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Alors qu’une loi spécifique contre la discrimination devrait être soumise au Parlement, la situation dans les régions frontalières de la Thaïlande retient particulièrement l’attention des experts du CERD

Compte rendu de séance

 

Dans toutes les zones frontalières de la Thaïlande, ainsi que sur le littoral, ont été enregistrées des discriminations raciales fondées sur des motifs ethniques, religieux et politiques. Les discours de haine, les stéréotypes et le profilage racial à l'encontre des groupes ethniques et des peuples autochtones sont monnaie courante en Thaïlande. La situation s'est encore détériorée avec les décrets d'urgence et la loi martiale et les informations faisant état de disparitions forcées, de tortures et autres mauvais traitements, de profilage racial à l'encontre de personnes dans les provinces frontalières méridionales ainsi que d'oppression des défenseurs des droits de l'homme sont très préoccupantes.

Tel est le constat dressé par une experte du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD) alors qu’était examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport soumis par la Thaïlande au titre de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Cette experte – qui faisait office de rapporteuse du Comité pour l’examen du rapport de la Thaïlande – a ainsi regretté que la loi martiale imposée dans les provinces frontalières du Sud, qui entraîne de nombreux problèmes de droits de l’homme, semble appelée à perdurer.

D’une manière générale, les progrès du pays en matière de réalisation des droits de l'homme sont très lents, a déploré la rapporteuse. Elle a toutefois salué le fait que, même s’il se pose plusieurs problèmes de droits de l'homme, la Thaïlande accueille un nombre important de réfugiés et de demandeurs d'asile.

Après que la rapporteuse eut souligné que la plupart des politiques de développement sont élaborées sans le consentement libre, préalable et éclairé des personnes qui vivent sur place depuis des générations, un autre membre du Comité s’est enquis de ce qui a été fait pour remédier aux violations des droits de la minorité karen dénoncées par des organisations de la société civile, s’agissant notamment des droits fonciers de cette minorité face aux activités d’entreprises d’extraction.

Présentant le rapport de son pays, M. Wisit Wisitora-at, Secrétaire permanent du Ministère de la justice de la Thaïlande, a notamment expliqué que pour son pays, l’expression « peuples autochtones » désignait les premiers occupants d’un territoire ou ceux qui y vivaient avant la période coloniale, ce qui n’est pas applicable dans le cas de la Thaïlande. Toutefois, a-t-il ajouté, « nous continuons d’accorder une pleine reconnaissance juridique et un traitement non discriminatoire à l’ensemble des 62 groupes ethniques dans le pays ». Sur ce point, un membre du Comité a souligné durant le débat que pour le Comité, la notion de « peuple autochone » renvoie à des personnes résidant dans une zone au moment de la définition des frontières actuelles de l’État – en l’occurrence ici lors de la création du Royaume de Thaïlande, en 1932.

Dans sa déclaration de présentation du rapport, M. Wisitora-at a en outre fait valoir que le Ministère de la justice avait travaillé sur le premier texte de loi prévoyant une protection complète contre la discrimination. Ce projet de loi devrait être soumis au Cabinet d’ici 2022 et ensuite au Parlement, a-t-il précisé. Il a en outre fait état d’un projet de loi sur la protection et la promotion du mode de vie des groupes ethniques, qui doit être suivi de la formulation de principes et de lignes directrices et de la création d’un système clair et efficace pour leur participation dans les processus décisionnels.

Le Secrétaire permanent a aussi fait savoir que, pour s'attaquer concrètement au problème de l'apatridie, la Thaïlande menait une collecte volontaire et gratuite d'échantillons d'ADN pour les personnes sans statut légal ou sans nationalité, dans le but de vérifier leurs origines.

Outre M. Wisitora-at, la délégation thaïlandaise était également composée de M. Rongvudhi Virabutr, Représentant permanent adjoint et Chargé d’affaires par intérim de la Thaïlande auprès des Nations Unies à Genève, ainsi que de représentants des Ministères de la justice, des affaires étrangères, de l’intérieur, du travail et de la santé. Elle comprenait aussi des représentants de la police, du Conseil national de sécurité et du Commandement des opérations de sécurité intérieure.

Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport de la Thaïlande et les rendra publiques à l’issue de sa session, le 3 décembre prochain.

 

Cet après-midi à 15 heures, le Comité entamera l’examen du rapport du Danemark (CERD/C/DNK/22-24 ).

 

Examen du rapport de la Thaïlande

Le Comité était saisi du document valant quatrième à huitième rapports périodiques soumis par la Thaïlande (CERD/C/THA/4-8).

Présentation du rapport

Présentant le rapport de son pays, M. WISIT WISITORA-AT, Secrétaire permanent du Ministère de la justice de la Thaïlande, a rappelé que les dispositions de la Convention n’étaient pas directement applicables en Thaïlande, tout en soulignant qu’avec une politique de tolérance zéro à l’égard de la discrimination, la protection offerte par la Convention et d'autres instruments internationaux était cependant inscrite dans un certain nombre de lois nationales, en particulier dans la Constitution de 1997 et celles qui ont suivi. La Constitution de 2017 interdit toute discrimination fondée sur la différence d'origine, de race, de langue, de sexe, d'âge, de handicap, de condition physique ou de santé, de statut personnel, de statut économique et social, de religion, de croyance, d'éducation ou d'opinion politique. Elle constitue un tremplin vers la Stratégie nationale pour les années 2018-2037, laquelle s’efforce de promouvoir un développement fondé sur la diversité sociale et culturelle.

Étant partie aux principaux traités des droits de l’homme – parmi lesquels la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale – la Thaïlande s’est efforcée d’incorporer les dispositions des traités dans son droit interne afin d’en assurer l’application effective, a poursuivi M. Wisitora-at. Le Ministère de la justice a donc travaillé sur un projet de loi de lutte contre la discrimination – le premier texte de loi prévoyant une protection complète contre la discrimination, y compris celle fondée sur la race et l’origine et à la fois sous les aspects de la prévention, de la protection, de la suppression et des mesures correctives. Ce projet de loi, qui a fait l’objet de larges consultations l’été dernier, devrait être soumis au Cabinet d’ici 2022 et ensuite au Parlement, a précisé M. Wisitora-at.

Au nombre des progrès importants enregistrés depuis la soumission du rapport, le Secrétaire permanent a ensuite cité le projet de loi sur la protection et la promotion du mode de vie des groupes ethniques, qui doit être suivi de la formulation de principes et de lignes directrices pour la protection des groupes ethniques, ainsi que de la création d’un système clair et efficace pour leur participation dans les processus décisionnels. Ce projet de loi contient les importants principes suivants : protection des droits culturels, création de capacités pour les groupes ethniques et égalité face aux différences ethniques, a précisé le Secrétaire permanent du Ministère de la justice. En outre, a-t-il ajouté, plusieurs agences gouvernementales ont mis en œuvre le Plan de promotion de la coexistence dans le cadre de la société multiculturelle en Thaïlande pour la période 2018-2021, qui vise à accroître la sensibilisation et à susciter une meilleure compréhension de la diversité culturelle dans le pays.

[Comme l’explique le paragraphe 32 du rapport], la Thaïlande a toujours maintenu l’interprétation selon laquelle l’expression « peuples autochtones » désigne les premiers occupants d’un territoire ou ceux qui y vivaient avant la période coloniale, ce qui n’est pas applicable dans le cas de ce pays, a poursuivi M. Wisitora-at. « Toutefois, nous continuons d’accorder une pleine reconnaissance juridique et un traitement non discriminatoire à l’ensemble des 62 groupes ethniques dans le pays », a-t-il ajouté, après avoir rappelé que la Thaïlande avait adopté en 2007 la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

S’agissant des apatrides et des personnes sans statut [légal] en Thaïlande, le Secrétaire permanent a fait savoir que le mécanisme national de filtrage est en train d’être développé afin d’identifier les personnes ayant besoin de protection et de leur accorder un statut juridique, un séjour temporaire en Thaïlande ainsi que l'accès aux services de base nécessaires à une vie digne – notamment la santé, l'éducation et d'autres qui seront définis à l'avenir.

