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LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE ACHÈVE L'EXAMEN DU RAPPORT DE LA BOSNIE-HERZÉGOVINE

Compte rendu de séance

Le Comité contre la torture a poursuivi, cet après-midi, l'examen du rapport initial de la Bosnie-Herzégovine sur les mesures prises par cet État partie pour se conformer aux dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Le Comité adoptera ultérieurement ses conclusions et recommandations concernant la Bosnie-Herzégovine, qu'il rendra publiques au cours de la dernière semaine de la session.

Cet après-midi, il a entendu la délégation de Bosnie-Herzégovine, dirigée par M. Slobodan Nagradic, Vice-Ministre des droits de l'homme et des réfugiés de la Bosnie-Herzégovine, qui a répondu aux questions posées hier matin par les experts.

La délégation a notamment fait valoir les progrès rapides qui ont été accomplis en matière de poursuites judiciaires engagées contre les personnes qui se sont rendues responsables de crimes de guerre. Elle a en outre fourni des compléments d'information en ce qui concerne, notamment, l'indépendance de la justice; les sanctions prévues dans les cas de violence sexuelle; la traite de personnes; le statut de victime de la torture; les conditions carcérales; et la question du groupe dit des «Algériens», en référence à six personnes, dont quatre ressortissants de Bosnie-Herzégovine, soupçonnées de participation à la planification d'un acte terroriste international et qui avaient été livrées au contingent de l'armée des États-Unis en Bosnie-Herzégovine avant d'être transférées sur la base de Guantanamo.

Le Comité entamera demain matin l'examen du deuxième rapport périodique de Sri Lanka (CAT/C/48/Add.2).


Réponses de la délégation de Bosnie-Herzégovine

Répondant aux questions posées hier par les membres du Comité, la délégation de la Bosnie-Herzégovine a notamment affirmé, s'agissant des crimes de guerre, que des progrès rapides ont été accomplis en matière de poursuites judiciaires engagées contre les personnes qui se sont rendues responsables de tels crimes. Au Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie s'ajoute, au sein des instances judiciaires de Bosnie-Herzégovine, une instance spécifiquement consacrée aux crimes de guerre, a précisé la délégation. La ville de Srebrenica a été touchée par des crimes massifs et certaines condamnations ont déjà été prononcées à l'encontre d'auteurs de ces crimes, a-t-elle par ailleurs rappelé. Pour sa part, la République Srpska a créé, pour le traitement de ces crimes, un comité dont le mandat a été prorogé.

Ce n'est un secret pour personne que les préjugés ethniques existent en Bosnie-Herzégovine, a poursuivi la délégation; ils existaient par le passé et persistent aujourd'hui, même si c'est avec moins d'intensité. Aujourd'hui, néanmoins, les tribunaux comportent des membres des trois grands groupes qui composent la population de Bosnie-Herzégovine, a fait valoir la délégation.

Il y a de moins en moins de résistance de la part des différentes entités composant la Bosnie-Herzégovine à honorer les engagements internationaux auxquels l'État a souscrit, a par ailleurs assuré la délégation. Un nombre sans cesse croissant de lois-cadres ont été adoptées dans le pays pour prescrire des normes auxquelles les diverses entités doivent se conformer, a-t-elle ajouté.

En ce qui concerne la possibilité de voir la Bosnie-Herzégovine ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention, (qui porte sur des visites préventives des lieux de détention), la délégation a souligné que les autorités connaissent bien la teneur de ce nouvel instrument; elle a néanmoins indiqué ne pas avoir de réponse concrète à fournir à ce sujet.

