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Examen du Danemark au CAT : les conditions carcérales, l’envoi de ressortissants étrangers purger des peines de prison au Kosovo et le transfert de requérants d’asile vers des pays tiers pour y traiter leur demande retiennent l’attention des experts

Compte rendu de séance

Le Comité contre la torture (CAT) a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport périodique présenté par le Danemark au titre de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Ont été particulièrement salués le rôle de chef de file que joue le pays dans l’application de la Convention, la volonté du Gouvernement danois d’inclure une définition de la torture conforme à la Convention dans le Code pénal et dans le Code de procédure pénale, ainsi que le fait que le Gouvernement entretienne une relation constructive avec les organisations de la société civile – une démarche très importante pour une meilleure application de la Convention. 

Plusieurs membres du Comité ont toutefois exprimé un certain nombre de préoccupations s’agissant des conditions carcérales dans le pays, et notamment de la surpopulation carcérale qui, a fait observer une experte, s’explique notamment par un taux élevé de détention préventive – laquelle concerne 40% des personnes détenues. Les conditions de détention préventive au Danemark ne sont « pas très bonnes », étant donné non seulement la vétusté des locaux mais aussi les « restrictions » imposées par les tribunaux s’agissant de l’accès au travail pour les personnes détenues et de leur contact avec le monde extérieur, a ajouté cette experte.  Selon le Comité européen pour la prévention de la torture (CPT), les prisons danoises connaissent un problème de manque de personnel de santé, a-t-elle par ailleurs relevé.  Les mesures alternatives à la détention sont essentielles pour résoudre le problème de la surpopulation carcérale et prévenir la torture et les mauvais traitements, a souligné un autre expert du Comité. Selon certains observateurs, il faudrait rénover les prisons et repenser tout le système pénal, a-t-il été relevé. 

Un expert s’est par ailleurs dit préoccupé par le fait que les décès de six personnes dans des commissariats de police n’ont entraîné aucune sanction contre les policiers concernés. 

Il a par ailleurs été relevé que le Danemark envisageait d’envoyer quelque 300 ressortissants étrangers purger des peines de prison au Kosovo.  Aussi, un expert s’est-il interrogé sur la manière dont le Danemark entend respecter ses obligations au titre de la Convention dans des prisons situées en dehors de son territoire. Il semble en outre que l’on puisse douter de la volonté du Danemark de s’acquitter de ses obligations alors qu’il envisage de transférer des requérants d’asile dans un centre de traitement au Rwanda, a ajouté ce même expert.

Les droits des étrangers appréhendés par la police ne sont pas toujours respectés s’agissant de l’accès à un avocat et à un médecin et du contact avec leur famille, a d’autre part relevé une experte, citant ici aussi un rapport du CPT.  Un membre du Comité a cité plusieurs affaires traitées par le Comité des droits de l’homme et par le Comité des droits de l’enfant dans lesquelles des requérants d’asile au Danemark ont été ou risquent d’être expulsés vers des pays où ils pourraient être victimes de mauvais traitements.

Un membre du Comité a d’autre part fait état d’une augmentation depuis 2015 du recours aux mesures de contrainte ou de coercition dans les établissements psychiatriques au Danemark, y compris à l’encontre de jeunes patients de moins de 15 ans.

A par ailleurs été évoquée la contraception forcée dont ont été victimes, dans les années 1960 et 1970, quelque 4000 femmes au Groenland.  Un expert a demandé ce qu’il en était de la réparation due aux femmes concernées par cette affaire.

D’aucuns se sont en outre fait l’écho de préoccupations face à une progression des violences sexuelles et autres violences à l’égard des femmes au Danemark, y compris pour ce qui est du nombre de viols.

Présentant le rapport de son pays, M. Ulf Melgaard, Directeur du droit international et des droits de l’homme au Ministère des affaires étrangères du Danemark, a d’abord mis en avant l’investissement substantiel de son pays dans la lutte mondiale contre la torture et a notamment souligné que le Danemark est le deuxième plus grand contributeur au Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture.

M. Melgaard a ensuite indiqué qu’au début de cette année, le Gouvernement danois avait décidé que le Code pénal devait être modifié pour introduire des dispositions pénales spécifiques criminalisant la torture, ainsi que de nouvelles dispositions sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre. Un projet de loi introduisant ces amendements devrait être adopté en 2024, a-t-il précisé.