Après avoir adopté une série de politiques et de mesures législatives pour régler la question de l’apatridie, la Thaïlande a opté pour une solution globale et systématique consistant à mettre en œuvre de façon résolue la Stratégie nationale pour l’administration du statut juridique et des droits légaux des personnes. De ce fait, les politiques ont gagné en cohérence, les lois nécessaires ont été revues et adoptées, les organismes concernés ont collaboré, ce qui s’est traduit par une diminution continue du nombre de personnes sans statut légal ou sans nationalité.

Pour s'attaquer concrètement au problème de l'apatridie, la Thaïlande a mené une collecte volontaire et gratuite d'échantillons d'ADN pour les personnes sans statut légal ou sans nationalité, dans le but de vérifier leurs origines. En 2022, au moins 800 personnes sans statut et apatrides devraient être enregistrées à l'échelle nationale dans le cadre de cette campagne, en se concentrant sur les villageois des tribus des montagnardes dans la partie septentrionale du pays ainsi que sur les zones reculées, a fait savoir M. Wisitora-at.

Le Secrétaire permanent a aussi évoqué le travail fait depuis des décennies par la Thaïlande pour prendre en charge les personnes déplacées de pays voisins, sur la base de principes humanitaires. Aujourd'hui, environ 80 000 personnes déplacées sont sous la responsabilité du Gouvernement dans des abris temporaires, a-t-il précisé.

Tous les travailleurs, quelles que soient leur race ou leur nationalité, ont le droit d’accéder aux services sociaux fondamentaux, a ensuite fait valoir M. Wisitora-at, avant d’indiquer que la Thaïlande avait réussi à enregistrer plus de deux millions de travailleurs migrants sans papiers, ce qui leur permet d'être légalement protégés et de pouvoir bénéficier de services sociaux. Diverses formes d'assistance sont fournies aux travailleurs migrants, notamment des services linguistiques et des orientations s’agissant de leurs droits et de leurs devoirs de manière à les aider à s'adapter et à s'installer en Thaïlande. Dans sa réponse à la crise de la COVID-19, le Cabinet a approuvé les résolutions sur la gestion des travailleurs migrants, y compris l’autorisation pour ceux en provenance des pays voisins et dont le permis de travail avait expiré ou qui étaient entrés illégalement en Thaïlande de rester temporairement dans le pays et d’y travailler durant la pandémie, tout en continuant de bénéficier des services de santé essentiels, a souligné M. Wisitora-at.

Face à la pandémie de COVID-19, le Gouvernement applique une politique de vaccination élargie à un éventail de groupes vulnérables, y compris les étrangers et les travailleurs migrants, indépendamment de leur statut, a ajouté M. Wisitora-at. Le Ministère de la santé publique s’efforce d’accélérer la vaccination parmi les travailleurs migrants afin d’assurer leur bien-être. Les groupes cibles comprennent les travailleurs migrants le long des zones frontalières, ainsi que ceux qui se trouvent dans des abris temporaires pour personnes déplacées, a précisé le Secrétaire permanent.

Questions et observations des membres du Comité

MME CHINSUNG CHUNG, rapporteuse du Comité pour l’examen du rapport de la Thaïlande, a remercié le Gouvernement thaïlandais pour la soumission de son document de base mis à jour en novembre 2021 et pour ses réponses aux procédures de suivi, d'alerte rapide et d'action urgente. Cependant, le Gouvernement thaïlandais n'a soumis que deux rapports périodiques, en 2011 et 2019, depuis qu'il a ratifié la Convention en 2003, a-t-elle fait observer.

Le Comité prend acte des informations fournies dans le rapport concernant l'amélioration de la situation des droits de l'homme en Thaïlande, a poursuivi Mme Chung. Il note qu'un certain nombre de lois et de règlements ont été adoptés et que des mesures institutionnelles ont également été prises. Le Gouvernement entend-il adopter une définition de la discrimination conforme à celle donnée par la Convention, a toutefois demandé la rapporteuse ?

Mme Chung a ensuite constaté que la Thaïlande était principalement un pays de destination pour les travailleurs migrants et pour les réfugiés des pays voisins. Même s’il se pose plusieurs problèmes de droits de l'homme, la Thaïlande accueille un nombre important de réfugiés et de demandeurs d'asile, a salué l’experte.

