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LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE EXAMINE LE RAPPORT DE L'ÉQUATEUR

Compte rendu de séance

Le Comité contre la torture a entamé, ce matin, l'examen du troisième rapport périodique de l'Équateur sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Présentant le rapport de son pays, le Représentant permanent de l'Équateur auprès des Nations Unies à Genève, M. Juan Carlos Faidutti, a notamment attiré l'attention sur un projet de loi organique sur l'exécution des peines, actuellement à l'examen devant le Congrès national. Le représentant a par ailleurs affirmé que le Gouvernement équatorien a beaucoup insisté sur le droit des peuples autochtones à gérer leur propre système judiciaire conformément à leurs propres lois et coutumes; la loi précise que cette manière de gérer leur propre système judiciaire doit être conforme à la Constitution et aux lois en vigueur dans le pays. La législation équatorienne permet la remise en liberté d'une personne non seulement sur décision judiciaire, mais aussi par d'autres moyens constitutionnels tels que l'habeas corpus et le recours en amparo, a poursuivi M. Faidutti. En outre, le nouveau Code de procédure pénale introduit l'institution de «l'amparo de la liberté», à l'intention de toute personne privée de liberté ou qui croit sa liberté menacée par un abus de pouvoir ou une violation de la loi par un juge ou une autorité publique.

M. Eric Roberts, délégué du Procureur général de l'Équateur, a pour sa part rappelé la création de la Police judiciaire, organisme chargé en premier lieu de recevoir les plaintes relevant du pénal avant qu'elles ne soient transmises au Ministère public. S'agissant des mesures législatives, administratives ou autres adoptées en matière de lutte contre le terrorisme, M. Roberts a notamment déclaré que la lutte de la communauté internationale contre le terrorisme doit s'attaquer aux causes et aux origines de ce phénomène.

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Équateur, M. Claudio Grossman, a relevé le Code pénal équatorien ne reprend pas totalement la définition de la torture énoncée à l'article premier de la Convention car il ne traite pas des souffrances mentales et ne concerne que des tortures infligées à des personnes arrêtées ou détenues. M. Grossman a relevé que 70% des personnes détenues en Équateur seraient en détention préventive.

M. Fernando Mariño Menéndez, Président du Comité et co-rapporteur pour l'examen du rapport équatorien, relevé que la crise constitutionnelle que traverse actuellement l'Équateur, associée à une crise économique, pose certains problèmes spécifiques, notamment pour ce qui est de séparer les personnes condamnées de celles placées en détention préventive. Si la loi organique sur l'exécution des peines venait à être adoptée, cela constituerait, pour le secteur pénitentiaire, une importante rationalisation et un grand pas en avant, eu égard notamment au rôle qui serait alors dévolu au juge d'exécution des peines. M. Mariño Menéndez s'est inquiété d'informations selon lesquelles les autorités locales de Quito et de Guayaquil refuseraient l'habeas corpus. Il s'est par ailleurs inquiété de la pratique du renversement de la charge de la preuve dans les cas d'allégations de torture, la charge de la preuve incombant aux plaignants.

Le Comité entendra lundi matin, à 10 heures, les réponses de la délégation équatorienne aux questions soulevées ce matin par les experts.


Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entendra les réponses apportées par la délégation sri-lankaise aux questions qui lui ont été adressées hier matin par les experts.

Présentation du rapport

Présentant le rapport de son pays, M. JUAN CARLOS FAIDUTTI, Représentant permanent de l'Équateur auprès des Nations Unies à Genève, a souligné qu'en tenant compte des caractéristiques géographiques du pays, les autorités équatoriennes ont veillé à ce qu'aucune région du pays ne reste en marge du processus fondamental de sensibilisation aux droits de l'homme. Il a attiré l'attention sur l'existence d'un projet de loi organique sur l'exécution des peines qui se trouve actuellement à l'examen devant le Congrès national. Est notamment prévue la publication de manuels d'éducation aux droits de l'homme dans le contexte carcéral, a indiqué M. Faidutti. Il a par ailleurs fait part de la création de la Commission de coordination publique pour les droits de l'homme, dans laquelle la société civile joue un rôle prépondérant par le biais de groupes de travail ad hoc.

