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Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes examine le rapport du Danemark

Compte rendu de séance

 

Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes a terminé cet après-midi l'examen en séance publique du rapport du Danemark, entamé lundi 22 février.

Le rapport sur les mesures qui ont été prises par le Danemark pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes a été présenté par Mme Mette Kaae Hansen, du Département de l’égalité des genres au Ministère de l’emploi. Elle a fait valoir que les Danoises participent au marché du travail presque sur un pied d’égalité avec les Danois, ajoutant que le gouvernement est dirigé par une femme et que les femmes bénéficient généralement de l'égalité des chances dans les domaines politique, économique, social, culturel et civil. Toutefois, le Gouvernement danois reconnaît que des progrès restent à faire pour atteindre une égalité totale entre les femmes et les hommes dans la société, ajoutant toutefois que des jalons importants ont été franchis, notamment la nouvelle législation sur le viol, désormais fondé sur le critère du non-consentement, et le renforcement des services de soutien aux femmes victimes de violence domestique, ainsi que des initiatives pour combattre le harcèlement sexuel sur le lieu de travail et dans l’éducation.

Présentant la situation sur les Îles Féroé, la délégation a notamment annoncé la création d’un Bureau de l'égalité de genre en 2019, dont l’un des principaux objectifs est de sensibiliser à cette question et d'accroître le nombre de femmes aux postes de décision. Quant au Groenland, une nouvelle loi, entrée en vigueur le 1er janvier 2021, étend les congés relatifs à la grossesse, la naissance et l'adoption. La délégation a également fait valoir que les femmes ne sont plus surreprésentées dans les statistiques du chômage du Groenland. Elle a aussi fait état d’une meilleure sensibilisation de l'opinion publique aux pratiques abusives, dégradantes et discriminatoires à l'égard des femmes.

La directrice de l’Institut danois pour les droits de l’homme a pour sa part évoqué la seconde vague liée au mouvement #MeToo, qui est largement débattue au Danemark depuis août 2020, et a recommandé aux pouvoirs publics de prendre de nouvelles mesures contre le harcèlement sexuel au travail.

Consciente des grandes avancées récentes au Danemark, notamment la loi sur le viol, la politique en faveur de la jeunesse, les mesures contre la violence en ligne, l'experte du Comité chargée de l'examen du rapport du Danemark, Mme Nicole Ameline, a également dit attendre des réponses à certaines faiblesses persistantes aggravées par la crise due à la pandémie de COVID-19. Elle a recommandé une mobilisation exceptionnelle de moyens, un renouveau politique dans la volonté de promouvoir l’égalité, la consolidation des cadres législatifs et une plus grande détermination dans l’éradication de toutes les discriminations. Elle a par ailleurs relevé une application inégale de la Convention et du Protocole facultatif sur l’ensemble des territoires du royaume du Danemark.

Les conséquences de la crise sanitaire ont suscité des inquiétudes parmi les autres membres du Comité, en particulier s'agissant des groupes vulnérables comme les femmes âgées, les personnes homosexuelles, bisexuelles, trans, intersexes ou queer (LGBTIQ), les migrantes, les femmes autochtones, les demandeuses d’asile, les sans-abris. Des experts ont observé avec préoccupation les retards importants concernant la participation politique des femmes au Danemark, notamment au sein du gouvernement, ainsi que dans les conseils d’administration des grandes entreprises, s’interrogeant sur la mise en place de quotas pour remédier au manque de parité. L’écart salarial persistant entre hommes et femmes a également été relevé.

La délégation danoise a assuré que son gouvernement était conscient des stéréotypes de genre au Danemark et qu’il s'efforce de prendre des mesures, visant par exemple à encourager le congé parental des hommes et le partage des tâches. Dans le système éducatif, les élèves sont aujourd’hui davantage sensibilisés à l’égalité entre les sexes et aux droits de l’homme. La délégation a également rappelé que tous les ministères sont obligés d’intégrer la perspective hommes-femmes dans leurs programmes.

La délégation danoise était composée de fonctionnaires du Département de l’égalité de genre, ainsi que des Ministères de la santé, de la justice, de l’immigration et de l’intégration, de l’emploi, de la culture, des enfants et de l’éducation, des affaires sociales et des personnes âgées, de l’industrie et des finances, des affaires étrangères.

