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Examen du Burundi devant le Comité contre la torture : la pratique de la torture semble généralisée au sein des forces de police et de sécurité burundaises et la violation du droit à la vie est une réalité dans le pays, est-il affirmé

Compte rendu de séance

Le Comité contre la torture (CAT) a examiné, hier matin et cet après-midi, le rapport périodique soumis par le Burundi au titre de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

« La violation du droit à la vie est une réalité au Burundi et se traduit principalement par des exécutions extrajudiciaires » et des « disparitions forcées qui sont probablement suivies d’exécutions », a affirmé un membre du Comité. « La découverte récurrente de cadavres dans divers endroits, hâtivement enterrés par des responsables des autorités sans enquête diligentée au préalable, témoigne selon certains de la complicité présumée des hautes autorités avec les criminels », a-t-il ajouté.

Ce même expert a également affirmé que « la pratique de la torture semble généralisée au sein de forces de police et de sécurité burundaises, en particulier au sein du Service national de renseignement (SNR) qui y recourrait de façon quasi-systématique pour obtenir des informations, et comme moyen d’intimidation ». Malgré l’existence d’un cadre légal, l’action des agents du SNR échappe à tout contrôle judiciaire, « car il semble qu’elle est directement pilotée par les plus hautes autorités de l’État », a affirmé l’expert. 

L’expert a par ailleurs dit avoir du mal à admettre – au vu de nombreuses informations concordantes des ONG et du Haut-Commissariat aux droits de l’homme, et compte tenu aussi de plusieurs dispositions de la loi – les explications du Burundi selon lesquelles les Imbonerakure seraient indépendants de l’État. Les Imbonerakure seraient les auteurs de nombreuses exactions sans qu’aucune sanction ne soit prononcée, a-t-il affirmé.

Ce même expert a ensuite relevé que « les forces de sécurité burundaises font régulièrement un usage excessif et disproportionné de la force pendant les manifestations publiques ».  Il a également fait état d’un « grave problème » lié à la détention prolongée avant les procès.  Il a en outre relayé de nombreuses allégations d’actes de violences sexuelles commis contre des femmes, certains durant les manifestations, d’autres lors des fouilles et perquisitions menées par les forces de l’ordre et des militaires dans les quartiers contestataires.

S’agissant des aspects juridiques, il a néanmoins été constaté que le Code pénal de 2017 contient la définition de la torture donnée par la Convention et que le Code de procédure pénale prévoit l’indemnisation par l’État des victimes quand la torture impliquant un agent de l’État est dûment établie.

Un membre du Comité a tenu à saluer les efforts du Burundi pour rapatrier les réfugiés burundais à travers, notamment, les accords signés avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), la République-Unie de Tanzanie et le Rwanda.  Cet expert a toutefois prié la délégation de commenter les informations selon lesquelles des opposants politiques burundais auraient été traqués parmi les réfugiés et demandeurs d’asile en République-Unie de Tanzanie par des agents de renseignement burundais, et auraient été victimes de retours forcés, d’intimidation, de détentions arbitraires et de disparitions forcées.

Des inquiétudes ont en outre été exprimées face au taux d’occupation carcérale, qui atteindrait 277% à l’échelle du pays.

Présentant le rapport de son pays, Mme Imelde Sabushimike, Ministre de la solidarité nationale, des affaires sociales, des droits de la personne humaine et du genre du Burundi, a déclaré que le Burundi avait enregistré des avancées significatives dans la mise en œuvre de la Convention, malgré le putsch manqué de 2015. Elle a cité à cet égard l’organisation de séances de sensibilisation en matière de respect des droits de l'homme et de lutte contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en faveur des magistrats, des officiers de police judiciaire, des personnels administratifs, des détenus, des jeunes affiliés ou non aux partis politiques et des membres du corps médical.

D’autre part, a poursuivi la Ministre, le Burundi a pris toutes les mesures juridiques nécessaires pour lutter contre la torture. En particulier, la Constitution de 2018 proscrit la torture en son article 25 et, pour réprimer les auteurs d’actes de torture, le Burundi a procédé en 2017 à la modification du Code pénal, lequel prévoit désormais pour les tortionnaires et leurs complices des peines lourdes allant de dix ans de servitude pénale jusqu'à la réclusion à perpétuité.

De plus, les agents de l’État, y compris les forces de l'ordre, ne peuvent plus invoquer l'ordre d'un supérieur ou d'une autorité publique pour justifier l'acte de torture, conformément – ici encore – au Code pénal, a fait valoir la Ministre.  Elle a aussi fait état d’efforts consentis pour rendre réelles l'indépendance et l'impartialité de la magistrature, grâce à l’opérationnalisation du Conseil supérieur de la magistrature.