Dans toutes les zones frontalières du pays [qui a des frontières avec la Malaisie, le Myanmar, la République démocratique populaire lao et le Cambodge], ainsi que sur le littoral, ont été enregistrées des discriminations raciales fondées sur des motifs ethniques, religieux et politiques, a déclaré Mme Chung. De nombreux travailleurs migrants et demandeurs d'asile originaires de pays voisins sont toujours en situation irrégulière et une grande partie d'entre eux, y compris des enfants, sont apatrides, a-t-elle ajouté.

Un grand nombre de peuples autochtones vivant dans la forêt ou dans les zones côtières font l’objet de discrimination, a poursuivi Mme Chung. Ces groupes ne sont pas bénéficiaires du développement et, au contraire, leur jouissance des droits de l'homme est entravée par un développement non durable et non fondé sur les droits de l'homme, a-t-elle affirmé. Plus précisément, la plupart des politiques de développement sont élaborées sans le consentement libre, préalable et éclairé des personnes qui vivent sur place depuis des générations, a regretté Mme Chung.

Le Comité a aussi été informé d'expulsions forcées sans compensation adéquate à la suite de projets de construction et de développement, avec la complicité de sociétés transnationales, a en outre indiqué l’experte. Le Comité constate également que les discours de haine, les stéréotypes et le profilage racial à l'encontre des groupes ethniques et des peuples autochtones sont monnaie courante en Thaïlande, a-t-elle souligné.

La situation s'est encore détériorée avec les décrets d'urgence et la loi martiale, a ajouté la rapporteuse. Les informations faisant état de disparitions forcées, de tortures et autres mauvais traitements, de profilage racial à l'encontre de personnes dans les provinces frontalières méridionales ainsi que d'oppression des défenseurs des droits de l'homme sont très préoccupantes, a-t-elle précisé. Mme Chung a notamment demandé comment le Gouvernement thaïlandais luttait contre la diffusion de stéréotypes racistes par des fonctionnaires.

Les progrès en matière de réalisation des droits de l'homme sont très lents, a déploré Mme Chung. Après que le Comité a adopté ses dernières observations finales en 2012, son groupe de travail sur les communications a été saisi d’informations par des organisations de la société civile : le Comité a envoyé plusieurs lettres à ce sujet au Gouvernement thaïlandais en 2015, 2017, 2019 et 2020. Cependant, la situation ne semble pas s'être améliorée et le Comité continue de recevoir des informations faisant état de violations des droits de l'homme en relation avec les questions soulevées par ces lettres, a expliqué Mme Chung.

Selon la société civile, a poursuivi la rapporteuse, les peuples autochtones en Thaïlande n’ont pas participé au processus d’élaboration de la Constitution de 2017. Mme Chung a souhaité savoir comment le Gouvernement entendait lever les obstacles qui s’opposent à l’accès des peuples autochtones à la justice.

Mme Chung a également prié la délégation de décrire les mécanismes permettant de faire en sorte que les fonctionnaires respectent l’état de droit dans le contexte de l’état d’urgence et de la loi martiale.

Mme Chung a par la suite regretté que la loi martiale imposée dans les provinces frontalières du Sud, qui entraîne de nombreux problèmes de droits de l’homme, semble appelée à perdurer.

La rapporteuse a en outre insisté sur le fait que des rapports d’organisations non gouvernementales condamnaient, de manière circonstanciée, la collecte d’échantillons d’ADN auprès de membres de certains groupes ethniques sans leur consentement.

Au cours du dialogue, Mme Chung a ensuite demandé si les peuples autochtones étaient consultés dans le cadre des projets entraînant des répercussions sur leurs droits aux ressources naturelles – forestières en particulier – et sur leurs droits fonciers. L’experte s’est interrogée sur l’existence de voies de recours pour les peuples autochtones victimes d’expulsions forcées dans ce contexte.

Mme Chung a en outre fait état d’une forte discrimination à l’encontre des femmes musulmanes d’origine malaise portant le hidjab. Elle a demandé si des enquêtes avaient été lancées au sujet d’allégations de profilage racial par les forces de sécurité au détriment de musulmans d’origine malaise dans les provinces du Sud de la Thaïlande.

