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LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT PÉRIODIQUE DE L'AUTRICHE

Compte rendu de séance

Le Comité contre la torture a entamé, ce matin, l'examen du troisième rapport périodique de l'Autriche sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Présentant le rapport de son pays, M. Ferdinand Trauttmansdorff, du Ministère des affaires étrangères de l'Autriche, a notamment indiqué que, dans le contexte de sa présidence de l'Union européenne à compter du 1er janvier prochain et pour six mois, l'Autriche nourrit d'ambitieux projets dans le domaine des droits de l'homme en général et dans celui de la torture en particulier. Jusqu'au 11 septembre 2001, l'interdiction de la torture paraissait couler de source et semblait être un objectif recueillant le consensus, a poursuivi M. Trauttmansdorff. Mais, dans le contexte de la lutte contre le terrorisme, des doutes sont apparus quant au caractère absolu de l'interdiction de la torture; face à cette évolution, il devient clair qu'il faut poursuivre les efforts globaux déployés pour promouvoir les droits de l'homme et interdire la torture, a affirmé l'Ambassadeur. Il a par ailleurs rappelé que son pays a signé, le 25 septembre 2003, le Protocole facultatif se rapportant à la Convention et portant sur les visites des lieux de détention, et est en train d'œuvrer à sa ratification dans les plus brefs délais.

La délégation autrichienne était également composée de M. Wolfgang Petritsch, Représentant permanent de l'Autriche auprès des Nations Unies à Genève, et de représentants des ministères de la justice, de l'intérieur et des affaires étrangères. Elle répondra demain après-midi, à 15 heures, aux questions qui lui ont été adressées ce matin par les membres du Comité.

Le rapporteur du Comité chargé de l'examen du rapport de l'Autriche, M. Sayed El-Masry, a dit apprécier les très nombreuses mesures prises par l'Autriche pour tenir compte des opinions exprimées par le Comité, s'agissant notamment de la réorganisation des procédures d'expulsion.


À sa prochaine séance publique, demain matin à 10 heures, le Comité entamera l'examen du rapport de la France.


Présentation du rapport

Présentant le rapport de son pays, M. FERDINAND TRAUTTMANSDORFF, du Ministère des affaires étrangères de l'Autriche, a rappelé que la promotion et la protection des droits de l'homme, ainsi que la primauté du droit, constituent des éléments importants de la politique de l'Autriche, tant sur le plan intérieur que sur le plan international. Dans le cadre de cette politique, l'application de l'interdiction de la torture et des autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants revêt une importance capitale, a-t-il précisé. Si on compare la situation à celle d'il y a 25 ans, des progrès ont incontestablement été réalisés; cependant, le phénomène nouveau du terrorisme a fait peser de nouvelles contraintes sur les systèmes de justice à travers le monde, exigeant d'affiner les méthodes de prévention de la torture, a poursuivi M. Trauttmansdorff.

L'Autriche n'est pas exempte de mauvais comportements occasionnels d'individus pouvant constituer des actes criminels tombant sous le coup de la Convention ou tout au moins d'autres dispositions de la loi pénale, a ajouté l'Ambassadeur. Il n'en demeure pas moins que l'opinion publique autrichienne est particulièrement sensible aux questions traitées par la Convention. On peut même dire que l'opinion publique est si sensible aux questions relevant de l'abus de pouvoir par des fonctionnaires que les cas de mauvais comportements atteignent un très haut degré de visibilité, non seulement au niveau national mais aussi au niveau international; à tel point que cela aboutit parfois une perception erronée des efforts réellement déployés par les Autrichiens pour prévenir tout mauvais comportement tombant sous le coup de la Convention contre la torture. M. Trauttmansdorff a rappelé que son pays a signé le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture le 25 septembre 2003 et est en train d'œuvrer à sa ratification pour le plus tôt possible.

M. Trauttmansdorff a également rappelé qu'au premier semestre 2006, l'Autriche allait assumer la présidence de l'Union européenne. L'Autriche nourrit dans ce contexte des projets ambitieux dans le domaine des droits de l'homme en général et dans celui de la torture en particulier. L'une de ses priorités sera clairement de promouvoir les directives de l'Union européenne sur la torture qui visent la prévention et l'éradication de la torture.

Jusqu'au 11 septembre 2001, l'interdiction de la torture paraissait couler de source et semblait être un objectif recueillant le consensus, a poursuivi M. Trauttmansdorff. Mais, dans le contexte de la lutte contre le terrorisme, des doutes sont apparus quant au caractère absolu de l'interdiction de la torture. Face à cette évolution, il devient clair qu'il faut poursuivre les efforts globaux déployés pour promouvoir les droits de l'homme et interdire la torture, a estimé l'Ambassadeur. Dans certains pays, le niveau de prévention de la torture est très élaboré et se renforce sans cesse. En revanche, dans certaines régions, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, des pays sapent les règles généralement admises. Pour sa part, a insisté M. Trauttmansdorff, l'Autriche est activement engagée, tant au niveau interne qu'au niveau international, à mettre en avant une politique visant l'éradication de la torture dans le monde.