En 1995, a poursuivi M. Faidutti, a été approuvée la loi contre la violence à l'encontre des femmes, qui prévoit notamment le recours en amparo ainsi que des sanctions en cas de violence au foyer, y compris la violence sexuelle. Sans entrer dans une analyse doctrinaire de l'origine de la violence sociale et domestique - laquelle est indubitablement liée à la situation économique et sociale de nombreux pays en développement -, l'État équatorien s'est efforcé de faire en sorte que la législation traite de ce type de violence de manière adéquate, notamment en aggravant les peines encourues par les auteurs de délits sexuels. La législation adoptée a par ailleurs introduit le délit de traite des personnes, ainsi que des délits en rapport avec l'exploitation sexuelle, a précisé M. Faidutti.

En ce qui concerne les questions autochtones, le Gouvernement équatorien a beaucoup insisté sur le droit des peuples autochtones à gérer leur propre système judiciaire conformément à leurs propres lois et coutumes, a par ailleurs indiqué M. Faidutti. La loi précise que cette manière de gérer leur propre système judiciaire doit être conforme à la Constitution et aux lois en vigueur dans le pays.

Le troisième rapport périodique de l'Équateur (CAT/C/39/Add.6) vise notamment à répondre aux préoccupations et recommandations formulées par le Comité en 1993, au cours de l'examen du deuxième rapport périodique. S'agissant de la préoccupation relative aux «nombreuses allégations de torture reçues de diverses organisations non gouvernementales, tortures qui seraient pratiquées dans divers lieux de détention et en prison, en particulier dans les locaux du Bureau d'enquête sur les délits», le rapport indique notamment que le Bureau d'enquête sur les délits n'existe plus et que le ministère public est maintenant chargé d'enquêter sur les délits, aussi bien avant qu'après le procès. S'agissant de l'«existence de fonctionnaires qui ont le pouvoir de juger mais n'appartiennent pas au pouvoir judiciaire et ne présentent pas, de ce fait, de garanties d'indépendance», le rapport souligne que la Constitution en vigueur, adoptée en 1998, a introduit des changements importants en ce qui concerne l'incorporation de juges administratifs qui relèvent du pouvoir exécutif ou du pouvoir judiciaire, notamment des juges militaires, de la police et des enfants, si bien que le jugement des délits dépend uniquement du pouvoir judiciaire.

L'État a pris d'importantes mesures législatives, judiciaires et administratives pour garantir que tout délit de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants fasse l'objet d'une poursuite judiciaire et d'une sanction pénale, poursuit le rapport. Les poursuites et les peines relatives au génocide, à la torture, aux disparitions forcées de personnes, à la séquestration et à l'homicide pour raisons politiques ou d'opinion sont imprescriptibles; ces délits ne peuvent faire l'objet d'aucune grâce ni amnistie. Le fait d'avoir obéi à des ordres venus de supérieurs hiérarchiques ne peut exempter de responsabilité pénale, ajoute le rapport. En vertu de la Constitution, toute personne a, dès son arrestation, le droit de connaître de manière précise les motifs de son arrestation, l'identité de l'autorité qui l'a ordonnée, celle des agents qui l'effectuent et des responsables qui conduisent l'interrogatoire. Est punissable tout individu qui a maintenu une personne en détention, avec ou sans ordre écrit du juge, et qui ne peut apporter de justification au fait qu'elle l'a remise immédiatement à l'autorité compétente. Les personnes poursuivies pour des délits punissables d'emprisonnement se trouvant détenues sans jugement depuis plus d'un an sont mises immédiatement en liberté, sans préjudice de la poursuite de la procédure pénale jusqu'à son terme.

