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LE COMITÉ DES DROITS DE L'ENFANT EXAMINE LE RAPPORT DE L'ALGÉRIE

Compte rendu de séance

Le Comité des droits de l'enfant a examiné, aujourd'hui, le deuxième rapport périodique de l'Algérie sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant.

Présentant le rapport de son pays, M. Idriss Jazaïry, Représentant permanent de l'Algérie auprès des Nations Unies à Genève, a indiqué que depuis la transmission de ce deuxième rapport périodique au Secrétariat du Comité, en décembre 2003, la situation générale en Algérie a évolué. Ainsi, les droits de l'homme se sont-ils davantage renforcés, notamment par l'adoption d'un nouveau Code de la nationalité, la révision du Code de la famille et l'initiation d'un certain nombre d'autres textes législatifs et réglementaires favorisant la promotion des droits de l'enfant. Lors de la présentation de son rapport initial, en 1997, l'Algérie était confrontée à une violence terroriste sans pareille dans l'histoire, a rappelé M. Jazaïry. Les enfants étaient quotidiennement exposés aux attentats qui, malheureusement, n'ont même pas épargné les centres de diffusion du savoir, a-t-il insisté. L'Algérie de 2005, par contre, est un pays stable, apaisé et sûr, en mesure d'offrir un avenir meilleur pour tous ses enfants, a-t-il assuré.

Certes, il y a des lacunes et des insuffisances; mais les pouvoirs publics sont déterminés à poursuivre leurs efforts d'amélioration constante des droits de l'enfant, a poursuivi M. Jazaïry. Des dispositions novatrices ont été prises ayant trait, entre autres, à la transmission de la nationalité à l'enfant par la filiation maternelle autant que paternelle. La démocratisation de l'accès à l'école et la gratuité des enseignements ont été un choix politique, a souligné M. Jazaïry. Ce choix s'est toujours accompagné du principe cardinal de la non-discrimination entre garçons et filles, a-t-il précisé. Dans le domaine de la santé, a-t-il ajouté, de réels succès ont été enregistrés. Une politique volontariste de prévention a permis en particulier, ces dernières années, de faire reculer la mortalité infantile et de favoriser une couverture vaccinale plus performante.

La délégation algérienne était également composée de représentants du Ministère des affaires étrangères; du Ministère de la santé, de la population et de la réforme hospitalière; du Ministère de l'emploi et de la solidarité nationale; du Ministère du travail et de la sécurité sociale; du Ministère de la justice; du Ministère de l'éducation nationale; et du Ministère délégué chargé de la famille et de la condition féminine.

La délégation a fourni aux experts des compléments d'informations en ce qui concerne, entre autres, la coordination de l'action en faveur de l'enfance; le projet de loi sur la protection de l'enfance; l'administration de la justice pour mineurs; le placement d'enfants dans le cadre de la kafala; la protection des enfants contre la violence, s'agissant notamment des châtiments corporels ou des services offerts aux enfants qui ont été traumatisés par la violence terroriste; la question amazighe; les mesures prises en faveur des enfants nomades; les questions d'éducation et de santé; ou encore l'enregistrement des naissances.

Présentant en fin de journée des observations préliminaires sur le rapport de l'Algérie, le rapporteur du Comité chargé de l'examen du rapport algérien, M. Hatem Kotrane, a indiqué que les observations finales que le Comité adoptera ultérieurement au sujet de ce pays (et qui seront rendues publiques à l'issue de la session, le vendredi 30 septembre prochain) ne manqueront pas de saluer les progrès réalisés par l'Algérie; elles traduiront aussi un certain nombre de préoccupations persistantes, s'agissant notamment des déclarations interprétatives que le pays maintient à l'égard de plusieurs dispositions de la Convention; de la coordination de l'action en faveur de l'enfance; et la nécessité de mettre en place un plan d'action plus cohérent. Quelques questions juridiques restent en suspens et requièrent de nouveaux efforts pour mieux aligner encore la législation nationale sur les dispositions de la Convention, a ajouté l'expert.

