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Des membres du CERD s’inquiètent de la prévalence au Niger de formes d’esclavage, notamment l’esclavage basé sur l’ascendance, pourtant interdit dans le pays depuis 2002

Compte rendu de séance

 

De nombreux rapports indiquent que l’esclavage basé sur l’ascendance est toujours prévalant au Niger bien qu’il soit interdit depuis 2002 en vertu du Code pénal. Le phénomène persisterait encore chez certaines populations du Niger, notamment chez les Arabes, les Peuls, les Toubous et les Touaregs qui continueraient de disposer à leur guise d’esclaves, de leur travail, de leurs enfants et de leurs biens. Selon les chiffres de l’indice mondial de l’esclavage, en 2018, il existait environ 133 000 personnes victimes d’esclavage au Niger, malgré les décisions de justice et les campagnes de sensibilisations menées aussi bien par les anciennes victimes de cette pratique que par certaines organisations de la société civile. Les descendants d’esclaves qui ne sont plus sous le contrôle direct de leur « maître » seraient toujours considérés comme « esclaves » par la société et feraient l’objet de stigmatisations et de discriminations de toutes sortes.

C’est ce qu’a indiqué un expert membre du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD, selon l’acronyme anglais) alors qu’était examiné, hier et aujourd’hui, le rapport présenté par le Niger au titre de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Pour garantir l’égalité en droit et en pratique pour tous, le Niger devrait prendre des mesures spéciales, en particulier aux fins de la jouissance des droits économiques, sociaux, et culturels par certains groupes, notamment les populations nomades, a par ailleurs estimé cet expert.

Il a d’autre part salué les mesures prises par le Niger pour une gestion transparente des ressources naturelles à travers la mise en place de mécanismes juridiques et institutionnels. La législation a également prévu la répartition des recettes minières et un schéma de soutien aux communautés, a-t-il relevé. Néanmoins, a ajouté l’expert, le Comité dispose d’informations indiquant que les communautés touaregs vivant à proximité des mines d’uranium ne sont pas suffisamment informées au sujet des projets qui ont une incidence sur leurs droits et que les activités d’extraction d’uranium exposent les peuples autochtones vivant à proximité à des radiations nocives.

Une experte membre du Comité a pour sa part salué les réformes entreprises par le Niger sur les plans législatif et réglementaire afin de donner effet aux conventions internationales auxquelles le pays est partie, mais a relevé que le Niger n’a toujours pas intégré dans sa législation nationale la définition de la discrimination raciale telle qu’énoncée dans la Convention.

Certains rapports font état d’une pratique dénommée « wahaya », une forme d'esclavage répandue dans certaines régions du pays, par laquelle des hommes riches achèteraient des jeunes femmes pour le sexe et le travail domestique et en feraient des « cinquièmes épouses » pour contourner la loi islamique, qui autorise un maximum de quatre épouses, s’est d’autre part inquiétée cette même experte.

Des préoccupations ont également été exprimées s’agissant de la situation des migrants en situation irrégulière.

Présentant le rapport de son pays, M. Ikta Abdoulaye Mohamed, Ministre de la justice et Garde des sceaux du Niger, a expliqué qu’au Niger, on parle de discrimination raciale lorsque des personnes sont traitées de manière inégale, lorsqu’elles sont défavorisées, rabaissées ou attaquées de manière verbale ou physique en raison de leur apparence, de la couleur de leur peau, de leur origine, de leur ethnie ou de leur nationalité. La discrimination raciale constitue en ce sens une grave violation des droits de l’homme car elle réduit la personne humaine à une situation de servilité ou d’infériorité ; elle doit de ce fait être combattue et le Niger a toujours été à l’avant-garde de cette lutte, a déclaré le Ministre.

Le chef de la délégation a ensuite indiqué qu’en droit interne nigérien, il n’y a pas de définition spécifique de la discrimination raciale conforme à l’article premier de la Convention. Toutefois, a-t-il fait valoir, dans le cadre de la réforme du Code pénal engagée par le Gouvernement depuis 2022, cette définition a été prise en compte par la modification totale de certains articles. La Constitution pose en outre formellement l’interdiction de la discrimination sous toutes ses formes, a ajouté le Ministre nigérien. En outre, la législation nigérienne empêche toute discrimination dans les domaines de la nationalité, de l’éducation, de l’emploi ou de la santé.

