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Examen du Kirghizistan au CERD : les experts évoquent notamment la situation des minorités ethniques et des migrants

Compte rendu de séance

Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD, selon l’acronyme anglais) a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport présenté par le Kirghizistan au titre de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Au cours du dialogue noué entre les experts membres du Comité et la délégation kirghize venue soutenir ce rapport, un expert a dit apprécier les résultats obtenus par le Kirghizistan en matière d’interdiction et de sanction des discours de haine raciste, d'incitation à la haine raciale et de crimes racistes, y compris dans les médias et sur Internet.

L’expert a relevé que des informations parvenues au Comité faisaient état de l'existence d'inégalités dans la participation des différents groupes ethniques à la vie politique et publique nationale au Kirghizistan, ainsi que de problèmes de discrimination raciale dans l'application des lois et règlements par les forces de l'ordre. L’expert a recommandé qu’il soit mis un terme au profilage racial par la police.

L’expert a fait remarquer que le Kirghizistan avait connu des conflits ethniques ces dernières années, et que des écarts de développement et des inégalités entre les différents groupes ethniques persistaient dans certaines régions. Il a dit prendre note des mesures prises par le Kirghizistan pour apaiser ces tensions et s’est interrogé sur les suites judiciaires données aux violences ethniques qui ont éclaté dans le sud du pays en 2010.

Une autre experte a fait état d’informations récurrentes selon lesquelles certaines couches sociales seraient souvent victimes, au Kirghizistan, de plusieurs formes de discrimination fondée, entre autres, sur le sexe, l'ethnie, la langue, l'orientation sexuelle, la classe ou le statut social. En particulier, les femmes et les filles appartenant à des minorités ethniques seraient souvent confrontées à des formes de discrimination fondées à la fois sur leur sexe et sur leur appartenance ethnique.

La même experte a par ailleurs salué les initiatives du Kirghizistan en ce qui concerne la protection des réfugiés. Cependant, malgré une dynamique encourageante, a dit l’experte, réfugiés et demandeurs d'asile rencontreraient des difficultés s’agissant de la détermination même de leur statut de réfugié ou encore du faible nombre de reconnaissances. Elle a d’autre part voulu savoir ce qu’il en était de la protection des droits des Kirghizes qui travaillent à l’étranger – soit près d'un citoyen kirghize en âge de travailler sur quatre, a-t-elle fait remarquer.

Un expert a salué le fait que le Kirghizistan ait réussi à régler le problème de l’apatridie et ait adopté un dispositif pour résoudre les cas résiduels. D’autres questions des experts ont porté sur la situation des Mughats (Tsiganes d’Asie centrale), la situation socio-économique des différents groupes raciaux ou ethniques, ou encore l’éducation multilingue au Kirghizistan.

Présentant le rapport, M. Marat Tagaev, Vice-Ministre de la culture, de l’information et de la politique de la jeunesse de la République kirghize, chef de la délégation, a mentionné, en particulier, l’adoption d’un « Concept de développement de l'identité civile (Kyrgyz Zharany) pour la période 2021-2026 », visant à créer un environnement favorable à la promotion de l'identité civile, notamment par le renforcement de l'unité du peuple kirghize, le respect des valeurs de la diversité, le multilinguisme et la création de conditions égales d'accès à la gestion et aux processus décisionnels.

Le Vice-Ministre a aussi mentionné la création, en avril 2025, de l'Agence nationale pour les affaires religieuses et les relations interethniques, chargée de mettre en œuvre la politique nationale dans le domaine des relations religieuses, du renforcement de la concorde interethnique, ainsi que de la prévention des conflits interethniques.

M. Tagaev a indiqué que le Kirghizistan poursuivait également une action systématique et constante en faveur des réfugiés, des personnes déplacées et des apatrides, et qu’un cadre juridique avait été mis en place pour prévenir les manifestations de discrimination dans les tribunaux.

La délégation était composée de M. Omar Sultanov, Représentant permanent du Kirghizistan auprès des Nations Unies à Genève, ainsi que d’autres représentants des Ministères des affaires étrangères, de l’intérieur, de l’éducation et des sciences, de l’économie et du commerce, de la santé, ainsi que du travail, de la sécurité sociale et des migrations. Étaient aussi représentés l’administration présidentielle, la Cour suprême kirghize, le parquet et la Commission d’État pour les affaires religieuses.

