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Signature of the members of the commission on the League of Nations at the Paris Peace Conference

Lorsque la Société des Nations a été créée en 1919, il n’existait aucun précédent d'organisation internationale pour maintenir la paix. Pourtant, l'idée d'organiser le système international pour éviter la guerre était déjà à l’époque très ancienne.

Depuis le XVIe siècle, de nombreux penseurs ont conceptualisé des projets pour assurer la paix avec la création d'instances représentatives internationales, le développement du droit international, l'arbitrage ou encore la création d'une police internationale. La liste des auteurs de ces plans de paix transcende aussi bien le temps que les frontières. Parmi ces grandes personnalités se trouvent Emeric Crucé, Hugo Grotius, William Penn, l'abbé de Saint Pierre, Jean-Jacques Rousseau, Emmanuel Kant et Jeremy Bentham.

Two books, from Rousseau and Kant, lying on a table

UNE COORDINATION TRANSFRONTALIÈRE ACCRUE

Au cours du XIXe siècle, l’intensification des interactions entre les États contribue à l'avancement de ces idées.

D'un point de vue politique, le « Concert européen » qui a émergé après le Congrès de Vienne est souvent considéré comme une étape importante dans l'évolution de la coopération multilatérale. Il fait référence au système informel de concertation entre les grandes puissances européennes qui a vu le jour après les guerres napoléoniennes. Ce « concert » reposait sur l'organisation de conférences internationales et a eu le mérite d’accoutumer les gouvernements à la pratique des réunions à haut niveau avant que les conflits éclatent plutôt qu’au moment de négocier les termes des règlements de paix.

Dans le même temps, les développements techniques et scientifiques induits par la révolution industrielle ont poussé les États à accroître leur coopération. Les premières administrations internationales ont été créées grâce à l'amélioration des communications et des échanges économiques. Si les premières organisations internationales – la Commission centrale pour la navigation sur le Rhin (1815) et la Commission du Danube (1856) – ont vu le jour pour réglementer la navigation fluviale, l'Union télégraphique internationale (1865), le Bureau international des poids et mesures (1875 ) et l'Union postale universelle  (1878) illustrent la nécessité de développer des normes et des règlementations internationales pour favoriser les échanges internationaux.

A group photo with around 80 persons. They are holding a banner written "XV Congresso Universale Della Pace"

Le mouvement pour la paix grandit

La seconde moitié du XIXe siècle marque également l'émergence du mouvement pacifiste international. A la fin du siècle, certains pays comptaient des dizaines, voire des centaines d'associations ou de sociétés nationales pour promouvoir la paix. Bien que soutenant différentes approches pour parvenir à une paix durable, ces acteurs ont tous promu l’idée que l’organisation du système international représentait une nécessité. Les contacts entre les groupes pacifistes nationaux ont abouti à la création du Bureau international de la paix (BIP) en 1891. Il s’agissait d’une sorte de « fédération » des mouvements nationaux et supervisait l'organisation de congrès internationaux afin de coordonner leur action.

Au cours de la dernière décennie du XIXe siècle, l'intérêt pour l'arbitrage comme moyen de prévenir les guerres s'est considérablement accru. Ce mécanisme de règlement des différends a été en particulier soutenu par l’Union interparlementaire (UIP) qui, fondée en 1889 par William Randall Cremer et Frédéric Passy, visait à promouvoir la paix en facilitant les contacts entre parlementaires de différents pays.

Ce sont néanmoins les Conférences de La Haye de 1899 et de 1907 qui sont considérées comme les premières tentatives d'établir des mécanismes internationaux pour le règlement pacifique des différends. La Conférence de 1899 a adopté la Convention pour le règlement pacifique des conflits internationaux, qui créé la Cour permanente d'arbitrage. La Conférence de 1907 a réuni 44 États – ce qui représentait la grande majorité de la communauté internationale de l'époque – et a conduit à l'adoption du principe de l'arbitrage obligatoire.

La première guerre mondiale (1914-1918)

A portrait of former US president Woodrow Wilson. The photo is signed by him.