Le troisième rapport périodique de l'Autriche (CAT/C/34/add.18) souligne que tous les actes pouvant être qualifiés de torture au sens de l'article premier de la Convention figuraient dans le Code pénal autrichien avant même que le pays ne ratifie la Convention. En outre, la définition de la torture est plus large dans le Code pénal autrichien que dans la Convention. Depuis la présentation du précédent rapport, les dispositions juridiques régissant l'intervention des forces de police autrichiennes ont été élaborées plus avant et la prise en considération des questions relatives aux droits de l'homme est devenue une pratique bien établie. On s'attache par ailleurs à améliorer les conditions de détention, par exemple en réduisant le nombre de détenus par cellule et en créant davantage de cellules individuelles. Ces efforts sont facilités par la relative stabilité du nombre de détenus ces dernières années. Outre que le principal objectif de la réforme de la procédure d'enquête pénale (enquête préliminaire) est de lui donner une base juridique, il vise également à améliorer la situation juridique des suspects en étendant les droits de la défense et la protection juridique. En 1999, le Ministère de la justice a demandé au ministère public de mener des enquêtes judiciaires préliminaires pour faire la lumière sur toute allégation de mauvais traitement visant un policier. Au début de 2001, il donnait également instruction aux directeurs d'établissements pénitentiaires de veiller, en cas d'accusation de mauvais traitements infligés à un détenu ou de signe faisant craindre ce type de problème, à ce que les services compétents du parquet soient informés. En outre, depuis 2001 cinq commissions de recours régionales statuent sur les plaintes formulées par les détenus contre des directeurs de prison ou contre leurs décisions ou leurs ordres. La mise en place de ces «tribunaux» indépendants dans le secteur de l'administration pénitentiaire s'est traduite par une meilleure protection des droits des prévenus, des condamnés et des personnes placées en détention préventive. Le Conseil consultatif des droits de l'homme est autorisé à se rendre dans tous les services de police et dans tout lieu où celle-ci exerce un pouvoir administratif ou coercitif ainsi qu'à vérifier les conditions de détention dans les postes ou locaux de la police.

En ce qui concerne le décès tragique du ressortissant nigérian Marcus Omofuma pendant son expulsion le 1er mai 1999, le rapport indique que le ministère public de Korneuburg a inculpé trois policiers soupçonnés d'avoir, le 1er mai 1999, ligoté et baillonné le détenu avant de le porter dans l'avion pour l'expulser. Une fois dans l'avion, les policiers l'auraient attaché à son siège et ligoté de force, enroulant des bandes adhésives autour de sa poitrine et de sa tête. Maintenu dans cette position, Marcus Omofuma est mort pendant le vol. Les policiers ont été inculpés d'actes de torture ayant entraîné la mort d'un détenu dont ils avaient la garde. Le 15 avril 2002, le tribunal régional de Korneuburg a jugé que les policiers étaient coupables et les a condamnés à huit mois d'emprisonnement pour homicide involontaire dans des circonstances particulièrement dangereuses. Les peines d'emprisonnement ont été assorties d'un sursis, avec trois ans de mise à l'épreuve. En ce qui concerne les préoccupations que le Comité a exprimées quant à la possibilité de faire obstacle aux plaintes pour violences policières en accusant le plaignant de diffamation, il convient de faire remarquer qu'en vertu de la loi autrichienne, la diffamation est passible de poursuites judiciaires et, à ce titre, assujettie au principe de légalité, en vertu duquel la poursuite d'une infraction est obligatoire. Par conséquent, toute personne - y compris un policier - est habilitée à faire part aux autorités compétentes de tout soupçon relatif à une telle infraction.


Examen du rapport

Fournissant des renseignements complémentaires sur la mise en œuvre de la Convention, la délégation a souligné que, compte tenu des menaces que constituent les nouvelles formes de terrorisme et le crime organisé, la justice, dans le monde entier, se trouve confrontée à de nouveaux défis. Aujourd'hui, les politiques, plutôt que le pouvoir judiciaire, ont tendance à réagir à ce phénomène sous les pressions qui pèsent sur leurs sociétés au jour le jour. Or, il convient d'être prudent et de ne pas oublier les principes de base. Certes, l'Autriche ne peut pas parler pour les pays qui ont été touchés par ce fléau international du terrorisme puisqu'elle-même ne l'a pas été. En revanche, elle connaît le crime organisé. D'après la jurisprudence autrichienne, toutes les atteintes non mineures à l'intégrité de la personne et toute «altération pathologique» du corps, résultats d'une action extérieure violente, relèvent de la torture, a précisé la délégation.