Plusieurs mesures législatives ont en outre été prises, notamment en matière de prévention de la violence à l'égard des femmes et de lutte contre la traite, a d’autre part souligné M. Melgaard, rappelant qu’en 2021, une nouvelle définition du viol a été introduite, qui criminalise les actes sexuels non consensuels. En outre, en septembre 2023, un système modifié de sanctions disciplinaires dans le service des prisons et de la probation est entré en vigueur, qui vise en particulier à réduire le recours à l'isolement disciplinaire – lequel ne peut plus, en règle générale, dépasser deux semaines, a indiqué M. Melgaard.

M. Melgaard a aussi fait part de changements apportés au système d'asile, avec l’introduction d’une procédure plus adaptée aux mineurs non accompagnés. D’autres mesures concernent le soutien aux familles migrantes accueillies dans des « centres de retour » ainsi que l’amélioration des soins de santé mentale, avec un objectif de réduction du recours aux mesures coercitives à l’horizon 2030, a-t-il ajouté.

Le chef de la délégation danoise a relevé que son pays était confronté à un manque de cellules de prison de même qu’à des difficultés dans le recrutement et la fidélisation du personnel pénitentiaire. Entre autres mesures pour y remédier, le Gouvernement a passé un accord pour la location de cellules au Kosovo ; il a également lancé la construction d'une nouvelle prison et l'agrandissement des prisons existantes au Danemark, et a amélioré les conditions générales du personnel pénitentiaire, a fait savoir M. Melgaard.

Complétant cette présentation, Mme Tove Søvndahl Gant, Ministre conseillère au Gouvernement du Groenland, a notamment fait état des mesures de sensibilisation aux droits de l’homme prises par son Gouvernement et a indiqué que ce dernier s’apprête par ailleurs à faire voter au Parlement une loi interdisant la discrimination.

Enfin, Mme Margretha Jacobsen, Conseillère principale au Ministère des affaires étrangères, du commerce et de l'industrie des îles Féroé, a notamment indiqué que son Gouvernement avait pris l'initiative de conclure un accord avec le Danemark sur la construction de la première prison des îles Féroé, qui remplacera les installations de détention inadéquates existantes.

La délégation danoise était également composée de M. Ib Petersen Représentant permanent du Danemark auprès des Nations Unies à Genève, ainsi que de plusieurs représentants des Ministères danois des affaires étrangères, de la justice, de l'immigration et de l'intégration, de l'intérieur et de la santé, et des affaires sociales, du logement et des personnes âgées.

En 2021, le Parlement danois a adopté une loi autorisant le transfert de ressortissants étrangers vers des pays tiers pour y traiter leur demande d’asile ; mais le Gouvernement n’a encore passé aucun accord dans ce sens avec un pays tiers, a précisé la délégation durant le dialogue. Le Gouvernement insiste sur le fait que toutes les solutions dans ce domaine devront être conformes aux obligations du Danemark au titre du droit international et du droit européen, a-t-elle assuré.

Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport du Danemark et les publiera à l’issue de sa session, le 24 novembre prochain.

Mardi prochain, 14 novembre, à 10 heures, le Comité entamera l’examen du rapport de l’Égypte.

Examen du rapport du Danemark

Le Comité est saisi du huitième rapport périodique du Danemark (CAT/C/DNK/8, à paraître en français), rapport établi sur la base d’une liste de points à traiter qui avait été soumise par le Comité.

Présentation du rapport

Présentant le rapport de son pays, M. ULF MELGAARD, Directeur du droit international et des droits de l’homme au Ministère des affaires étrangères du Danemark, a d’abord mis en avant l’investissement substantiel de son pays dans la lutte mondiale contre la torture, citant en particulier l’initiative qu’il mène conjointement depuis 2014, avec plusieurs autres pays, pour promouvoir la ratification universelle et une meilleure mise en œuvre de la Convention, ou encore l'accent mis sur la prévention de la torture dans le cadre de sa coopération au développement – le Danemark étant le deuxième plus grand contributeur au Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture.

« Mais la lutte contre la torture doit se faire dans chacun de nos pays », a poursuivi M. Melgaard, avant de donner des explications sur différentes mesures prises à cet égard par le Danemark depuis 2018. Ainsi, au début de 2023, le Gouvernement danois a-t-il décidé que le Code pénal devait être modifié pour introduire des dispositions pénales spécifiques qui criminalisent la torture, ainsi que de nouvelles dispositions sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre. Un projet de loi introduisant ces amendements devrait être adopté en 2024, a indiqué le chef de la délégation danoise.