Mme Sabushimike a insisté sur le fait qu’il n’existait pas au Burundi de lieux de détention non officiels et a précisé que les procureurs et procureurs généraux organisaient régulièrement des missions d'inspection dans les prisons. Les lieux de privation de liberté font aussi l’objet de visites de contrôle par la CNIDH et les organisations non gouvernementales nationales et internationales, a-t-elle ajouté.

La Ministre a par ailleurs mentionné les efforts importants du Gouvernement pour améliorer les conditions de détention et réduire la surpopulation carcérale, y compris par l’introduction de travaux d’intérêt général au lieu de peines privatives de liberté.

Outre Mme Sabushimike, la délégation burundaise était également composée, entre autres, de Mme Elisa Nkerabirori, Représentante permanente du Burundi auprès des Nations Unies à Genève ; de Mme Domine Banyankimbona, Ministre de la justice ; ainsi que de plusieurs représentants du Ministère des affaires étrangères, du pouvoir judiciaire, de la Police nationale et de la Force de défense nationale du Burundi.  Elle comprenait en outre le Directeur général de la solidarité nationale et de l’assistance sociale ; le Directeur général des droits de la personne humaine, de l’éducation à la paix et de la réconciliation nationale ; le Directeur général des affaires pénitentiaires ; et la Directrice générale de la promotion de la femme et de l’égalité de genre.

Pendant le débat, un expert membre du Comité s’est félicité du dialogue qui s’est noué entre le Comité et la délégation burundaise.

La délégation, pour sa part, a notamment regretté que le Comité se soit fait l’écho d’allégations véhiculées par un petit groupe de personnes qui, a-t-elle affirmé, souhaitent déstabiliser son pays.

Le Comité adoptera ultérieurement à huis clos ses observations finales sur le rapport du Burundi avant de les rendre publiques à l’issue de sa session, le 24 novembre prochain.

Le Comité achèvera demain, à 15 heures, l’examen du rapport du Costa Rica, entamé ce matin.

Examen du rapport du Burundi

Le Comité contre la torture est saisi du troisième rapport périodique du Burundi (CAT/C/BDI/3), ainsi que des réponses de l'État partie à une liste de points à traiter établie par le Comité.

Présentation du rapport

Présentant le rapport de son pays, MME IMELDE SABUSHIMIKE, Ministre de la solidarité nationale, des affaires sociales, des droits de la personne humaine et du genre du Burundi, a déclaré qu’après la présentation du deuxième rapport périodique en date du 26 novembre 2014, le Burundi avait enregistré des avancées significatives dans la mise en œuvre de la Convention, malgré le putsch manqué de 2015. Elle a cité à cet égard l’organisation de séances de sensibilisation en matière de respect des droits de l'homme et de lutte contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en faveur des magistrats, des officiers de police judiciaire, des personnels administratifs, des détenus, des jeunes affiliés ou non aux partis politiques et des membres du corps médical.

D’autre part, a poursuivi la Ministre, le Burundi a pris toutes les mesures juridiques nécessaires pour lutter contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. En particulier, la Constitution de 2018 proscrit la torture en son article 25 et, pour réprimer les auteurs d’actes de torture, le Burundi a procédé en 2017 à la modification du Code pénal, lequel prévoit désormais pour les tortionnaires et leurs complices des peines lourdes allant de dix ans de servitude pénale jusqu'à la réclusion à perpétuité.

De plus, les agents de l’État, y compris les forces de l'ordre, ne peuvent plus invoquer l'ordre d'un supérieur ou d'une autorité publique pour justifier l'acte de torture, conformément – ici encore – au Code pénal, a fait valoir la Ministre. Par ailleurs, a-t-elle ajouté, le commandement ne cesse de rappeler à ses hommes que les actions pénales et civiles relatives à l'infraction de torture sont applicables aussi bien aux civils qu'aux militaires et policiers.

Mme Sabushimike a d’autre part indiqué qu’il existait au Burundi plusieurs mécanismes efficaces de droits de l'homme, de bonne gouvernance, de sécurité et de justice équitable, en particulier l'Ombudsman, la Commission nationale indépendante des droits de l'homme (CNIDH) ou encore l'Observatoire national pour la prévention du génocide, des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité. Elle a aussi fait état d’efforts consentis pour rendre réelles l'indépendance et l'impartialité de la magistrature, grâce à l’opérationnalisation du Conseil supérieur de la magistrature.