L'Équateur reconnaît que pendant la période visée par le présent rapport, certaines violations des droits de l'homme ont eu lieu. Ces faits ne correspondent pas à une pratique systématique et ne bénéficient absolument pas de l'aval de l'État équatorien. Il s'agit d'excès isolés perpétrés par des agents gouvernementaux, face auxquels l'Équateur s'est efforcé dans toute la mesure du possible d'accorder réparation de manière adéquate aux victimes de torture et à leurs familles. Le Code pénal de la police interdit également les actes de torture; il envisage les divers délits pour lesquels les membres des forces de police peuvent être jugés, notamment le délit de torture.


Examen du rapport

Fournissant des renseignements complémentaires sur la situation en Équateur s'agissant de mise en œuvre des dispositions du Pacte, le Représentant permanent de l'Équateur a fait part des mesures prises pour lutter contre les sources de corruption telles que l'achat et la vente de stupéfiants dans les centres de détention. M. Faidutti a notamment indiqué que les détenus ont mis en place un système d'autogestion en vertu duquel une somme d'argent est demandée aux nouveaux détenus à leur entrée en prison, puis hebdomadairement par la suite, afin d'acheter des articles que ne leur procure pas entièrement le centre de détention. Il n'en demeure pas moins que la corruption des gardiens de prison continue parfois de se manifester. C'est pourquoi la loi organique sur l'exécution des peines prévoit notamment la création d'une école du personnel pénitentiaire qui remplacera le système actuel des gardiens de prison. Lorsque la loi sera approuvée, les gardiens en activité cesseront d'exercer et de nouveaux personnels, dûment formés, seront incorporés.

La législation équatorienne permet la remise en liberté d'une personne non seulement sur décision judiciaire, mais aussi par d'autres moyens constitutionnels tels que l'habeas corpus et le recours en amparo, a poursuivi M. Faidutti. En la matière, c'est au Défenseur du peuple qu'il incombe de présenter de tels recours en faveur des personnes qui s'estiment injustement détenues. Le Défenseur du peuple effectue des visites périodiques dans les prisons pour déterminer les cas de personnes illégalement détenues ou qui ont subi des violations de leurs droits. En outre, le nouveau Code de procédure pénale introduit l'institution de «l'amparo de la liberté» en vertu de laquelle toute personne privée de liberté ou qui croit sa liberté menacée par un abus de pouvoir ou une violation de la loi par un juge ou une autorité publique peut engager - par elle-même ou par l'intermédiaire d'un tiers - une action en amparo de liberté devant tout juge ou tribunal pénal du lieu où elle se trouve. Ainsi, est-il difficile dans de telles circonstances que des actes de torture puissent se produire. Du fait de l'ensemble des mesures qui ont été prises, les actes de torture ont sensiblement diminué dans les centres de détention et de réadaptation, a fait valoir M. Faidutti.

Le Représentant permanent de l'Équateur a par ailleurs souligné que le Code d'exécution des peines stipule qu'au moment de son entrée en prison, le prisonnier sera placé en salle d'observation pour y subir un examen médical et psychosocial faisant l'objet d'un rapport préliminaire. Le prisonnier peut aussi être examiné par un médecin de son choix.

Le Comité ayant souhaité savoir quelle est l'autorité compétente pour ordonner l'ouverture d'une enquête pénale en cas de torture ou de traitement cruel, M. Faidutti a indiqué que c'est au Parquet qu'il incombe d'ouvrir une enquête pénale en cas de torture. Les membres de la Police et des forces armées, lorsqu'ils commettent des délits alors qu'ils sont en service, sont jugés en vertu des codes pénaux policiers et militaires, lesquels sanctionnent les délits de torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants; pour ces fonctionnaires, les sanctions disciplinaires sont appliquées parallèlement aux poursuites pénales.

L'État équatorien est en outre conscient que l'existence des juridictions policières et militaires et de leurs tribunaux respectifs n'est pas compatible avec les traités internationaux relatifs aux droits de l'homme. Aussi, la Constitution contient-elle une disposition transitoire qui stipule que tous les magistrats et juges qui dépendent du pouvoir exécutif passeront sous la juridiction du pouvoir judiciaire; cette disposition concerne aussi les juges militaires, les juges de Police et les juges pour mineurs.

