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Examen du Burundi au CERD : une évolution positive est relevée, mais des préoccupations subsistent concernant certains groupes marginalisés, notamment les Batwa et les personnes réfugiées, déplacées, apatrides ou atteintes d’albinisme
\s | Nations Unies - Service de l'information Compte rendu de séance |
Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD, selon l’acronyme anglais) a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport présenté par le Burundi au titre de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
Au cours du dialogue noué entre les experts membres du Comité et la délégation burundaise venue soutenir ce rapport, une experte a estimé que le Burundi faisait beaucoup d’efforts pour asseoir la paix et la convivialité dans le pays, ainsi que pour éliminer toutes les formes de discrimination. Le Comité pense que depuis 1997, date du dernier examen du pays, les choses ont évolué positivement, a souligné l’experte.
Cette même experte a toutefois relevé que bien que la Constitution, le Code pénal et le Code électoral du Burundi prohibent expressément les discours fondés sur la haine raciale, la supériorité ethnique et toute forme de discrimination, de nombreux rapports indépendants attestent de leur persistance, en particulier lors des périodes électorales. De plus, a-t-elle regretté, les organisations à caractère raciste ne sont pas expressément interdites et le Code pénal révisé en 2017 ne reconnaît pas le mobile raciste ou ethnique comme circonstance aggravante des infractions de droit commun.
D’autre part, a poursuivi l’experte, les réfugiés, migrants, demandeurs d’asile et apatrides au Burundi continueraient de se heurter à des obstacles structurels qui entravent leur protection effective. Elle a fait observer que l’intégration de ces personnes resterait limitée, en particulier hors des camps, dans les domaines de la santé, de l’éducation, de l’emploi et de l’accès aux services de base. L’experte a aussi fait état d’une discrimination multiple et de l’accès limité aux services essentiels dont sont victimes certaines femmes issues de groupes marginalisés au Burundi, notamment les femmes batwa, réfugiées, déplacées, apatrides ou atteintes d’albinisme. Elle a relevé que la loi burundaise prévoyait une répartition des postes selon un quota ethnique de 60% pour les Hutus et 40% pour les Tutsis, excluant de facto la communauté twa de ce dispositif. Une autre experte a fait remarquer que, selon de nombreuses informations, les quotas ne seraient pas respectés et que, dans les services de sécurité, les forces de défense, les forces de maintien de l'ordre ou les renseignements généraux, on retrouverait 90% de Hutus.
Un expert s’est enquis des mesures concrètes prises par le Burundi pour prévenir et sanctionner les pratiques de profilage racial ou ethnique dans le cadre des opérations de sécurité, notamment dans des quartiers de Bujumbura tels que Musaga, Nyakabiga ou Jabe, perçus comme proches de l’opposition ou abritant des communautés tutsies. Il a en outre voulu savoir si des mesures spéciales ou d’action positive étaient prises pour remédier aux inégalités et aux formes multiples de discrimination qui touchent les personnes appartenant à des communautés ethniques – y compris les Twa, qui connaissent le plus haut niveau de pauvreté au Burundi, a fait remarquer l’expert. Il a par ailleurs relevé que les personnes atteintes d’albinisme demeureraient confrontées, au Burundi, à des vulnérabilités multiples.
Ce même expert a d’autre part regretté que le processus de justice transitionnelle reste centré sur la crise de 1972 et que la Commission Vérité et Réconciliation ne traite pas, notamment, des crimes récents liés à la crise politique de 2015. Cette approche, a fait remarquer l’expert, fragilise la cohésion sociale, nourrit la méfiance entre communautés et empêche la société burundaise d’affronter l’ensemble de ses traumatismes collectifs.
Il a par ailleurs été observé que depuis 2015, l’espace civique et médiatique au Burundi connaîtrait une réduction progressive. De plus, des informations font état de violences sur les journalistes et les défenseurs des droits de l’homme, attribuées le plus souvent aux forces de police, au Service national de renseignement et aux Imbonerakure, a-t-il été ajouté.
Présentant le rapport de son pays, M. Édouard Bizimana, Ministre des affaires étrangères, de l’intégration régionale et de la coopération au développement de la République du Burundi, a indiqué que le Burundi avait fait de la promotion et de la protection des droits humains une de ses priorités, plusieurs mesures et actions concrètes pour éradiquer toutes les formes de discrimination dans le pays ayant été prises pour assurer un bien-être commun à tous les citoyens burundais et à tous les étrangers vivant au Burundi.