En ce qui concerne le système pénal, plusieurs mesures législatives ont été prises, notamment en matière de prévention de la violence à l'égard des femmes et de lutte contre la traite, a d’autre part souligné M. Melgaard.  En 2021, une nouvelle définition du viol a été introduite, qui criminalise les actes sexuels non consensuels. En outre, en septembre 2023, un système modifié de sanctions disciplinaires dans le service des prisons et de la probation est entré en vigueur.  Ces modifications visent en particulier à réduire le recours à l'isolement disciplinaire, conformément aux observations finales du Comité de 2016 : cette mesure [l’isolement disciplinaire] ne peut plus, en règle générale, dépasser deux semaines, a précisé M. Melgaard.

M. Melgaard a aussi fait part de changements apportés au système d'asile, avec l’introduction d’une procédure plus adaptée aux mineurs non accompagnés demandant l'asile au Danemark. Cette procédure s’appuie notamment sur l’organisation d’un cours d'une semaine concernant la manière d’interroger les enfants dans les affaires d'asile – cours destiné à toutes les personnes impliquées dans la procédure d'asile.

D’autres mesures mentionnées par le chef de la délégation danoise concernent le soutien aux familles migrantes accueillies dans des « centres de retour » ainsi que l’amélioration des soins de santé mentale, avec un objectif de réduction du recours aux mesures coercitives à l’horizon 2030.

Enfin, M. Melgaard a relevé que son pays était confronté à un manque de cellules de prison de même qu’à des difficultés dans le recrutement et la fidélisation du personnel pénitentiaire. Entre autres mesures pour y remédier, le Gouvernement a passé un accord pour la location de cellules au Kosovo ; il a également lancé la construction d'une nouvelle prison et l'agrandissement des prisons existantes au Danemark, et a amélioré les conditions générales du personnel pénitentiaire, y compris avec le versement d’un salaire pendant la formation, a fait savoir M. Melgaard.

MME TOVE SØVNDAHL GANT, Ministre conseillère au Gouvernement du Groenland, a fait état pour sa part de l’attachement de son Gouvernement à la promotion et à la protection des droits de l'homme, y compris par le biais de la sensibilisation du grand public à l'importance de ces droits. La prise de conscience dans ce domaine s'est considérablement améliorée avec la création du Conseil des droits de l'homme du Groenland en 2013, a-t-elle indiqué. Cette sensibilisation porte aussi sur la Convention contre la torture, qui a été traduite en groenlandais (kalaallisut), a-t-elle précisé. Le Gouvernement du Groenland s’apprête par ailleurs à faire voter au Parlement une loi interdisant la discrimination, a fait savoir Mme Søvndahl Gant.

Enfin, MME MARGRETHA JACOBSEN, Conseillère principale au Ministère des affaires étrangères, du commerce et de l'industrie des îles Féroé, a indiqué que son Gouvernement avait pris l'initiative de conclure un accord avec le Danemark sur la construction de la première prison des îles Féroé, qui remplacera les installations de détention inadéquates existantes. Par ailleurs, le Gouvernement [des îles Féroé] a fait adopter des amendements au Code pénal féroïen, avec l'introduction d'une nouvelle définition du viol qui criminalise les actes sexuels non consensuels et d’une nouvelle disposition distincte sur la violence psychologique dans les relations intimes.

Mme Jacobsen a évoqué d’autres mesures en faveur de la santé mentale des jeunes, de l’intégration des immigrés et de la prise en charge des victimes de violence. Elle a enfin indiqué que le Gouvernement envisageait de créer une institution nationale de droits de l’homme pour les îles Féroé.

Questions et observations des membres du Comité

MME ILVIJA PUCE, corapporteuse du Comité pour l’examen du rapport du Danemark, a d’abord salué le rôle de chef de file que joue le pays dans l’application de la Convention.

L’experte a ensuite relevé avec appréciation la volonté du Gouvernement d’inclure une définition de la torture conforme à la Convention dans le Code pénal et dans le Code de procédure pénale. Elle a insisté sur le fait que ce délit devait être sanctionné de manière appropriée eu égard à sa gravité, de manière à exercer un effet dissuasif. La torture doit être définie comme un délit autonome punissable au Groenland et aux îles Féroé également, a ajouté l’experte. Elle a voulu savoir si les tribunaux avaient eu à juger d’affaires où des actes de torture auraient constitué une circonstance aggravante.