 

Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport du Kirghizistan et les publiera à l’issue de sa session, le 9 mai.

 

Examen du rapport du Kirghizistan

Le Comité est saisi du rapport valant onzième et douzième rapports périodiques du Kirghizistan (CERD/C/KGZ/11-12).

Présentation du rapport

Présentant le rapport, M. MARAT TAGAEV, Vice-Ministre de la culture, de l’information et de la politique de la jeunesse de la République kirghize, a d’abord précisé que son pays était un État multiethnique où vivent plus de cent ethnies différentes, y compris 14,1 % d’Ouzbeks et 3,9 % de Russes. Dans ce contexte, a-t-il indiqué, la Constitution du Kirghizistan interdit toute discrimination fondée sur le sexe, la race, la langue, le handicap, l'appartenance ethnique, la religion, l'âge, les convictions politiques ou autres, l'éducation, l'origine, la situation financière ou autre, ainsi que toute autre circonstance, a précisé le Vice-Ministre. De plus, les crimes motivés par la haine raciale, ethnique, nationale, religieuse ou interrégionale (discorde) au Kirghizistan constituent des circonstances aggravantes et sont punis par la loi.

Le Kirghizistan poursuit par ailleurs une action systématique et constante en faveur des réfugiés, des personnes déplacées et des apatrides. En 2019, il est ainsi devenu le premier pays au monde à régler tous les cas connus d'apatridie. Le pays a mis en place un système universel garantissant l'enregistrement de 100 % des naissances, et des projets de loi sur l'adhésion du Kirghizistan aux Conventions de 1954 relative au statut des apatrides et de 1961 sur la réduction de l’apatridie sont soumis à la consultation publique.

La Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale fait partie intégrante de notre système juridique, a encore précisé le Vice-Ministre, avant d’indiquer que le Président du Kirghizistan avait approuvé la Stratégie nationale de développement jusqu'en 2040, dont l'une des principales priorités est d'assurer la conciliation interethnique, de renforcer l'unité du peuple et de protéger les droits des citoyens, quelle que soit leur appartenance ethnique.

Le Vice-Ministre a également mentionné l’adoption d’un « Concept de développement de l'identité civile (Kyrgyz Zharany) pour la période 2021-2026 », visant à créer un environnement favorable à la promotion de l'identité civile, notamment par le renforcement de l'unité du peuple kirghize, le respect des valeurs de la diversité, le multilinguisme et la création de conditions égales d'accès à la gestion et aux processus décisionnels.

Un rôle important dans le renforcement de la conciliation interethnique et de la stabilité sociale revient à l'Assemblée du peuple du Kirghizistan, qui regroupe trente associations ethniques et contribue à la préservation des langues, de la culture et des traditions des ethnies vivant au Kirghizistan.

M. Tagaev a ajouté qu’en avril 2025, l'Agence nationale pour les affaires religieuses et les relations interethniques avait été créée, avec pour mission de mettre en œuvre la politique nationale dans le domaine des relations religieuses, du renforcement de la concorde interethnique, ainsi que de la prévention des conflits interethniques. Quelque 23 districts et villes polyethniques du Kirghizistan disposent de bureaux d'accueil publics chargés des questions interethniques, qui mènent des activités de prévention et de suivi dans les lieux de résidence des communautés polyethniques afin d'assurer une interaction efficace avec le secteur civil. Grâce à ces actions et mesures, le nombre d'incidents interethniques a été divisé par quatre.

Le Vice-Ministre a également précisé qu’un cadre juridique avait été mis en place pour prévenir les manifestations de discrimination dans les tribunaux. Ainsi, l'article 24 de la Constitution stipule que tous sont égaux devant la loi et les tribunaux, un principe reflété dans les dispositions du Code de procédure pénale, de la loi constitutionnelle sur le statut des juges, de la loi sur la Cour suprême et les tribunaux locaux, notamment.