Le Comité ayant soulevé «le cas de Carlos Aristides Lara Silva et de David Eduardo Delgado Galarza, arrêtés l'un et l'autre le 29 décembre 2001 par cinq membres de la Police nationale, au sud de Guayaquil, et dont les corps ont été retrouvés portant des marques nettes de torture ainsi que des blessures par balle», M.Faidutti a indiqué que le tribunal pénal policier a eu à connaître de cette affaire et a sanctionné toutes les personnes impliquées, lesquelles purgent actuellement leurs peines en prison.

En ce qui concerne les 58 décès de prisonniers qui, selon le Conseil national de réadaptation sociale, ont été enregistrés en 2004 et dont la moitié serait due à des maladies contractées en prison et un tiers à des violences entre détenus, M. Faidutti a indiqué que selon les statistiques de la Direction nationale de la réadaptation sociale, au mois de juin 2004, 35 décès étaient survenus en prison dont dix liés à des causes traumatiques, 6 à la maladie, 2 à l'usage de drogues et 18 à d'autres causes. L'État équatorien est conscient que la surpopulation carcérale provoque des décès par maladie et par violence entre prisonniers; aussi compte-t-il sur les réformes qui sont approuvées pour décongestionner les centres de détention et de réadaptation et faire en sorte que ces problèmes soient surmontés.

S'agissant de la protection des plaignants et des témoins, M. Faidutti a indiqué que l'article 118 du nouveau Code de procédure pénale stipule que les témoins auront le droit à une protection du Ministère public afin de garantir l'intégrité de leur personne, leur comparution au procès et la fidélité de leur témoignage.

M. ERIC ROBERTS, Délégué du Procureur général de l'Équateur, a pour sa part indiqué que le Plan national des droits de l'homme a donné lieu à l'adoption d'un plan opérationnel des droits de l'homme dans les prisons.

L'Équateur a conclu 25 accords à l'amiable dans le cadre de la Cour interaméricaine des droits de l'homme ou de la Commission interaméricaine des droits de l'homme, afin de verser des indemnisations pécuniaires à des victimes de violations, a-t-il en outre indiqué.

M. Roberts a par ailleurs souligné qu'afin d'assurer la compatibilité entre les fonctions judiciaires attribuées par la Constitution aux autorités des peuples autochtones et le système judiciaire national, un avant-projet de loi sur l'administration de la justice autochtone est en cours d'examen devant le Congrès national. Il prévoit notamment que les résolutions des autorités autochtones concernant les conflits qui relèvent de leur compétence auront même force contraignante que celles adoptées par les organes du pouvoir judiciaire et ne pourront contenir des sanctions ou des peines qui soient contraires à la Constitution, à la législation nationale et aux traités internationaux relatifs aux droits de l'homme. Seront soumis aux autorités autochtones les litiges qui, dans certains domaines, peuvent surgir entre autochtones, les litiges qui ne relèvent pas à proprement parler des questions autochtones étant, eux, soumis aux organes du pouvoir judiciaire national.

Le nouveau Code de procédure pénale en vigueur depuis 2001 réglemente la détention préventive et prévoit les circonstances dans lesquelles elle s'applique, a poursuivi M. Roberts. Il s'agit notamment de garantir la présence de l'accusé au procès et d'assurer l'exécution de la peine, la détention préventive ne pouvant être décidée que s'il existe des indices suffisants quant à l'existence d'un délit relevant de l'action publique et s'il existe des indices clairs et précis laissant apparaître que le prévenu est auteur ou complice dudit délit. Il faut en outre que le délit en cause soit passible d'une peine d'emprisonnement supérieure à un an.

Le Comité ayant souhaité savoir pourquoi la tentative de torture n'est pas considérée comme une infraction en Équateur, M. Roberts a tenu à clarifier les choses en assurant que la législation équatorienne prévoit que toute tentative de délit est considérée comme une infraction et, donc, sanctionnée conformément aux normes pertinentes. Le Code pénal, dans son chapitre consacré aux infractions, classe ces dernières en deux catégories: la tentative et les infractions consommées. Les auteurs qui se rendent coupables d'une tentative de délit sont sanctionnés par une peine allant d'un à deux tiers de la peine qu'ils auraient subi si le délit avait été consommé, a précisé M. Roberts.