Mme Sabushimike a insisté sur le fait qu’il n’existait pas au Burundi de lieux de détention non officiels et a précisé que les procureurs et procureurs généraux organisaient régulièrement des missions d'inspection dans les prisons. Les lieux de privation de liberté font aussi l’objet de visites de contrôle par la CNIDH et les organisations non gouvernementales nationales et internationales, a-t-elle indiqué.

La Ministre a par ailleurs mentionné les efforts importants du Gouvernement pour améliorer les conditions de détention et réduire la surpopulation carcérale, y compris par l’introduction de travaux d’intérêt général au lieu de peines privatives de liberté.

Mme Sabushimike a ensuite fait état des mesures prises en matière de lutte contre la violence à l’égard des femmes et en faveur de l’autonomisation des femmes. Les dispositions du Code pénal relatives à la violence conjugale sont toutes appliquées, chaque cas faisant l’objet d’une enquête approfondie, a-t-elle assuré.

Enfin, la Ministre a indiqué que le Gouvernement avait adopté, depuis avril 2018, une Stratégie nationale d'aide légale pour améliorer l'accès a la justice. Dans la même perspective, les mineurs en conflit avec la loi bénéficient des services d'assistance judiciaire d’avocats, et des chambres spécialisées dans la justice des mineurs en conflit avec la loi ont été créées auprès des tribunaux de grande instance et des cours d'appel.

Questions et observations des membres du Comité

M. SÉBASTIEN TOUZÉ, Vice-Président du Comité et corapporteur pour l’examen du rapport du Burundi, a d’abord constaté, avec la présence de la délégation burundaise, « un retour progressif du Burundi au dialogue » avec les institutions onusiennes – une démarche que l’expert a cependant jugée « très fragile et pour le moins incertaine ». Il en a voulu pour preuve le refus du Burundi de collaborer avec la Commission d’enquête de même qu’avec le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Burundi créés par le Conseil des droits de l’homme. Si le pays reconnaît la compétence du Comité pour connaître de communications (plaintes individuelles), toutes les requêtes ayant été enregistrées par le Comité dans ce cadre et qui ont été communiquées aux autorités sont restées lettre morte, a par ailleurs regretté M. Touzé.

S’agissant des aspects juridiques, M. Touzé a constaté que le Code pénal de 2017 contient la définition de la torture donnée par la Convention et que le Code de procédure pénale prévoit l’indemnisation par l’État des victimes quand la torture impliquant un agent de l’État est dûment établie. Mais cette dernière disposition est rétrograde par rapport à la législation antérieure qui prévoyait la mise en place d’un fonds d’indemnisation des victimes de torture, a fait observer M. Touzé. Il a voulu savoir dans quelle mesure les juges invoquaient les dispositions du Code pénal relatives à la torture et combien de condamnations avaient été prononcées à ce titre.

M. Touzé a ensuite relevé que de nombreux rapports officiels portés à la connaissance du Comité montraient que « le Gouvernement ou ses agents, y compris la police, le Service national de renseignement (SNR), des éléments des Imbonerakure et, dans quelques cas signalés, du personnel militaire, auraient commis des meurtres, souvent contre des partisans perçus des partis d'opposition ou [contre] ceux qui exerçaient leurs droits légaux ». M. Touzé a cité, outre le rapport de la Commission d’enquête sur le Burundi, l'organisation non gouvernementale (ONG) Ligue Iteka, qui a documenté (pour cette année) 232 meurtres à la fin du mois d'août 2023, contre 405 l'année précédente.

De plus, les médias continuent de rapporter que des corps présentant des signes de violence continuent d'être trouvés dans les lieux publics, a poursuivi l’expert. En outre, a-t-il ajouté, les organisations de défense des droits de l'homme ont signalé de nombreux cas de disparitions, et il est difficile de déterminer combien d'entre eux sont des cas de disparition forcée ou de meurtres commis par le Gouvernement ou en son nom. Certaines victimes ont été retrouvées mortes quelques jours après leur disparition avec des preuves indiquant qu'elles avaient été exécutées.

L’expert a ensuite cité un rapport d’organisation non gouvernementale daté de mai 2022, selon lequel des agents du Service national de renseignement, la police et des Imbonerakure ont tué, détenu arbitrairement, torturé et harcelé des personnes appartenant à des partis d'opposition ou soupçonnées de travailler avec des groupes rebelles armés. Depuis 2010, et plus particulièrement depuis le début de la crise de 2015 jusqu'à aujourd'hui, de nombreuses allégations d’exécutions sommaires, extrajudiciaires ou arbitraires sont régulièrement rapportées, a ajouté M. Touzé.