En début de journée, le corapporteur du Comité pour l'examen du rapport algérien, M. Norberto Liwski, a fait état d'informations selon lesquelles les phénomènes de mauvais traitements, de violences voire de torture restent problématiques dans le pays.

Le Comité entamera demain matin, à 10 heures, l'examen du deuxième rapport périodique de l'Ouganda (CRC/C/65/Add.33).



Présentation du rapport

Présentant le rapport de son pays, M. IDRISS JAZAÏRY, Représentant permanent de l'Algérie auprès des Nations Unies à Genève, a indiqué que depuis la transmission de ce deuxième rapport périodique au Secrétariat du Comité, en décembre 2003, la situation générale en Algérie a évolué. Ainsi, les droits de l'homme se sont-ils davantage renforcés, notamment par l'adoption d'un nouveau Code de la nationalité, la révision du Code de la famille et l'initiation d'un certain nombre d'autres textes législatifs et réglementaires favorisant la promotion des droits de l'enfant. Lors de la présentation de son rapport initial, en 1997, l'Algérie était confrontée à une violence terroriste sans pareille dans l'histoire, a rappelé M. Jazaïry. Les enfants étaient quotidiennement exposés aux attentats qui, malheureusement, n'ont même pas épargné les centres de diffusion du savoir, a-t-il insisté. L'Algérie de 2005, par contre, est un pays stable, apaisé et sûr, en mesure d'offrir un avenir meilleur pour tous ses enfants, a-t-il assuré. M. Jazaïry a rappelé que le Président de la République venait de soumettre au peuple algérien, qui va se prononcer le 29 septembre prochain par référendum, une Charte pour la paix et la réconciliation nationale. Cette initiative vise à tourner une page douloureuse de l'histoire de l'Algérie indépendante, durant laquelle les blessures, les douleurs et les souffrances n'ont épargné aucun segment de la population.

Certes, il y a des lacunes et des insuffisances; mais les pouvoirs publics sont déterminés à poursuivre leurs efforts d'amélioration constante des droits de l'enfant, a poursuivi M. Jazaïry. Des dispositions novatrices ont été prises ayant trait, entre autres, à la transmission de la nationalité à l'enfant par la filiation maternelle autant que paternelle - une mesure pilote dans la région; elles s'insèrent dans la dynamique des changements initiés avec la mise en place d'une Commission nationale de réforme de la justice, a précisé le Représentant permanent.

L'égalité entre tous les citoyens, sans discrimination aucune, est garantie par les dispositions de la Constitution, a poursuivi M. Jazaïry. Les différentes Constitution de l'Algérie indépendante font toutes expressément référence à la protection de l'enfance, indissociable de celle de la famille et de la jeunesse. La moitié de la population algérienne, estimée fin 2004 à 32 millions de personnes, a moins de 18 ans, a par ailleurs indiqué M. Jazaïry. L'État a donc dû consacrer des ressources importantes pour faire prévaloir les droits proclamés par la Convention. Il en va ainsi de l'encadrement et du suivi pédagogiques, de la prévention médicale, de la protection juvénile, de la lutte contre les fléaux sociaux et enfin, de l'insertion professionnelle. La démocratisation de l'accès à l'école et la gratuité des enseignements ont été un choix politique, a insisté M. Jazaïry. Ce choix s'est toujours accompagné du principe cardinal de la non-discrimination entre garçons et filles, a-t-il précisé. A l'effort pédagogique soutenu, a-t-il poursuivi, s'ajoute pour cette rentrée 2005-2006 la reconduction de la prime de scolarité de 2000 dinars par enfant à toutes les familles dans le besoin. De nouvelles réalisations ont en outre été menées à bien en matière de cantines et de transports scolaires, ainsi qu'en matière d'internat, notamment au profit des jeunes filles et des enfants se trouvant dans les zones rurales isolées.

