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Examen du Koweït devant le Comité des droits de l’homme : la situation des non-nationaux, en particulier celle des travailleurs migrants et des Bidounes, ainsi que les questions relatives à la peine de mort retiennent particulièrement l’attention des experts

Compte rendu de séance

 

Le Comité des droits de l’homme a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport présenté par le Koweït au titre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Pendant cet examen, qui s’est déroulé en présence d’une délégation conduite par M. Naser Abdullah H.M. Alhayen, Représentant permanent du Koweït auprès des Nations Unies à Genève, une experte membre du Comité a fait état d’un taux alarmant de décès parmi les travailleurs migrants. Sur 180 cas d'accidents du travail mortels signalés en 2021 et 2022, a fait observer l’experte, la majorité concernent des travailleurs non koweïtiens occupant des emplois dangereux dans la construction. Le Comité est aussi saisi d’informations faisant état de violences généralisées à l'encontre des travailleurs domestiques.

L'exploitation des travailleurs au Koweït, a-t-il été constaté, semble venir du système de kafala (« parrainage »), aux termes duquel les travailleurs domestiques migrants ne peuvent changer d’emploi sans le consentement de leur premier employeur. Ceux qui quittent leur emploi avant la fin du contrat et sans l'accord du « parrain » sont considérés comme ayant pris la fuite – un délit qui peut entraîner l'expulsion du Koweït.

Une experte a en outre indiqué que le Comité regrette que le Koweït continue d’adopter des pratiques et mesures discriminatoires à l’encontre des Bidounes, notamment en matière d’accès à la citoyenneté et à des documents d’identité, à l’éducation et aux services de santé.

Relevant que les personnes étrangères, en particulier les migrants, ne disposeraient d’aucun recours effectif devant les juridictions koweïtiennes en cas d’abus à leur encontre, un expert a demandé si le Koweït envisageait de ratifier le premier Protocole facultatif au Pacte, qui crée une procédure de plainte devant le Comité.

S’agissant de la peine de mort, une experte a constaté une reprise des exécutions entre 2016 et 2023 – y compris pour des infractions, dont certaines liées à la drogue, qui n’entrent pas dans la définition des « crimes les plus graves » au sens de l’article 6 du Pacte, a-t-elle relevé.

Tout en notant avec satisfaction les efforts du Gouvernement koweïtien pour augmenter le nombre de femmes dans les rôles décisionnels, un expert s’est dit préoccupé par le manque de participation des femmes à la vie politique du Koweït, le Parlement ne comptant ainsi qu'une seule femme élue en 2023.

D’autres préoccupations ont été exprimées s’agissant de mesures discriminatoires à l'égard des minorités religieuses au Koweït, de la censure des « symboles et slogans lesbiens, gays, bisexuels et transgenres » ; d’allégations d’actes de torture commis au sein du département des enquêtes criminelles du Ministère de l'intérieur ; de l’interdiction des rassemblements publics sans autorisation préalable ; ou encore de l’usage excessif de la force pour disperser des manifestations.

Présentant le rapport son pays, M. H.M. Alhayen a souligné que le Koweït, convaincu de l'importance de préserver, de promouvoir et de promouvoir les droits de l'homme, avait créé l’Office national des droits de l'homme, qui jouit de la personnalité juridique et de l'indépendance dans l'exercice de son mandat. Il a aussi mentionné la création par le Ministère des affaires étrangères d’un Bureau des droits de l'homme, chargé de faire le lien entre les organisations internationales et les institutions étatiques, et d’assurer le suivi des efforts nationaux en matière de droits de l'homme.

Le Représentant permanent a fait part des efforts de son Gouvernement pour inculquer les principes et concepts des droits de l'homme à tous les niveaux, par le biais de sensibilisations, de formations et d’ateliers destinés aux fonctionnaires comme aux écoliers. Il a aussi ensuite indiqué que le législateur koweïtien accordait une attention particulière à la famille et a mis en avant les efforts des autorités en faveur de l'égalité des sexes, de l'autonomisation des femmes et de l'élimination de toutes les formes de discrimination à leur égard.