« En définitive, la violation du droit à la vie est une réalité au Burundi et se traduit principalement par des exécutions extrajudiciaires » et des « disparitions forcées qui sont probablement suivies d’exécutions », a résumé M. Touzé. « La découverte récurrente de cadavres dans divers endroits, hâtivement enterrés par des responsables des autorités sans enquête diligentée au préalable, témoigne selon certains de la complicité présumée des hautes autorités avec les criminels », a-t-il ajouté.

M. Touzé a également affirmé que « la pratique de la torture semble généralisée au sein de forces de police et de sécurité burundaises, en particulier au sein du Service national de renseignement qui y recourrait de façon quasi-systématique pour obtenir des informations, et comme moyen d’intimidation ». Malgré l’existence d’un cadre légal, l’action des agents du SNR échappe à tout contrôle judiciaire, « car il semble qu’elle est directement pilotée par les plus hautes autorités de l’État », a ajouté M. Touzé. 

M. Touzé a dit avoir du mal à admettre – au vu de nombreuses informations concordantes des organisations non gouvernementales et du Haut-Commissariat aux droits de l’homme, et compte tenu aussi de plusieurs dispositions de la loi – les explications du Burundi selon lesquelles les Imbonerakure seraient indépendants de l’État. Les Imbonerakure seraient les auteurs de nombreuses exactions sans qu’aucune sanction ne soit prononcée, a regretté l’expert.

M. Touzé a d’autre part rappelé que le Groupe de travail [du Conseil des droits de l’homme de l’ONU] sur les disparitions forcées avait 250 cas ouverts concernant le Burundi.  La CNIDH (Commission nationale indépendante des droits de l’homme), pour sa part, a documenté et porté à la connaissance du Gouvernement dix-huit cas de disparitions forcées, sans que les autorités n’y donnent suite.

M. Touzé a ensuite relevé que « les forces de sécurité burundaises font régulièrement un usage excessif et disproportionné de la force pendant les manifestations publiques », le recours aux armes à feu dans ces contextes se faisant « très souvent en dehors des conditions prévues par la loi ».

De même, M. Touzé a constaté que si la Constitution et la loi interdisent explicitement l'arrestation et la détention arbitraires, « en pratique, force est de constater que ce qui est inscrit dans la loi n’est que rarement mis en pratique ». Ainsi, la police a sept jours pour terminer une enquête et présenter des preuves devant un magistrat, mais peut demander une prolongation de sept jours pour une enquête supplémentaire. Or, selon les informations dont le Comité dispose, la police a rarement respecté ces dispositions. L’expert a également fait état d’un « grave problème » lié à la détention prolongée avant les procès, la durée de la détention étant, dans certains cas, égale ou supérieure à la peine encourue pour le crime présumé.

Enfin, M. Touzé a relayé de nombreuses allégations d’actes de violences sexuelles commis contre des femmes, certains durant les manifestations, d’autres lors des fouilles et perquisitions menées par les forces de l’ordre et des militaires dans les quartiers contestataires. Un rapport du 27 juillet 2016 fait état de graves accusations contre des Imbonerakure qui se seraient livrés à des violences sexuelles sur des femmes cherchant à fuir le Burundi. Par ailleurs, au regard des situations rapportées, il apparaît que le viol, par les forces de l’ordre ou les Imbonerakure, est utilisé comme une arme de répression dans le cadre de fouilles ou de rafles, a insisté l’expert.

Au cours du dialogue, M. Touzé s’est félicité du dialogue qui s’est noué entre le Comité et la délégation. Il a demandé si le Gouvernement serait prêt à coopérer avec le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Burundi.

M. ABDERRAZAK ROUWANE, membre du Comité et corapporteur pour l’examen du rapport du Burundi, a d’abord relevé que la Commission nationale indépendante des droits de l’homme (CNIDH) du Burundi avait recouvré, en juin 2021, le statut A [de pleine conformité aux Principes de Paris] octroyé par l’Alliance mondiale des institutions nationale de droits de l’homme. L’expert a fait remarquer que si, au cours des années 2019 à 2022, la CNIDH avait mené des investigations sur des allégations de torture, le rapport [aujourd’hui présenté par le Burundi devant le Comité] ne donnait aucune information détaillée sur le nombre de ces enquêtes et leur sort devant les autorités judiciaires.