La rapporteuse a par ailleurs déploré des discriminations contre des femmes handicapées et travailleuses du sexe autochtones.

Mme Chung a ensuite demandé des informations sur la politique de promotion des langues autochtones en Thaïlande. Elle a prié la délégation de dire ce qui avait été fait pour assurer la reconnaissance des groupes minoritaires et ethniques sur la base de leur auto-identification.

Un autre expert membre du Comité a estimé que les dispositions du Code pénal ne répondaient pas aux exigences de l’article 4 de la Convention, concernant l’interdiction de la propagande et des organisations qui s'inspirent d'idées ou de théories fondées sur la supériorité d'une race ou d'un groupe de personnes. La délégation a été priée de dire si des personnes avaient déjà été condamnées pour diffusion de haine raciale, et si des organisations poursuivant un tel but avait été dissoutes.

Il a par ailleurs été relevé que l’institution nationale de droits de l’homme de Thaïlande avait été rétrogradée au statut B s’agissant de sa conformité aux Principes de Paris, pour des raisons liées à un manque d’indépendance et de crédibilité sur le plan national.

La délégation a aussi été priée de dire ce qui a été fait pour remédier aux violations des droits de la minorité karen dénoncées par des organisations de la société civile, s’agissant notamment des droits fonciers de cette minorité face aux activités d’entreprises d’extraction. Une défenseuse des droits de l’homme accusée de diffamation par l’une de ces entreprises n’a pas bénéficié d’une procédure judiciaire équitable, a regretté un membre du Comité.

Une experte a demandé si la Thaïlande envisageait d’adopter une loi autonome sur la lutte contre la discrimination raciale. Alors que le racisme n’est pas érigé en infraction pénale en Thaïlande, la délégation peut-elle indiquer quelles sanctions frappent les personnes, notamment les politiciens de haut niveau, qui propagent des stéréotypes négatifs à l’encontre de minorités non ressortissantes, comme les Rohingya, a-t-il été demandé ?

Plusieurs experts du Comité ont fait part de leur préoccupation face aux conditions d’utilisation de logiciels de reconnaissance faciale et de tests d’ADN, s’agissant notamment du risque que ces dispositifs soient utilisés à des fins de profilage racial. Une experte a voulu connaître les preuves étayant les conclusions du Gouvernement selon lesquelles le profilage racial n’est pas pratiqué en Thaïlande.

D’autres questions ont porté sur la protection des droits de la minorité isan et des populations forestières en Thaïlande, de même que sur les initiatives prises dans le cadre de la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine. Le Comité, a-t-il été dit, est saisi d’informations selon lesquelles les personnes d’ascendance africaine sont victimes de discrimination en Thaïlande.

De 2014 à 2019, plus de 29 000 affaires ont été portées devant les tribunaux thaïlandais concernant des atteintes à la biodiversité, a constaté un expert.

Les peuples des montagnes et les Thaïlandais d’origine malaise semblent affectés de manière disproportionnée par le crime de disparition forcée, a relevé un membre du Comité.

Particulièrement vulnérables sont les personnes LGBTI appartenant à des groupes ethniques, a constaté un autre expert, soulignant que leur inclusion sociale est rendue très difficile par une protection légale insuffisante.

Si la Thaïlande est effectivement constituée comme une nation, elle doit prendre en charge tous ses concitoyens, y compris les peuples autochtones, a souligné un expert. Il a par ailleurs souhaité savoir si la Thaïlande avait essayé de se rapprocher des pays voisins pour aider les Rohingya à regagner le Myanmar.

Selon des informations parvenues au Comité, les peuples autochtones n’auraient pas bénéficié de mesures de protection spéciale pendant la pandémie, a-t-il été indiqué. Des informations ont été demandées concernant l’accès des réfugiés, des travailleurs migrants et des étrangers aux vaccins contre la COVID-19 ; les migrants doivent bénéficier de la même protection que la population thaïlandaise, a-t-il été souligné.