Le Niger ne connaît aucun problème de ségrégation raciale, a déclaré M. Abdoulaye Mohamed. Des actions multiformes sont entreprises pour favoriser l’harmonie et l’entente entre les différentes composantes de la société, en encourageant notamment le brassage culturel et ethnique, en garantissant une représentation à tous les niveaux de l’ensemble des populations et en améliorant le niveau de vie général de la population, a-t-il indiqué, avant d’ajouter que son pays est conscient des défis qui restent encore à relever en matière de lutte contre toutes les formes de discrimination raciale.

La délégation nigérienne était également composée, entre autres, de M. Laouali Labo, Représentant Permanent du Niger auprès de l’Office des Nations Unies à Genève ; de représentants du Ministère de l’intérieur et de la décentralisation et du Ministère de la Justice ; ainsi que de députés et de conseillers gouvernementaux ou présidentiels.

Au Niger, il n’existe pas de notion d’« enfant d’ascendance esclave », a assuré la délégation au cours du dialogue. Tous les enfants ont les mêmes droits s’agissant de l’accès à l’éducation, à la santé, ou à la nationalité, a-t-elle déclaré. Il existe bien des pratiques liées à l’esclavage, mais il s’agit de pratiques cachées non institutionnalisées, a-t-elle ajouté.

Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport du Niger et les rendra publiques à l’issue de sa session, le 28 avril prochain.

 

Lundi après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l’examen du rapport de l’Argentine.

 

Examen du rapport du Niger

Le Comité est saisi du rapport périodique du Niger (CERD/C/NER/22-25 ).

Présentation du rapport

M. IKTA ABDOULAYE MOHAMED,Ministre de la justice et Garde des sceaux du Niger, chef de la délégation, a indiqué que la présence régulière du Niger au Comité depuis plus de 53 ans témoigne du grand intérêt que le pays attache à la mission de surveillance du Comité pour ce qui est de l’application de la Convention par les États parties.

Sur le plan sécuritaire, a rappelé le Ministre, les pays du Sahel font face depuis plusieurs années à une insécurité croissante. Cette zone est le théâtre d'effroyables violences de la part de groupes armés qui tuent et enlèvent aussi bien des militaires que des civils, brûlant les écoles, pillant les maisons et emportant le bétail, a-t-il indiqué.

M. Abdoulaye Mohamed a ensuite indiqué que le processus d’élaboration du présent rapport avait suivi une approche inclusive et participative, conformément à la méthodologie recommandée par le Comité. Il a expliqué qu’au Niger, on parle de discrimination raciale lorsque des personnes sont traitées de manière inégale, lorsqu’elles sont défavorisées, rabaissées ou attaquées de manière verbale ou physique en raison de leur apparence, de la couleur de leur peau, de leur origine, de leur ethnie ou de leur nationalité. La discrimination raciale constitue en ce sens une grave violation des droits de l’homme car elle réduit la personne humaine à une situation de servilité ou d’infériorité ; elle doit de ce fait être combattue et le Niger a toujours été à l’avant-garde de cette lutte, a déclaré le Ministre. Dès sa ratification de la Convention, le Niger a fait de la lutte contre la discrimination raciale sous toutes ses formes une de ses priorités, a-t-il insisté.

Le chef de la délégation a ensuite indiqué qu’en droit interne nigérien, il n’y a pas de définition spécifique de la discrimination raciale conforme à l’article premier de la Convention. Toutefois, a-t-il fait valoir, dans le cadre de la réforme du Code pénal engagée par le Gouvernement depuis 2022, cette définition a été prise en compte par la modification totale de certains articles. La Constitution pose en outre formellement l’interdiction de la discrimination sous toutes ses formes, a ajouté le Ministre nigérien.

Par ailleurs, a poursuivi M. Abdoulaye Mohamed, la loi organique de 2017, modifiée en 2019, portant Code électoral du Niger interdit à tout parti politique ou groupement de partis politiques de fonder son organisation et son action sur une base et/ou des objectifs comportant le sectarisme, le népotisme, le communautarisme ou le fanatisme, notamment. En outre, la législation nigérienne empêche toute discrimination dans les domaines de la nationalité, de l’éducation, de l’emploi ou de la santé.