Ainsi, a précisé le Ministre, en matière législative, le Gouvernement a adopté et promulgué le Code pénal de 2017 réprimant l'aversion et la haine raciales. Sur le plan institutionnel et en vue du respect de la Constitution issue de l'Accord d'Arusha, a-t-il ajouté, plusieurs institutions des droits humains ont été créées. En outre, le Gouvernement a mis en place des mesures pour la promotion des droits et des peuples autochtones batwa dans différents domaines, a souligné M. Bizimana, citant notamment l'opérationnalisation de la stratégie nationale d'intégration et d'inclusion socioéconomique des Batwa.
Complétant cette présentation, le Président de la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH) du Burundi a jugé positif, entre autres choses, que la Constitution du Burundi garantisse particulièrement le droit individuel à être protégé contre la discrimination du fait notamment de son origine, de sa race, de son ethnie, de son sexe, de sa couleur et de sa langue.
La délégation burundaise était également composée, entre autres, de Mme Elisa Nkerabirori, Représentante permanente du Burundi auprès des Nations Unies à Genève, de M. Léonard Manirakiza, Procureur général de la République du Burundi, ainsi que de représentants des Ministères des affaires étrangères, de la justice, de la santé publique, et de l’éducation nationale et de la recherche scientifique. Étaient aussi représentés le Comité national pour les personnes handicapées, l’Observatoire national pour la prévention et l'éradication du génocide, des crimes de guerre, et des autres crimes contre l'humanité, le Forum national des partis politiques au Burundi et la Ligue Izere Ntiwihebura.
Durant le dialogue, la délégation a notamment assuré que la situation des Batwa tendait à s’améliorer. Les Batwa ont été marginalisés et cette injustice est en train d’être comblée, a-t-elle souligné.
La délégation a en outre assuré que le profilage racial n’existait plus au Burundi, le pays ayant beaucoup évolué depuis 2015. Concrètement, il est très difficile de distinguer l’ethnie à laquelle appartiennent les Burundais, a affirmé la délégation. Il n'y a pas de quartier spécifique pour les Tutsis au Burundi: Tutsis et Hutus cohabitent, a-t-elle insisté.
Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport du Burundi et les publiera à l’issue de sa session, le 5 décembre prochain.
Cet après-midi à 15 heures, le Comité entamera l’examen du rapport de la Nouvelle-Zélande.
Examen du rapport du Burundi
Le Comité est saisi du rapport valant onzième à dix-neuvième rapports périodiques du Burundi (CERD/C/BDI/11-19).
Présentation du rapport
Présentant le rapport de son pays, M. ÉDOUARD BIZIMANA, Ministre des affaires étrangères, de l’intégration régionale et de la coopération au développement de la République du Burundi, a déclaré que le Burundi avait fait de la promotion et de la protection des droits humains une de ses priorités, plusieurs mesures et actions concrètes pour éradiquer toutes les formes de discrimination au Burundi ayant été prises pour assurer un bien-être commun à tous les citoyens burundais et à tous les étrangers vivant au Burundi.
Ainsi, a précisé le Ministre, en matière législative, le Gouvernement a adopté et promulgué le Code pénal de 2017 réprimant l'aversion et la haine raciales. Sur le plan institutionnel et en vue du respect de la Constitution issue de l'Accord d'Arusha, a-t-il ajouté, plusieurs institutions des droits humains ont été créées, en particulier l'institution de l'ombudsman, la Commission Vérité et Réconciliation, la Commission nationale indépendante des droits de l'homme et l'Observatoire national pour la prévention et l'éradication du génocide, des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité.
Des progrès significatifs ont aussi été accomplis pour lutter contre la discrimination dans les postes politiques, a poursuivi le Ministre. Après les conflits politiques à caractère ethnique dont le Burundi a appris la leçon, depuis 2018, la participation de tous les citoyens dans les instances de prise de décision sans discrimination ethnique ou du genre est garantie, a fait valoir M. Bizimana. En effet, la Constitution « reconnaît » des taux de 60% de Hutus et de 40% de Tutsis au Gouvernement et au Parlement, ainsi qu'un minimum de 30% de femmes et une minorité des peuples autochtones du Burundi, a-t-il déclaré.