D’autres questions des experts ont porté sur la régularisation de la situation des apatrides en Thaïlande. Un expert a demandé si les apatrides dans ce pays appartenaient à des groupes autochtones ; il a été relevé que, selon des ONG, les membres de certains groupes ethniques sont considérés comme étrangers même s’ils résident en Thaïlande depuis des décennies, voire, à l’instar des Karen, depuis des siècles. Des informations ont été demandées sur la procédure relative au prélèvement d’échantillons d’ADN servant à établir le droit à la nationalité thaïlandaise [voir paragraphe 29 du rapport].

S’agissant de la définition des peuples autochtones, un expert a constaté que la Thaïlande, qui n’a pas été colonisée, considère comme « peuples autochtones » des communautés résidant sur un territoire donné avant qu’il n’ait été colonisé. Pour le Comité, il est question de personnes résidant dans une zone au moment de la définition des frontières actuelles de l’État – en l’occurrence ici lors de la création du Royaume de Thaïlande, en 1932, a fait remarquer l’expert.

Un expert s’est inquiété de la faiblesse des sanctions prévues par la loi thaïlandaise contre les auteurs de discours incitant à la haine raciale.

M. GUN KUT, rapporteur chargé du suivi des recommandations du Comité , a remercié les autorités thaïlandaises d’avoir fourni un rapport intermédiaire concernant trois recommandations prioritaires faites par le Comité à l’issue du l’examen du précédent rapport, concernant des mesures pour favoriser l’égalité des chances des femmes d’origine malaise ; l’éradication de la pratique des contrôles d’identité sur la base du profilage racial dans les provinces frontalières du Sud ; et la protection des réfugiés et demandeurs d’asile rohingya.

Réponses de la délégation

La délégation a d’abord fait observer que si la Thaïlande n’a pas adopté de loi spécifique sur la discrimination raciale, la Constitution de 2017 interdit la discrimination sous toutes ses formes. En outre, a ajouté la délégation, la discrimination raciale est déjà interdite dans la loi relative à la nationalité, entre autres textes de loi, et le Plan national pour les droits de l’homme tient aussi compte de ce problème.

Le Ministère de la justice est en train de préparer, avec la société civile, un projet de loi interdisant explicitement la discrimination sous toutes ses formes, a ensuite souligné la délégation. Ce projet prévoit, en faveur de celles et ceux qui sont victimes de discrimination injuste, des mesures proactives ainsi que des mesures de réparation. Un comité sera créé pour examiner les cas de discrimination injuste et recueillir des éléments de preuve ; tout acte de discrimination injuste avéré sera poursuivi sur le plan pénal, a précisé la délégation. Toujours en vertu du même projet de loi, qui doit être examiné par le Parlement en 2022, une autre instance sera chargée d’examiner les lois en vigueur pour veiller à ce qu’elles répondent aux objectifs de la lutte contre la discrimination, a-t-elle ajouté.

La délégation a ensuite communiqué des informations chiffrées sur les cinq grands groupes ethniques, parmi les 62 recensés dans le pays. Les droits des minorités sont reconnus et protégés par la Constitution, a-t-elle souligné, avant d’indiquer que la Thaïlande reconnaît l’importance de réaliser les droits des minorités en ayant recours à des mesures spéciales.

La délégation a par ailleurs indiqué que le Ministère de l’économie avait ouvert un centre d’information ayant notamment pour vocation de contrer les discours de haine visant des groupes ethniques qui sont fondés sur des informations erronées.

Le Gouvernement accorde la plus grande importance à la question de l’ accès à la justice dans des conditions d’égalité, a ensuite assuré la délégation. Elle a décrit les mécanismes ouverts aux justiciables qui estiment que leurs droits humains ne sont pas respectés, citant notamment les numéros d’appel et les permanences gérées par le Ministère de la justice ou le Bureau du Médiateur. Pour lever les obstacles à l’accès à la justice dus à des problèmes linguistiques, le Gouvernement met à la disposition des justiciables des services d’interprétation, a en outre souligné la délégation.

Les groupes ethniques bénéficient d’une assistance particulière dans le cadre des procédures judiciaires, y compris lorsque des membres de groupes ethniques appelés à témoigner doivent bénéficier de mesures de protection.

