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Premier examen de Kiribati devant le Comité contre la torture : les conditions carcérales, les droits des personnes arrêtées, la violence sexiste et domestique, ainsi que la place du droit coutumier sont particulièrement débattus

Compte rendu de séance

Le Comité contre la torture a examiné, hier matin et ce matin, le premier rapport présenté par la République de Kiribati au titre de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Pendant cet examen, une experte du Comité a prié la délégation de dire comment l’État kiribatien parvenait à remédier aux difficultés rencontrées en matière d’infrastructure carcérale et d’accès des détenus aux soins, à l’hygiène, à la formation et à l’emploi. Le Comité s’intéresse en particulier à la situation des femmes privées de liberté en attente d’un procès, a ajouté l’experte.  Elle s’est en outre enquise de la formation des agents de détention et des membres des forces de l’ordre à la prévention de la torture ; des peines de prison applicables aux mineurs en conflit avec la loi ; et du régime carcéral auquel sont soumises les personnes condamnées à la prison à vie à Kiribati. 

Le Comité est conscient des efforts de l’État pour empêcher les violences sexistes et les violences au foyer, a poursuivi l’experte, avant de s’enquérir de l’ampleur de ces violences à Kiribati, des sanctions prévues pour leurs auteurs et de la prise en charge des victimes.

Un autre membre du Comité a prié la délégation de préciser de quels droits bénéficiaient les personnes arrêtées par la police.  Il a en particulier voulu savoir si les prévenus avaient le droit de se faire examiner par un médecin indépendant et de quels moyens de recours ils disposaient pour se plaindre de mauvais traitements ou d’actes de torture.

Pour le Comité, l’incrimination de la torture en tant que crime spécifique, avec une définition légale conforme à celle de la Convention, est une mesure importante à prendre, a souligné cet expert, insistant sur l’importance de mettre en évidence l'opprobre particulier et la gravité particulière qui s'attachent au crime de torture, et de donner le signal qu'il s'agit d'un crime pour lequel aucune impunité ne peut être tolérée.

Ce même expert s’est d’autre part interrogé sur la place du droit coutumier dans les procédures pénales. Il a en particulier voulu savoir si le droit coutumier pouvait être invoqué à l’appui d’une demande de réduction de peine qui serait incompatible avec l'exigence de peines sévères prévue à l'article 4 de la Convention.

Selon certaines informations parvenues au Comité, l'absence de protection légale contre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre contribuerait à une culture de l'impunité en la matière, a-t-il en outre été indiqué.

Présentant le rapport de son pays, Mme Kaaro Neeti, Présidente du Groupe de travail national sur les droits de l'homme et Secrétaire du Ministère de la justice de la République de Kiribati, a estimé que la ratification de la Convention en 2019 par Kiribati pouvait être considérée comme un complément aux lois en vigueur, en particulier le chapitre 2 de la Constitution, qui est une Déclaration des droits interdisant les mauvais traitements à l’encontre des citoyens.

Mme Neeti a précisé que la Loi de 2014 sur la paix familiale protégeait les membres de la famille contre les mauvaise traitements et actes de torture. De même, la Loi de 2013 sur l'éducation abolit les châtiments corporels dans les écoles et la Loi de 2015 sur la justice pour mineurs protège les enfants en conflit avec la loi et interdit leur détention. Quant à la Loi sur les services de police, elle protège les détenus contre les brutalités policières, d’autres textes de loi précisant les mesures à prendre lors de l'arrestation et de la détention de citoyens et d'autres personnes, a indiqué Mme Neeti.

Enfin, le Code pénal sanctionne celles et ceux qui commettent des mauvais traitements sous forme de torture et de brutalité à l'égard d'autres personnes, et l'ordonnance sur les soins psychiatriques prévoit des sanctions contre les fonctionnaires qui causent des dommages aux patients, a ajouté Mme Neeti.

Outre Mme Neeti et plusieurs de ses collaborateurs au Ministère de la justice, la délégation kiribatienne était composée, entre autres, de représentants des services du Procureur général, de la police, des autorités pénitentiaires ainsi que des Ministères ou Départements des affaires étrangères, de l’éducation, de la santé mentale, de l’intégration des personnes handicapées et de la protection sociale. 

Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport de Kiribati et les publiera à l’issue de sa session, le 24 novembre.

Demain matin, à 10 heures, le Comité entamera l’examen du rapport du Danemark.

Examen du rapport de Kiribati 

Le Comité est saisi du rapport initial de Kiribati (CAT/C/KIR/1).

Présentation du rapport

Présentant le rapport de son pays, MME KAARO NEETI, Présidente du Groupe de travail national sur les droits de l'homme et Secrétaire du Ministère de la justice de la République de Kiribati, a estimé que la ratification de la Convention en 2019 par Kiribati pouvait être considérée comme un complément aux lois en vigueur, en particulier le chapitre 2 de la Constitution [Protection des droits et libertés fondamentaux de l’individu], qui est une Déclaration des droits interdisant les mauvais traitements à l’encontre des citoyens. Le Gouvernement soutient pleinement la protection des droits de l'homme de tous ses citoyens, des plus jeunes aux plus âgés, mais il reste cependant conscient qu'il y a encore beaucoup de travail à faire pour atteindre les objectifs fixés et se conformer aux dispositions de la Convention, a indiqué Mme Neeti.