Dans le domaine de la santé, a ajouté le Représentant permanent, de réels succès ont été enregistrés. Une politique volontariste de prévention a permis en particulier, ces dernières années, de faire reculer la mortalité infantile et de favoriser une couverture vaccinale plus performante. M. Jazaïry a précisé que la réalisation de l'ensemble des droits de l'enfant n'incombe pas en Algérie à une seule autorité. Le Ministère délégué auprès du Chef du Gouvernement chargé de la famille et de la condition féminine, institué en 2002, joue bien sûr un rôle de coordination; mais il y a nombre d'autres institutions centrales et locales qui apportent une contribution spécifique à la promotion des droits de l'enfant. La mise en conformité graduelle de notre législation nationale avec les dispositions de la Convention reste pour nous une priorité, a conclu le Représentant permanent de l'Algérie.

Le deuxième rapport périodique de l'Algérie (CRC/C/93/Add.7) indique que depuis la présentation du rapport initial, les pouvoirs publics algériens ont poursuivi leur tâche de consolidation de l'État de droit et de la démocratie pluraliste et de promotion et de protection des droits de l'homme en dépit de la contrainte liée à la criminalité terroriste. Ainsi, de nouvelles institutions ont été mises en place à la faveur d'une révision constitutionnelle (1996); les mécanismes de promotion des droits de l'homme déjà en place ont été renforcés; et certains aspects de la législation économique, sociale et culturelle ont été mis en conformité avec les nouvelles réalités. La justice, l'éducation et les missions de l'État font l'objet de réformes profondes, confiées à des commissions nationales dont les recommandations alimentent l'action des pouvoirs publics. Enfin, le mouvement associatif, de plus en plus encouragé, a connu un développement remarquable. Le rapport précise que la population algérienne était de 31,04 millions d'habitants au 1er janvier 2002 et que le taux de chômage s'établit à 28,9% dans le pays. La langue officielle de l'Algérie est l'arabe. Le pays possède deux langues nationales: l'arabe et le tamazight.

Le rapport rappelle que le Président de la République a procédé, le 9 octobre 2001, a l'installation officielle de la Commission nationale consultative de la promotion et de la protection des droits de l'homme. Cette commission est une institution indépendante, placée auprès du Président de la République, garant de la Constitution, des droits fondamentaux des citoyens et des libertés publiques. C'est également un organe à caractère consultatif de surveillance, d'alerte précoce et d'évaluation en matière de respect des droits de l'homme. La Commission est chargée d'examiner les situations d'atteinte aux droits de l'homme constatées ou portées à sa connaissance et d'entreprendre toute action appropriée en la matière. Elle a également pour mission de mener toute action de sensibilisation, d'information et de communication sociale pour la promotion des droits de l'homme. Cette nouvelle institution vient se substituer à l'Observatoire national des droits de l'homme, dissout en vertu du décret présidentiel. L'information sur la Convention et l'enseignement des principes qui y sont contenus sont pris en charge dans les programmes scolaires, notamment le programme d'éducation civique, poursuit le rapport. S'agissant de la formation aux droits de l'enfant du personnel judiciaire, cette préoccupation exprimée par le Comité et qui a fait l'objet d'une recommandation de sa part sera prise en charge dans le cadre de la réforme du programme de l'Institut national de la magistrature, indique le rapport. En ce qui concerne les enfants nés hors mariage, et en l'occurrence les comportements discriminatoires à l'égard des filles dans certains groupes de la population, il convient de rappeler que ces enfants sont considérés comme les pupilles de l'État et à ce titre sont totalement pris en charge. Seule l'évolution des mentalités permettra à long terme d'éliminer les comportements discriminatoires à l'encontre de cette catégorie d'enfants, la codification des lois n'étant pas suffisante, souligne le rapport.