 

Le Comité, qui tiendra sa séance publique de clôture demain, adoptera des observations finales sur le rapport du Danemark le 4 mars prochain, dans le cadre d'une séance privée. Les observations finales sur l'examen du rapport du Danemark pourront être consultées sur la page internet consacrée à la présente session du Comité.

 

Présentation du rapport du Danemark

Le Comité était saisi du neuvième rapport périodique du Danemark ( CEDAW/C/DNK/9 ), ainsi que des réponses du pays à une liste de points à traiter qui lui avait été soumise.

MME METTE KAAE HANSEN, Secrétaire permanente adjointe du Département de l’égalité de genre au Ministère de l’emploi, a d’emblée souligné que les gouvernements successifs du Royaume du Danemark se sont toujours efforcés d’améliorer la législation et les réglementations juridiquement contraignantes du pays afin de parvenir à l’égalité de genre entre femmes et hommes. De nos jours, les Danoises participent au marché du travail presque sur un pied d’égalité avec les hommes, a-t-elle fait valoir, ajoutant que le gouvernement actuel est dirigé par une femme et que les femmes bénéficient généralement de l'égalité des chances dans les domaines politique, économique, social, culturel et civil.

Le Gouvernement danois reconnaît toutefois que des progrès restent à faire pour atteindre une égalité totale entre les femmes et les hommes dans la société, raison pour laquelle il a examiné avec attention les recommandations émises par le Comité à l’issue du précédent dialogue, en mai 2015, a assuré Mme Kaae Hansen.

S’agissant de la violence à l’égard des femmes, la représentante a informé le Comité que le Parlement danois avait posé un certain nombre de jalons importants, notamment en élargissant le champ d'application du code pénal et en allouant des fonds pour développer les services de soutien et la sensibilisation. Parmi les initiatives les plus importantes qui ont été prises depuis douze mois, la cheffe de la délégation a cité la nouvelle législation sur le viol, qui criminalise les relations sexuelles sans consentement, ainsi qu'une campagne d'information nationale qui a permis de faire connaître les nouvelles règles au sein de la population, d'informer sur une nouvelle ligne d’appel d’urgence pour les victimes et de susciter un débat, en particulier parmi les jeunes. En ce sens, de nouvelles directives d’enseignement sur l’éducation sexuelle sont en cours d’élaboration afin qu’elles reflètent cette notion de consentement.

Par ailleurs, le parlement a alloué en 2020 des fonds pour renforcer les services de soutien aux femmes victimes de violence domestique, afin notamment de créer des refuges permanents supplémentaires pour les femmes battues et d'augmenter le financement des organisations non gouvernementales offrant des services de conseil ambulatoire aux victimes. La pandémie de COVID-19 a clairement eu un grave impact sur les victimes de violence domestique, a dit Mme Kaae Hansen, indiquant que le gouvernement avait rapidement décidé d'allouer des fonds supplémentaires pour faire face à cette crise.

En 2019, le parlement a décidé d’ériger en infraction la violence psychologique et a dispensé une formation en ce sens à la police et au parquet. Mme Kaae Hansen a ajouté qu'une enquête sur la prévalence de la violence psychologique à l’égard des femmes serait menée cette année.

Toutes les femmes devraient pouvoir jouir de leur droit de décider librement de leur corps, a affirmé la représentante danoise, ajoutant que ni la religion ni la culture ne peuvent servir d'excuse pour limiter les droits des femmes. Rappelant que le mythe de l'hymen de la virginité soit utilisé pour réprimer les femmes et leur liberté de décider de leur propre corps et de leur sexualité, elle a fait savoir que le parlement avait décidé en 2019 de l’interdiction de l'hyménoplastie (reconstruction chirurgicale de l'hymen).

Le gouvernement a également proposé de modifier la législation sur la violence psychologique pour préciser que le contrôle social négatif est une forme de violence psychologique et qu'il devrait donc être punissable. Le projet de loi proposé inclut la criminalisation de la pratique néfaste consistant à maintenir les femmes dans un mariage civil, religieux ou autre contre leur volonté. Le gouvernement a également proposé de criminaliser le mariage religieux des mineurs et de permettre aux autorités de retirer ou de refuser de délivrer un passeport ou un document de voyage danois aux enfants qui risquent d'être mariés à l'étranger.