Mme Neeti a précisé que la Loi de 2014 sur la paix familiale protégeait les membres de la famille contre les mauvaise traitements et actes de torture. De même, la Loi de 2013 sur l'éducation abolit les châtiments corporels dans les écoles et la Loi de 2015 sur la justice pour mineurs protège les enfants en conflit avec la loi et interdit leur détention. L'ordonnance sur les prisons dispose du droit des détenus à ne pas être brutalisés ou malmenés par les agents. Quant à la Loi sur les services de police, elle protège les détenus contre les brutalités policières, d’autres textes de loi précisant les mesures à prendre lors de l'arrestation et de la détention de citoyens et d'autres personnes, a indiqué Mme Neeti.

Enfin, le Code pénal sanctionne celles et ceux qui commettent des mauvais traitements sous forme de torture et de brutalité à l'égard d'autres personnes, et l'ordonnance sur les soins psychiatriques prévoit des sanctions contre les fonctionnaires qui causent des dommages aux patients, a ajouté Mme Neeti.

Questions et observations des membres du Comité

MME ANA RACU, corapporteuse du Comité pour l’examen du rapport du Kiribati, a assuré dit que le Comité était pleinement conscient des difficultés qu’il y a pour les petits pays comme Kiribati à préparer et soumettre des rapports aux organes conventionnels. L’examen des rapports est une occasion pour les pays de tirer parti de l’expérience des experts internationaux membres du Comité, a-t-elle souligné. Le Comité n’est ni un organe politique, ni un organe judiciaire : il offre des conseils aux États parties sur la manière d’appliquer la Convention, a indiqué Mme Racu.

Mme Racu a ensuite regretté que le rapport de Kiribati ne contienne pas de données qualitatives ou quantitatives sur les conditions de détention dans les prisons. Elle a prié la délégation de dire comment l’État parvenait à remédier aux difficultés rencontrées en matière d’infrastructure carcérale et d’accès des détenus aux soins, à l’hygiène, à la formation et à l’emploi. Le Comité s’intéresse en particulier à la situation des femmes privées de liberté en attente d’un procès, a indiqué Mme Racu.

D’autres questions de l’experte ont porté sur la formation des agents de détention et des membres des forces de l’ordre à la prévention de la torture ; sur les peines de prison applicables aux mineurs en conflit avec la loi ; et sur le régime carcéral auquel sont soumises les personnes condamnées à la prison à vie à Kiribati.  L’experte a souhaité en savoir davantage au sujet des conditions matérielles d’incarcération, y compris celles des personnes détenues à vie, et du mécanisme permettant aux détenus de se plaindre de mauvais traitements qu’ils auraient subis.

Mme Racu a d’autre part demandé si les organisations non gouvernementales pouvaient inspecter des lieux de détention.

Le Comité est conscient des efforts de l’État pour empêcher les violences sexistes et les violences au foyer, a poursuivi Mme Racu. Elle a demandé quelle était l’ampleur de ces violences à Kiribati, quelles étaient les sanctions prévues pour leurs auteurs et comment les victimes étaient prises en charge.  Mme Racu a par la suite demandé si le Gouvernement entendait renouveler le plan d’action national pour l’élimination des violences sexuelles et sexistes qui est arrivé à échéance en 2021.  Tout en jugeant positive l’adoption de la loi criminalisant les violences au sein de la famille, Mme Racu a voulu savoir combien de ces violences ont fait l’objet de poursuites et de sanctions depuis la ratification de la Convention en 2019. 

Mme Racu a par ailleurs demandé quelles alternatives existaient à la détention de jeunes en conflit avec la loi à Kiribati.Mme Racu a enfin demandé ce qu’il en était de la lutte contre la traite des êtres humains et du soutien apporté aux victimes de ce crime. 

M. TODD BUCHWALD, corapporteur du Comité pour l’examen du rapport de Kiribati, a espéré que la ratification de la Convention par Kiribati encouragerait d’autres États insulaires du Pacifique à faire de même. Il a dit avoir conscience que le caractère récent de cette ratification signifiait également que Kiribati est toujours en train de transposer les dispositions de la Convention dans son droit interne. À cet égard, l’expert a souligné que, pour le Comité, l’incrimination de la torture en tant que crime spécifique, avec une définition légale conforme à celle de la Convention, était une mesure importante à prendre. Il importe de mettre en évidence l'opprobre particulier et la gravité particulière qui s'attachent au crime de torture, et de donner le signal qu'il s'agit d'un crime pour lequel aucune impunité ne peut être tolérée, a ajouté l’expert.

M. Buchwald s’est d’autre part interrogé sur la place du droit coutumier dans les procédures pénales. Il a demandé si des incohérences ou des conflits d’intérêts existaient entre ce droit et les obligations induites par la Convention, et a voulu savoir en particulier si le droit coutumier pouvait être invoqué à l’appui d’une demande de réduction de peine qui serait incompatible avec l'exigence de peines sévères prévue à l'article 4 de la Convention.