M. H.M. Alhayen a fait valoir que la réélection de son pays au Conseil des droits de l’homme, la semaine dernière, montrait à quel point la communauté internationale respectait le bilan du Koweït dans le domaine des droits de l'homme

Outre M. Alhayen, la délégation koweïtienne était composée de plusieurs représentants des Ministères des affaires étrangères, de l’intérieur, de la justice, des affaires sociales, de l’information et de l’éducation. Le pouvoir judiciaire, le Conseil supérieur des affaires familiales et le Service central de traitement de la situation des résidents illégaux étaient aussi représentés.

Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport du Koweït et les rendra publiques à l’issue de sa session, le 3 novembre prochain.

 

Cet après-midi à 15 heures, le Comité entamera l’examen du rapport des États-Unis.

 

Examen du rapport du Koweït

Le Comité est saisi du quatrième rapport périodique du Koweït (CCPR/C/KWT/4), ainsi que des réponses du pays à une liste de points à traiter qui avait été soumise par le Comité.

Présentation

Présentant le rapport de son pays, M. NASER ABDULLAH H.M. ALHAYEN, Représentant permanent du Koweït auprès des Nations Unies à Genève, a rappelé que son pays avait émis plusieurs réserves au sujet de plusieurs aspects du Pacte qui entrent en conflit avec la charia, laquelle est source de droit au Koweït.

Le Représentant permanent a insisté sur les mesures prises par le Koweït pour faire face aux effets de la pandémie de COVID-19, avec en particulier, pour faire respecter le droit à la vie, la fourniture de vaccins à tous les citoyens et résidents sans discrimination, ce qui a valu au pays les éloges de l'Organisation mondiale de la Santé. Dans le même contexte, a-t-il poursuivi, la solidarité de l'État du Koweït s’est exprimée dans son soutien aux efforts internationaux de lutte contre la pandémie, y compris par des contributions financières à hauteur de 327 millions de dollars pour un certain nombre d'organisations et d'agences internationales compétentes.

D’autre part, a poursuivi M. H.M. Alhayen, le Koweït, convaincu de l'importance de préserver, de promouvoir et de promouvoir les droits de l'homme, a créé l’Office national des droits de l'homme, qui jouit de la personnalité juridique et de l'indépendance dans l'exercice de son mandat.  M. H.M. Alhayen a aussi fait état de la création par le Ministère des affaires étrangères d’un Bureau des droits de l'homme, chargé de faire le lien entre les organisations internationales et les institutions étatiques, et d’assurer le suivi des efforts nationaux en matière de droits de l'homme.

En ce qui concerne l’éducation aux droits de l’homme, le Représentant permanent a tenu à préciser que son pays avait soumis en 2023 au Haut-Commissariat aux droits de l’homme des propositions concernant la cinquième phase du Programme mondial d'éducation aux droits de l'homme – propositions qui insistent sur l’importance de la sensibilisation dans ce domaine. Il a fait part des efforts de son Gouvernement pour inculquer les principes et concepts des droits de l'homme à tous les niveaux, par le biais de sensibilisations, de formations et d’ateliers destinés aux fonctionnaires comme aux écoliers.

M. H.M. Alhayen a ensuite indiqué que le législateur koweïtien, accordant une attention particulière à la famille, avait promulgué la Loi n°16 de 2020 concernant la protection contre la violence domestique et ses règlements d’application. En vertu de cette Loi, un Comité national de lutte contre les violences familiales et un Centre de protection contre les cas de violences conjugales ont été créés en 2022. Quelque 66 personnes, toutes nationalités confondues, ont bénéficié des services psychologiques et sociaux fournis par ce Centre, a précisé M. H.M. Alhayen.

M. H.M.HH Alhayen a aussi mentionné l’intérêt porté par le Gouvernement à la protection de l'enfant, avec notamment l’ouverture d’un bureau de l'UNICEF au Koweït en novembre 2020. La protection de l’enfant et le respect de son intérêt supérieur sont des priorités pour le Koweït, a-t-il souligné.

Le Représentant permanent a également mis en avant les efforts déployés par les autorités en faveur de l'égalité des sexes, de l'autonomisation des femmes et de l'élimination de toutes les formes de discrimination à leur égard. Il a fait état d’une participation toujours plus grande des femmes dans tous les secteurs de la vie publique au Koweït – du corps des pompiers à la diplomatie – et a évoqué plusieurs décisions rendues par les tribunaux interdisant toutes les formes de discrimination envers les femmes, notamment la décision posant l’inconstitutionnalité de l'article premier de la Loi n°11 de 1962 qui interdit à une femme d'obtenir un passeport sans le consentement de son mari.