Le Comité ayant demandé à connaître les mesures adoptées pour éliminer la pratique de la torture, «qui existerait dans différents lieux de détention ou différentes prisons, en particulier dans les locaux du Bureau d'enquêtes sur les délits», M. Roberts a précisé que le Bureau d'enquêtes sur les délits a été fermé, précisément en raison des plaintes pour torture reçues par l'État. C'est ainsi qu'a été créée la Police judiciaire, organisme chargé de recevoir les plaintes relevant du pénal en premier lieu avant que la plainte ne soit transmise au Ministère public qui se charge alors d'instruire la procédure pénale.

En ce qui concerne les mesures prises pour faire cesser et empêcher la pratique de la torture dans les centres pénitentiaires, en particulier dans le centre de détention provisoire de Quito, M. Roberts a notamment indiqué que les détenus qui arrivent dans ce centre sont désormais évalués par des équipes techniques composées de médecins, de psychologues et de travailleurs sociaux, afin de détecter d'éventuels cas de torture ou de mauvais traitements. Avant que ne soit créée la Police judiciaire, il arrivait qu'il y ait des cas de torture durant les procédures d'enquête policière et des cas de mauvais traitements du fait des conditions physiques qui prévalaient alors dans ce centre de détention provisoire (surpopulation, conditions sanitaires déficientes..); mais ces conditions ont été surmontées, a assuré M. Roberts.

M. Roberts a par ailleurs précisé qu'il n'est pas possible d'engager une action civile indépendamment de l'action pénale dans les cas d'actes de torture car il faut avant tout qu'il y ait une sentence au pénal.

Le Délégué du Procureur général a par ailleurs indiqué que l'Équateur est en train de procéder aux formalités nécessaires devant le Congrès national afin de souscrire au Protocole facultatif se rapportant à la Convention et de le ratifier. En vertu des dispositions légales en vigueur, c'est au Défenseur du peuple qu'il incombe d'entreprendre des visites périodiques dans les lieux de détention, a-t-il rappelé.

S'agissant enfin des mesures législatives, administratives ou autres adoptées en matière de lutte contre le terrorisme, M. Roberts a notamment déclaré que la lutte de la communauté internationale contre le terrorisme doit s'attaquer aux causes et aux origines du phénomène. En d'autres termes, a-t-il insisté, pour éliminer ce grave problème les mesures policières ou autres mesures connexes ne suffisent pas; il faut procéder à un changement radical et rationnel des structures de l'ordre international actuel, générateur de misère mondiale et de tous types de conflits. Le terrorisme constituant un crime contre l'humanité, l'Équateur estime que les actions pénales engagées sur ce terrain sont imprescriptibles, au même titre que la torture, la disparition forcée ou le génocide. Le Code pénal équatorien, en ce qui le concerne, incrimine le terrorisme dans ses articles 156 à 166 (chapitre IV). Pour ce qui est du financement du terrorisme, un comité interinstitutionnel a été mis sur pied, assorti d'un sous-comité ad hoc chargé de l'élaboration d'un projet de loi sur la répression du financement du terrorisme, a ajouté M. Roberts. Ce projet a été envoyé au Président de la République pour approbation avant d'être transmis au Congrès national.


Questions et observations du Comité

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Équateur, M. CLAUDIO GROSSMAN, a rappelé que le droit pénal comporte, traditionnellement, une description précise des attitudes qui sont punissables. Or, l'article 187 du Code pénal équatorien, qui fixe les peines en cas de torture, ne reprend pas totalement la définition de la torture énoncée à l'article premier de la Convention, en ce sens, en particulier, qu'il ne traite pas des souffrances mentales. Aussi, l'expert s'est-il enquis du nombre éventuel de plaintes fondées sur l'article 187 du Code pénal qui ont été déposées et traitées en Équateur en relation avec des souffrances mentales. De plus, l'article 187 du Code pénal ne traite que des tortures infligées à des personnes arrêtées ou détenues, a relevé M. Grossman.