Une nouvelle institution nationale de droits de l’homme a commencé ses travaux en mai dernier, a d’autre part indiqué la délégation. Elle peut notamment agir en justice au nom d’une victime de violation des droits de l’homme et émettre des recommandations, a-t-elle précisé. Le champ d’action de l’institution est étendu à tout le territoire national. L’institution travaille actuellement à l’obtention du Statut A de pleine conformité aux Principes de Paris.

Les défenseurs des droits de l’homme sont considérés comme partenaires du Gouvernement dans la défense des droits de l’homme en Thaïlande, a ensuite affirmé la délégation. Elle a fait état d’activités déployées pour faire comprendre aux agents de l’État le rôle de ces défenseurs, par le biais notamment de formations organisées avec le Bureau à Bangkok du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme. La délégation a aussi mentionné des mesures d’ordre législatif et judiciaire prises pour éviter que des défenseurs ne soient renvoyés devant les tribunaux de manière erronée ou injustifiée.

Répondant aux questions relatives à la propagation de discours de haine et de stéréotypes, la délégation a affirmé que la Thaïlande n’acceptait ni le racisme ni la pratique de la discrimination raciale, comme la Constitution le précise clairement. Si le pays ne dispose pas de loi spécifique contre les discours de haine et la propagande raciste, les médias n’en doivent pas moins se conformer à un régime d’autoréglementation et de d’autodiscipline, a déclaré la délégation. En outre, la loi réglemente le contenu radiodiffusé : il est interdit de diffuser des programmes allant à l’encontre du régime démocratique ou susceptibles de nuire aux mœurs ou à l’ordre public. La commission nationale de radiodiffusion a adopté en 2013 des directives visant à contrôler les contenus qui pourraient entraîner des préjudices ou propager des stéréotypes voire l’incitation à la haine.

Les contenus diffusés sur Internet sont eux aussi réglementés, a poursuivi la délégation. La loi de 2017 permet de supprimer des activités illégales en ligne, a-t-elle indiqué. Les services du Premier Ministre préparent un projet de loi sur les médias de masse, afin d’imposer une norme d’éthique dans ce secteur et protéger ainsi la dignité humaine et le droit à la vie privée, ainsi que la liberté des journalistes, a fait savoir la délégation.

La délégation a d’autre part indiqué que le prélèvement d’ échantillons d’ADN ne pouvait se faire que dans le cadre d’enquêtes sur des personnes ayant commis un crime violent ou en lien avec des questions de sécurité nationale ; les agents concernés s’acquittent alors de leurs fonctions sans distinction de race ou de religion des justiciables. Le consentement explicite de la personne visée, exprimé par lettre signée, doit être obtenu avant tout prélèvement d’ADN, a précisé la délégation.

La technologie de reconnaissance faciale est appliquée, conformément à la loi sur la situation d’urgence, pour garantir la paix et la sécurité dans les provinces frontalières du Sud, a par ailleurs expliqué la délégation. De plus, l’ enregistrement des cartes téléphoniques (cartes SIM) est nécessaire, les cartes non enregistrées étant en effet utilisées pour commettre des crimes dans les provinces du Sud, a ajouté la délégation. La criminalité a baissé après l’application de ces deux mesures, a-t-elle fait valoir, avant d’assurer que ces mesures ont été appliquées sans discrimination.

La violence aveugle commise par certains groupes se poursuivant dans les provinces frontalières du Sud, le Gouvernement doit appliquer des « lois de sécurité spéciales » pour assurer la sécurité publique, a poursuivi la délégation. Ces lois, complémentaires de la procédure pénale, répondent aux principes de nécessité et de proportionnalité, a-t-elle affirmé. Un plan pour lever progressivement l’ état d’urgence dans les provinces frontalières du Sud sera appliqué à partir de 2022 jusqu’en 2027, a-t-elle ajouté.

Le port du hidjab n’est pas interdit en Thaïlande et aucune preuve n’est parvenue aux autorités que des écoles auraient été fermées pour des motifs liés à la discrimination religieuse, a indiqué la délégation.

La délégation a d’autre part déclaré que la Thaïlande avait toujours apporté protection et assistance aux personnes apatrides, notamment en fournissant des services mobiles d’enregistrement des naissances, l’accès aux services publics et la naturalisation. Le Gouvernement a adopté des « critères pour la détermination du statut juridique d’une personne », qui sont destinés à faire tomber les obstacles bureaucratiques pour les apatrides vivant en Thaïlande depuis longtemps. Quelque 400 000 personnes apatrides devraient bénéficier à terme de ces critères, a précisé la délégation.