L’expert a ensuite tenu à saluer les efforts du Burundi pour rapatrier les réfugiés burundais à travers, notamment, les accords signés avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), la République-Unie de Tanzanie et le Rwanda. On estime ainsi que, depuis le lancement du programme de retour volontaire en 2017, plus de 180 000 réfugiés burundais ont été rapatriés avec l’assistance du HCR, avec une augmentation considérable depuis juillet 2020, a salué l’expert.

M. Rouwane a cependant prié la délégation de commenter les informations selon lesquelles des opposants politiques burundais auraient été traqués parmi les réfugiés et demandeurs d’asile en République-Unie de Tanzanie par des agents de renseignement burundais, et auraient été victimes de retours forcés, d’intimidation, de détentions arbitraires et de disparitions forcées. D’autres informations, a ajouté l’expert, indiquent que des réfugiés et rapatriés burundais seraient victimes d’intimidations, d’extorsions et de détentions arbitraires à leur retour volontaire au pays.

M. Rouwane a ensuite regretté que le rapport ne donne que des renseignements généraux, sans information détaillée au sujet de la formation des policiers et des gardiens de prison aux dispositions de la Convention et aux obligations qui en émanent en ce qui concerne la prohibition de la torture.

M. Rouwane a par ailleurs fait état de taux d’occupation très élevés dans toutes les prisons du pays, avec un taux global de 277%. Cette surpopulation carcérale serait due à la systématisation du recours à la détention, y compris pour de petites infractions, et à un dysfonctionnement au niveau de la justice, le manque de ressources affectant le traitement des dossiers dans lesquels les personnes poursuivies sont maintenues en détention préventive.

Par ailleurs, il a été rapporté au Comité que les familles des prisonniers condamnés pour avoir participé à la tentative de coup d’État du 13 mai 2015 sont interdites de rendre visite à leurs proches détenus et d’être informées de leur situation, a regretté M. Rouwane. D’autres préoccupations de l’expert ont porté sur l’isolement cellulaire, l’alimentation des détenus – certains d’entre eux passant en moyenne jusqu’à trois jours sans être ravitaillés – et les services de santé mis à leur disposition, l’insalubrité des prisons due à la surpopulation favorisant la propagation de maladies, voire des décès. 

M. Rouwane a dit apprécier les informations du rapport concernant les visites de prison effectuées par le Ministère des droits de la personne et par la CNIDH. Il a cependant regretté qu’aucune information n’ait été donnée sur les visites qui auraient été effectuées par d’autres organismes tel que le Procureur général de la République ou le Comité international de la Croix-Rouge. L’expert s’est enquis des raisons du « retard considérable » pris dans la création du mécanisme national de prévention de la torture prévu par le Protocole facultatif (à la Convention) auquel le Burundi a adhéré en 2013.  Il a par la suite insisté sur le fait que la création d’un mécanisme national de prévention de la torture était une obligation pour les États ayant ratifié le Protocole facultatif se rapportant à la Convention.

Malgré l’incrimination de la torture dans la Constitution et dans le Code pénal, la législation ne consacre pas le statut de victime de torture ou de mauvais traitement ce qui, dans la pratique, ne facilite pas l’accès à une réparation, a aussi fait remarquer M. Rouwane.

Enfin, l’expert a recommandé que le Burundi revoie le mandat de la Commission Vérité et Réconciliation pour qu’il comprenne les violations perpétrées depuis 2015 et pendant la période couverte par le troisième rapport périodique du pays.

D’autres membres du Comité ont évoqué la situation des femmes et des filles incarcérées, une experte demandant si le Burundi appliquait les Règles de Bangkok des Nations Unies concernant le traitement des détenues et l’imposition de mesures non privatives de liberté aux délinquantes.

Il a par ailleurs été demandé s’il existait des mécanismes de contestation et de recours face aux décisions relatives au placement de personnes dans des institutions fermées, institutions sociales ou établissements psychiatriques au Burundi.

D’autres questions ont porté sur la formation des membres des forces de maintien de la paix burundais à l’interdiction absolue de la torture, et sur la position du pays s’agissant de la peine de mort.

La condamnation de la journaliste Floriane Irangabiye à dix ans de prison pour atteinte à l’intégrité du territoire national a été évoquée à plusieurs reprises pendant le dialogue.