Le Médiateur parlementaire joue, au Danemark, le rôle de mécanisme national de prévention (de la torture) au titre du Protocole facultatif se rapportant à la Convention, a constaté Mme Puce. Elle a souhaité en savoir davantage sur l’indépendance de ce Médiateur parlementaire, sur le nombre et les types de visites qu’il effectue, et sur les suites qui leur sont données. La question de la compétence territoriale du mécanisme de prévention est aussi posée, car il semble que sa compétence ne couvre pas les prisons et commissariats au Groenland et aux îles Féroé, a souligné l’experte.

Mme Puce a par ailleurs insisté sur l’importance de réaliser des enquêtes et de collecter des données relatives aux actes de torture et de mauvais traitements. L’Autorité danoise indépendante de traitement des plaintes contre la police a enquêté, ces dernières années, sur six affaires impliquant des mauvais traitements, a relevé l’experte, avant de s’enquérir des résultats de ces enquêtes.

Il n’y a pas de statistiques centralisées sur les plaintes relatives aux mauvais traitements en prison et dans les hôpitaux psychiatriques au Danemark, au Groenland et dans les îles Féroé, a regretté Mme Puce, se demandant comment les victimes pouvaient déposer plainte et quelles suites étaient données à leurs plaintes.

Les droits des étrangers appréhendés par la police ne sont pas toujours respectés s’agissant de l’accès à un avocat et à un médecin et du contact avec leur famille, a d’autre part relevé l’experte, citant un rapport du Comité européen pour la prévention de la torture (CPT). Elle a en outre souhaité en savoir davantage sur les fondements juridiques de l’utilisation de spray au poivre et de la pratique des fouilles à nu par la police.

La surpopulation carcérale au Danemark s’explique notamment par un taux élevé de détention préventive, qui concerne 40% des personnes détenues, a poursuivi Mme Puce, avant de s’enquérir des mesures alternatives à la détention provisoire appliquées au Danemark. Les conditions de détention préventive au Danemark ne sont « pas très bonnes », étant donné non seulement la vétusté des locaux mais aussi les « restrictions » imposées par les tribunaux s’agissant de l’accès au travail pour les personnes détenues et de leur contact avec le monde extérieur, a ajouté l’experte.

D’autres questions de Mme Puce ont porté sur la formation et le recrutement des gardiens de prison et autres personnels employés dans le système carcéral.  Selon le CPT, les prisons danoises connaissent un problème de manque de personnel de santé, a fait observer l’experte. Elle a demandé si policiers et gardiens connaissaient l’existence de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Mme Puce a demandé ce qu’il en était d’allégations selon lesquelles des mineurs en conflit avec la loi sont détenus avec des adultes. Elle a voulu savoir si le Danemark pouvait envisager d’interdire le placement à l’isolement de mineurs détenus.

M. HUAWEN LIU, corapporteur du Comité pour l’examen du rapport du Danemark, s’est félicité que la lutte contre la torture soit une priorité pour le pays au niveau international. Il a aussi jugé très positif que le Gouvernement danois entretienne une relation constructive avec les organisations de la société civile – une démarche très importante pour une meilleure application de la Convention, a-t-il souligné.

M. Liu a ensuite relayé des préoccupations face à une progression des violences sexuelles et autres violences à l’égard des femmes au Danemark, y compris pour ce qui est du nombre de viols. Les victimes de ces violences sont souvent stigmatisées, a-t-il relevé, s’interrogeant sur ce qui est fait au Danemark pour remédier à ce problème. M. Liu a en outre fait observer que passée la vingt-deuxième semaine de grossesse, l’avortement est interdit au Danemark, même si la grossesse résulte d'une agression sexuelle ou si la personne enceinte est vulnérable.

M. Liu a posé d’autres questions relatives à la protection des femmes immigrées qui ont été victimes de violence durant leur parcours de migration ou qui sont victimes de violence domestique au Danemark. Il a mis en garde contre le risque que les cas de traite des êtres humains au Danemark ne soient beaucoup plus nombreux que ne le laissent entendre les statistiques officielles.  M. Liu a par ailleurs cité plusieurs affaires traitées par le Comité des droits de l’homme et par le Comité des droits de l’enfant dans lesquelles des requérants d’asile au Danemark ont été ou risquent d’être expulsés vers des pays où ils pourraient être victimes de mauvais traitements.