Certes, l'Équateur a ratifié le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, a ajouté M. Grossman; néanmoins, il semble que les normes énoncées dans ce Statut n'aient pas été incorporées dans le droit national équatorien. Or, conformément à la tradition des pays dits «dualistes», il faut incorporer les normes des instruments internationaux dans le droit interne faute de quoi les juges ne les appliqueront pas.

M. Grossman s'est par ailleurs enquis des éventuels progrès enregistrés en matière de réduction de la violence contre les femmes depuis l'adoption en 1995 de la loi sur la violence domestique et sur la violence contre les femmes. La violence contre les femmes est un problème particulièrement aigu en Amérique latine, a souligné M. Grossman. Existe-t-il dans la loi de 1995 susmentionnée des dispositions relatives aux minorités sexuelles, a-t-il par ailleurs demandé.

Quelle formation ont suivi les avocats commis d'office qui sont chargés de défendre les membres des communautés autochtones; ont-ils une connaissance des langues et des modes de vie de ces communautés, s'est en outre enquis M. Grossman?

L'Équateur a-t-il pénalisé les disparitions pour en faire un crime similaire à la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, a également demandé l'expert?

M. Grossman a relevé que 70% des personnes détenues en Équateur ne seraient pas des prisonniers mais des personnes non encore jugées et donc placées en détention préventive.

Le rapporteur a rappelé que du point de vue du Comité, l'action à mener face aux actes de torture ne saurait se limiter à une simple indemnisation des victimes et doit absolument s'accompagner d'enquêtes et de poursuites judiciaires à l'encontre des auteurs présumés. Dans les pays où il y a des tribunaux de la police, ceux-ci, en règle générale, ne mènent pas les instructions voulues de manière adéquate, a par ailleurs affirmé l'expert.

Les garanties constitutionnelles qui s'appliquent aux citoyens s'appliquent-elles également aux simples résidents en Équateur, a demandé M. Grossman? Depuis 2000, les demandes de statut de réfugiés déposées en Équateur sont passées de 475 à plus de 11 000 en 2003, a-t-il fait observer.

M. FERNANDO MARIÑO MENÉNDEZ, co-rapporteur du Comité pour l'examen du rapport équatorien et Président du Comité, s'est dit tout à fait conscient de la crise constitutionnelle que traverse actuellement l'Équateur qui, associée à une crise économique, pose certains problèmes spécifiques, notamment du point de vue de la création de prisons permettant de séparer les personnes condamnées de celles placées en détention préventive. D'importantes innovations juridiques ont été prises par l'Équateur pour se conformer à la Convention, a ajouté M. Mariño Menéndez. Si la loi organique sur l'exécution des peines venait à être adoptée, cela constituerait, pour le secteur pénitentiaire, une importante rationalisation et un grand pas en avant, eu égard notamment au rôle qui serait alors dévolu au juge d'exécution des peines, a-t-il affirmé.

Le Plan national des droits de l'homme, très ambitieux, est-il assorti des ressources adéquates, s'est toutefois interrogé M. Mariño Menéndez? Il s'est en outre inquiété du surpeuplement carcéral.

Les visites d'inspection dans les centres pénitentiaires, effectuées par le défenseur du peuple ou par des magistrats ou juges du pouvoir judiciaire, sont-elles compilées dans un registre public, s'est en outre enquis le co-rapporteur?

M. Mariño Menéndez s'est en outre inquiété d'informations laissant apparaître l'existence d'une politique des gouvernements locaux de Quito et de Guayaquil qui consisterait à refuser l'habeas corpus - une garantie pourtant essentielle. Il s'est également inquiété de la pratique du renversement de la charge de la preuve dans les cas d'allégations de torture, de sorte que dans des procès pour torture, la charge de la preuve incombe aux plaignants, ce qui a déjà mené, dans certaines affaires, à la libération des accusés.

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