Réponses de la délégation

La délégation a déclaré que le Burundi avait fait des droits humains son cheval de bataille – un engagement confirmé par la ratification de plusieurs instruments en la matière, en particulier la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

La Commission nationale indépendante des droits de l’homme (CNIDH) travaille en toute indépendance, conformément aux Principes de Paris, a ensuite indiqué la délégation, ajoutant que cette indépendance de l’institution nationale des droits de l’homme se reflète dans le mode d’élection et par le pluralisme de ses membres. Le fonctionnement de la CNIDH est subordonné uniquement à loi. De 2019 à 2022, la Commission a mené des enquêtes sur les allégations de torture portées à sa connaissance et les cas avérés ont été dénoncés au parquet, a souligné la délégation.

L’absence de mécanisme national de prévention s’explique par le travail louable accompli par la CNIDH en matière de prévention de la torture, a ajouté la délégation, avant de rappeler les formations dispensées aux agents de l’État en matière de prévention de la torture. La CNIDH et les organisations non gouvernementales (ONG) peuvent visiter les prisons pour y contrôler les conditions de détention et, le cas échéant, mettre au jour des cas de torture ou de mauvais traitements, a d’autre part fait valoir la délégation.

La Commission Vérité et Réconciliation créée en 2014 enquête et établit la vérité sur les faits commis entre 1985 et 2008, pendant la période de belligérance ; elle propose des mesures de réparation individuelles et collectives, ainsi que des mesures pour éviter la répétition des crimes commis par le passé, a d’autre part indiqué la délégation.

Au Burundi, l’usage de la force par la police est réglementé par la loi, les armes à feu ne devant être utilisées qu’en dernier recours et pour des motifs bien définis, a ensuite souligné la délégation. Les moyens employés par la police doivent ainsi être proportionnés à la menace, répondre à une agression ou à un acte tombant sous le coup de la loi pénale. Le code de déontologie (applicable aux forces de l’ordre) met en avant le respect absolu de la personne humaine. Les policiers reçoivent des formations aux droits de l’homme et des formations spécialisées dans le cadre de la formation continue. Lorsque l’usage de la force ou d’armes par la police donne lieu à des blessures, une enquête est immédiatement diligentée, a assuré la délégation.

La délégation a également évoqué les activités de la police en matière de lutte antiterroriste.

Le Gouvernement attache une grande importance à la liberté d’expression et de religion de tous les citoyens, a poursuivi la délégation. Cependant, il est de la responsabilité du Gouvernement de garantir l’ordre public, a-t-elle rappelé.

Le Code pénal a été amendé en 2017 et le Code de procédure pénale en 2018, a d’autre part indiqué la délégation. Le Gouvernement a adopté depuis 2018 une politique destinée à répondre, dans la mesure des moyens disponibles, aux besoins les plus urgents des personnes détenues en matière, notamment, de nourriture et de santé. Les prisonniers bénéficient ainsi d’une prise en charge médicale totale. Ils peuvent aussi suivre des formations professionnelles en prison, a précisé la délégation.

Pour désengorger les prisons, les autorités ont procédé à la libération anticipée de détenus et introduit des travaux d’intérêt général, entre autres mesures, a fait savoir la délégation. D’autre part, des quartiers réservés aux jeunes filles et aux jeunes gens en conflit avec la loi ont été ouverts.

Concernant les conditions de détention, il a par ailleurs été précisé que les recours contre les décisions de placement à l’isolement disciplinaire n’étaient pas prévus. Cette situation fait l’objet d’un projet de révision des règlements, a fait savoir la délégation.  Le Burundi respecte les normes internationales en ce qui concerne la séparation, dans les prisons, des femmes et des hommes, ainsi que des mineurs et des adultes, a ajouté la délégation. Deux centres pour mineurs en conflit avec la loi ont été ouverts, a-t-elle souligné.

La gestion de la COVID-19 en prison a été une réussite, a d’autre part affirmé la délégation, précisant que quelque 300 détenus et cinq agents de détention ont été contaminés et que tous ont survécu.

La délégation a par ailleurs fait état d’une augmentation des moyens dévolus aux établissements pénitentiaires pour ce qui concerne l’alimentation et les conditions de santé.  Elle a affirmé que plusieurs décès imputés à de prétendues conditions d’insalubrité étaient en réalité dus à d’autres causes, entre autres des pathologies sous-jacentes.

La délégation a en outre affirmé que les personnes qui parlent de « détenus politiques » au Burundi ont elles-mêmes des buts politiques inavoués.

L’officier de police judiciaire peut placer une personne en garde à vue pendant sept jours, avec renouvellement possible pour une période deux fois plus longue, a ensuite indiqué la délégation. La détention provisoire ne peut dépasser la durée de la peine encourue, a-t-elle rappelé. Cette détention doit être l’unique moyen de garder le prévenu à la disposition de la justice et le recours disproportionné à la détention provisoire peut être sanctionné, a en outre souligné la délégation.