Il n'existe pas de données officielles sur le nombre total de victimes de la torture vivant au Danemark, mais on estime qu'environ 30% des demandeurs d'asile auraient été victimes de torture, a poursuivi M. Liu. Le Comité demande instamment au Danemark de veiller à ce que toutes les victimes de mauvais traitements et de torture soient indemnisées, a-t-il souligné.

M. Liu a ensuite fait remarquer que le système carcéral était occupé à plus de 100% au Danemark. Selon certains observateurs, il faudrait rénover les prisons et repenser tout le système pénal, a-t-il relevé.  Les mesures alternatives à la détention sont essentielles pour résoudre le problème de la surpopulation carcérale et prévenir la torture et les mauvais traitements, a ajouté l’expert, estimant que le recours au bracelet électronique pouvait être plus efficace que la détention réelle. M. Liu s’est par ailleurs dit préoccupé par le fait que les décès de six personnes dans des commissariats de police n’aient entraîné aucune sanction contre les policiers concernés.

Le corapporteur a d’autre part fait état d’une augmentation depuis 2015 du recours aux mesures de contrainte ou de coercition dans les établissements psychiatriques au Danemark, y compris à l’encontre de jeunes patients de moins de 15 ans.

M. Liu a ensuite demandé dans quelle mesure le Manuel militaire de 2016 – qui contient des dispositions obligatoires sur la réglementation du comportement des forces armées s’agissant de la privation de la liberté – avait été respecté par les soldats danois stationnés en Afghanistan lors du transfert de prisonniers aux forces d’autres pays. L’expert a demandé quelles mesures le Gouvernement avait prises pour que les forces danoises agissent conformément à la Convention à l'étranger.

Le corapporteur a en outre demandé quels recours étaient ouverts aux personnes intersexes ayant subi une stérilisation involontaire ou un traitement médical ou chirurgical inutile et irréversible pendant leur enfance.

Un autre expert membre du Comité a évoqué la contraception forcée dont ont été victimes, dans les années 1960 et 1970, quelque 4000 femmes au Groenland.  Cet expert a demandé ce qu’il en était de la réparation due aux femmes concernées par cette affaire. Le Comité, a souligné ce même expert, est régulièrement appelé à traiter de crimes commis avant 1984, date de l’adoption de la Convention, et préconise que les victimes de tels crimes soient dédommagées.

Un expert a relevé que le Danemark envisageait d’envoyer quelque 300 ressortissants étrangers purger des peines de prison au Kosovo.  Aussi, cet expert s’est-il interrogé sur la manière dont le Danemark entend respecter ses obligations au titre de la Convention dans des prisons situées en dehors de son territoire. Il semble de plus que l’on puisse douter de la volonté du Danemark de s’acquitter de ses obligations alors qu’il envisage de transférer des requérants d’asile dans un centre de traitement au Rwanda, a ajouté ce même expert.

Réponses de la délégation

La délégation a d’abord précisé que le Médiateur parlementaire (Ombudsman) danois était doté, par la loi, d’une très grande indépendance. Le Médiateur relève du Parlement pour ce qui est de son budget et de sa nomination uniquement. Le Médiateur ne peut être député et le Parlement ne peut lui donner d’instruction sur la manière de mener son travail. Cette indépendance lui donne la compétence pour faire office de mécanisme national de prévention, a estimé la délégation.

En tant que mécanisme national de prévention, le Médiateur effectue des visites dans les lieux – privés et publics, y compris les institutions psychiatriques et foyers pour jeunes et personnes âgées – où les personnes sont privées de liberté. La majorité des membres de l’institution sont des juristes, mais on compte aussi un psychologue, a précisé la délégation.  Chaque année, le Médiateur choisit un thème sur lequel il mettra l’accent dans son rapport, a-t-elle ajouté.

Le mécanisme national de prévention peut effectuer des visites inopinées, mais il procède généralement à des visites annoncées pour pouvoir collecter les bonnes informations et s’entretenir avec les bonnes personnes, a expliqué la délégation.

Concernant les nouvelles dispositions pénales, la délégation a expliqué que le Gouvernement avait décidé d’amender le Code pénal pour y ériger la torture, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité en autant d’infractions distinctes – une décision motivée par la situation en Ukraine.