Le rapport précise en outre que les engagements internationaux de l'Algérie ont la primauté sur la loi nationale. Il souligne que des comités sectoriels (la lutte contre les maladies hydriques; santé scolaire; lutte contre les zoonoses; lutte contre les drogues et la toxicomanie; lutte contre le sida) ont été créés pour prendre en charge la santé des enfants. Quiconque a commis le crime de viol est puni de la réclusion à temps de 5 à 10 ans, indique par ailleurs le rapport. Si le viol a été commis sur la personne d'une mineure de 16 ans, la peine est la réclusion à temps de 10 à 20 ans. Le viol d'une mineure ne met en aucun cas l'auteur de ce crime à l'abri de poursuites pénales s'il est disposé à épouser sa victime, souligne le rapport. Il précise en outre que les châtiments corporels sont strictement interdits à l'école. S'agissant des enfants réfugiés, poursuit le rapport, des dispositions ont été prises par le Gouvernement algérien: d'une part sous l'égide du Ministère de la santé, qui assure une prise en charge sanitaire des enfants sahraouis et, d'autre part, sous l'égide du Ministère de l'éducation nationale, en vue d'assurer la scolarisation d'enfants sahraouis (pour l'année 1998-1999, on a recensé 2987 enfants scolarisés). Pour les enfants nomades, ajoute le rapport, des mesures sont prises pour assurer leur scolarisation par la création d'internats primaires.

Il convient de rappeler que les affaires de subversion et de terrorisme sont traitées par les juridictions de droit commun, poursuit le rapport. Selon le Code de procédure pénale, le mineur de 18 ans est justiciable du tribunal pour mineurs. Cependant, et en raison d'une multitude d'affaires de terrorisme et de subversion dans lesquelles se sont retrouvés impliqués des mineurs aux côtés de personnes majeures, le Code de procédure pénale a étendu la compétence des tribunaux criminels aux mineurs ayant atteint l'âge de 16 ans; cela pour éviter une disjonction entre majeurs et mineurs impliqués dans une même procédure, ce qui serait préjudiciable à une bonne administration de la justice.

Le Code de la famille stipule que la capacité de mariage est réputée atteinte à 21 ans révolus pour l'homme et à 18 ans révolus pour la femme. En matière de crime ou délit, le mineur de moins de 18 ans ne peut faire l'objet que de l'une ou de plusieurs des mesures de protection ou de rééducation ci-après: remise à ses parents, à son tuteur ou à une personne digne de confiance; application du régime de liberté surveillée; placement dans une institution ou un établissement d'éducation ou de formation professionnelle habilité; placement dans un établissement médical ou médico-pédagogique habilité; placement aux soins du service public chargé de l'assistance; placement dans un internat apte à recevoir des mineurs délinquants d'âge scolaire. Toutefois, le mineur de plus de 13 ans peut également faire l'objet d'une mesure de placement dans une institution publique d'éducation surveillée ou d'éducation corrective. Dans tous les cas, les mesures précitées doivent être prononcées pour une durée déterminée qui ne peut dépasser la date de la majorité civile de l'intéressé (selon le Code civil, l'âge de la majorité civile est fixé à 19 ans révolus).


Examen du rapport

Le rapporteur du Comité chargé de l'examen du rapport algérien, M. HATEM KOTRANE, a relevé que la diversité et la qualité de la délégation de l'Algérie prouvent que cet État partie veille à s'engager dans un dialogue constructif avec le Comité à l'occasion de l'examen de son deuxième rapport périodique. M. Kotrane s'est dit satisfait de l'amélioration de la situation de l'enfant algérien dans bon nombre de secteurs. Des progrès ont été enregistrés ces dernières années, et en particulier en cette année 2005, s'agissant en particulier de la ratification par le pays de divers instruments internationaux, au nombre desquels figurent la Convention n°182 de l'OIT sur l'élimination des pires formes de travail des enfants ou encore la Charte africaine sur les droits et le bien-être des enfants. Le 6 février 2005, une loi a permis de réviser certaines dispositions du Code de l'organisation pénitentiaire et de la réinsertion sociale des détenus, apportant sur certains points une amélioration du statut des enfants en détention, a poursuivi M. Kotrane. Le 27 février 2005, ont en outre été révisées certaines dispositions du Code de la nationalité algérienne et notamment son article 6 aux termes duquel est désormais considéré comme Algérien l'enfant né de père algérien ou de mère algérienne. Une ordonnance datée de ce même 27 février 2005 a porté révision de certaines dispositions du Code de la famille, améliorant - en partie seulement - le statut de l'enfant dans son milieu familial, a également relevé M. Kotrane. Il a par ailleurs souhaité savoir où en était le projet de code de protection de l'enfant, qui permettrait de mettre en place un système cohérent de prévention et de protection de l'enfant contre toutes les formes de violence, de mauvais traitements, d'abus et de négligences, en même temps qu'il permettrait d'adapter l'ensemble du système de justice juvénile.