Au cours du dialogue, la délégation a par ailleurs regretté que le Comité se soit fait l’écho d’allégations véhiculées par un petit groupe de personnes qui, a-t-elle affirmé, souhaitent déstabiliser son pays. Elle a fait remarquer que, par rapport à la situation qui prévalait en 2015, le Burundi était entré depuis 2020 dans une nouvelle ère, marquée par la volonté du Gouvernement de faire respecter la justice et de mener le pays sur la voie du développement.

La délégation a rejeté les allégations d’assassinats imputables aux services de l’État. Tout agent public impliqué dans la criminalité en général et dans un assassinat en particulier répondra de ses actes à titre individuel, a-t-elle assuré. La délégation a mentionné la traduction en justice de deux policiers, en 2023, pour des faits relatifs à la mort d’une personne.

Le code de déontologie de la Police nationale stipule qu’un ordre manifestement illégal ne doit pas être exécuté, a ajouté la délégation.

Concernant des allégations d’enlèvements et d’exécutions extrajudiciaires qui auraient été perpétrés par les forces de sécurité, la délégation a précisé que plusieurs des cas portés à la connaissance des autorités de police n’en étaient pas, les personnes signalées disparues ayant été retrouvées par la suite. Dans tous les cas, la police a mené des enquêtes, a-t-il été précisé.

Le tribunal militaire a condamné deux soldats burundais ayant commis des infractions sexuelles pendant leur déploiement en République centrafricaine dans le cadre de la MINUSCA, a par ailleurs indiqué la délégation. Les soldats reçoivent une formation aux droits de l’homme portant, entre autres, sur la tolérance zéro envers la torture, a-t-elle souligné.

Personne n’est au-dessus de la loi au Burundi, a assuré la délégation, qui a précisé que le parquet enquêtait actuellement, conformément à la loi en vigueur, sur les cas de torture et de disparition forcée portés à son attention. La délégation a cité les références des affaires en cours d’examen devant les tribunaux. L’instruction des dossiers, a-t-elle précisé, requiert cependant des compétences en matière de médecine légale qui ne sont pas toujours disponibles au Burundi.

Les agents du Service national de renseignement ne sont pas au-dessus de la loi et certains ont été poursuivis et condamnés, a par ailleurs affirmé la délégation.

La délégation a fait état d’un renforcement des moyens financiers octroyés au Ministère de la justice et de l’organisation de formations continues à l’intention de tous les juges et autres intervenants. Le Conseil supérieur de la magistrature veille à la bonne administration de la justice et est le garant de leur indépendance, a-t-elle souligné. La délégation a ajouté que plusieurs magistrats et anciens membres du Gouvernement étaient sous examen pour des faits de corruption.

S’agissant des événements de 2015, dans le contexte d’une tentative de putsch, les forces de défense et de sécurité se sont trouvées confrontées à des attaques ciblées qui ont fait de nombreuses victimes, morts et blessés, parmi les policiers. Il a fallu adapter les techniques d’intervention, mais il n’y a pas eu de recours excessif à la force, a assuré la délégation. Elle a précisé que les fouilles corporelles par la police se font de manière encadrée. La police burundaise est une institution professionnelle, a insisté la délégation.

Pour ce qui est de la violence basée sur le genre, la délégation a mentionné l’ouverture de centres de prise en charge des victimes de cette violence, ainsi que la création d’un dispositif d’alerte rapide dans ce domaine et l’obligation faite aux fonctionnaires concernés de répondre rapidement aux besoins des survivants. La violence domestique est punie par le Code pénal, a souligné la délégation. Il est cependant vrai que cette forme de violence est moins dénoncée que d’autres au Burundi, a-t-elle admis. Un policier convaincu de viol sur une femme détenue a été condamné à une peine de prison et a été exclu de la police, a fait savoir la délégation.

La délégation a donné d’autres renseignements concernant la répression des châtiments corporels sur les enfants et a précisé que le Gouvernement était en train de procéder à la désinstitutionnalisation des orphelins en vue de les placer dans des familles. Les orphelinats sont contrôlés et les personnes coupables de mauvais traitements sont sanctionnées, a dit la délégation.