M. H.M. Alhayen a aussi fait savoir que le Gouvernement koweïtien, pour préparer ses rapports soumis aux organes conventionnels, prenait les avis des organisations de la société civile par le biais de consultations. Ces rapports, a-t-il ajouté, sont mis à la disposition du public.

Le Représentant permanent a en outre assuré les membres du Comité du grand sérieux avec lequel le Koweït avait reçu les recommandations issues de l’Examen périodique universel (EPU), dont 230 ont été acceptées lors du dernier cycle de l’EPU. M. H.M. Alhayen a enfin affirmé que la réélection de son pays au Conseil des droits de l’homme, la semaine dernière, montrait à quel point la communauté internationale respectait le bilan du Koweït dans le domaine des droits de l'homme.

Questions et observations des membres du Comité

S’agissant d’abord du cadre d’application du Pacte, un expert a demandé si la commission chargée par le Gouvernement en 2016 d'examiner le retrait des réserves faites par le Koweït à l'égard de certaines dispositions du Pacte avait transmis ses recommandations au Parlement. Le Comité, a par ailleurs relevé cet expert, a reçu des informations selon lesquelles les magistrats au Koweït ne se réfèrent pas au Pacte, souvent par manque de formation.

De plus, selon d’autres informations, les personnes étrangères, en particulier les migrants, bien qu’elles soient sous la juridiction de l’État partie, ne disposeraient d’aucun recours effectif devant les juridictions en cas d’abus à leur encontre, a poursuivi l’expert. Il a demandé si des justiciables avaient déjà saisi la justice en invoquant des dispositions du Pacte et si l’État envisageait de ratifier le premier Protocole facultatif au Pacte, qui crée une procédure de plainte devant le Comité.

L’expert a ensuite demandé dans quelle mesure l’Office national des droits de l’homme, indépendant mais placé sous la tutelle du Conseil des ministres, pouvait véritablement jouer un rôle en matière de protection des droits de l’homme. Il a demandé des informations sur la nature et les auteurs des plaintes reçues par le « Comité permanent des plaintes et des doléances » qui a été créé, semble-t-il, au sein de cet Office ; et si le Koweït envisageait de se doter d’une véritable institution nationale de droits de l’homme, conforme aux Principes de Paris. 

L’expert a d’autre part demandé si la formation de base des candidats au poste de substitut du Procureur général portait aussi sur les droits de l’homme en général et sur le Pacte.  Il s’est en outre enquis de ce qui a été fait pour faire connaître les dispositions du Pacte aux avocats, aux députés, aux policiers et à la population en général.

L’expert a par ailleurs relevé que la Cour constitutionnelle, en février 2022, avait censuré les dispositions de l’article 198 du Code pénal dans la mesure où elles érigeaient en infraction « l’imitation du sexe opposé ». Il a demandé en quoi consistaient les mesures prises pour donner effet à cette décision, à défaut de modification de la formulation de l’article 198 – modification qui a été refusée par le Gouvernement. L’expert a demandé dans quelle mesure la campagne lancée en juin 2022 par le Ministère du commerce et de l’industrie pour censurer les « symboles et slogans lesbiens, gays, bisexuels et transgenres » était compatible avec les dispositions du Pacte relatives à la non-discrimination.

Une experte a pour sa part fait observer que l'Autorité de lutte contre la corruption, créée en vertu de la loi de 2016 relative à la lutte contre la corruption, n'avait pas le pouvoir de mener des surveillances secrètes, d'exécuter des mandats de perquisition ni d'arrêter des suspects, dans un contexte où – a relevé cette experte – la corruption ferait perdre quatre milliards de dollars par an au Koweït.  La loi anticorruption impose à toutes les personnes ayant connaissance d'actes de corruption de les signaler et garantit leur liberté, leur sécurité et leur intégrité, mais la loi sur la dénonciation stipule que toute personne dénonçant un crime de corruption sera inculpée en cas de fausse information, a d’autre part relevé l’experte.

Cette même experte a ensuite attiré l’attention sur la progression signalée des discours de haine et de discrimination à l'encontre des travailleurs migrants et des étrangers pendant la pandémie de COVID-19. Elle a demandé combien de plaintes pour discours de haine à l'encontre de travailleurs migrants et de non-citoyens avaient été déposées depuis 2020 et combien avaient donné lieu à des poursuites et des sanctions.