Le Comité a conscience que l'Algérie passe par une période de transition à tous les niveaux - politique, économique et social, a ajouté M. Kotrane. Le Comité demeure néanmoins préoccupé par les déclarations interprétatives formulées par cet État partie au sujet de plusieurs articles de la Convention, laissant encore planer quelque incertitude quant à la volonté de l'État de mettre en œuvre les droits visés par ces articles (il s'agit des articles 13, 14 - paragraphes 1 et 2 -, 16 et 17 de la Convention), a indiqué l'expert. Il a souhaité savoir si le Gouvernement entendait engager une discussion, y compris avec les organisations non gouvernementales, en vue de parvenir à retirer ces déclarations interprétatives. Par ailleurs, nombre de dispositions législatives demeurent non conformes aux dispositions de la Convention, a poursuivi M. Kotrane; ainsi en est-il du Code de la famille qui, en dépit de certaines améliorations apportées par l'ordonnance du 27 février 2005, n'est pas encore suffisamment aligné sur les dispositions de la Convention. La même observation vaut pour le Code pénal, dans la mesure où un certain nombre de contradictions persistent en ce qui concerne la situation des enfants en conflit avec la loi.

M. Kotrane a par ailleurs souhaité savoir quelles étaient les mesures envisagées en vue de la création d'une institution nationale des droits de l'enfant indépendante. Qu'a entrepris l'Algérie pour mettre fin aux cas de violence sexuelle et d'utilisation sexuelle des enfants à des fins pornographiques ou encore aux cas d'utilisation d'enfants à des fins de trafic de stupéfiants, a demandé M. Kotrane?

Le corapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Algérie, M. NORBERTO LIWSKI, a notamment souhaité en savoir davantage sur la manière dont a été élaboré ce deuxième rapport périodique. La société civile, par exemple, a-t-elle été consultée dans le cadre du processus d'élaboration dudit rapport? Rappelant la violence qu'a connue l'Algérie et qui a profondément bouleversé la vie des enfants ainsi que les institutions de l'État, cibles d'attaques terroristes, M. Liwski a relevé que l'exode vers les villes qu'a provoqué cette situation avait entraîné un déséquilibre dans les services. Les coupes budgétaires opérées dans les services sociaux - soit une baisse de 8% des dépenses sociales au cours de la décennie 1990, selon les Nations Unies - ne doivent pas manquer d'entraver la bonne mise en œuvre de la Convention, a fait observer l'expert. Cette baisse a coïncidé avec une importante augmentation de l'investissement dans la sécurité militaire, a-t-il relevé. Pour ce qui est de la dette extérieure, M. Liwski a souhaité savoir si l'Algérie possédait une stratégie de négociation qui permettrait de réorienter la charge de la dette vers un investissement dans des secteurs critiques tels que celui de l'éducation.

Tout en se réjouissant de la création d'un Ministère délégué chargé de la famille et de la condition féminine, M. Liwski a souligné qu'un mécanisme de coordination des différentes politiques en faveur de l'enfance fait toujours défaut en Algérie. Il est également préoccupant de constater qu'il n'existe pas dans ce pays d'institution nationale chargée de traiter des plaintes, a poursuivi l'expert. A cet égard, il convient de souligner que la Commission nationale consultative de la promotion et de la protection des droits de l'homme n'est pas tout à fait conforme aux Principes de Paris régissant les institutions nationales de droits de l'homme, a-t-il ajouté. Faisant état d'informations selon lesquelles les phénomènes de mauvais traitements, de violences voire de torture restent problématiques dans le pays, M. Liwski a souhaité savoir quel programme concret l'Algérie envisage de mettre en œuvre pour mettre un terme à ces pratiques.