La torture peut déjà constituer une circonstance aggravante au titre du Code pénal, a d’autre part indiqué la délégation.

En 2018, les délais de prescription ont été modifiés pour éviter que les personnes victimes de violations de leurs droits pendant l’enfance ne perdent leurs droits à réparation, a d’autre part souligné la délégation.

Au Danemark, la torture n’est pas soumise à la prescription, a par la suite précisé la délégation.  Lorsqu’il est reconnu coupable, l’auteur peut se voir exiger un dédommagement jusqu’à un an après le jugement, a-t-elle ajouté.

Le Gouvernement respecte le principe de non-refoulement, a ensuite déclaré la délégation, assurant que tout ressortissant étranger peut obtenir l’asile s’il court le risque d’être soumis à la torture dans son pays d’origine. En vertu de la loi, les autorités danoises sont tenues de tenir compte des obligations internationales du Danemark dans ce domaine, y compris celles induites par la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, a insisté la délégation.

S’ils constatent qu’un requérant d’asile a été victime de traite des êtres humains, les services d’immigration prendront alors des mesures de protection avant que la demande d’asile ne soit examinée, a fait savoir la délégation. Le Danemark tient compte des observations faites par les organes conventionnels au sujet d’allégations de violation du principe de non-refoulement – observations qui sont toujours suivies d’un réexamen des dossiers par le service concerné, à savoir le Conseil d’appel des réfugiés, a indiqué la délégation.

La délégation a par la suite indiqué que le Gouvernement avait renforcé la coopération des autorités concernées par la lutte contre la traite des êtres humains, ouvert des centres de prise en charge pour victimes et poursuivi une politique de sanctions durcies contre les auteurs.

En 2021, le Parlement danois a adopté une loi autorisant le transfert de ressortissants étrangers vers des pays tiers pour y traiter leur demande d’asile. Le Gouvernement n’a encore passé aucun accord dans ce sens avec un pays tiers, a toutefois précisé la délégation. Le Gouvernement insiste sur le fait que toutes les solutions dans ce domaine devront être conformes aux obligations du Danemark au titre du droit international et du droit européen.

Tous les requérants d’asile subissent un examen médical dès leur arrivée dans le pays, a ensuite précisé la délégation. Menés par la Croix-Rouge, les examens médicaux sont destinés à détecter, entre autres, tout signe de torture ou de mauvais traitements subis dans le pays d’origine ou en transit. Les personnes concernées [sur lesquelles de tels signes ont été détectés] seront alors dirigées vers des services professionnels spécialisés. Plusieurs centres d’accueil dépendant du Ministère de la santé sont en mesure de prendre en charge les femmes migrantes victimes de violence, a également souligné la délégation.

Un requérant d’asile dont la demande est en cours de traitement et dont on craint qu’il ne prenne la fuite peut être placé en détention, dans le respect des principes de nécessité et de proportionnalité, a par ailleurs précisé la délégation. Les « centres de retour » pour migrants destinés à quitter le pays sont équipés de manière à répondre aux besoins des familles, a-t-elle ajouté.

La délégation a d’autre part expliqué qu’un permis de séjour peut être révoqué à la suite d’une procédure de divorce ; le permis ne sera cependant pas retiré s’il a été émis à des fins de regroupement familial avec une personne résidant déjà au Danemark. Le Plan d’action national contre la violence domestique contient pour sa part plusieurs dispositions relatives au maintien du titre de séjour de la personne victime de cette violence.

Il existe au Danemark une autorité indépendante spécialisée dans les enquêtes sur les mauvais traitements en garde à vue, a ensuite indiqué la délégation. Composée de juristes et de membres représentant les autorités locales, cette autorité peut renvoyer à la justice les cas dont elle est saisie. Elle tient des statistiques depuis 2016.  Toute allégation de torture, mauvais traitements ou usage excessif de la force sur une personne détenue fera l’objet d’une enquête, a assuré la délégation.

L’Autorité danoise indépendante de traitement des plaintes contre la police exerce son mandat également au Groenland et aux îles Féroé, a indiqué la délégation.

L’utilisation de spray au poivre par la police est régie par la loi, au même titre que le recours à la force en général, a poursuivi la délégation. Le rapport annuel sur le recours à la force par la police mentionne, dans sa dernière édition, une légère augmentation des affaires impliquant le spray au poivre, mais pas de blessés, a-t-elle précisé. Plusieurs dizaines d’incidents liés au spray au poivre ont été recensés dans des prisons en 2023. Tout incident de ce type peut être dénoncé par les détenus auprès des autorités carcérales, a indiqué la délégation. 