En outre, le Gouvernement a mis en place des mesures pour la promotion des droits et des peuples autochtones batwa dans différents domaines, a indiqué le Minstre, citant notamment l'opérationnalisation de la stratégie nationale d'intégration et d'inclusion socioéconomique des Batwa pour un développement durable, l'octroi des cartes d'assurance maladie, la gratuité scolaire en faveur des enfants batwa qui fréquentent l'enseignement fondamental et leur prise en charge dans les écoles post-fondamentales à régime d'internat.
M. Bizimana a donné d’autres précisions relatives à l’intégration des personnes handicapées dans la société burundaise, et a précisé que les personnes atteintes d’albinisme bénéficiaient de subventions et d’autres prestations du Gouvernement.
S’agissant de la lutte contre la traite des êtres humains, le Burundi a ratifié la Convention de Palerme en 2012 et promulgué la loi sur la traite des personnes en 2014, a d’autre part fait valoir le Ministre. Ces instruments ont été concrétisés par la mise en place de la Commission de concertation et de suivi sur la prévention et la répression de la traite des personnes au Burundi en 2022, a-t-il souligné.
Enfin, M. Bizimana a dit regretter que malgré les efforts consentis par le Burundi dans le sens de la promotion et de la protection des droits humains, on doive déplorer l'attitude de certains États qui n'apprécient pas à juste valeur les efforts du Gouvernement du Burundi.
Complétant cette présentation, le Président de la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH) du Burundi a jugé positif, entre autres choses, que la Constitution du Burundi garantisse particulièrement le droit individuel à être protégé contre la discrimination du fait notamment de son origine, de sa race, de son ethnie, de son sexe, de sa couleur, de sa langue, de sa situation sociale, de ses convictions religieuses, philosophiques ou politiques, du fait d'un handicap physique ou mental, ou du fait d'être porteur du VIH ou de toute autre maladie incurable.
De même, la CNDH est satisfaite de l'obligation constitutionnelle portant qu'aucun agent de l'État ne peut bénéficier d'un traitement de faveur ni faire l'objet d'un traitement partial au seul motif de son sexe, de son ethnie, de son sexe, de sa région ou de son appartenance ethnique. Est aussi positive la création de mécanismes institutionnels chargés de la prévention de la lutte contre la discrimination raciale, en particulier l'office de protection des réfugiés et des apatrides, a ajouté le Président de la Commission nationale.
Questions et observations des membres du Comité
MME MAZALO TEBIE, corapporteuse du Comité pour l’examen du rapport du Burundi, a relevé que le rapport signalait plusieurs avancées, notamment la révision du Code pénal, l’adoption de politiques sectorielles en matière de genre, de protection sociale et de lutte contre les violences basées sur le genre, ou encore la création d’institutions importantes telles que la Commission nationale indépendante des droits de l’homme. Toutefois, a souligné l’experte, au-delà de ces avancées formelles, il importe d’interroger la portée concrète des mesures adoptées et leur capacité à répondre aux défis persistants en matière de discrimination raciale, d’inclusion des groupes minoritaires et de lutte contre l’impunité au Burundi.
Les recensements nationaux de 2008 et 2024 ne comportent pas d’informations spécifiques sur la situation socioéconomique de différents groupes vivant dans l’État partie, y compris les Batwa et d’autres groupes culturels ou linguistiques, a fait observer Mme Tebie. L’absence de données ventilées constitue un frein majeur à l’identification des inégalités structurelles et à l’évaluation de l’impact réel des politiques d’inclusion, a-t-elle rappelé.
D’autre part, a poursuivi l’experte, si la Constitution adoptée en 2018 définit la discrimination raciale et en reconnaît les formes directes et indirectes, comme le souligne le rapport aux paragraphes 77 et 78, le Comité relève que l’État partie n’a toujours pas intégré dans son droit interne la définition énoncée à l’article premier de la Convention, en dépit des recommandations formulées dans les précédentes observations.
Quant au Code pénal révisé en 2017, a ajouté Mme Tebie, il prévoit certes des dispositions sanctionnant la discrimination fondée sur la race, l’ethnie ou la religion, notamment l’aversion et la haine raciales ou ethniques, ainsi que les discours haineux et les crimes graves. Toutefois, a observé l’experte, ce cadre juridique présente certaines limites: en effet, la notion d’« aversion raciale » demeure imprécise, les organisations à caractère raciste ne sont pas expressément interdites et la [notion de] « propagande fondée sur la supériorité raciale » n’est pas suffisamment expliquée. Le mobile raciste ou ethnique n’est pas reconnu comme circonstance aggravante des infractions de droit commun, ce qui peut réduire la portée des poursuites lorsque celles-ci sont motivées par une intention discriminatoire, a en outre fait remarquer l’experte.