Sur la question du harcèlement et des abus sexuels en ligne, qui touchent de manière disproportionnée les femmes et les filles, Mme Kaae Hansen a indiqué que le gouvernement avait lancé l’année dernière une campagne sur le harcèlement numérique, pour informer les jeunes des sanctions encourues en cas d'exposition indécente en ligne, de partage non consenti d'images privées et de manipulation d'images pornographiques.

Déplorant que le harcèlement sexuel soit toujours répandu dans la société danoise, Mme Kaae Hansen a informé le Comité que son gouvernement avait lancé, en novembre dernier, 14 nouvelles initiatives pour le combattre sur le lieu de travail et dans l’éducation. Parmi ces initiatives, elle a notamment mentionné la mise en place d’un dialogue tripartite avec les partenaires sociaux pour améliorer la prévention et renforcer les sanctions pour harcèlement sexuel au travail. Un numéro d’urgence sur le harcèlement a également été remis en service et, à partir de décembre 2021, un dispositif national de dénonciation sera mis en place pour les infractions à la loi, y compris le harcèlement sexuel.

S'agissant de la participation de femmes au marché du travail, qui est élevée au Danemark, Mme Kaae Hansen a pris note des recommandations du Comité et annoncé quelques-unes des actions lancées par le gouvernement, notamment pour minimiser l’écart salarial entre hommes et femmes. Actuellement, le congé parental peut être également partagé entre femmes et hommes mais les Danois n’y recourent qu’à raison d'environ 10%, raison pour laquelle une campagne de sensibilisation va être de nouveau lancée. Le gouvernement cherche aussi à encourager l’entrepreneuriat féminin et a mis en place à cette fin un programme d'égalisation des chances en matière de maternité pour les travailleurs indépendants afin d'augmenter leur compensation financière pendant les congés de maternité, de paternité et parental.

Quant au monde universitaire, les femmes sont encore sous-représentées dans les postes d'enseignants et de chargés de cours, raison pour laquelle le gouvernement a décidé cette année de renforcer le programme de promotion des talents «Inge Lehmann» afin de promouvoir un équilibre plus égal entre les sexes dans la recherche.

S’agissant de la représentation des femmes dans les conseils d'administration et la direction des entreprises, le gouvernement est en train de revoir la législation et les politiques afin d'évaluer comment parvenir plus rapidement à un équilibre entre les sexes dans les entreprises publiques et privées.

Mme Kaae Hansen a informé le Comité que le gouvernement avait pris plusieurs mesures pour lutter contre la ségrégation sexuelle dans le système éducatif. Ces mesures porteront cette année sur la manière dont les établissements d'enseignement professionnel peuvent travailler sur l'égalité de genre et promouvoir un meilleur équilibre parmi leurs étudiants.

En conclusion, Mme Kaae Hansen a souligné que l'égalité de genre et la lutte pour les droits des femmes et des filles dans le monde restent des domaines prioritaires pour le Danemark et des éléments centraux de sa coopération au développement et de son action humanitaire. L’année dernière, le royaume a accordé plus de 63 millions de dollars au financement extraordinaire dans le cadre de la pandémie de COVID-19 pour aider les organisations de première ligne à poursuivre leur important travail à l’égard des femmes et des filles en situation vulnérable.

Attaché au droit de toutes les femmes et de toutes les filles à décider de leur vie, de leur corps et de leur avenir, le Danemark a coorganisé en 2019 le Sommet de Nairobi CIPD+25 avec le Gouvernement du Kenya et le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP). Mme Kaae Hansen a fait savoir que le Danemark était fier de codiriger depuis juillet 2020 la Coalition d'action pour l'autonomie corporelle et les droits en matière de santé reproductive et sexuelle dans le cadre de la mise en œuvre du Programme d'action de Pékin. Fin 2020, le Gouvernement danois a lancé son quatrième et très ambitieux plan d'action national sur la mise en œuvre de la résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations unies sur les femmes, la paix et la sécurité. Et, en janvier 2021, le Danemark a pris la tête de l'initiative mondiale "Appel à l'action pour la protection contre la violence sexiste dans les situations d'urgence".

