devrait-il exprimer sa préoccupation face à l'introduction des OGM en Autriche et recommander à son Gouvernement de prendre des mesures pour faire face à cette situation.

Un autre représentant de la même organisation a rappelé que l'agriculture est une culture et qu'une culture exprime la symbiose entre l'homme, les animaux et les plantes. Or, les OGM sont anticulture et détruisent cette symbiose ainsi que les plantes ancestrales, a-t-il souligné. Il a lancé un appel urgent afin que les OGM soient interdits tant au niveau national qu'au niveau international.

Un autre intervenant de la même ONG, s'identifiant comme agriculteur autrichien, s'est fait l'avocat de tous les agriculteurs qui ont perdu leurs moyens de subsistance du fait de la présence d'OGM, parfois transportés par le vent sur leurs terres.

Au nom de la même organisation, une autre personne, rappelant la croyance commune que l'être humain serait l'animal le plus intelligent, a fait observer qu'aucun animal n'empoisonne sa nourriture avant de la consommer. Aussi, a-t-il prié le Comité de prendre une décision dans le bon sens s'agissant des OGM, avant qu'il ne soit trop tard.

Le dernier intervenant de l'organisation ProLife, s'identifiant comme bio-agriculteur, a déclaré qu'il est impossible de produire des aliments sains avec des OGM et a demandé au Comité d'entendre l'appel que lui adressent aujourd'hui les représentants de son organisation.

La représentante de Obfrau Asylkoordination a attiré l'attention du Comité sur la situation des milliers de requérants d'asile étrangers qui ne peuvent être expulsés d'Autriche pour une raison juridique ou autre et qui devraient recevoir, conformément aux dispositions prises en ce sens en mai 2004, une aide de base qui ne leur est pourtant pas encore toujours garantie à ce jour. Les requérants d'asile n'ont que très peu accès au marché du travail et à la formation professionnelle, a-t-elle poursuivi. Souvent, les requérants d'asile doivent attendre plusieurs années - parfois huit ou neuf ans - avant qu'il ne soit définitivement statué sur leur demande, a-t-elle également fait observer. En outre, pour les requérants d'asile mineurs séparés de leurs parents, la question de la garde n'est toujours pas résolue, a relevé la représentante. En ce qui concerne les femmes victimes de la traite, une minorité seulement des victimes de la traite bénéficient de soins adéquats, a-t-elle par ailleurs déploré.

Le représentant de Arbeitslose-Initiative a attiré l'attention sur le problème du chômage en Autriche. Pour les chômeurs de longue durée, toute offre d'emploi est jugée appropriée, de sorte que s'ils la refusent, ils perdent leurs prestations chômage. Une personne au chômage qui n'est pas indemnisée ne bénéficie pas de couverture sociale. Au total, 2% de la population environ, soit près de 160 000 personnes, dont la majorité sans emploi, ne bénéficient d'aucune couverture sociale en Autriche.

La représentante de WIDE a fait observer que, bien que l'Autriche soit l'un des pays les plus riches du monde, 13,2% de sa population vivent en dessous du seuil de pauvreté, les femmes étant à cet égard particulièrement exposées. Les femmes gagnent 40% de moins que les hommes, ce qui place l'Autriche, dans ce domaine, au troisième rang des pays de l'Union européenne obtenant les pires résultats.

Une représentante de Réseau d'information et d'action pour le droit à se nourrir-FIAN (Autriche) a exprimé le souhait que l'Autriche saisisse l'occasion que lui fournit la présidence de l'Union européenne pour intégrer une approche des droits de l'homme dans l'aide au développement au niveau européen. Étant donné la nécessité d'assurer la compatibilité avec les droits de l'homme des politiques promues par les institutions financières internationales, il faudrait améliorer, au sein desdites institutions, les mécanismes de contrôle interne en faveur des droits de l'homme. Le développement rural est essentiel pour la lutte contre la pauvreté et contre la faim dans le monde, a rappelé la représentante de FIAN-Autriche; pourtant, très peu de ressources sont allouées par l'Autriche à des programmes de développement rural à travers le monde. Aussi, serait-il judicieux que le Gouvernement autrichien alloue davantage de ressources à des programmes d'aide au développement destinés à ce secteur.