L’experte a ensuite relevé que bien que la Constitution, le Code pénal et le Code électoral du Burundi prohibent expressément les discours fondés sur la haine raciale, la supériorité ethnique et toute forme de discrimination, de nombreux rapports indépendants attestent de leur persistance, en particulier lors des périodes électorales. Ces propos, fréquemment dirigés contre certaines communautés et formations politiques d’opposition, tendent à raviver des tensions ethniques latentes et à fragiliser la cohésion nationale, a déploré Mme Tebie, observant qu’ils seraient principalement relayés par des agents étatiques, par des cadres du parti au pouvoir (CNDD-FDD) ainsi que par des membres de sa jeunesse affiliée, les Imbonerakure. Mme Tebie a demandé à la délégation de fournir des exemples d’enquêtes ouvertes ou de sanctions prononcées à l’encontre des auteurs de discours haineux, y compris lorsqu’il s’agit de responsables politiques ou institutionnels.
Mme Tebie s’est par la suite enquise des dispositifs en place pour garantir aux migrants, réfugiés, demandeurs d’asile et apatrides au Burundi un accès équitable aux services de santé, tant dans les camps qu’en milieu urbain. Elle a fait observer que l’intégration de ces personnes resterait limitée, en particulier hors des camps, dans les domaines de la santé, de l’éducation, de l’emploi et de l’accès aux services de base. Cette situation serait particulièrement marquée à Rugombo, Mutambara, ou encore Musenyi, ainsi que dans les camps du nord-est, a-t-elle notamment précisé.
Le Comité, a ajouté Mme Tebie, note qu’en 2025, le Burundi a connu un afflux massif de réfugiés congolais fuyant les violences dans l’est de la République démocratique du Congo. Si les autorités ont initialement accueilli ces réfugiés, des informations récentes font état de cas de refoulement, de blocages aux frontières dans les provinces de Cibitoke et Bujumbura, ainsi que de contrôles perçus comme arbitraires, parfois fondés sur des critères ethniques ou linguistiques, a fait observer l’experte.
Les réfugiés, migrants, demandeurs d’asile et apatrides au Burundi continueraient de se heurter à des obstacles structurels qui entravent leur protection effective, a poursuivi Mme Tebie. Des informations font état d’interceptions et de retours vers les camps pour les réfugiés et les demandeurs d’asile, y compris lors de déplacements motivés par des besoins médicaux ou professionnels.
Mme Tebie a ensuite relevé que la loi burundaise prévoyait une répartition des postes selon un quota ethnique de 60% pour les Hutus et 40% pour les Tutsis, excluant de facto la communauté twa de ce dispositif. Selon plusieurs sources, a-t-elle ajouté, l’Accord d’Arusha n’aurait été que partiellement appliqué, et les Twa continueraient à être faiblement représentés dans les fonctions de responsabilité; de plus, il n’existerait pas de mécanisme transparent permettant de suivre la composition ethnique des institutions publiques.
L’experte a rappelé que l’Accord d’Arusha identifiait comme facteur d’instabilité au Burundi la non-acceptation de la diversité et du pluralisme. Elle a voulu savoir ce qui était fait pour garantir la tolérance dans la vie politique entre les diverses communautés ethniques, de même que pour mettre fin aux violences et intimidations visant des membres de partis politiques ou des candidats aux élections en raison de leur affiliation politique ou ethnique réelle ou supposée.
Mme Tebie a aussi fait observer que, depuis 2015, l’espace civique et médiatique au Burundi connaîtrait une réduction progressive. De plus, des informations font état de violences sur les journalistes et les défenseurs des droits de l’homme, attribuées le plus souvent aux forces de police, au Service national de renseignement et aux Imbonerakure. L’experte a demandé des informations sur la suite donnée aux cas d’Aline Sandra Muhoza (avril 2024), de Jean Bigirimana (juillet 2016) et de la défenseuse des droits humains Marie-Claudette Kwizera (décembre 2015) : ces disparitions continuent de susciter des interrogations au regard d’autres cas similaires, a affirmé Mme Tebie.
Mme Tebie a en outre voulu savoir quelles garanties existaient pour que les lois de 2017 encadrant les ONG étrangères et les associations nationales ne portent pas atteinte à la liberté d’association consacrée par la Convention.