D’autres questions de M. Buchwald ont porté sur les dérogations possibles à l’état de droit en cas de situation d’« urgence publique » à Kiribati, comme cela a été le cas pendant la COVID-19 ; sur l’application de traitements contraires à la Convention mais justifiés par la Constitution de Kiribati ; et sur la persistance de pratiques discriminatoires.

M. Buchwald a en outre prié la délégation de préciser de quels droits bénéficiaient les personnes arrêtées par la police.  Il a en particulier voulu savoir si les prévenus avaient le droit de se faire examiner par un médecin indépendant et de quels moyens de recours ils disposaient pour se plaindre de mauvais traitements ou d’actes de torture.

M. Buchwald a demandé quelles étaient, compte tenu de ses moyens limités, les priorités de l’État dans la mise en œuvre de la Convention.

M. Buchwald a demandé des précisions sur le fonctionnement et le mandat du Groupe de travail national sur les droits de l'homme et a souhaité savoir si Kiribati pourrait envisager de se doter d’une institution nationale de droits de l’homme conforme aux Principes de Paris, comme cela lui avait été recommandé par l’ancienne Haute-Commissaire aux droits de l’homme à l’occasion de l’Examen périodique universel (EPU) du pays devant le Conseil des droits de l’homme en 2020.

L’expert a fait remarquer que le Comité n’avait pas reçu de contributions des organisations de la société civile s’agissant de l’examen de ce jour.

M. Buchwald a en outre fait remarquer que, selon certaines informations parvenues au Comité, l'absence de protection légale contre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre contribuerait à une culture de l'impunité en la matière.

Réponses de la délégation

La délégation a notamment précisé que le Gouvernement menait, en coopération avec la société civile, une politique d’élimination de la violence liée à l’identité de genre ; il dispense notamment aux fonctionnaires des formations axées sur la prévention de cette violence.   

La délégation a en outre indiqué que l’État manquait de moyens pour assurer la qualité des lieux de détention. Les autorités carcérales manquent de cellules pour séparer tous les prisonniers, qui sont pour la plupart regroupés dans des dortoirs en fonction de la durée de leur peine, a précisé la délégation. Vingt-trois hommes sont actuellement détenus à perpétuité, a-t-elle ajouté.  Le Gouvernement, qui entend rénover les bâtiments existants et construire de nouveaux dortoirs, est à la recherche de partenaires financiers internationaux pour mener à bien cette démarche, a souligné la délégation.   

Des médecins effectuent des tournées quotidiennes dans les prisons, et les détenus malades sont transférés dans des hôpitaux ordinaires, a d’autre part indiqué la délégation. Il n’y a pas de détenus handicapés à Kiribati à l’heure actuelle, a-t-elle ajouté.   

Les autorités respectent par ailleurs le droit des personnes détenues de s’entretenir avec leur avocat, a assuré la délégation.

Le régime de l’isolement disciplinaire a été supprimé pour être remplacé par la privation de certains avantages, a en outre fait savoir la délégation.   

La délégation a d’autre part assuré qu’aucun mineur n’était détenu en prison à ce jour. La loi prévoit que les mineurs ne seront pas détenus mais qu’ils suivront des programmes de réhabilitation, a-t-elle souligné.   

Le Gouvernement n’a pas recensé de cas de traite des personnes à Kiribati, a ensuite fait savoir la délégation.   

Composé de représentants de plusieurs ministères, le Groupe de travail national sur les droits de l'homme est financé par le Ministère de la justice, a par ailleurs précisé la délégation.   

La délégation a insisté à plusieurs reprises sur le fait que la volonté de réforme du Gouvernement se heurtait à un manque de moyens financiers. 

 

[Une bonne partie des réponses de la délégation n'a pas bénéficié de services d'interprétation en français.  Merci de vous reporter au compte rendu en anglais pour en avoir un aperçu.]

Remarques de conclusion  

M. CLAUDE HELLER, Président du Comité contre la torture, a remercié la délégation pour les informations qu’elle a fournies au Comité. Il a insisté sur l’importance, pour le Comité, de maintenir le dialogue ouvert avec les États parties à la Convention. M. Heller a décrit le processus qui sera suivi après la publication des observations finales du Comité au sujet du rapport de Kiribati.   

MME NEETI a pour sa part jugé extrêmement important que le Comité tienne compte des ressources limitées dont dispose son pays et qu'il envisage de l’aider à piloter certains projets qui contribueront à la pleine intégration de la Convention dans les politiques et les lois existantes, en particulier pour ce qui est de la formation des agents chargés de l'application de la loi et des agents des services pénitentiaires, et de l'amélioration des infrastructures et des installations pour les détenus. 

 

Ce document produit par le Service de l’information des Nations Unies à Genève est destiné à l'information ; il ne constitue pas un document officiel.

Les versions anglaise et française de nos communiqués sont différentes car elles sont le produit de deux équipes de couverture distinctes qui travaillent indépendamment.

 

 

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