Par ailleurs, conformément à l'article 13 de la Constitution, les représentants de tous les groupes ethniques qui composent le peuple kirghize ont le droit de créer les conditions nécessaires à la préservation, à l'étude et au développement de leur langue maternelle. Dans 161 écoles du Kirghizistan, les élèves ont ainsi la possibilité d'étudier en ouzbek ; dans 22 d'entre elles, l'enseignement est dispensé uniquement en ouzbek. L'État s'efforce de mettre en œuvre une politique linguistique équilibrée, c'est-à-dire de former une nouvelle génération trilingue de Kirghizes maîtrisant la langue nationale, la langue officielle et une langue étrangère, tout en garantissant la préservation des langues maternelles des communautés ethniques.

 

Questions et observations des membres du Comité

M. Jian GUAN, corapporteur du Comité pour l’examen du rapport du Kirghizistan, a d’abord espéré que le pays récolterait des statistiques conformes aux exigences du Comité énoncées dans ses observations finales. Il ne s'agit pas seulement, a fait remarquer l’expert, d'une exigence du Comité ou d'autres organismes des Nations Unies : cette démarche facilite grandement l'élaboration des politiques et des lois de l'État partie visant à garantir la participation égale de tous les groupes ethniques aux activités politiques, publiques et sociales, et jouera un rôle important dans la prévention des contradictions, voire des conflits, entre les groupes ethniques.

S’agissant du cadre législatif de l’application de la Convention, l’expert a rappelé que le Comité, dans ses précédentes observations, avait recommandé que le Kirghizistan adopte une législation complète qui, en particulier, définisse la discrimination directe et indirecte, inclue tous les motifs de discrimination et interdise toutes les formes de discrimination raciale. Il a demandé ce qui était advenu du projet de loi contre la discrimination intitulé « Sur la garantie du droit à l'égalité et à la protection contre la discrimination », qui a été débattu au Parlement en juillet 2023.

Le Comité, a poursuivi l’expert, a été informé que le Bureau du Médiateur du Kirghizistan n’était pas pleinement conforme aux Principes de Paris relatifs à l’indépendance des institutions nationales de droits de l’homme, et qu'il recevait peu de plaintes pour discrimination – ce qui, a relevé M. Guan, pourrait s'expliquer par la faible sensibilisation à cette possibilité ainsi que par un manque de confiance dans la capacité des institutions de l'État à offrir des recours.

M. Guan a dit apprécier les résultats obtenus par le Kirghizistan en matière d’interdiction et de sanction des discours de haine raciste, d'incitation à la haine raciale et de crimes racistes, y compris dans les médias et sur Internet. Il a relevé que, selon le Ministère de l’intérieur, au cours de la période considérée, les services chargés de l'application de la loi ont ouvert 189 procédures pénales (54 en 2019, 77 en 2020, 41 en 2021 et 17 en 2022) pour des incidents d'incitation à l'hostilité ethnique, raciale, religieuse ou interrégionale. M. Guan s’est interrogé sur la formation dispensée aux juges, procureurs et avocats aux dispositions de la Convention afin de leur permettre de l'appliquer.

Des informations parvenues au Comité font état de l'existence d'inégalités dans la participation des différents groupes ethniques à la vie politique et publique nationale au Kirghizistan, a fait remarquer l’expert, ainsi que de problèmes de discrimination raciale dans l'application des lois et règlements par les forces de l'ordre. Certaines victimes accusent, de plus, les tribunaux de discrimination raciale dans les procès, a ajouté M. Guan. Il a recommandé qu’il soit mis un terme au profilage racial par la police.

M. Guan a fait remarquer que le Kirghizistan avait connu des conflits ethniques ces dernières années, et que des écarts de développement et inégalités entre les différents groupes ethniques persistaient dans certaines régions. Dans ce contexte, a-t-il estimé, il est possible que des discours racistes, incitations à la haine raciale et crimes racistes existent sous une forme ou une autre, y compris certains actes qui n'atteignent peut-être pas le seuil nécessitant une interdiction et des poursuites pénales.

L’expert a donc recommandé que le Kirghizistan envisage des mesures de détection ou de prévention pour empêcher complètement ces comportements. Il a dit apprécier, à ce propos, les formations préventives déjà mises en place, mais a regretté qu’elles ne visent pas les policiers et autres agents chargés de l'application des lois.