Mme Tebie a d’autre part fait état d’une discrimination multiple et de l’accès limité aux services essentiels dont sont victimes certaines femmes issues de groupes marginalisés au Burundi, notamment les femmes batwa, réfugiées, déplacées, apatrides ou atteintes d’albinisme.
Le Burundi, a estimé Mme Tebie, fait beaucoup d’efforts pour asseoir la paix et la convivialité dans le pays, ainsi que pour éliminer toutes les formes de discrimination. Le Comité pense que depuis 1997, date du précédent examen du pays, les choses ont évolué positivement, a souligné l’experte.
À l’issue du dialogue, Mme Tebie a fait observer qu’il avait permis de constater des avancées sur les plans législatif et institutionnel, mais aussi des préoccupations relatives à la protection des groupes minoritaires, à la collecte de données désagrégées et à la lutte contre les discriminations structurelles. L’experte a espéré que ce dialogue marquerait une étape vers la reprise d'une coopération du Burundi avec les organes onusiens et la réouverture du Bureau du Haut-Commissariat aux droits de l’homme dans le pays.
Pour sa part, M. BAKARI SIDIKI DIABY, corapporteur du Comité pour l’examen du rapport du Burundi, a relevé pour sa part que des témoignages concordants font état d’interpellations récurrentes dans plusieurs quartiers historiquement associés à certaines communautés ethniques. Il s’est interrogé sur les mesures concrètes prises par le Burundi pour prévenir et sanctionner les pratiques de profilage racial ou ethnique dans le cadre des opérations de sécurité, notamment dans des quartiers de Bujumbura tels que Musaga, Nyakabiga ou Jabe, perçus comme proches de l’opposition ou abritant des communautés tutsies, et où des interpellations et arrestations sans fondement légal auraient été rapportées.
M. Diaby a suggéré que le Burundi se dote d’un instrument pour mesurer les cas de profilage racial et les traiter de manière efficace.
M. Diaby a ensuite demandé quels mécanismes la Commission nationale des droits de l’homme et l’institution de l’Ombudsman avaient mis en place pour recevoir, instruire et suivre les plaintes liées à la discrimination raciale. Il a aussi voulu savoir dans quelle mesure la composition de ces deux institutions reflétait un pluralisme effectif en termes d’expertise, de genre, d’appartenance ethnique et de représentativité sociale.
Selon des sources concordantes, a fait remarquer l’expert, l’ancien président de la Commission nationale indépendante des droits de l’homme aurait été contraint à l’exil à la suite de la publication, en janvier 2025, d’un rapport documentant plusieurs violations graves des droits humains ; de même, deux membres de la Commission Vérité et Réconciliation auraient fui le territoire en février 2025. M. Diaby a voulu savoir quels motifs juridiques précis avaient justifié le remplacement anticipé des commissaires de la Commission nationale des droits de l’homme en avril-mai 2025.
M. Diaby a par ailleurs demandé si des mesures spéciales ou d’action positive étaient prises pour remédier aux inégalités et aux formes multiples de discrimination qui touchent les personnes appartenant à des communautés ethniques, y compris les Twa. Il a voulu savoir si la promesse faite en 2024, lors de la célébration de la Journée internationale des peuples autochtones, d’octroyer un terrain d’un hectare à chaque ménage twa avait été tenue. Les membres de cette communauté connaissent le plus haut niveau de pauvreté au Burundi, a fait remarquer l’expert.
M. Diaby a également relevé que les personnes atteintes d’albinisme demeureraient confrontées, au Burundi, à des vulnérabilités multiples notamment des pathologies spécifiques et l’accès limité aux soins, à l’éducation et aux services sociaux.
S’agissant de l’application de l’Accord d’Arusha pour la paix et la réconciliation au Burundi, M. Diaby a demandé où en étaient les réparations, la restitution des terres et la réforme du secteur de la sécurité et de la justice. Il a regretté que le processus de justice transitionnelle reste centré sur la crise de 1972 et que la Commission Vérité et Réconciliation ne traite pas, notamment, des crimes récents liés à la crise politique de 2015. Cette approche, a fait remarquer l’expert, fragilise la cohésion sociale, nourrit la méfiance entre communautés et empêche la société burundaise d’affronter l’ensemble de ses traumatismes collectifs. De plus, la composition ethnique et politique de la Commission susmentionnée ne reflèterait plus l’esprit de l’Accord d’Arusha, qui garantissait une représentation équilibrée (60% de Hutus et 40% de Tutsis) dans les institutions.