L’experte a en outre fait état d’un taux alarmant de décès parmi les travailleurs migrants. Le Koweït a indiqué qu'il y avait eu 180 cas d'accidents du travail mortels en 2021 et 2022 : la majorité, a fait observer l’experte, concernent des travailleurs non koweïtiens occupant des emplois dangereux dans la construction. Certains migrants ont été contraints de travailler dans des endroits exposés à des températures de 50 degrés voire plus, a ajouté l’experte.  Elle a demandé si des réparations avaient été offertes aux familles des travailleurs migrants décédés et quelle aide était offerte aux familles pour rapatrier les dépouilles de leurs proches. 

Un autre expert a relevé des exceptions au principe d’égalité entre les sexes dans la loi de 1984 relative au statut personnel, s’agissant par exemple des règles applicables aux témoignages devant les tribunaux, du droit de contracter mariage pour une femme adulte (plus de 25 ans) uniquement par l'intermédiaire de son tuteur, des droits en matière de succession ou encore des limitations dans la transmission de la nationalité.

Le Comité, a poursuivi cet expert, note avec satisfaction les efforts du Gouvernement koweïtien pour augmenter le nombre de femmes dans les rôles décisionnels. Mais le Comité est aussi préoccupé par le manque de participation des femmes à la vie politique du Koweït, alors que le Parlement ne compte qu'une seule femme élue en 2023.

Le Comité, a ajouté cet expert, se félicite des mesures adoptées au Koweït pour lutter contre la violence à l'égard des femmes, en particulier de l'adoption de la loi sur la protection de la famille, en août 2020, et de l'arrêté ministériel n°4 de 2023 visant à traiter le problème de la violence domestique. Cependant, le Comité aimerait savoir si les violences sexuelles font l’objet d’enquêtes, si les coupables sont sanctionnés et si les victimes reçoivent des dédommagements, a indiqué l’expert.

Une autre experte a fait état d’une discrimination à l’égard des Bidounes, ou « migrants irréguliers » selon la terminologue utilisée par le Koweït. Le Comité, a dit l’experte, regrette que l’État partie continue d’adopter des pratiques et mesures discriminatoires à l’encontre des Bidounes, notamment en matière d’accès à la citoyenneté et à des documents d’identité, à l’éducation et aux services de santé.

S’agissant de la peine de mort, la même experte a constaté une reprise des exécutions entre 2016 et 2023, y compris pour des infractions – dont certaines liées à la drogue – qui n’entrent pas dans la définition des « crimes les plus graves » au sens de l’article 6 du Pacte. Il semblerait en outre que les procès aboutissant à la condamnation à la peine capitale ne réunissent pas toutes les garanties judiciaires associées au droit à un procès équitable et au droit de la défense au sens de l’article 14 du Pacte, a ajouté l’experte. Elle a demandé si la délégation pouvait donner des éclaircissements sur l’arrêt de la Cour pénale du 2 août 2022 qui prononce la peine de mort à l’encontre de trois trafiquants de drogue iraniens.

Un autre expert a demandé si le projet de loi visant à modifier le Code pénal pour le rendre pleinement conforme à la Convention contre la torture avait été adopté, s’agissant en particulier des définitions de la torture et des autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, et de l'imposition de sanctions proportionnelles à la gravité de l'infraction. Le Comité a été saisi d’allégations relatives à des actes de torture commis au sein du département des enquêtes criminelles du Ministère de l'intérieur, a ajouté l’expert.

Le Koweït est le premier pays de sa région à donner aux femmes certaines possibilités professionnelles, en particulier le droit d’exercer le journalisme et d’occuper des postes à responsabilité dans la fonction publique, a fait observer une experte, avant de demander si le Gouvernement avait ouvert des crèches pour aider les femmes à faire carrière.

Une experte a insisté sur le fait que, pour le Comité, les crimes liés à la drogue ne comptaient pas parmi les crimes les plus graves.

Un autre membre du Comité a estimé que la sanction prévue au Koweït pour des faits de torture – à savoir cinq ans d’emprisonnement – n’était pas proportionnée à la gravité de ce crime.

Un expert a fait état d’un manque d’indépendance du pouvoir judiciaire par rapport au pouvoir exécutif, s’agissant en particulier de la nomination des juges et de la durée de leur mandat.