M. Guan a ensuite souligné que le rapport donne peu d'informations sur la situation socio-économique des groupes raciaux ou ethniques au Kirghizistan, en particulier s’agissant du niveau de vie très bas des Mughats (Tsiganes d’Asie centrale) ; de l'expropriation de terres et des expulsions forcées qui touchent de manière disproportionnée les Ouzbeks d'Osh et de Jalalabad ; et de la discrimination à l'égard des Ouzbeks dans l'accès à l'emploi.

L’expert a salué les données statistiques sur la participation des différents groupes ethniques à la vie publique et politique du pays, présentées dans le rapport comme l’avait demandé le Comité en 2018. Il a relevé une sous-représentation des minorités ethniques dans la vie publique et politique, en particulier le fait que, sur 120 députés au Parlement (Zhogorku Kenesh), on compte six représentants de communautés ethniques autres que les Kirghizes ; et que la représentation des minorités ethniques est négligeable dans les forces de police et de sécurité, ainsi que dans le système judiciaire. D’autres questions de M. Guan ont porté sur le statut des langues maternelles des minorités et sur le financement de l’éducation multilingue au Kirghizistan.

M. Guan a ensuite pris note des mesures prises par le Kirghizistan pour apaiser les tensions interethniques, notamment la création de bureaux de liaison avec les communautés et de l'Agence nationale pour les affaires locales et les relations interethniques. Il a relevé que les violences ethniques qui ont éclaté dans le sud du pays en 2010 continuaient de susciter un vif intérêt. À cet égard, le Comité constate que les auteurs n'ont pas tous été traduits en justice, que les victimes n'ont pas été indemnisées intégralement, que les forces de l'ordre et leur personnel ont abusé de leurs pouvoirs, et que la justice n'a pas exercé sa compétence de manière équitable. L’expert a demandé pour quelles raisons plus de la moitié des affaires pénales ouvertes dans ce contexte ont été suspendues.

M. Guan a aussi fait état du lancement de grands projets d’infrastructure sans obtention préalable du consentement des minorités concernées.

Mme MAZALO TEBIE, corapporteuse du Comité pour l’examen du rapport du Kirghizistan, a rappelé que, dans ses observations finales après l'examen du précédent rapport du Kirghizistan, le Comité était préoccupé par l'absence de plaintes concernant la discrimination fondée sur la race ou l'origine ethnique.

L’experte a aussi fait état d’informations récurrentes selon lesquelles certaines couches sociales seraient souvent victimes, au Kirghizistan, de plusieurs formes de discrimination fondée, entre autres, sur le sexe, l'ethnie, la langue, l'orientation sexuelle, la classe ou le statut social, ou encore la situation économique. En particulier, les femmes et les filles appartenant à des minorités ethniques, comme les Ouzbeks, les Tadjiks et les Dungans, seraient souvent confrontées à des formes de discrimination fondées à la fois sur leur sexe et sur leur appartenance ethnique, et ce dans plusieurs domaines, y compris la participation à la vie politique.

L’experte a aussi voulu savoir où en était l'enquête sur les cas d'au moins douze femmes tadjikes connaissant des difficultés sociales et économiques et qui ont tenté de se suicider ou se sont suicidées dans le village d'Andarak, en 2023.

Mme Tebie a aussi fait état d’obstacles qui réduiraient significativement la participation des représentants de la communauté LGBTQI+ et des travailleurs du sexe aux programmes nationaux, internationaux et locaux destinés à offrir des services de prévention et de lutte contre le VIH.

Mme Tebie s’est également interrogée sur les raisons qui ont conduit à l'introduction d’une interdiction générale dans la loi sur la liberté de réunion en 2022. Elle a aussi demandé si les restrictions apportées en 2025 au port de vêtements religieux, de même que l'interdiction du prosélytisme en dehors des institutions religieuses, ne risquaient pas de violer les droits fondamentaux à la liberté de religion et d'expression.