Une autre experte a fait remarquer que, selon de nombreuses informations, les quotas ne seraient pas respectés et que, dans les services de sécurité, les forces de défense, les forces de maintien de l'ordre ou les renseignements généraux, on retrouverait 90% de Hutus.
La discrimination raciale n’est pas seulement une affaire de couleur de peau ou phénotypique, mais aussi de rôles sociaux attribués à tels ou tels groupes ethniques, ont fait remarquer plusieurs experts.
D’autres questions des experts ont porté sur la collaboration des autorités burundaises avec la société civile en matière de lutte contre la discrimination ou encore sur le fonctionnement du Conseil de la magistrature qui est chargé de nommer les juges et magistrats.
Un expert a cité un rapport publié le 1er septembre 2025 par les procédures spéciales des Nations Unies concernant la période comprise entre janvier 2024 et mai 2025, qui cite des organisations de la société civile selon lesquelles on a enregistré, au Burundi, 58 cas de disparitions forcées, 62 actes de torture, 892 détentions arbitraires et 605 exécutions extrajudiciaires. Ces violations auraient été commises dans l’impunité par des agences de l'État, des membres de la police et des Imbonerakure.
Réponses de la délégation
S’agissant d’abord des statistiques, la délégation a notamment précisé que l’Institut national de la statistique gérait un système de collecte de données provenant en premier lieu du recensement général de la population, de l'habitat, de l'agriculture et de l'élevage lancé en 2021, et visant à fournir des données socioéconomiques actualisées pour la planification et le développement du pays.
« Les divisions ethniques ont été inoculées par la colonisation », a souligné la délégation, insistant sur le fait qu’en réalité les ethnies cohabitaient facilement.
La discrimination étant peu fréquente au Burundi, la Convention n’est pas souvent invoquée devant les tribunaux du pays, a ensuite indiqué la délégation, avant d’ajouter que les autorités dispensent des formations aux droits de l’homme, y compris à la Convention, aux acteurs étatiques – juges, policiers, personnels administratifs – et non étatiques – avocats et notables, entre autres.
La Constitution prohibe en son article 22 la discrimination sous toutes ses formes, y compris la discrimination au sein des partis politiques, a poursuivi la délégation. Le Code pénal érige en infraction les actes de discrimination et d'autres actes similaires à la discrimination raciale. La Constitution et le Code pénal interdisent aussi les discours de haine et l'incitation à la discrimination, à la xénophobie et à la violence raciale, a souligné la délégation.
Le Burundi lutte contre tout ce qui porte atteinte aux droits humains d’une personne et accorde une importance particulière aux instruments qu’il a ratifiés dans ce domaine, sans se soustraire à ses responsabilités, par le biais des institutions qu’il a créées à cet effet, a déclaré la délégation. Le Burundi collabore aussi avec les Nations Unies pour les formations aux droits de l’homme et pour lutter efficacement contre la discrimination raciale, a-t-elle ajouté.
Le Gouvernement entend bien honorer ses engagements au titre de la Convention et réconcilier les Burundais: il regarde vers l’avant ce faisant, a insisté la délégation. Elle a précisé que, depuis la fin de la guerre civile en 2003, le Burundi dispose d'une Constitution issue des Accords d'Arusha qui a prévu toutes les mesures pour éviter toute forme de discrimination raciale. La démarche du législateur a été d'abord de créer des forces de sécurité composées à 50% de Hutus et 50% de Tutsis, pour que ces ethnies puissent toutes se sentir en sécurité. De plus, le Président de la République est toujours assisté par un vice-président d'ethnie et de parti politique différents de lui; et au niveau de l'Assemblée nationale et du Sénat, il y a toujours au moins 60% de Hutus et 40% de Tutsis. Le Sénat est chargé de contrôler l’application des quotas, a-t-il été précisé.
Le profilage racial n’existe plus au Burundi, le pays ayant beaucoup évolué depuis 2015, date à laquelle les événements mentionnés par M. Diaby ont eu lieu, a assuré la délégation. Concrètement, il est très difficile de distinguer l’ethnie à laquelle appartiennent les Burundais, a-t-elle précisé. Il n'y a pas de quartier spécifique pour les Tutsis au Burundi: Tutsis et Hutus cohabitent, a ajouté la délégation.
S’agissant des poursuites engagées en application de la Convention, la délégation a précisé que pendant cette longue période d'évaluation jusqu'à aujourd'hui, on avait dénombré 22 dossiers en rapport avec la discrimination raciale et quatre dossiers en rapport avec la discrimination des personnes atteintes d’albinisme.