Qu'est-il fait dans le pays pour protéger les enfants de concepts tels que celui de punition de l'adultère par le lynchage, qui ne peuvent que renforcer la violence chez les enfants, a demandé un autre membre du Comité? Qu'en est-il actuellement en Algérie des tendances en ce qui concerne l'islamisme radical, s'est enquis ce même expert?

Existe-t-il une structure, au niveau national ou local, qui permette aux enfants de faire connaître leurs points de vue sur les questions qui les concernent, a demandé un autre expert?

En ce qui concerne le principe de non-discrimination, un membre du Comité a souhaité en savoir davantage sur la discrimination entre enfants légitimes et enfants nés hors mariage. Ce même expert s'est enquis de la situation des enfants makfoul, c'est-à-dire recueillis dans le cadre de la kafala, qui, à l'instar des enfants nés hors mariage, ne semblent pas jouir des mêmes droits que les enfants légitimes. On a l'impression, en ce qui concerne ces enfants, qu'il s'agit d'enfants-objets pouvant être transmis dans la succession, a déclaré cet expert.

S'agissant de la coordination de l'action gouvernementale en faveur de l'enfance en Algérie, la délégation a rappelé que les questions intéressant l'enfance relèvent de nombreux secteurs. Au niveau gouvernemental, a-t-elle précisé, il existe des comités qui mènent des activités transversales spécifiques, tels que le Comité interministériel sur le travail des enfants ou encore le Comité des enfants - lequel assure le suivi de la mise en œuvre des dispositions de la Convention et veille à traiter de tous les dossiers qui lui sont transmis.

La délégation a souligné qu'un projet de loi sur la protection de l'enfant est en cours de discussion; ce projet, qui va certainement aboutir, reprend les principes généraux énoncés dans la Convention. Un délégué général (ombudsman) sera alors nommé par décret présidentiel; il sera notamment chargé d'élaborer un rapport annuel sur les droits de l'enfant et de participer à l'élaboration des rapports présentés aux organes de traités des Nations Unies. Ce délégué général recevra également toute plainte qui pourrait lui être adressée.

La délégation a précisé que la Commission nationale consultative de la promotion et de la protection des droits de l'homme dispose d'une sous-commission de l'éducation et des droits de l'enfant. Cette commission consultative adresse chaque année un rapport annuel au Président de la République.

En ce qui concerne l'administration de la justice pour mineurs, la délégation a notamment souligné que l'Algérie accorde la priorité à la protection sociale de l'enfant avant d'envisager sa protection judiciaire. En tout état de cause, la garde à vue du mineur ne doit pas dépasser les 24 heures et l'enfant placé en garde à vue doit être assisté d'un avocat. L'enfant de 10 à 13 ans ayant commis une infraction ne peut faire l'objet que de mesures de protection, a précisé la délégation.

Un membre du Comité a indiqué qu'il restait préoccupé par le fait que des enfants puissent faire l'objet de sanctions pénales pouvant aller jusqu'à 20 ans d'emprisonnement. Il y a beaucoup de récidives chez les mineurs délinquants, a relevé un expert.

La détention est, pour le juge des mineurs, une mesure de dernier recours, a insisté la délégation; c'est ce qui explique le très faible nombre de délinquants mineurs incarcérés.

La délégation a par ailleurs souligné que les enfants qui se trouvent en danger moral, comme les enfants des rues ou les enfants impliqués dans la prostitution, ne peuvent être placés dans un centre que sur ordonnance du juge pour mineurs.

Ce sont surtout les enfants abandonnés qui sont placés dans des familles d'accueil dans le cadre de la kafala, a par ailleurs indiqué la délégation. De tels placements se font après enquête sociale auprès des familles qui se proposent d'accueillir ces enfants. Le placement en kafala est officiellement prononcé soit devant le tribunal, soit devant notaire. L'enfant ainsi placé en kafala (c'est-à-dire l'enfant makfoul) n'est soumis à aucun type de discrimination par rapport à un autre enfant de la famille, a assuré la délégation. Un membre du Comité s'est inquiété de la possibilité de révocation de l'accueil en kafala dans le cas où les parents de la famille d'accueil se sépareraient sans qu'aucun des deux ne souhaite conserver la garde de l'enfant makfoul - ce dernier devant alors réintégrer l'orphelinat.