En ce qui concerne les mesures prises par la Bosnie-Herzégovine au sujet du groupe dit des «Algériens», la délégation a rappelé que toute cette affaire s'est déroulée à une époque où était encore en vigueur en Bosnie-Herzégovine l'ancienne législation pénale, laquelle a été modifiée depuis. La délégation a rappelé qu'en 2001, six personnes ont été détenues sur décision de la Cour suprême parce qu'elles étaient soupçonnées de participation à la planification d'un acte de terrorisme international (planification d'attaques contre des ambassades occidentales à Sarajevo). La durée de leur détention arrivant à échéance le 17 janvier 2002, le Juge nommé par la Cour suprême de la Fédération décida à cette date de ne pas poursuivre leur détention, ces personnes devant donc en principe être libérées. Elles furent néanmoins placées sous contrôle du Ministère de l'intérieur de la Fédération et maintenues en détention. Or, le lendemain, 18 janvier, suite à une note de l'Ambassade des États-Unis à Sarajevo qui demandait que ces personnes soient placées sous contrôle de l'armée des États-Unis, elles furent remises au contingent américain en Bosnie-Herzégovine qui les ont transférées sur la base de Guantanamo. Les membres des familles de ces personnes ont entamé des procédures judiciaires en Bosnie-Herzégovine et la Chambre des droits de l'homme avait adopté une mesure transitoire demandant à la Bosnie-Herzégovine de prendre toutes les mesures nécessaires pour que ces personnes ne soient pas transférées aux forces armées des États-Unis, mais les autorités compétentes de Bosnie-Herzégovine n'ont pas reçu cette requête dans les délais, de sorte que cette décision n'a pas pu être mise en œuvre. Quatre des six personnes - celles qui avaient la citoyenneté de Bosnie-Herzégovine - ont fini par recevoir la visite de représentants des autorités de Bosnie-Herzégovine, cette visite ayant fait l'objet d'un rapport.

Cette année, la Bosnie-Herzégovine a présenté aux autorités des États-Unis une demande de libération de ces personnes; mais Mme Condoleezza Rice a répondu en affirmant que les conditions n'étaient pas encore réunies pour permettre leur libération. Entre temps, a poursuivi la délégation, la législation pénale a été modifiée et l'instruction de ce dossier ne relève plus des tribunaux mais du parquet. Ce dernier a pris en août 2004 la décision de ne pas mener d'instruction ou d'enquête au sujet de ces personnes. En ce qui concerne les quatre citoyens bosniaques, il n'y a plus d'action judiciaire à leur encontre en Bosnie-Herzégovine. Les poursuites pénales persistent contre les deux autres, qui ne sont pas des citoyens de Bosnie-Herzégovine, a précisé la délégation.

S'agissant de l'indépendance de la justice, la délégation a assuré que les juges et les procureurs sont totalement indépendants dans leur travail; d'ailleurs, aucune plainte de leur part n'indique qu'ils seraient soumis à une quelconque pression.

Certains membres du Comité ayant, hier, souhaité savoir si les victimes de violence sexuelle étaient considérées comme des victimes de torture, la délégation a affirmé qu'au vu des sanctions prévues dans les cas de violence sexuelle, on peut dire que les victimes de ce type de violence sont traitées comme des victimes de torture. Les sanctions prévues, tant au niveau des différentes entités qu'au niveau fédéral, sont extrêmement lourdes, a assuré la délégation.

En ce qui concerne les conditions carcérales, la délégation a souligné que la loi interdit toute forme de traitement cruel, inhumain ou dégradant dans le cadre du comportement des fonctionnaires à l'égard des détenus. Cette interdiction est à la base de la formation dispensée au personnel pénitentiaire, a précisé la délégation. Tous les gardiens de prison suivent une formation de près d'un millier d'heures avant de se soumettre à un examen de passage, a-t-elle fait valoir.

La délégation a par ailleurs indiqué que les femmes purgent leurs peines dans des quartiers de prison distincts, tout comme les mineurs, en règle générale. En revanche, il n'existe pas dans le pays de pavillons distincts, de type quartiers de haute sécurité, qui permettraient de détenir séparément les grands criminels à haut risque, a souligné la délégation, reconnaissant que cela ne manque pas d'exposer les prisonniers à des risques d'abus.

La délégation a reconnu que la Bosnie-Herzégovine est un pays de transit sur la route du flux est-ouest de la traite de personnes, en particulier pour des jeunes filles travaillant dans des bars et autres boîtes de nuit.

La rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de la Bosnie-Herzégovine, Mme Felice Gaer, a estimé que la question de la reconnaissance du statut de victime de torture pour des faits intervenus pendant la guerre mérite d'être clarifiée. Elle a relevé qu'il n'existe pas de loi harmonisée pour les victimes de la torture, la loi actuelle ne concernant que les personnes disparues.

La délégation a indiqué que des préparatifs sont envisagés en 2006 pour l'élaboration d'une loi définissant le statut des victimes et abordant le problème de leur indemnisation. Elle a assuré que la Bosnie-Herzégovine souhaite assurer la protection de tous les êtres humains, quels que soient leur appartenance ethnique, leur âge ou leur sexe, et s'efforce de trouver une solution pour venir en aide à toutes les victimes de la torture.

Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

CAT05023F