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LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE CONCLUT L'EXAMEN DU RAPPORT DE LA RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO

Compte rendu de séance

Le Comité contre la torture a poursuivi, ce matin, l'examen du rapport initial de la République démocratique du Congo sur les mesures prises par cet État partie pour se conformer aux dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Dirigée par la Ministre des droits humains, Mme Marie-Madeleine Kalala, la délégation de la République démocratique du Congo a répondu aux questions que lui avaient adressées les experts hier après-midi. Elle a notamment reconnu que les prisons du pays sont dans un état de délabrement avancé et a déclaré que la meilleure solution serait de les détruire et d'en reconstruire. La délégation a fourni des compléments d'informations s'agissant, notamment, de la définition et de l'interdiction de la torture; de la coopération avec la Cour pénale internationale; du fonctionnement et de l'indépendance du pouvoir judiciaire; des juridictions militaires et de leur compétence pour juger des civils; de la loi d'amnistie; de la situation des défenseurs des droits de l'homme.

La définition de la torture prévue dans le projet de loi actuellement à l'examen du Parlement reprend mot pour mot celle qui figure à l'article premier de la Convention, a fait valoir la délégation. Elle a par ailleurs reconnu que les magistrats ne se sentent pas suffisamment indépendants, soulignant qu'une proposition de loi concernant le statut des magistrats est actuellement à l'examen au Parlement. La délégation a également avoué que, dans certaines provinces, il n'y a pas suffisamment de magistrats pour constituer une cour. Elle a par ailleurs indiqué que le système judiciaire militaire a été révisé et ne prévoit la comparution des civils devant les juridictions militaires que dans des cas précis fixés par la loi.

D'ici la fin de la session, vendredi prochain 25 novembre 2005, le Comité adoptera l'ensemble de ses conclusions et recommandations concernant les rapports des pays qu'il a examinés au cours de ces trois semaines.

Réponses aux questions des membres du Comité

Fournissant des renseignements complémentaires suite aux questions posées hier par les membres du Comité, la délégation de la République démocratique du Congo a notamment réitéré que la Constitution stipule clairement que nul ne peut être soumis à la torture ou à des traitements cruels, inhumains ou dégradants.

La délégation a précisé que la définition de la torture prévue dans le projet de loi actuellement à l'examen par le Parlement reprend mot pour mot celle qui figure à l'article premier de la Convention contre la torture, ajoutant que l'acte incriminé peut également être le fait d'une personne n'agissant pas en qualité d'agent public.

La délégation a assuré que, sans prétendre que la torture n'existe pas en République démocratique du Congo, lorsque de tels actes sont portés à la connaissance des autorités, des sanctions sont exigées. La République démocratique du Congo est un pays laminé et en reconstruction, a-t-elle rappelé. Elle a précisé que le Ministère des droits humains n'existe que depuis cinq ans; son administration fonctionne dans l'ouest du pays et il est en train de mettre une administration en place dans les territoires de l'est, jadis occupés par l'ex-rébellion.

En ce qui concerne la coopération de la République démocratique du Congo avec la Cour pénale internationale, la délégation a assuré qu'elle est très bonne, soulignant en particulier que les collaborateurs du Procureur de cette cour se rendent dans le pays quand ils le souhaitent et que le Président de la République a renvoyé les dossiers concernés devant le Procureur de la Cour pénale internationale. En outre, a poursuivi la délégation, le Gouvernement a transmis pour examen au Parlement le projet de loi portant mise en œuvre du Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

La délégation a par ailleurs déclaré que le pouvoir judiciaire est indépendant et autonome, de par la Constitution elle-même. Concrètement, il est vrai que les magistrats ne se sentent pas suffisamment indépendants; c'est pourquoi une proposition de loi est actuellement soumise au Parlement pour adoption, a indiqué la délégation. Cette proposition, qui concerne le statut des magistrats, est à l'examen de la Commission socioculturelle du Parlement, a-t-elle précisé. Les magistrats, c'est vrai, sont affaiblis du fait de leurs conditions de travail, qui ne sont pas bonnes; mais des efforts sont faits afin d'améliorer leurs conditions de vie, en particulier leurs salaires, a poursuivi la délégation. Elle a rappelé que le recrutement des magistrats se fait sur la base d'un concours ou sur titre lorsque le nombre de candidats ne dépasse pas le nombre de postes à pourvoir. Il est vrai qu'il y a des provinces où le droit ne peut pas être dit parce qu'il n'y a pas suffisamment de magistrats pour constituer une cour, a indiqué la délégation.