La détention préventive ne peut durer plus de quatre semaines sans réévaluation par un tribunal, a-t-il d’autre part été précisé. Les personnes placées en détention préventive peuvent être soumises, en fonction des raisons de leur détention, à des restrictions dans leur contact avec l’extérieur, a confirmé la délégation. Les détenus peuvent cependant lire la presse, travailler et accéder à certains loisirs, a-t-elle assuré. Le Gouvernement mène actuellement une étude pour comprendre pourquoi le taux de détention provisoire au Danemark est plus élevé que dans les autres pays nordiques.

Les services de prison au Groenland et aux îles Féroé sont gérés par le Danemark, a d’autre part souligné la délégation. Au Groenland, le Code pénal ne prévoit pas de peine de prison obligatoire, le juge pouvant toujours choisir entre une amende et la détention en fonction de la gravité des délits. Il n’y a pas de prison aux îles Féroé capable de garder des personnes condamnées à des peines longues, a ajouté la délégation.

Un expert du Comité ayant fait état d’une augmentation de la violence entre détenus, la délégation a indiqué qu’elle concernait des violences entre membres de gangs détenus. Elle a précisé que le phénomène était toutefois en recul depuis cette année. Les autorités carcérales prennent des mesures pour remédier à cette violence, a-t-elle souligné.

Face aux difficultés liées au manque de cellules et de personnel, le Gouvernement a lancé plusieurs initiatives telles que l’agrandissement de prisons et l’amélioration des conditions du personnel, a répété la délégation. Le Gouvernement a chargé la commission du droit pénal d’examiner les alternatives à la privation de liberté mises en œuvre dans d’autres pays, a-t-elle en outre indiqué.

S’agissant de la location de places dans des prisons du Kosovo, le Gouvernement a tenu scrupuleusement compte de ses obligations au titre du droit international en négociant cet accord – un accord aux termes duquel le Kosovo a accepté de respecter les mêmes obligations et de recevoir des visites d’inspection par des institutions danoises, a précisé la délégation. Le projet ne démarrera pas avant que le Gouvernement soit sûr que ses obligations puissent être effectivement respectées, a-t-elle insisté. 

La délégation a d’autre part indiqué que cinq et six plaintes ont été reçues pour des violations des droits de personnes détenues par l’armée danoise respectivement en Iraq et en Afghanistan, sans que ces plaintes n’aient donné lieu à des sanctions. Le manuel militaire décrit les obligations des soldats danois engagés à l’étranger, y compris s’agissant de l’interdiction de la torture et des mauvais traitements.

La délégation a d’autre part indiqué que la loi punissait désormais le harcèlement et le harcèlement sexuel, sanctionnés par des peines d’emprisonnement en fonction de la gravité du délit.

Le Danemark applique résolument un plan d’action sur dix ans pour améliorer les conditions de vie dans les établissements psychiatriques, a poursuivi la délégation.  Ce plan vise en particulier à limiter le recours aux mesures coercitives à l’encontre des patients. Le personnel est formé à la manière de désamorcer les conflits, d’utiliser correctement les moyens de contention ou encore de donner suite aux plaintes des patients. La délégation a décrit le cheminement des plaintes déposées pour manquement dans le milieu psychiatrique.

Cinquante-neuf mineurs placés en milieu psychiatrique ont fait l’objet de contrainte en 2022, un chiffre plus élevé qu’en 2021, a admis la délégation.

Les chirurgies de changement de sexe ou de transition, très rares au Danemark, ne se font qu’après des examens médicaux minutieux et à condition qu’elles ne mettent pas en danger le développement et la santé des mineurs concernés, a d’autre part indiqué la délégation. Des thérapies hormonales peuvent être proposées, au cas par cas et de manière très encadrée, a-t-elle ajouté.

La délégation a par ailleurs fait savoir que le Gouvernement a commandé une étude sur les conditions historiques et administratives de la campagne – mentionnée par un expert du Comité – de pose forcée de stérilets qui a eu lieu au Groenland entre les années 1960 et 1992.

La délégation a fourni un certain nombre de précisions concernant les compétences du Groenland et des îles Féroé en matière législative, d’administration de la justice et d’application des traités internationaux.

 

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