L’experte a par ailleurs signalé que, selon certaines sources, on constate au Kirghizistan des atteintes aux libertés individuelles, notamment à la liberté d'expression, de réunion pacifique, d'association et d'opinion. Elle a demandé ce qui était fait pour empêcher que les journalistes et les défenseurs des droits de l’homme ne fassent l'objet d'intimidations ou de représailles dans l'exercice de leurs activités de promotion des droits consacrés par la Convention. À cet égard, plusieurs experts ont cité le cas d’Azimjan Askarov, défenseur des droits de l'homme d'origine ouzbèke, décédé en détention en juillet 2020.

Mme Tebie a salué les initiatives du Kirghizistan en ce qui concerne la protection des réfugiés, y compris l'adoption d'une loi spécifique sur les réfugiés et la mise en place d'un règlement sur l'accueil des réfugiés. Cependant, malgré cette dynamique encourageante, a dit l’experte, les réfugiés et demandeurs d'asile rencontreraient beaucoup de difficultés s’agissant de la détermination même de leur statut de réfugié, du faible nombre de reconnaissances et de l'absence de décisions pour certains demandeurs en provenance de pays considérés comme sensibles en raison de considérations politiques.

De plus, les réfugiés vivraient au Kirghizistan dans des abris temporaires, souvent surpeuplés, avec un accès limité aux services de base. Ils seraient aussi confrontés à des défis en matière de sécurité et de protection, notamment à Och et Jalalabad.

D’autre part, des manifestations anti-migrants ont eu lieu à Bichkek, dont les victimes sont majoritairement des citoyens, et plus précisément des étudiants venant du Pakistan, de l'Inde, du Bangladesh et de l'Égypte, a dit l’experte.

En outre, a mis en garde l’experte, plusieurs sources indiquent que les travailleurs migrants au Kirghizistan, en particulier les travailleurs sans statut légal et ceux employés dans les secteurs agricole, textile et de la construction, sont souvent confrontés à des conditions de travail précaires, dégradantes et préjudiciables à leur sécurité et à leur santé.

Mme Tebie a voulu savoir quelles mesures étaient prises pour assurer la protection des droits des Kirghizes qui travaillent à l’étranger, en particulier en Fédération de Russie et au Kazakhstan. Les émigrés – près d'un citoyen kirghize en âge de travailler sur quatre – seraient victimes de discours de haine, d'attaques racistes et de travail forcé.

D’autres préoccupations de Mme Tebie ont porté sur le respect du principe de non-refoulement et sur la formation professionnelle des juges du Kirghizistan à l’application de la Convention.

D’autres experts du Comité ont demandé combien de sanctions disciplinaires avaient été prononcées à l’encontre de policiers convaincus d’actes de discrimination ou de racisme. Des explications ont été demandées au sujet du concept d’« identité civique partagée » évoqué par le chef de la délégation.

Un expert a salué le fait que le Kirghizistan ait réussi à régler le problème de l’apatridie et ait adopté un dispositif pour résoudre les cas résiduels.

 

Réponses de la délégation

La délégation a d’abord précisé que le projet de loi « Sur la garantie du droit à l'égalité et à la protection contre la discrimination » avait pour objectif de renforcer les dispositifs juridiques dans ce domaine. Le projet est en cours de parachèvement et fait l’objet de consultations supplémentaires, ce qui démontre l’importance attachée à son objet, a dit la délégation.

État multiethnique, le Kirghizistan compte d’importantes minorités ethniques ouzbèke et russe, a-t-il été précisé. Lors de la collecte des données de recensement, tous les dix ans, les personnes précisent ou non leur appartenance ethnique, à leur choix, conformément au principe d’auto-identification. La Constitution garantit l’égalité de tous les citoyens, indépendamment de leur origine ethnique, a insisté la délégation.

La discrimination est en effet interdite par la Constitution pour quelque motif que ce soit, a poursuivi la délégation, de même que la propagation des discours de haine et l’incitation à la haine raciale ou ethnique. L’interdiction de la discrimination dans le domaine du travail, de même qu’à l’encontre des personnes séropositives, est posée dans plusieurs textes de loi au Kirghizistan.

Les personnes qui ne respectent pas ces principes sont traduites en justice ; les victimes peuvent porter plainte directement devant les tribunaux. Le motif raciste est une circonstance aggravante dans les affaires pénales, a-t-il également été précisé.