Plusieurs questions ont porté sur les conditions d’octroi aux Bidounes de la review card (ou « carte de sécurité »), qui serait soumise à l’obligation pour eux de renoncer à toute demande de naturalisation.

Le Comité est saisi d’informations faisant état de violences généralisées à l'encontre des travailleurs domestiques, a fait observer une experte, ajoutant qu’au moins quatre migrants philippins basés au Koweït ont été assassinés depuis 2018. L’experte a demandé quels mécanismes étaient en place pour vérifier que les employeurs ne maltraitent pas leurs travailleurs domestiques. L'exploitation de ces travailleurs semble venir du système de kafala (« parrainage »), aux termes duquel les travailleurs domestiques migrants ne peuvent changer d’emploi sans le consentement de leur premier employeur, a poursuivi l’experte. Ceux qui quittent leur emploi avant la fin du contrat et sans l'accord du « parrain » sont considérés comme ayant pris la fuite – un délit qui peut entraîner l'expulsion du Koweït, a-t-elle observé.

Des experts ont fait état d’autres violations des droits des travailleurs immigrés au Koweït, notamment des retards dans le paiement des salaires, des violences ainsi que des conditions de travail inhumaines ; en outre, 89% des employés de maison ne bénéficient pas des congés payés prévus par la loi, a-t-il été relevé.

Le Comité salue les mesures prises par le Koweït pour lutter contre la traite des personnes, notamment l'adoption en 2018 de la Stratégie nationale de prévention de la traite des personnes et du trafic de migrants, a indiqué un expert, avant de s’enquérir des sanctions imposées aux auteurs de ces crimes et des réparations accordées aux victimes de la traite des êtres humains.

Une experte a pointé l’utilisation au Koweït de nouvelles technologies qui, selon des experts des Nations Unies, facilitent l’exploitation économique, la réduction en esclavage et le trafic d’êtres humains. 

D’autre part, a indiqué la même experte, le Comité est préoccupé par les exigences énoncées dans la loi sur les rassemblements publics de 1979, laquelle interdit les rassemblements publics qui n’ont pas obtenu au préalable l'autorisation du Gouvernement. L'Observation générale n° 37 du Comité stipule que les restrictions à l'exercice de la liberté de réunion doivent être proportionnées et nécessaires dans une société démocratique, a-t-il été rappelé.

Selon d’autres informations, a poursuivi l’experte, les forces de l'ordre ont fait un usage excessif de la force pour disperser des manifestations et ont arrêté arbitrairement des personnes qui exerçaient leur droit de manifester pacifiquement ; en outre, a-t-elle ajouté, une décision ministérielle de 2001 autorise l'utilisation d'armes à feu pour disperser un rassemblement. Des experts ont relevé que les non-nationaux, en particulier les Bidounes, ne bénéficient pas au Koweït des droits d’association et de manifestation pacifique.

Un expert a relevé que, selon le Code de procédure pénale koweïtien, une personne placée en détention provisoire sur ordre d'un magistrat instructeur ne peut contester cette décision dans les trois semaines suivant sa mise en détention ; or, de l'avis du Comité, a rappelé cet expert, tout délai supérieur à 48 heures doit rester tout à fait exceptionnel et être justifié par les circonstances, étant donné qu’un délai de quelques heures est normalement suffisant pour transporter la personne et préparer l'audience judiciaire.

Une experte a rappelé que le Comité avait déjà jugé inquiétant le pouvoir discrétionnaire dont dispose le Ministère koweïtien de l’intérieur s’agissant des décisions d’éloignement du territoire. 

Un expert a fait part de sa préoccupation devant des informations faisant état de mesures discriminatoires à l'égard des minorités au Koweït, en particulier pour ce qui est des minorités religieuses non abrahamiques. Ce même expert a indiqué que le Comité avait reçu des informations faisant état d'un environnement de plus en plus restrictif pour la liberté d'expression, avec en particulier une surveillance active des communications sur Internet, le blocage de sites web et des sanctions disproportionnées.

Enfin, un expert s’est dit préoccupé par le fait que les citoyens koweïtiens qui ont été naturalisés se voient refuser le droit de vote pendant vingt ans.