S'agissant de la mise en œuvre de le la Convention aux Îles Féroé, la délégation a indiqué que les initiatives gouvernementales, telles que les prestations sociales, les services de garde d'enfants, la politique d'égalité des sexes ciblée, des possibilités accrues d'obtenir une part égale du congé parental payé, davantage de possibilités d'éducation et l'augmentation des bourses d'études pour les étudiants ayant des enfants, expliquent en partie pourquoi l'émigration a cessé et que ce sont surtout les jeunes femmes qui reviennent ou décident de rester aux Îles Féroé.

La représentante a fait savoir que plusieurs mesures de soutien ont été mises en place afin d'endiguer les effets sociaux négatifs de la pandémie de COVID-19. Un soutien a également été mis à la disposition du Centre de crise de la capitale, Tórshavn, le confinement ayant entraîné une augmentation du nombre de femmes cherchant de l'aide.

En août 2019, un Bureau de l'égalité des genres a été créé aux Îles Féroé. Son principal objectif est de mettre la question de l'égalité des genres à l'ordre du jour dans tous les domaines de la société et de sensibiliser à la question, ainsi que d'accroître le nombre de femmes aux postes de décision.

En 2017, plusieurs amendements au code pénal des Îles Féroé relatifs aux agressions sexuelles ont été adoptés. La peine pour viol a été augmentée d'un an en moyenne et la définition a été élargie pour inclure d'autres formes de contrainte et d'abus d'une personne sans défense ainsi que les agressions sexuelles dans le cadre du mariage. Une autre réglementation entrée en vigueur en 2017 vise à protéger les personnes contre la violence, les agressions et le harcèlement. Elle donne l'autorisation d'éloigner une personne violente pendant un certain temps du domicile qu'elle partage avec la victime et contient des dispositions claires concernant les ordonnances de protection, les ordonnances de protection immédiate et l'interdiction de séjour.

En ce qui concerne la situation au Groenland, la délégation a informé le Comité de l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2021, d’une nouvelle loi qui étend les congés relatifs à la grossesse, la naissance et l'adoption.

Mme Tove Søvndahl Gant, du Ministère des affaires étrangères, a informé le Comité que les femmes n'étaient plus surreprésentées dans les statistiques du chômage, comme indiqué dans le rapport ; les chiffres de 2019 et les chiffres encore non publiés de 2020 montrent que le pourcentage de femmes au chômage est désormais inférieur à celui des hommes.

La déléguée a fait savoir que les femmes et les filles continuent à obtenir de meilleurs résultats que les hommes et les garçons dans l'enseignement secondaire supérieur, l'enseignement professionnel ainsi que dans l'enseignement supérieur.

Les tendances sont également positives quant à la participation des femmes à la politique. Ce sont des femmes qui occupent les deux sièges du Groenland au Parlement danois depuis 2011 et 3 maires sur 5 sont des femmes.

Au sujet du cas de harcèlement sexuel mentionné dans le rapport de l’Institut danois pour les droits de l’homme et du Conseil des droits de l’homme du Groenland, la représentante a indiqué que le tribunal de district a condamné en janvier 2021 le prévenu pour quatre chefs d'accusation d'atteinte aux bonnes mœurs et une peine de 60 jours d'incarcération. Cette affaire a suscité un énorme intérêt a permis de sensibiliser l'opinion publique aux pratiques abusives, dégradantes et discriminatoires à l'égard des femmes et à l'importance de mettre fin aux comportements et aux pratiques qui portent atteinte à la dignité des femmes. Suite à cette condamnation, l'un des plus grands partis politiques a annoncé la mise en place d'une politique contre le harcèlement sexuel, a ajouté Mme Søvndahl Gant.

Institution nationale des droits de l’homme

MME LOUISE HOLCK, directrice de l’Institut danois pour les droits de l’homme, qui est également l’institution nationale pour les droits de l’homme du Groenland, s’est félicitée des initiatives positives prises par le Danemark en relation avec la violence psychologique, la législation sur le viol et le harcèlement sexuel.

Mme Holck a cependant demandé au Gouvernement danois d’accorder une meilleure attention à plusieurs questions. Au sujet du harcèlement sexuel, elle a évoqué la seconde vague de #MeToo qui a été largement débattue au Danemark depuis août 2020. L’Institut recommande à cet égard au gouvernement de prendre des mesures pour veiller à ce qu’un employeur soit tenu pour responsable dans les cas de harcèlement sexuel commis non seulement par des cadres mais aussi par des collègues et des clients.