De plus, le Ministère de l’intérieur a mis en place des formations destinées à ses agents, en particulier en matière de protection des droits de l’homme dans le cadre de leur mission et d’élimination de la discrimination raciale, y compris en ce qui concerne les instruments internationaux ratifiés par le Kirghizistan dans ce domaine. Les ONG qui s’occupent des droits de l’homme sont invitées à participer à ces formations.

Les agents doivent rendre des comptes s’ils ne respectent pas les prescriptions : ils peuvent faire l’objet de mesures disciplinaires ou d’amendes d’ordre administratif. Les plaintes des citoyens sont toutes répertoriées dans un registre central.

À l’initiative de plusieurs députés, un nouveau projet de loi est à l’étude pour renforcer le statut indépendant du Bureau du Médiateur et permettre son accréditation au statut A de l’Alliance mondiale des institutions nationales de droits de l’homme (GANHRI), a précisé la délégation par ailleurs. Elle a fait état de l’augmentation régulière du financement du Bureau actuel. Le Bureau surveille le comportement de la police.

Le concept d’identité civile (Kyrgyz Zharany) est un document d’orientation sur la politique ethnique de l’État, laquelle repose sur la langue kirghize, considérée comme un facteur fédérateur de la nation, a-t-il été précisé.

La délégation a fait état d’un « programme national pour la sécurité et le développement socio-économique de certaines zones frontalières du Kirghizistan bénéficiant d'un statut spécial pour la période 2021-2025 », dans le cadre duquel des sommes importantes sont consacrées à l’application de trente et une mesures liées, par exemple, à l’approvisionnement en eau potable.

La délégation a mentionné l’existence au Kirghizistan d’un millier d’organisations non gouvernementales qui collaborent au développement du pays. Elle a indiqué que la loi régit désormais l’enregistrement de ces organisations pour davantage d’ouverture et de transparence au sujet de leurs activités, s’agissant en particulier de l’origine de leurs fonds et de leur utilisation.

Un projet de loi est à l’étude pour, de même, réglementer les organisations religieuses, a-t-il été précisé. Des critères pour l’enregistrement de ces organisations ont été définis. La loi interdit de couvrir complètement son visage en public ou dans l’administration publique, mais il n’y a pas d’interdiction des vêtements religieux en tant que tels, a précisé la délégation.

Des militants d’un mouvement s’en sont pris à des manifestants contre l’homophobie : plusieurs de ces militants ont été déférés à la justice, a dit la délégation. D’autre part, une plainte a été déposée par une personne transgenre contre la chaîne de télévision New TV : la personne plaignante a eu gain de cause en justice, qui a condamné la chaîne à une amende.

Sur quelque 21 000 fonctionnaires de l’État, 35 % sont des femmes, 44 % dans les pouvoirs locaux ; et 31 % des élus locaux sont des femmes issues de minorités ethniques, a-t-il été précisé.

La délégation a également fait état de l’examen en cours d’un projet destiné à moderniser la loi sur les médias, qui date de 1992. Il s’agit d’un texte de compromis, visant à empêcher la diffusion d’informations fausses, de même que de discours de haine, et qui a obtenu un large soutien.

La délégation a indiqué que le document d’orientation Kyrgyz Zharany contenait un plan d’action en 65 points portant notamment sur la sensibilisation de la population, ainsi que la formation des fonctionnaires, au sujet du respect sans discrimination des droits des différents groupes de la société, le but étant de renforcer les liens et de prévenir les conflits interethniques. Quelque 3 914 actions préventives ont été menées dans ce contexte en quatre ans, ce qui a permis de diviser le nombre d’incidents interethniques par quatre.

La délégation a répondu à d’autres questions des experts concernant la tradition d’enlèvement de jeunes filles à des fins de mariage, précisant qu’il s’agissait là d’un crime grave au Kirghizistan, ayant donné lieu à 42 condamnations à des peines de prison en 2024.

Le gouvernement contrôle de près la réalisation du droit à l’éducation, en particulier s’agissant du suivi effectif de leur scolarité par les enfants mughats, a poursuivi la délégation. Les enseignements scolaires mentionnent le problème des enlèvements déjà mentionné et le fait qu’il s’agit d’une pratique punissable, a-t-il été précisé.