L’« aversion raciale » incriminée par le Code pénal est une forme de discrimination raciale, a précisé la délégation.
La délégation a aussi estimé que les sources d’information mentionnées par les experts du Comité « ne collent pas à la réalité du pays ». Elle a demandé des exemples des discours de haine mentionnés par des experts.
Le Forum des partis politiques regroupe les 37 partis que compte le pays. Dans ce contexte, on ne voit pas quel serait l’intérêt de tenir des discours de haine envers certains partis politiques, ni qui pourrait tenir ces discours, a par ailleurs affirmé la délégation.
Certaines personnes veulent accéder à des postes politiques par partage ethnique exclusivement, sans tenir compte de la démarche démocratique que le pays a choisie en 2005, a regretté la délégation. Le partage des postes politiques ou encore le fait de discriminer telle personne pour ce qu’elle est, tout cela est en train de se terminer progressivement, a-t-elle insisté.
Le Gouvernement a le souci que toutes les institutions aient les moyens financiers de mener leur mission, a assuré la délégation. En particulier, l’institution de l’Ombudsman et la Commission nationale des droits de l’homme sont fortement appuyées par le Gouvernement et par le système des Nations Unies, a-t-il été précisé. Le Gouvernement a dû prendre des mesures pour remédier à des problèmes internes à la Commission nationale des droits de l’homme, a expliqué la délégation. Elle a par la suite précisé que cette Commission avait été marquée par des comportements internes compromettant son bon fonctionnement et que l’État, via l'Assemblée nationale, avait dû prendre les choses en main pour stopper une situation intenable. C'est dans ces circonstances que le mandat de Président de la Commission nationale des droits de l’homme est devenu révocable, a expliqué la délégation. Le Président de ladite Commission a, de sa propre volonté, pris la décision de fuir le pays pour ses propres intérêts – que le pays ignore, a dit la délégation. La police n'a jamais recherché le Président de la Commission pour des opinions émises ou autre acte posé dans l’exercice de ses fonctions, a-t-elle en outre assuré.
La délégation a par la suite précisé qu’aucune plainte pour des actes de discrimination raciale n’avait été déposée devant l’Ombudsman ni devant la Commission nationale des droits de l’homme. Une trentaine de plainte ont été reçues par le ministère public : des dossiers ont été ouverts et l’instruction dans la plupart des cas a entraîné des condamnations.
La délégation a indiqué que le Burundi accueillait, seul, et dans de bonnes conditions, de nombreux réfugiés congolais. Plus de cent mille d’entre eux sont récemment entrés dans le pays, a-t-elle précisé. Le Burundi étant affecté par la crise qui secoue l’est de la République démocratique du Congo, avec notamment les activités du M23, contrôler l’entrée des réfugiés est un minimum, a affirmé la délégation. Pour ce qui est de la liberté de mouvement, les réfugiés vivent dans les villes ou dans les camps ; et ces derniers doivent demander la permission pour aller étudier ou se livrer au commerce, a fait savoir la délégation.
On constate une certaine résistance de la part des peuples autochtones et des Batwa à l’enregistrement de la naissance de leurs enfants, a indiqué la délégation en réponse à d’autres questions des experts. Les autorités font campagne pour sensibiliser ces populations à la nécessité de faire enregistrer leurs enfants, a-t-elle souligné.
Le Burundi, a ensuite fait savoir la délégation, continue d’analyser l’importance et la pertinence, au niveau interne, d’une ratification de la Convention de 1954 relative au statut des apatrides et de la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie. En l’état, tout enfant abandonné à la naissance sur le sol burundais et qui n'est rattaché à aucun de ses parents acquiert automatiquement la nationalité burundaise, a-t-elle souligné.
Les Batwa représentent environ un pour cent de la population du pays et sont considérés comme un peuple autochtone, a d’autre part indiqué la délégation, avant d’assurer que leur situation tend à s’améliorer, même sans quota fixe. Compte tenu de l’histoire du pays, les Batwa ont été marginalisés, une injustice qui est en train d’être comblée, a ajouté la délégation, précisant que le Président de la République a en effet pris l'engagement d’assurer une certaine part de représentation aux Batwa, comme c’est le cas pour les Hutus et les Tutsis.
La discrimination envers les Batwa est en train de disparaître, a par la suite insisté la délégation, faisant état de la levée de plusieurs tabous concernant leur intégration dans la vie sociale, au regard par exemple du mariage et de la scolarisation.