La directrice de l'Institution nationale danoise s’est félicitée de la nouvelle loi sur le viol, qui se fonde désormais sur le critère du consentement, mais elle a souligné l’importance de mener des actions préventives de sensibilisation et d’éducation pour les jeunes.

Au sujet de la traite, Mme Holck a rappelé que la majorité des victimes sont des femmes et que leur nombre est sans doute plus élevé que ne l’indiquent les statistiques. Elle a souhaité que le Danemark prenne des mesures pour que des enquêtes criminelles efficaces soient menées.

Mme Holck a fait savoir que les recherches de l’Institut indiquent que les femmes évitent le débat en ligne plus souvent que les hommes. Soulignant que le débat, en ligne ou hors ligne, est au fondement de la démocratie, elle a recommandé que le Danemark fasse bien appliquer la loi en termes de responsabilité sur les médias sociaux pour les contenus illicites.

Quant à la question des femmes en politique, l’Institut recommande des mesures pour encourager la représentation des femmes, en particulier au niveau municipal.

La directrice de l’Institut a par ailleurs recommandé au gouvernement de réformer la loi sur le congé parental pour faire appliquer la nouvelle directive européenne sur l’équilibre entre vie privée et professionnelle pour les femmes comme pour les hommes.

Enfin, Mme Holck a attiré l’attention sur la question de la violence contre les femmes et les filles au Groenland, dont le niveau est nettement plus élevé qu’au Danemark. Elle a souligné l'importance de lutter contre ce phénomène et a recommandé que le Groenland veille à une bonne collecte des données et à une analyse de la violence contre les enfants et contre les femmes, notamment les femmes handicapées.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

MME NICOLE AMELINE, rapporteuse du Comité pour le Danemark, a dit attendre beaucoup d’un pays qui compte parmi les plus avancés en matière d’égalité. Conscient des grandes avancées récentes au Danemark, notamment la loi sur le viol, la politique en faveur de la jeunesse, les mesures contre la violence en ligne, le Comité attend aussi des réponses à certaines faiblesses persistantes aggravées par la crise de COVID-19. Cela implique une mobilisation exceptionnelle de moyens, un renouveau politique dans la volonté de promouvoir l’égalité, la consolidation des cadres législatifs et une détermination accrue dans l’éradication de toutes les discriminations pour respecter le Programme de développement durable à l’horizon 2030. Attirant l’attention sur l’idée de créer un plan national sur la parité à l’horizon 2030 afin d’adopter une démarche volontariste, Mme Ameline a rappelé que le manque de parité est une atteinte à la démocratie, qui doit être pleinement représentative.

Évoquant la force juridique et le statut de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, Mme Ameline a suggéré que le moment de son intégration officielle dans l’ordre juridique interne était venu, ce qui constituerait un signal extrêmement fort.

L’examen du rapport démontre que l’application de la Convention et du Protocole facultatif est inégale sur l’ensemble des territoires du royaume du Danemark, a relevé la rapporteuse, estimant que l’accélération de son application était une nécessité en lien avec les objectifs de développement durable (ODD) et le Programme de développement durable à l'horizon 2030. Elle a demandé à la délégation danoise si un mécanisme de coordination commun pouvait être envisagé avec les Îles Féroé et le Groenland dans le respect de l’autonomie de ces territoires afin de réduire les disparités législatives existantes dans le domaine des droits des femmes. Elle a également voulu savoir s’il était envisagé de renforcer les institutions nationales des droits de l'homme et d’en créer une aux Îles Féroé.

Notant que le système de statistiques n’a pas suffisamment progressé au Danemark pour constituer un véritable outil de décision et un mécanisme d’évaluation adéquat, Mme Ameline a souligné l’importance d’un outil performant pour l’évaluation précise de l’impact de la crise sur l’ensemble du territoire et la modélisation de la place des femmes dans la reconstruction d’un monde plus juste et plus durable.

L’inclusivité est une valeur essentielle, a dit la rapporteuse au sujet de la question des minorités. Une approche législative globale intégrant toutes les formes de violences basée sur la Convention d’Istanbul et intégrant les discriminations croisées qui frappent notamment les femmes appartenant à des minorités ethniques ou victimes de handicaps serait opportune, a-t-elle fait remarquer.