S'agissant de la protection des enfants contre la violence, la délégation a notamment rappelé qu'il existe une réglementation scolaire interdisant les châtiments corporels. Des mesures sont prises à l'encontre de tous les enseignants qui contreviennent à cette interdiction, a assuré la délégation; ils sont passibles de mesures administratives (pouvant aller jusqu'au passage en conseil de discipline) et peuvent même être condamnés, si une plainte est déposée, à une peine d'emprisonnement. Un programme intersectoriel a par ailleurs été mis sur pied à l'intention des enfants qui ont été traumatisés par la violence terroriste, a également indiqué la délégation. En mai dernier, a-t-elle ajouté, 750 enfants ayant été victimes du terrorisme ou traumatisés par la violence terroriste ont été regroupés durant trois jours afin d'identifier les traumatismes dont ils pouvaient souffrir; cette démarche s'est avérée fructueuse.

La délégation a indiqué qu'une Stratégie nationale de lutte contre la violence à l'égard des enfants a été élaborée, en collaboration notamment avec le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF). L'un des objectifs de cette stratégie vise la réinsertion des victimes de la violence dans leur espace d'origine, a précisé la délégation.

Pour ce qui est de la question amazighe, la délégation a notamment fait part de la création d'un centre de langue et de culture amazighs, qui dépend du Ministère de l'éducation nationale. Depuis plus de dix ans déjà, la langue amazighe est enseignée dans les collèges; or, depuis cette année, elle l'est également dès la quatrième année de l'enseignement primaire.

Des mesures sont également prises en faveur des nomades puisque des internats gratuits sont créés à leur intention au niveau du primaire, a précisé la délégation.

En Algérie, le taux global de scolarisation se situe à 94% pour l'année 2005 (92% pour les filles), a précisé la délégation. Elle a souligné que le fonctionnement des cantines scolaires relève non pas de dons mais d'un budget gouvernemental qui, depuis 1999, a été multiplié par 12. Au total, l'Algérie compte 10 141 cantines scolaires qui couvrent environ la moitié des établissements scolaires du pays, en privilégiant les zones enclavées. L'augmentation du budget consacré à ces cantines scolaires a non seulement permis d'accroître le nombre de bénéficiaires (qui est passé de 600 000 à 2 millions) mais aussi d'améliorer la ration alimentaire elle-même, a fait valoir la délégation.

Quel contrôle est-il exercé sur l'enseignement des religions dans le système scolaire, a demandé un expert?

A aucun moment en Algérie l'enseignement religieux n'a donné lieu à un enseignement sur l'adultère, a souligné la délégation.

En ce qui concerne l'enregistrement des naissances, la délégation a assuré que le système d'état civil en Algérie est des plus performants; implanté au XIXème siècle, il relève de l'héritage colonial. Le système d'enregistrement des naissances est gratuit en Algérie, a par ailleurs souligné la délégation.

En ce qui concerne les questions de santé, la délégation a notamment fait valoir que le taux de mortalité infantile est tombé en Algérie à 30 décès pour mille naissances vivantes. Le taux de mortalité maternelle, quant à lui, a été réduit de moitié en une décennie, pour se situer à 117 pour 100 000, a par ailleurs souligné la délégation, tout en reconnaissant que cela demeure insuffisant et surtout inapproprié au regard des possibilités réelles. La contraception touche 58% des couples en âge de procréer, a par ailleurs indiqué la délégation. Il n'y a pas aggravation, mais stabilisation, de la malnutrition chez les enfants, mesurée en termes d'insuffisance pondérale chez les enfants de moins de 5 ans, a-t-elle d'autre part souligné. L'Algérie est un pays qui ne souffre pas d'un taux élevé de prévalence du VIH/sida, a par ailleurs fait observer la délégation. Il n'en demeure pas moins qu'un comité national de lutte contre le sida a été mis en place. La délégation a reconnu la persistance, dans certaines parties du pays, de zones qui connaissent des indicateurs de santé particulièrement alarmants.