La délégation a d’autre part expliqué que les Imbonerakure étaient des personnes de moins de 40 ans affiliées au parti au pouvoir, le CNDD–FDD. Cette jeunesse se prépare activement à un avenir meilleur évitant les crises cycliques qui ont marqué la période suivant l’accession à l’indépendance, en 1962. L’encadrement de ces jeunes est orienté sur le développement et la réalisation des objectifs du parti au pouvoir, en particulier celui de faire du Burundi un pays développé en 2060, a affirmé la délégation.

Aucun parti au Burundi ne peut entretenir de milice, sous peine d’être interdit, a précisé la délégation. Les forces de défense et de sécurité suffisent à protéger la population, a-t-elle ajouté. Reste que des membres des Imbonerakure peuvent commettre des délits, a admis la délégation ; mais ces faits doivent être jugés en prenant en compte la responsabilité individuelle de la personne concernée et les crimes commis. L’essentiel est d’identifier l’auteur du crime, et non son appartenance politique, a insisté la délégation.

La délégation a regretté que des opposants au parti politique au pouvoir diabolisent les Imbonerakure et les associent délibérément à des agents de l’État ou à des milices coupables d’actes de torture, de disparitions forcées ou de violences sexuelles.

Le Burundi a aboli la peine de mort depuis la mise en place du Code pénal de 2009, a-t-il été rappelé, la délégation estimant qu’il était donc inopportun de demander au pays de ratifier le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (Protocole qui vise l’abolition de la peine de mort).

La création d’un fonds d’indemnisation pour les victimes de torture n’a pas été jugée pertinente, car une telle institution pourrait inciter des personnes à commettre des actes de torture sachant qu’elles n’auraient pas à en assumer les conséquences financières, a en outre indiqué la délégation.  Elle a par la suite précisé que le Gouvernement était en train de réfléchir à la question de l’indemnisation des victimes de torture.

La Loi de 2014 portant prévention et répression du crime de traite des personnes a permis au pays d’enregistrer des progrès importants dans ce domaine, ce que confirme l’amélioration de son classement dans la liste établie par le Département des États-Unis, a fait valoir la délégation. Elle a évoqué, notamment, le système décentralisé de lutte contre la traite déployé au Burundi, la formation dans ce domaine dispensée aux magistrats, la mise en place d’un plan d’action national pour la période 2023-2027, l’équipement en ordinateurs portables des services concernés ou encore la passation d’accords bilatéraux régissant les déplacements transfrontaliers de travailleurs burundais. En 2022-2023, 121 enquêtes ont entraîné des poursuites contre 88 personnes, et plusieurs peines de prison ont été prononcées, a précisé la délégation.

Il existe entre le Burundi et la République-Unie de Tanzanie un accord concernant le rapatriement volontaire de réfugiés, a ensuite indiqué la délégation. Le Burundi est un pays calme, stable et réconcilié, a affirmé la délégation, qui en a voulu pour preuve le retour de plusieurs membres de l’opposition politique dont elle a cité les noms.

La délégation a par la suite précisé que le Président de la République pouvait amnistier des personnes condamnées vivant à l’étranger, de telle sorte qu’elles puissent rentrer au pays, à condition qu’elles reconnaissent leurs torts et qu’elles en demandent pardon.

S’agissant des communications (plaintes individuelles) dont est saisi le Comité, la délégation a indiqué que l’État avait mandaté une équipe de juristes pour faire le point de la situation avec le Comité. L’équipe est venue à Genève il y a un mois et le Gouvernement s’est engagé à répondre en temps utile à toutes les communications.

Un expert du Comité ayant recommandé que le Burundi rende le crime de torture imprescriptible, la délégation a précisé qu’une analyse de la question pourrait être faite à l’occasion d’une prochaine modification du Code pénal s’il apparaissait que l’infraction prend plus d’ampleur. 

Un membre du Comité ayant souhaité connaître les raisons du transfèrement récent de Mme Irangabiye, la délégation a précisé que cette décision avait été prise pour des raisons disciplinaires.

S’agissant de la coopération du Burundi avec les organes onusiens des droits de l’homme, la délégation a souligné que le pays participait activement aux travaux du Conseil des droits de l’homme, en particulier à l’Examen périodique universel, et qu’il avait présenté récemment des rapports au Comité des droits économiques, sociaux et culturels et au Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, dans un effort pour combler son retard dans ce domaine. Il est vrai cependant que le Burundi se refuse à coopérer avec le mécanisme le concernant créé par le Conseil – une position qui, a relevé la délégation, est aussi celle d’autres pays membres du Conseil. La délégation a enfin regretté de n’avoir pu participer au dialogue avec le Comité des droits de l’homme, cet été, en raison de la présence d’une personne condamnée par la justice burundaise.

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