Par ailleurs, la rapporteuse a relevé que l’utilisation du concept de neutralité de genre ne donne pas toute la mesure de l’importance de la dimension du genre dans les politiques publiques, ajoutant que l’évaluation de cette approche n’est pas franchement concluante et peut créer de nouvelles inégalités. Elle s’est interrogée sur les correctifs qui pourraient être apportés afin de promouvoir le statut des femmes.

Parmi les autres membres du Comité, Mme Ana Pélaez Narvaez a observé avec préoccupation les retards importants concernant la participation politique des femmes au Danemark, notamment dans le gouvernement, ainsi que dans les conseils d’administration des grandes entreprises. À ce propos, elle a demandé si des quotas pour garantir une meilleure représentation politique des femmes étaient prévus pour les élections de novembre 2021. Pour sa part, Mme Genoveva Tisheva s’est interrogée sur les raisons expliquant l’écart de rémunération persistant entre hommes et femmes.

Concernant les groupes vulnérables, comme les femmes âgées, les personnes LGBTIQ, les migrantes, les autochtones, les sans-abris et les demandeuses d’asile, les experts ont voulu savoir quelles mesures temporaires spécifiques ont été adoptées pour se remettre de la pandémie de COVID-19 et s’assurer qu’aucune de ces femmes ne soit laissée pour compte. Mme Rosario Manalo a soulevé la question des mesures prises pour minimiser la violence de genre pendant la crise sanitaire. Pour sa part, Mme Marion Bethel a évoqué l’accès à l’emploi et au logement et s’est inquiétée de la situation des femmes Inuit du Groenland.

La question des stéréotypes de genre et celle de la présence des femmes dans les études scientifiques et technologiques ont également été soulevées par les experts. Si elle a félicité le Danemark pour son système d’éducation, qui est « sans doute l’un des meilleurs du monde », Mme Tamader Al-Rammah s’est interrogée sur les mesures prises pour faciliter l’accès des filles handicapées aux études de haut niveau et au marché de l’emploi et celui des migrantes au marché du travail.

Réponses de la délégation

Une représentante du Ministère de la justice a souligné que le Gouvernement danois était attaché à la mise en œuvre pleine et entière de la Convention pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et qu’elle peut être invoquée par les tribunaux danois. Elle a par ailleurs cité quelques initiatives pour l’application de la Convention d’Istanbul, ratifiée en 2014, telles que la mise en place d’une unité pour la prévention de la violence domestique, l’alourdissement des sanctions pour les violences à l’égard des femmes ou l’adoption d’une loi sur la violence psychologique dans les relations intimes.

Les personnes vulnérables ont bien sûr été les plus durement frappées par les conséquences de la pandémie de COVID-19, notamment les femmes. Le gouvernement a compris que le confinement présentait des risques potentiels pour les victimes de violence conjugale et a pris des mesures en ce sens. Soulignant la grande vulnérabilité des migrantes non européennes, une représentante du Ministère de l’immigration a indiqué que le gouvernement avait traduit dans les langues minoritaires les principales informations pour la prévention de COVID-19. La délégation a également indiqué que des chambres supplémentaires avaient été mises à disposition dans les centres d’accueil d’urgence et que des mesures avaient été prises pour lutter contre la violence entre partenaires intimes dans le contexte de la crise sanitaire.

Au sujet du concept de neutralité, la délégation a rappelé que tous les ministères sont obligés d’intégrer la perspective hommes-femmes dans leurs programmes. Reconnaissant qu’elle peut avoir un effet négatif sur la promotion de l’égalité hommes-femmes, elle a précisé que les lois et politiques sont élaborées sur la base d’un accord de toutes les parties afin d’éliminer toute discrimination.

Par ailleurs, la délégation a fait observer que le Parlement a adopté en 2018 une loi sur l’interdiction de l’exclusion du marché du travail fondée sur le handicap. Concernant les femmes marginalisées et vivant dans la pauvreté, le gouvernement a introduit des aides provisoires, notamment pour les familles monoparentales, qui sont généralement des femmes.

Quant aux femmes LGBTIQ, Mme Kaae Hansen a indiqué que les recherches prouvent qu’elles sont plus vulnérables à la violence que d’autres groupes de femmes, et que le gouvernement a mis en œuvre un plan d’action en 2019 qui permettra de mieux répondre à leurs besoins. La définition des crimes de haine et d’incitation à la haine sera élargie pour intégrer le genre et l’identité sexuelle.