La Constitution de 2017 garantit le droit de tous à une éducation de qualité et, depuis 2005, gratuite, a poursuivi la délégation. Les enfants réfugiés, ceux issus de groupes migrants, ethniques et autres, de même que les enfants sans papiers bénéficient de mesures d’intégration et de soutien à la scolarité. Des enseignements dans les langues ethniques sont financés par l’État dans les écoles publiques, a également fait valoir la délégation.

S’agissant de la gestion des forêts et des ressources naturelles, une pesée d’intérêts est faite entre les critères économiques, la bonne gestion des sols et la protection des droits des minorités : habitants des villages et résidents ethniques concernés sont encouragés à participer aux comités qui ont été créés à cette fin. La loi sur la conservation de la biodiversité impose notamment de réaliser un inventaire des terres exploitées par les communautés des forêts, en vue notamment d’éviter tout empiétement sur ces terres, a expliqué la délégation. Elle a aussi mentionné le lancement d’un projet pilote de gestion communautaire des terres et d’aménagement du territoire ; la mise sur pied de mécanismes destinés à assurer la participation des communautés karen ; ainsi que d’autres initiatives destinées à améliorer le dialogue entre le Gouvernement et les communautés.

La délégation a aussi évoqué les mesures prises pour faire respecter les droits et renforcer la participation des femmes appartenant à des groupes ethniques dans les provinces frontalières du Sud. Elle a notamment fait état de l’ouverture de centres d’accueil et de conseils ou encore de la révision en cours de la loi contre la violence familiale de 2007, afin de garantir une meilleure prise en charge.

La délégation a aussi informé le Comité des dispositions prises par la Thaïlande contre la traite des personnes et contre le travail forcé, dispositions axées notamment sur la protection des victimes. Le Gouvernement met en place, avec les pays voisins et plus lointains, des projets destinés à éradiquer la pauvreté et à renforcer la résilience au sein des communautés, en vue de rompre le cercle de la migration illégale et de l’exploitation, a précisé la délégation.

La Thaïlande accorde actuellement refuge et assistance à quelque 80 000 personnes venues du Myanmar, a par ailleurs souligné la délégation. Le Gouvernement thaïlandais dialogue avec les autorités concernées au Myanmar pour organiser le rapatriement dans de bonnes conditions des personnes concernées. Les retours ont été interrompus à cause de la COVID-19, a expliqué la délégation, avant de souligner que sur place, les autorités thaïlandaises accordent aux personnes déplacées du Myanmar un soutien économique et sanitaire – y compris des vaccins contre le coronavirus.

Les migrants ont le droit de créer des syndicats, a en outre indiqué la délégation.

Le Gouvernement a réalisé, avec le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), une étude sur la situation des LGBTI en Thaïlande, a d’autre part indiqué la délégation, avant de faire valoir que des formations aux droits des LGBTI sont organisées à l’intention des policiers.

Remarques de conclusion

MME CHUNG a remercié la délégation pour ce dialogue constructif. Elle a salué la participation des organisations non gouvernementales et de l’institution nationale de droits de l’homme thaïlandaise [en amont du présent dialogue] aux travaux du Comité. La lutte réussie contre la discrimination favorisera la paix sociale et le respect des droits humains de tous en Thaïlande, a-t-elle déclaré.

M. WISITORA-AT a affirmé que la présente discussion avait permis à sa délégation de recevoir des conseils éclairés quant à la façon d’appliquer la Convention. Il a assuré que les discussions utiles entre parties prenantes – y compris des victimes de la discrimination raciale – qui ont lieu en Thaïlande aideront le Gouvernement à poursuivre son action pour éliminer la discrimination raciale, aborder la question de l’immigration illégale et, dans cette période difficile, assurer aux groupes vulnérables l’accès à la citoyenneté et aux soins de santé.

 

Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel. Les versions anglaise et française de nos communiqués sont différentes car elles sont le produit de deux équipes de couverture distinctes qui travaillent indépendamment.

 

CERD21.012F