La barbarie de la guerre a prouvé de façon irréfutable qu'une organisation internationale était nécessaire pour maintenir la paix. Au cours de conflit, l'idée de Société des Nations a progressivement été soutenue par des personnalités politiques, mais aussi par différents groupes et associations. C’est le cas par exemple de la Fabian Society ou le Bryce Group en Grande-Bretagne, la Ligue des droits de l'homme en France et la League to Enforce Peace aux États-Unis. Des projets ont également circulé dans d'autres pays, comme les Pays-Bas, l'Italie, l'Allemagne et l'Autriche.

Cependant, l'initiative la plus influente a été celle du président des États-Unis Woodrow Wilson. Elle s’est concrétisée avec le discours des « Quatorze points », prononcé le 8 janvier 1918, dans lequel Wilson a appelé à établir un accord de paix fondé sur la diplomatie ouverte, la liberté de navigation, le libre-échange et le désarmement. Son dernier point était la création d’« une association générale de nations ». Ces idées n'étaient pas nouvelles mais, avec le soutien ouvert du président américain, la création d'une Société des Nations est devenue une priorité politique.

A la fin des hostilités, la Société des Nations faisait partie intégrante de l'agenda politique de Wilson quand il traversa l'Atlantique pour participer à la Conférence de paix de Paris. Les responsables politiques des autres puissances victorieuses étaient quant à eux plus circonspects à l’égard de ce projet. Cependant, plusieurs gouvernements avaient constitué des commissions gouvernementales pour étudier la question. De fait, la formation d’une organisation pour prévenir les guerres n'était plus considérée comme un rêve utopique : elle était désormais devenue une nécessité.

 

La rédaction du pacte

C'est lors de la Conférence de paix qui a réuni les puissances victorieuses à Paris en 1919 que le Pacte a été adopté. Le document fondateur de la Société n'était pas un traité international à proprement parler. Il a été inclus dans le traité de Versailles qui a mis fin à la guerre avec Allemagne, ainsi que dans tous les autres règlements de paix signés dans la capitale française.

Le Pacte a été rédigé par un comité ad hoc, composé de 18 membres (issus de 13 délégations représentées à la Conférence de paix) et présidé par le président américain Woodrow Wilson. Wilson était un fervent partisan de la Société des Nations et a joué un rôle clé pendant les négociations. Cependant, la « Commission de la Société des Nations » comprenait également d'autres ardents promoteurs de la Société. Dans la délégation française, Léon Bourgeois avait déjà été un des protagonistes des Conférences de La Haye de 1899 et de 1907 et avait publié « Pour la Société des Nations » en 1909. C’est au vu de ses efforts que Bourgeois a été lauréat du Prix Nobel de la paix en 1920, conjointement avec Woodrow Wilson.

Dans la délégation britannique, alors qu’il était membre du Cabinet britannique, Lord Robert Cecil avait déjà fait circuler en 1916 un projet au sujet de la création d'une organisation internationale pour maintenir la paix. L'autre représentant de l'Empire britannique, Jan Smuts, était l'auteur de « The League of Nations: A Practical Suggestion », un ouvrage très influent publié en décembre 1918. D'autres membres du Comité deviendront des protagonistes des travaux de la Société dans les années suivantes, comme Paul Hymans, Epitacio Pessoa, Wellington Koo, Vittorio Scialoja, le vicomte Chinda et Eleftherios Venizelos.

Les travaux du Comité ont commencé en janvier 1919 et le Pacte a été adopté le 28 avril 1919. Les négociations ont parfois été tendues et l'architecture de la nouvelle organisation a été le résultat d'une série de compromis.

Officiellement, la Société des Nations a commencé ses activités le 10 janvier 1920, à la suite de l'entrée en vigueur du Traité de Versailles. Bien que Wilson ait joué un rôle central dans le processus de création de la SdN, il n'a pas été en mesure d'obtenir la majorité nécessaire au Sénat américain pour la ratification du traité de Versailles. Finalement, les États-Unis n'ont jamais rejoint l'organisation.

A group of persons sitting inside a room, their signatures are shown below the picture