Le transport scolaire est gratuit pour les enfants handicapés, a par ailleurs fait valoir la délégation.

En ce qui concerne les questions d'éducation, la délégation a rappelé qu'en 2000, le Président de la République avait mis en place une commission nationale de réforme du système éducatif. Les travaux de cette commission ne sont pas restés sans suite puisqu'ils ont donné lieu à une refonte totale du système éducatif. La réforme a commencé à être appliquée en 2002. On en est donc à la troisième année d'application de la réforme, axée, pour 2005, sur l'éducation secondaire, a précisé la délégation. L'objectif d'ensemble de cette réforme est de promouvoir une école citoyenne et républicaine qui prépare mieux les enfants, dans tous les domaines. Cette année, ce sont au total 100 000 enfants qui rejoindront les classes préscolaires, a par ailleurs souligné la délégation. Pour l'éducation préscolaire, la priorité est accordée aux zones reculées et défavorisées, a-t-elle précisé.

Un expert s'étant inquiété que 200 000 à 400 000 enfants se trouvent en situation d'abandon scolaire en Algérie, la délégation a souligné que cela ne représente que 5% des 8 millions d'enfants scolarisés dans le pays.

Qu'a prévu l'Algérie pour protéger les droits des enfants sahraouis, s'est enquis un membre du Comité?

Il existe dans certaines écoles algériennes des enfants sahraouis qui sont scolarisés et qui bénéficient à cette fin d'une prise en charge totale par le Gouvernement algérien, a indiqué la délégation.

C'est un devoir pour l'Algérie en tant pays d'asile de recevoir des réfugiés d'où qu'ils viennent, et notamment des Sahraouis, a ajouté la délégation.

La délégation a souligné qu'il n'y a aucune négociation entre l'Algérie et le Maroc en ce qui concerne le peuple sahraoui. L'Algérie espère simplement que le peuple sahraoui pourra entreprendre des négociations avec le Maroc afin que ces deux parties trouvent un accord sur les points de désaccords qui persistent entre elles.



Observations préliminaires

En fin de journée, le rapporteur du Comité chargé de l'examen du rapport algérien, M. HATEM KOTRANE, s'est dit très satisfait par le haut niveau du dialogue qui s'est noué au cours de cette journée d'examen. Nous sortons de ce dialogue mieux informés et certainement pas frustrés, a affirmé M. Kotrane. En effet, ce dialogue a permis au Comité d'être encore mieux informé de la volonté de l'État partie d'aller de l'avant. Les observations finales que le Comité adoptera ultérieurement ne manqueront pas de saluer les progrès réalisés par l'Algérie, a poursuivi M. Kotrane. Elles traduiront aussi un certain nombre de préoccupations persistantes, s'agissant notamment des déclarations interprétatives que le pays maintient à l'égard de plusieurs dispositions de la Convention; de la coordination de l'action en faveur de l'enfance; et de la nécessité de mettre en place un plan d'action plus cohérent. Quelques questions juridiques restent en suspens et requièrent de nouveaux efforts pour mieux aligner encore la législation nationale sur les dispositions de la Convention, a ajouté l'expert.

Le corapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Algérie, M. NORBERTO LIWSKI, a pour sa part invité l'Algérie à accorder toute l'attention voulue à un examen approfondi de la question du budget social, de manière à être en mesure de mener à bien l'ensemble des réformes envisagées dans ce secteur. La nécessaire réduction de la violence en général - en ce qui concerne en particulier les châtiments corporels, mais aussi la violence institutionnelle, y compris de la part de la police - conforte le Comité dans l'idée qu'il convient de trouver une solution à ce problème grave, a poursuivi M. Liwski. La réduction de la mortalité maternelle et infantile est incontestablement un jalon important, s'est-il félicité. Il a par ailleurs estimé que la question des enfants victimes du conflit armé appelle une attention soutenue. Il convient de promouvoir en Algérie une politique de tolérance et de coexistence pacifique, a-t-il ajouté.

Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

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