Dans le domaine politique, les organisations de femmes ont une forte influence pour veiller à la représentation féminine et plusieurs partis prennent des mesures en faveur de l’égalité des genres, a fait remarquer Mme Kaae Hansen, ajoutant que le gouvernement compte actuellement 7 femmes ministres sur 20.

S’agissant de la sous-représentation des femmes dans les postes de responsabilité dans les entreprises, la cheffe de la délégation a assuré que le gouvernement en est conscient et y travaille mais que le Parlement n’est pas favorable au système de quotas. Si les entreprises privées doivent rendre un rapport chaque année sur cette question, elle a reconnu que les progrès sont trop lents et que le gouvernement envisage de modifier la législation en vigueur, qui ne concerne actuellement que les membres des conseils d’administration mais pas les postes de direction. Les entreprises sont par ailleurs invitées à adopter le code de la diversité dans les postes de direction, qui encourage une meilleure participation des femmes.

En ce qui concerne l’écart salarial persistant entre hommes et femmes, la délégation a fait observer que le dialogue avec les partenaires sociaux était l’un des outils pour sensibiliser au problème dans les entreprises privées.

Si les femmes sont moins représentées que les hommes sur les réseaux sociaux, des exemples récents montrent qu’elles les utilisent pour participer activement au débat politique, a souligné une représentante du Ministère de la culture. En ce sens, le mouvement #MeToo a suscité le débat et permis la protestation contre le harcèlement sexuel de femmes travaillant dans les médias.

Pour une représentante du Ministère des enfants et de l’éducation, les femmes et les jeunes ont besoin d’une attention spéciale car ces groupes ne savent pas où chercher de l’aide lorsqu’ils font face à du harcèlement en ligne. Une campagne d’information a été lancée et des documents sur l’alphabétisation numérique doivent être élaborés et diffusés.

Une représentante du Ministère de l’immigration a reconnu que le taux d’ emploi des femmes non occidentales est faible car elles se heurtent à de multiples obstacles et ont du mal à prendre leur place dans la société danoise. Des mesures ciblées doivent être prises pour lever ces obstacles et améliorer la réalisation de leurs droits, a-t-elle poursuivi, mentionnant quelques initiatives déjà prises, notamment concernant leur accès à l’emploi, l’aide aux minorités ethniques ou les foyers pour les victimes de violence.

La délégation a fait remarquer que le gouvernement est conscient des stéréotypes de genre au Danemark et qu’il essaie de prendre des mesures, comme la promotion du congé parental des hommes et du partage des tâches. Dans le système éducatif, les élèves sont aujourd’hui davantage sensibilisés à l’égalité entre les sexes et aux droits de l’homme.

La délégation a informé le Comité qu’un ministère de l’égalité sera dûment créé au du Groenland afin de sensibiliser le Parlement aux obligations conventionnelles. Elle a indiqué que le territoire respecte les dispositions de la Convention d’Istanbul et le plan d’action contre la violence. Abordant la question des abus sexuels au Groenland, la délégation a reconnu que le nombre de victimes est élevé, en particulier chez les enfants, et a annoncé au Comité que des mesures de prévention destinées aux familles étaient prises, de même que pour le traitement des victimes. Un plan d’action national lutte en outre contre la négligence familiale.

S'agissant des Îles Féroé, la délégation a évoqué des mesures relatives aux femmes victimes d’abus sexuels et de violence ainsi que la mise la leur disposition de centres d’accueil dans le cadre d’un plan d’action national lancé depuis 2012. Elle a précisé qu’elle n’a pas connaissance de cas de traite ou de prostitution aux Îles Féroé. Le gouvernement a pris des mesures pour garantir l’application de la Convention et le Ministère des affaires étrangères travaille à la mise en place d’une institution nationale des droits de l’homme. Dans l’attente, un médiateur veille au respect de l’application des droits dans les Îles Féroé.

Conclusions

MME KAAE HANSEN a souligné que l’égalité de genre était une pierre angulaire de la démocratie danoise et de la cohésion de la société. Les pouvoirs publics surveillent sans relâche la situation des femmes vulnérables afin de répondre à leurs besoins, en particulier dans le contexte particulier de la pandémie, a conclu la cheffe de la délégation danoise.

 

CEDAW21.002F