Actuellement, le fonctionnement des juridictions militaires est déterminé par deux lois datant de 2002, a rappelé la délégation. La révision du système judiciaire militaire s'est imposée, eu égard aux critiques formulées contre ce système qui voyait une cour d'exception siéger aux premier et second degrés. Avec la transition négociée par l'Accord global sur la transition, il était indispensable que l'on puisse revenir à des mécanismes qui puissent assurer aux justiciables la possibilité d'un véritable double degré de juridiction. Aussi, le nouveau code judiciaire militaire et le nouveau code pénal militaire sont-ils le fruit des différentes critiques formulées s'agissant de la justice militaire congolaise, a insisté la délégation. De nos jours, a-t-elle expliqué, la justice militaire a été restructurée et comporte désormais quatre échelons: dans l'ordre décroissant, il s'agit de la Haute Cour militaire, de la Cour militaire ou Comité opérationnel, des tribunaux militaires de garnison et, enfin, des tribunaux militaires de police. La comparution des civils devant les juridictions militaires constitue une exception qui vient confirmer la règle, a déclaré la délégation. En effet, a-t-elle précisé, les civils ne peuvent comparaître devant une juridiction militaire que dans quatre cas: lorsqu'un civil incite, engage ou provoque un militaire à commettre un acte contraire à la discipline militaire; lorsqu'un civil porte atteinte à un bien ou à l'honneur de l'armée; lorsqu'un civil commet une infraction dans un domaine ou des installations militaires; et enfin, dans le contexte d'un civil qui accompagne l'armée dans une opération (chauffeurs, mécaniciens, journalistes). Dans ces quatre cas de figure où il peut devenir justiciable devant une juridiction militaire, le civil peut prendre un avocat de son choix et, s'il est condamné, peut faire appel de la sentence.

Le nouveau code militaire interdit de recruter des jeunes gens de moins de 18 ans et les tribunaux militaires ne peuvent pas juger des jeunes qui n'ont pas atteint cet âge, a par ailleurs indiqué la délégation. Il existe une étroite collaboration entre la justice militaire et la justice civile, a-t-elle ajouté. La délégation a précisé que le principe veut qu'en cas d'affaire impliquant un militaire et un civil, ce soit la juridiction civile qui traite l'affaire, à moins que ne soit décidée la disjonction de la cour, qui consiste à renvoyer le civil devant la juridiction civile et le militaire devant la juridiction militaire.

En ce qui concerne la loi d'amnistie et son éventuelle incidence sur l'impunité, la délégation a rappelé que le décret-loi d'amnistie porte essentiellement sur les faits de guerre ainsi que sur les infractions politiques et d'opinion commis à une certaine période. Ce décret d'amnistie a été négocié et tendait plutôt à protéger les personnalités politiques qui avaient fait partie de l'ex-rébellion, afin de ramener tout le monde à Kinshasa, a rappelé la délégation. Cette loi s'applique aux crimes commis durant la période considérée, à l'exception des crimes de guerre, des crimes de génocide et des crimes contre l'humanité - au nombre desquels figure la torture, a souligné la délégation.

En ce qui concerne la situation des défenseurs des droits de l'homme, la délégation a indiqué que les présumés auteurs de l'assassinat d'un défenseur des droits de l'homme se trouvent actuellement entre les mains de l'auditorat militaire de Bukavu; l'instruction militaire est en cours et est suivie de près par le Ministère des droits humains. Il n'existe pas, actuellement, de loi ni de projet de loi qui viserait la protection des défenseurs des droits de l'homme, a précisé la délégation.

«Nos prisons sont dans un état de délabrement avancé» et «la meilleure chose qu'il y aurait à faire serait de les détruire et d'en reconstruire», a déclaré la Ministre des droits humains de la République démocratique du Congo, rappelant qu'elle effectue de nombreuses visites dans les prisons du pays. Les femmes ne sont pas détenues avec les hommes et, s'il arrive que cette séparation ne soit pas respectée, des dispositions sont prises pour remédier à la situation, a par ailleurs assuré la délégation. Actuellement, les grandes prisons sont engorgées car les prisons militaires n'existent plus, a-t-elle ajouté.

Interrogée sur la situation s'agissant des centres de détention qui échappent au contrôle du Ministère public, la délégation a souligné que ces centres sont interdits. «Il est possible qu'il y en ait qui nous échappent», a admis la délégation, rappelant que des cachots souterrains avaient existé dans l'est du pays. Les mesures prises concernant l'est du pays le sont essentiellement sur la base des rapports présentés par les organisations non gouvernementales, a rappelé la délégation; en effet, comme cela a déjà été dit, l'administration du Ministère des droits humains est en train de se mettre en place dans cette région. La délégation a souligné que les organisations non gouvernementales ne transmettent quasiment plus d'informations faisant état de l'existence de tels cachots. Il est vrai qu'il y a eu à Kinshasa des cachots auxquels on n'avait pas accès, mais cette situation est en voie de règlement, a assuré la délégation.

La délégation a souligné qu'actuellement, les condamnations à la peine capitale ne sont pas exécutées en République démocratique du Congo, ce qui témoigne incontestablement d'une volonté d'abolition de cette peine, même s'il est vrai que la majorité de la population reste favorable à la peine de mort en raison, en particulier, de la situation d'insécurité.

Le Code de l'enfant est en voie de finalisation, a par ailleurs indiqué la délégation. Il doit être soumis à l'appréciation de la commission de réforme du droit congolais avant d'être transmis à la commission des lois du Parlement, a-t-elle précisé.

Revenant sur la question de la justice militaire, le rapporteur du Comité chargé de l'examen du rapport de la République démocratique du Congo, M. Guibril Camara, a souligné que le Comité est «allergique», en quelque sorte, à la justice militaire, à l'égard de laquelle il nourrit une méfiance, en particulier lorsqu'il est question de compétence des juridictions militaires sur des civils. La compétence des juridictions militaires doit se limiter aux seules infractions militaires commises par des militaires, a rappelé M. Camara.


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