Des mesures spécifiques ont été prises pour améliorer la participation des peuples autochtones et des groupes ethniques à la vie politique ainsi que leur accès à la santé et à l’éducation, de même que pour favoriser leur autonomisation économique, avec notamment un projet de filets sociaux, de transferts monétaires et d'activités complémentaires, a ajouté la délégation.
L’accès aux services publics n’est pas sélectif, a par ailleurs assuré la délégation en réponse à des affirmations selon lesquelles les femmes atteintes d’albinisme au Burundi n’y auraient pas accès. Les personnes atteintes d’albinisme figurent parmi les groupes à besoins spécifiques concernés par les mesures de gratuité de soins de santé, a fait valoir la délégation.
La délégation a précisé que la loi de 2021 portant organisation du Conseil supérieur de la magistrature stipulait que ledit Conseil choisissait les juges et les nommait. D’autres précisions ont été données au sujet du salaire des juges et magistrats.
La délégation a ensuite décrit le cadre juridique garantissant la liberté d’expression au Burundi. Elle a affirmé que cette liberté était effective, et en a voulu pour preuve, notamment, la grande liberté de ton qui règne à l’égard des autorités et le très grand nombre de médias et organes de presse. Chacun a le droit de dire ce qu’il pense, dans le respect des lois, et sans craindre la répression, a insisté la délégation. Personne n’est inquiété du simple fait d’être journaliste, les personnes qui enfreignent la loi étant poursuivies par rapport aux actes posés, et non parce qu’elles sont journalistes, a-t-elle déclaré.
Un espace civique dynamique est en train d’émerger au Burundi grâce aux efforts conjugués du Gouvernement et des institutions publiques en collaboration étroite avec la société civile, a par ailleurs fait valoir la délégation, avant de préciser que le Burundi assurait la protection des citoyens contre les exécutions extrajudiciaires, les actes de torture, l'arrestation et la détention arbitraires, la disparition forcée, les menaces de mort, le harcèlement, la diffamation et la séquestration.
Quant à la loi de 2017 régissant les ONG, elle a fait l’objet de consultations avec la société civile.
Quant à la loi de 2017 régissant les ONG, elle a fait l’objet de consultations avec la société civile.
Le Burundi assure aussi la protection des citoyens contre les exécutions extrajudiciaires, les actes de torture, l'arrestation et la détention arbitraires, la disparition forcée, les menaces de mort, le harcèlement, la diffamation et la séquestration, a en outre souligné la délégation.
La délégation a regretté que les Imbonerakure aient été décrédibilisés pour atteindre le parti au pouvoir. Les dérapages qui ont été observés ne sont pas imputables à cette Ligue des jeunes tout entière, mais sont des actes isolés, individuels, qui ont été documentés et réprimés par la loi, a assuré la délégation. Elle a demandé que l’on tienne compte de tous les rapports et que l’on respecte l'objectivité.
La délégation a par ailleurs expliqué que les terres familiales, considérées comme sacrées au Burundi, ne pouvaient être vendues. Les femmes divorcées ont droit à une partie de la propriété familiale, a précisé la délégation. Elle a assuré que la gestion des terres était bien encadrée par la loi et a mis en doute l’affirmation selon laquelle des expropriations de terres auraient été commises.
La délégation a d’autre part regretté ce qu’elle a qualifié de critiques injustifiées contre la composition de la Commission Vérité et Réconciliation: cette instance est composée de sept Hutus, cinq Tutsis et un Twa, ce qui est conforme à l’Accord d’Arusha, a-t-elle souligné. En outre, ladite Commission ne limite pas son mandat aux événements de 1972 et traitera ultérieurement d’autres périodes, a-t-elle assuré. Le Gouvernement a reconnu qu’il y avait eu génocide des Hutus en 1972, a rappelé la délégation.
La délégation a fourni d’autres explications concernant la lutte contre la traite des êtres humains au Burundi, évoquant en particulier l’élaboration d’un guide de procédures opérationnelles en la matière et l’ouverture de centres d'hébergement temporaire équipés conformément aux besoins des victimes.
La délégation a enfin souligné la volonté de son pays d’avancer et a assuré que les autorités burundaises tiendraient compte des suggestions et recommandations formulées par le Comité.
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Les versions anglaise et française de nos communiqués sont différentes car elles sont le produit de deux équipes de couverture distinctes qui travaillent indépendamment.
CERD25.014F