La délégation a par ailleurs rappelé qu'une décision administrative avait statué que les suspects sont autorisés à contacter un avocat lorsqu'ils se trouvent en détention aux mains de la police et qu'ils doivent être informés de ce droit. Un décret visant la mise en œuvre de ce droit a été adopté.

La délégation a expliqué que lorsqu'une personne est arrêtée, elle doit être présentée au tribunal au plus tard dans les 48 heures qui suivent l'arrestation. Passé ce délai, et sans mandat judiciaire, c'est au Procureur qu'il incombe de décider de la prolongation éventuelle de ce délai, faute de quoi le prévenu doit être immédiatement relâché.

La proportion moyenne de mineurs âgés de 14 à 18 ans parmi les détenus est de 3% seulement dans le pays, a indiqué la délégation; cette proportion est légèrement supérieure à la moyenne dans l'est du pays. Lorsqu'ils purgent une peine de détention de plus de 18 mois, les mineurs sont placés dans une institution spéciale dont dispose le pays, a précisé la délégation.

L'extradition d'une personne n'est pas permise vers un pays où il existe une bonne raison de penser que cette personne pourrait être soumise à la torture, a indiqué la délégation.

En ce qui concerne l'affaire Marcus Omofuma, elle a été tranchée en août 2002 par la condamnation de deux agents autrichiens, a rappelé la délégation.

En ce qui concerne la lutte contre la traite de personnes, la délégation a souligné que les mesures prises par l'Autriche dans ce domaine comportent deux volets, l'un préventif et l'autre visant à assurer la réadaptation des victimes. Au niveau préventif, des efforts sont notamment déployés, par le biais des consulats, afin d'informer les victimes potentielles.

L'Autriche a intégré dans son Code pénal trois nouvelles infractions en rapport avec le terrorisme, s'agissant notamment du financement du terrorisme, a par ailleurs indiqué la délégation.

Le rapporteur du Comité chargé de l'examen du rapport autrichien, M. SAYED EL-MASRY, s'est félicité des commentaires de la délégation autrichienne au sujet des réserves qui se sont exprimés de par le monde quant au caractère absolu de l'interdiction de la torture. Aussi, compte tenu du point de vue de l'Autriche en ce qui concerne ces questions, M. El-Masry a-t-il dit attendre avec impatience la présidence autrichienne de l'Union européenne, à partir du 1er janvier 2006. À cet égard, il s'est aussi inquiété de la tendance croissante, dans de nombreux pays, à faire preuve de davantage de souplesse quant à l'évaluation des risques de torture encourus par les personnes devant être expulsées.

M. El-Masry a par ailleurs dit apprécier les mesures fort nombreuses prises par l'Autriche pour tenir compte des opinions exprimées par le Comité, s'agissant notamment de la réorganisation des procédures d'expulsion. L'expert s'est en outre félicité des mesures prises suite à l'affaire Omofuma (un Nigérian mort étouffé dans l'avion durant son expulsion du pays), notamment l'interdiction d'utiliser des bandes adhésives pour contenir une personne.

M. El-Masry s'est par ailleurs enquis de la date fixée pour l'entrée en vigueur des nouvelles méthodes de contraintes.

En ce qui concerne la définition de la torture, M. El-Masry a relevé qu'il y a maintenant trois définitions de la torture en Autriche; l'une découlant du droit autrichien, l'autre du droit européen et une autre encore de la Convention. Cela n'aidera pas au recueil de statistiques intéressant la torture, a fait observer l'expert.

Des amendements à la loi sur l'asile sont entrés en vigueur en 2004; certains étaient nécessaires, mais d'autres ont fait l'objet de fortes critiques de la part du HCR et d'organisations non gouvernementales, s'agissant notamment de l'absence de procédures en ce qui concerne les demandes présentées à la frontière avec la Suisse et le Liechtenstein, a par ailleurs relevé M. El-Masry.

Un autre membre du Comité s'est inquiété des informations selon lesquelles des délinquants mineurs ne seraient pas scolarisés, auraient accès à des activités sportives très limitées et ne seraient pas séparés des adultes. Sur ce dernier point, a relevé avec préoccupation l'expert, la loi dispose que les mineurs détenus doivent être séparés des adultes «dans la mesure du possible». Il a aussi fait état d'allégations selon lesquelles des mauvais traitements physiques (gifles, coups de poing, coups donnés sur la tête à l'aide d'annuaires téléphoniques, imposition prolongée des menottes) seraient infligés à des personnes pour leur extorquer des aveux. Ces allégations concernent-elles aussi des mineurs?

Un autre expert s'est enquis de la teneur des directives des pouvoirs publics en matière de fouilles et de recherches intrusives dans le cadre des fouilles corporelles. Nombre d'étrangers en attente d'expulsion sont détenus dans les mêmes établissements que les criminels, s'est en outre inquiété cet expert.

Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

CAT05029F