La représentante de Evangelische Entwicklungszusammenarbeit a indiqué que son organisation coordonne depuis 2003 un réseau autrichien de lutte contre le sida qui s'est jusqu'à présent montré assez critique face au caractère somme toute modeste de la contribution du Gouvernement autrichien à la lutte contre le VIH/sida à travers le monde.

Au cours du bref échange de vues qui s'est noué entre les membres du Comité et les ONG intervenues au sujet de l'Autriche, un expert a souhaité savoir s'il était possible de donner des noms d'entreprises ou de sociétés impliquées dans la propagation d'OGM. Un représentant de ProLife a mentionné une liste de pays impliqués, citant nommément les États-Unis, le Canada, l'Inde, la Chine et l'Espagne, et a renvoyé au secteur agro-industriel, citant plus particulièrement la firme Monsanto. Répondant à une question de ce membre du Comité sur la provenance des victimes, la représentante de Obfrau Asylkoordination a indiqué que la plupart des victimes de la traite en Autriche viennent d'Ukraine, de Géorgie et d'Amérique latine.


Bosnie-Herzégovine

La représentante du Comité d'Helsinki et du Centre pour l'accès libre à l'information a expliqué qu'avec quatorze constitutions en vigueur dans le pays, il était très difficile d'appliquer une quelconque loi. Si la réglementation existe, la mise en œuvre des droits sociaux est défaillante car les ressources nécessaires se trouvent à des échelons locaux, et les «entités» ne peuvent pas garantir leur pleine mise en œuvre. La représentante du Comité d'Helsinki a également rappelé que la guerre a détruit le tissu industriel et le chômage s'est installé. Les gens n'ont alors plus d'assurance maladie, plus de retraite, plus de droits sociaux. Les lois devraient être harmonisées et les besoins de base comme la retraite ou l'assurance maladie gérés au niveau de l'État central, a-t-elle estimé.

Répondant à la question d'un membre du Comité, la représentante a affirmé qu'il il n'y aucun moyen de contraindre un canton à appliquer une loi.




Débat concernant la possibilité d'une réunion entre le Comité et la coalition des organisations non gouvernementales en faveur d'un Protocole facultatif au Pacte

Pour le représentant de la coalition des organisations non gouvernementales qui soutient le projet du protocole facultatif (Commission internationale de juristes, Centre on Housing Rights. & Evictions, le Réseau d'information et d'action pour le droit à se nourrir-FIAN), cet instrument est l'un des éléments les plus importants dans le domaine des droits économiques, sociaux et culturels. Ce serait un grand pas en avant si les personnes victimes de violations pouvaient se plaindre, a-t-il estimé. Pour cela, un mandat de rédaction doit être mis en place car il faudra plusieurs années de rédaction. Ce mandat devrait être aussi exhaustif que possible. Il faut également une approche commune des parties prenantes. Le représentant a fait remarquer que le groupe des pays d'Amérique latine et le groupe africain ont manifesté leur soutien à l'égard de ce protocole. Il faut donc tirer partie de ce mouvement de soutien.

Un membre du Comité a estimé que la prochaine session du Groupe de travail sur le projet de protocole facultatif sera primordiale: soit elle convaincra la Commission des droits de l'homme de lui donner un nouveau mandat, notamment de rédaction du protocole, soit les travaux n'auront pas avancé et les adversaires du protocole pourront alors en tirer parti et dire qu'il faut remettre cela à plus tard, ce qu'il faut absolument éviter, selon lui. Il faut ensuite se mettre d'accord sur ce qui est négociable ou pas, a-t-il déclaré. Parmi les points non négociables : le protocole doit porter sur l'ensemble du Pacte et les communications adressées au Comité doivent pouvoir être individuelles et collectives. Enfin, étant donné que le protocole serait facultatif, il faut également bannir une approche à la carte et interdire les réserves au protocole. D'autres points seraient négociables, en particulier la possibilité d'enquête. L'expert a également estimé qu'il faut dissocier dans les travaux la question de la réforme des procédures des différents Comités de la question du protocole, car même s'il y a une réforme qui abouti un jour à créer un seul organe, cela n'enlèverait en rien la nécessité de disposer d'un protocole facultatif.

Pour un autre membre du Comité, l'élan a été donné, mais il n'est pas suffisant. Il faut une stratégie pour renforcer cet élan, en obtenant davantage d'appuis nationaux et en mobilisant en particulier le groupe asiatique, car si trois groupes régionaux appuient le protocole, les autres suivront, a-t-il estimé.

Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

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