Le programme d’enseignement multilingue couvre les trois niveaux d’enseignement au Kirghizistan. Quelque mille enfants mughats (Tsiganes d’Asie centrale), 3 000 enfants tadjiks et plus de 4 000 enfants ouzbeks sont scolarisés dans leur langue maternelle, a indiqué la délégation.

Tout le monde au Kirghizistan bénéficie des prestations sociales de l’État, y compris les minorités ethniques, a ajouté la délégation. Le Gouvernement a lancé en 2024 un projet d’enregistrement numérique des naissances, afin que tous les enfants puissent bénéficier de leurs droits. Un autre programme est destiné à assurer l’approvisionnement de l’intégralité de la population en eau potable, le taux de couverture actuel se situant à 95 %. Cette mesure profitera aux minorités ethniques, y compris les Mughats, a-t-il été précisé.

Plus de 5 600 poursuites ont été engagées après les événements de 2010, 87 Kirghizes ayant été condamnés et 165 Ouzbeks et autres ; le travail judiciaire se poursuit au sujet des affaires qui ont été suspendues, a précisé la délégation. En 2024, un tribunal de Jalalabad a reconnu sept personnes coupables au titre du Code pénal ; plusieurs personnes ont été condamnées à des peines de prison.

Azimjan Askarov a été reconnu coupable d’incitation à la haine et du meurtre d’agents de police pendant les événements de 2010, a précisé la délégation. Son procès s’est tenu de manière conforme à la loi et dans le respect de ses droits, a-t-elle assuré. Atteint de pneumonie, il a refusé les soins, puis est décédé à l’hôpital. L’enquête a montré que son décès était sans lien avec ses conditions de détention.

La loi interdit la prostitution au Kirghizistan et donne lieu à des sanctions administratives, a indiqué la délégation en réponse à d’autres questions des experts.

S’agissant de la participation des minorités à l’élaboration des projets de loi, il a été précisé que le Parlement compte déjà des représentants de minorités ethniques, ce qui signifie qu’ils participent aux processus législatifs.

Le Kirghizistan est engagé pour protéger les droits des réfugiés et a adopté à cet égard une loi parmi les plus progressistes, a assuré la délégation. En 2024, 2 120 personnes ont demandé l’asile au Kirghizistan ; 164 personnes ont actuellement le statut de réfugié. Depuis 2002, plus de 9 000 réfugiés ont obtenu la citoyenneté kirghize. La loi interdit le refoulement de personnes vers des pays où elles risqueraient des mauvais traitements et des actes de torture, a-t-il été précisé.

Des campagnes sont menées en direction de la population pour la sensibiliser aux droits des travailleurs immigrés au Kirghizistan. Les services consulaires kirghizes et des bureaux de soutien soutiennent les Kirghizes expatriés, a indiqué la délégation. Un accord a été passé avec la Fédération de Russie pour que les enfants de migrants kirghizes dans ce pays puissent apprendre le russe et être ainsi scolarisés.

Le Kirghizistan a lancé un processus de rapatriement de ses ressortissants, en particulier des enfants, vivant dans des camps en Syrie. Un programme de réhabilitation et de réintégration sur cinq ans des personnes rapatriées a été mis en place.

La question des droits de l’homme est prise très au sérieux dans le système éducatif, a dit la délégation. Tous les matériels et manuels scolaires font l’objet d’une évaluation s’agissant du genre et de la non-discrimination, a-t-elle précisé.

La formation des juges, procureurs et policiers contient des enseignements spécialisés à l’état de droit, y compris à la lutte contre la discrimination raciale, ce qui est considéré comme nécessaire pour favoriser une société inclusive.

Le test de dépistage du VIH/sida a été supprimé en tant qu’exigence à l’appui d’une demande de visa pour le Kirghizistan, a indiqué la délégation. Le dépistage obligatoire ne peut être ordonné que sur décision d’un tribunal, a-t-elle aussi précisé. Les personnes séropositives qui se trouvent sur le territoire kirghize bénéficient de tous les droits socio-économiques, ont le droit de recevoir une aide médicale, de même qu’un traitement digne et respectueux, a enfin indiqué la délégation en réponse à d’autres questions des experts.

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