Réponses de la délégation

Les tribunaux supérieurs du Koweït ont déjà examiné plusieurs recours invoquant des dispositions du Pacte, s’agissant en particulier de l’attribution du passeport à une femme, de l’emprisonnement d’une personne pour dette ou encore de l’égalité d’accès à la fonction publique, a indiqué la délégation. Il n’y a aucun conflit entre la charia et le Pacte, a-t-elle assuré, avant d’indiquer que le Ministère de la justice a créé une commission chargée de vérifier la compatibilité de la loi avec les dispositions du Pacte.

Rien n’indique pour l’instant que le Koweït ratifiera le Protocole facultatif au Pacte créant une procédure de plainte devant le Comité, a d’autre part indiqué la délégation. De même, à moins que le Parlement n’en décide autrement, il n’est pas prévu de lever les réserves et déclarations interprétatives apportées par le pays au moment de la ratification du Pacte – lesquelles s’expliquent par l’existence de la charia en tant que source de droit au Koweït, a ajouté la délégation.

Le Ministère de la justice a lancé en 2019 un programme de formation des juges et procureurs aux dispositions du Pacte, a en outre fait valoir la délégation.

L’Office national des droits de l’homme est indépendant, a poursuivi la délégation. Il a été créé au départ pour assurer le suivi de l’application des recommandations acceptées dans le cadre de l’Examen périodique universel (EPU), a-t-elle indiqué. L’Office se heurte à des difficultés liées à la pandémie de COVID-19, qui a causé la fermeture de plusieurs services, ce qui l’a empêché d’exercer pleinement son mandat, a-t-elle expliqué. L’Office est doté de six commissions spécialisées, notamment, dans le traitement les plaintes, la protection de l’enfant ou encore la lutte contre les stupéfiants, a-t-il été précisé. L’Office donne aussi son avis sur l’opportunité de ratifier de nouveaux traités internationaux ; il peut effectuer des visites de lieux de détention et peut aussi recevoir des plaintes.

L’Autorité de lutte contre la corruption mène des campagnes de sensibilisation et dispose, en vertu de la loi, de plusieurs moyens pour protéger les lanceurs d’alerte, témoins et experts appelés à témoigner. Les lanceurs d’alerte peuvent aussi s’adresser à d’autres autorités et organes de l’État et leurs plaintes sont anonymisées, a souligné la délégation.  Elle a ensuite expliqué que la loi protège les lanceurs d’alerte qui donnent des informations de bonne foi et que seule les intentions malveillantes donnent lieu à des poursuites.

L’article du Code pénal criminalisant « l’imitation de l’autre sexe » a été abrogé par la Cour suprême, a-t-il par ailleurs été indiqué. Il n’est pas prévu de légaliser l’homosexualité, qui est interdite par la charia mais pas criminalisée au Koweït, a ajouté la délégation.

La Constitution koweïtienne condamne le racisme et garantit l’égalité entre tous ainsi que les libertés individuelles, tant que cela ne va pas à l’encontre des mœurs et de la loi, a indiqué la délégation. Les discours de haine, racistes ou favorisant la discorde religieuse sont interdits au Koweït, a-t-elle indiqué. Les médias qui incitent à des actes contraires à la loi sont passibles de sanctions. Les victimes de discours de haine peuvent saisir les tribunaux et les auteurs sont passibles de sanctions, a-t-il été précisé.  

Les femmes koweitiennes ont un statut particulier, conformément à la charia et à la Constitution, a poursuivi la délégation. Le Gouvernement œuvre pour l’intégration sociale et économique des femmes, y compris en facilitant leur participation aux prises de décisions et en les aidant à assumer des postes à responsabilité au sein du Gouvernement. Le Gouvernement va recruter vingt procureuses au sein du pouvoir judiciaire, a indiqué la délégation. On compte plus de cent femmes dans la diplomatie koweïtienne et 424 dans la police, a-t-elle fait valoir. Le Gouvernement n’a pas mis en place de quotas dans les listes électorales des partis, car la loi électorale ne mentionne pas de tels quotas, a-t-elle expliqué.

La loi de 2014 sur les crèches impose un certain nombre de normes de prise en charge des jeunes enfants, a précisé la délégation.

Le mari d’une femme koweïtienne ne se voit pas automatiquement accorder la nationalité koweïtienne, a poursuivi la délégation. La citoyenneté peut être accordée à une personne dont les efforts ont contribué au bien du pays – et jusqu’en 2020, 17 000 personnes se sont vu octroyer la nationalité koweïtienne, a indiqué la délégation.

Tout citoyen a le droit de prendre part à la direction des affaires publiques au Koweït. Les personnes naturalisées doivent cependant attendre vingt ans avant d’exercer pleinement certains droits civiques, a précisé la délégation.

La délégation a ensuite souligné que plusieurs familles non musulmanes avaient été naturalisées au Koweït. Leurs enfants peuvent intégrer l’armée. La loi ne prévoit pas d’alternative au service militaire, a-t-il été indiqué en réponse à une question relative à l’objection de conscience.

La loi prévoit l’égalité de tous devant la loi, y compris pour les étrangers, qui peuvent exiger le même type de réparation en justice que les Koweïtiens, a d’autre part souligné la délégation.  Les étrangers peuvent saisir les tribunaux dans les mêmes conditions que les citoyens koweïtiens, les décisions de justice étant rendues en toute impartialité, a insisté la délégation.

Concernant les Bidounes – que le Koweït qualifie de « résidents illégaux », a précisé la délégation –, il a été indiqué qu’ils bénéficiaient de soins médicaux, de médicaments et d’une scolarisation gratuits, au même titre que les Koweïtiens. Les résidents illégaux, y compris ceux qui ne disposent pas d’une « carte de sécurité » (review card) valide, ont aussi le droit de saisir les tribunaux compétents. Ils sont soumis aux mêmes droits et restrictions que les autres Koweïtiens s’agissant du droit de manifester pacifiquement. De même, les résidents illégaux handicapés reçoivent, s’ils ne relèvent pas de la loi sur les services pour personnes handicapées, un soutien sanitaire de l’État par l’intermédiaire de son fonds de bienfaisance (zakat).

En 2023, à ce jour, quelque 1732 plaintes pour violences domestiques ont été reçues, dont 392 ont été renvoyées devant les tribunaux, a d’autre part indiqué la délégation. Le Gouvernement poursuit ses efforts pour donner effet à la loi de 2020 contre la violence domestique, qui prévoit la création d’abris offrant aux victimes une protection et différents services. Plusieurs abris existent déjà où les victimes reçoivent un suivi psychosocial et bénéficient de plans de réhabilitation. Le Conseil supérieur des affaires familiales a créé un comité de lutte contre la violence domestique dont font partie des représentants de l’État et de la société civile.

La violence conjugale est criminalisée, a souligné la délégation avant de décrire les voies de recours ouvertes aux victimes. Les actes sexuels coercitifs sont eux aussi passibles de poursuites.

La délégation a indiqué que la loi contient une liste des crimes les plus graves sanctionnés par la peine de mort. Cette peine ne peut être infligée ni aux mineurs, ni aux femmes enceintes, a-t-elle précisé.

Le Koweït considère que le trafic de drogue est un « crime particulièrement grave » du fait de ses implications pour la société, a expliqué la délégation. La condamnation à mort de trois ressortissants iraniens pour trafic de drogue, prononcée par un tribunal de première instance, a été commuée en réclusion à perpétuité par le tribunal supérieur, a-t-elle précisé en réponse à la question d’un expert.

La peine de mort est appliquée sous des conditions restrictives et après une procédure complète aboutissant nécessairement à un arrêt de la Cour de cassation avant une éventuelle grâce par l’Émir, a ajouté la délégation.

Tout acte de torture est sanctionné par une peine de prison ou par une amende, a par ailleurs fait savoir la délégation. Elle a par la suite précisé que les auteurs d’actes de torture étaient passibles de cinq ans de prison, mais que la peine était aggravée si ces actes étaient le fait de fonctionnaires ou s’ils entraînaient des séquelles à vie pour la victime. En cas de décès, l’auteur est passible des peines prévues pour assassinat.

S’agissant enfin de l’indépendance du pouvoir judiciaire, il a été précisé que la Constitution stipulait que la compétence du juge ne peut être remise en question. La délégation a aussi indiqué que plusieurs juges étrangers siégeaient au Koweït. L’État du Koweït respectant la séparation des pouvoirs, l’exécutif n’intervient pas dans le fonctionnement de la justice, a en outre assuré la délégation.

La délégation a ensuite mentionné les règlements régissant la sécurité au travail au Koweït, ainsi que les dispositifs mis en place pour permettre aux travailleurs de dénoncer les conditions de travail dangereuses et pour organiser le rapatriement des dépouilles de travailleurs migrants décédés. Tous les accidents du travail font l’objet d’enquête, a assuré la délégation. Le travail pendant les heures de grande chaleur est lui aussi réglementé, a-t-elle précisé.

La délégation a par ailleurs expliqué que les travailleurs domestiques victimes d’abus de la part de leurs employeurs bénéficiaient de procédures de dépôt de plainte simplifiées. Les employeurs incriminés sont tenus de comparaître. Toute vengeance ou abus contre un employé fait l’objet d’enquête. Les travailleuses domestiques victimes d’abus sont prises en charge dans un centre spécialisé. Des visites d’inspection sont organisées chez les employeurs, a indiqué la délégation.

La Fédération nationale des travailleurs veille au respect des obligations contractuelles des employeurs, y compris s’agissant du versement des salaires et des congés payés. La Fédération privilégie la médiation mais saisit les tribunaux en cas d’échec de la conciliation, a précisé la délégation.

S’agissant de la kafala, il a été précisé que chaque contrat de travail entre un travailleur immigré et son employeur faisait l’objet d’un contrôle par les autorités, lesquelles veillent au paiement régulier des salaires et ont révisé à la baisse les exigences relatives au changement d’employeur. Les sanctions contre les employeurs contrevenants ont été alourdies, a souligné la délégation, précisant que le Ministère de la justice emploie à cet effet plus de 200 inspecteurs du travail et que plus de 8000 employeurs ont été suspendus pour n’avoir pas respecté la réglementation en vigueur. En cas de besoin, les autorités facilitent les transferts de travailleurs vers d’autres employeurs. Toute allégation de fuite de travailleur fait l’objet d’une enquête, a par ailleurs indiqué la délégation.

Les autorités surveillent par ailleurs de près les sites d’annonces d’emploi pour prévenir tout abus dans ce domaine, a ajouté la délégation.

Entre 2021 et 2023, 153 délits de traite des êtres humains ont été dénoncés et 150 enquêtes ont été ouvertes, a d’autre part indiqué la délégation. Le Procureur général entend les victimes et les renvoie vers des abris sûrs, où elles bénéficient de services de soutien et de réinsertion.

La Constitution garantit la liberté d’association, y compris la création d’associations, de syndicats, organisations caritatives et « équipes de volontaires », a-t-il été précisé. Plusieurs associations ont été dissoutes en 2018 par les tribunaux, une décision possible si l’association concernée ne poursuit plus ses objectifs initiaux ou n’est plus matériellement en mesure de le faire, a ajouté la délégation.

Vu l’insécurité politique dans la région et pour ne pas donner prise au risque de sédition sous prétexte de liberté d’expression, le Gouvernement supervise les droits des citoyens dans les limites de l’article 19 du Pacte, a ajouté la délégation. Tout rassemblement public est conditionné à une autorisation préalable, conformément à la Constitution du Koweït, ceci afin d’assurer la sécurité publique, a-t-elle expliqué. La police n’est pas autorisée à utiliser d’armes à feu pour disperser des manifestants, a-t-elle en outre indiqué.

Depuis 2015, les forces de l’ordre reçoivent des formations intensives sur la manière de gérer pacifiquement les manifestations, a-t-il en outre été précisé.

Toute décision de placement en garde à vue peut faire l’objet d’un recours dans les 48 heures, a-t-il par ailleurs été indiqué. Le tribunal demandera alors des compléments d’information au magistrat instructeur et pourra ordonner la libération de la personne concernée.

La loi sur l’audiovisuel ne contient aucune disposition relative à une quelconque forme de censure sur les livres, a poursuivi la délégation. Quant au blocage de sites web, il est possible sur décision de justice et pour une période ne dépassant pas deux semaines, renouvelable. D’autre part, la loi n°63 de 2015 concernant la liberté d’information permet de sanctionner le recours aux moyens audiovisuels pour commettre certains délits, notamment les appels à la haine contre certains groupes.

La délégation a d’autre part décrit plusieurs mesures prises pour assurer le bien-être et la santé des personnes privées de liberté.

En ce qui concerne la représentation politique des femmes, la délégation a indiqué que le choix des membres du Cabinet relevait de l’Émir, en concertation avec le Parlement. On compte actuelle quatre femmes ministres et une femme députée au Parlement, a précisé la délégation.

 

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