Sur le plan culturel, l’organisation de la « Cure salée », grand rassemblement des éleveurs, constitue un véritable espace d’échanges et de retrouvailles, a d’autre part indiqué le Ministre, avant d’ajouter que d’autres évènements culturels sont des occasions de rencontres favorisant la consolidation de l’unité nationale, le brassage des cultures et la valorisation des spécificités de chaque ethnie.

Le Niger a toujours été opposé à toute forme de discrimination raciale ou d’apartheid. C’est pourquoi, il est partie aux différents instruments juridiques internationaux de lutte contre l’apartheid et la ségrégation. Le pays ne connaît aucun problème de ségrégation raciale, a déclaré M. Abdoulaye Mohamed. Des actions multiformes sont entreprises pour favoriser l’harmonie et l’entente entre les différentes composantes de la société, en encourageant notamment le brassage culturel et ethnique, en garantissant une représentation à tous les niveaux de l’ensemble des populations et en améliorant le niveau de vie général de la population, a-t-il indiqué.

Conscient des défis qui restent encore à relever en matière de lutte contre toutes les formes de discrimination raciale et en dépit des multiples obstacles liés à l’insécurité et aux pesanteurs socioculturelles, le Niger demeure résolument engagé à bâtir un État de droit garantissant à tous l’exercice des différents droits collectifs et individuels conformément aux grandes valeurs humanistes de paix, de tolérance, de fraternité et d’unité, a conclu le Ministre de la justice.

Questions et observations des membres du Comité

MME MAZALO TEBIE, membre du Comité et rapporteuse de la task-force chargée de l’examen du rapport du Niger, a salué les réformes entreprises par le Niger sur les plans législatif et réglementaire pour donner effet aux conventions internationales auxquelles le pays est partie, et notamment la mise en place des politiques, programmes, projets et plans d’action en faveur de la lutte contre la discrimination raciale.

Mme Tebie a ensuite posé des questions liées à l’actualité s’agissant notamment de terrorisme, d’insécurité et d’extrémisme djihadiste. Elle s’est ainsi enquise des mesures prises par l’État pour protéger les minorités et les populations autochtones contre les dérives et les exactions communautaires provoquées par l’insécurité et le terrorisme dans le pays, ou pour minimiser l’impact du terrorisme et de l’insécurité sur le « vivre ensemble » des populations.

S’agissant des statistiques, l’experte a souhaité connaître les mécanismes mis en place pour disposer de données fiables permettant d’évaluer l’impact de la discrimination sur les différents groupes tels que définis dans la Convention. Elle s’est également enquise de la représentation des différents groupes ethniques dans les instances décisionnelles.

Mme Tebie a par ailleurs souhaité connaître, exemples concrets à l’appui, le nombre d’affaires dans lesquelles les dispositions de la Convention ont été invoquées et directement appliquées par les tribunaux nationaux.

L’experte a d’autre part relevé que le Niger n’a toujours pas intégré dans sa législation nationale la définition de la discrimination raciale telle qu’énoncée dans la Convention. Elle a fait observer que le Code pénal, qui pénalise tout acte de discrimination raciale ou ethnique, ne définit pas l’élément constitutif de l’acte de discrimination au sens de l’article premier de la Convention, ce qui pourrait entraîner une interprétation abusive de la loi et entraver la possibilité pour les éventuelles victimes de violations de leurs droits d’invoquer le Convention devant les tribunaux.

Par ailleurs, a poursuivi Mme Tebie, certains rapports indiquent qu’au cours des périodes électorales, des comportements tendant à instrumentaliser l’ethnie, la race, le clan ou la religion à des fins politiciennes sont légion.

L’experte a souhaité savoir si, de l’avis de la délégation, l’absence de plainte pour discrimination raciale visant des agents de l’État signifiait absence de tels cas de discrimination.

Mme Tebie a par ailleurs souhaité en savoir davantage sur la pratique qui impose aux migrants de verser une caution appelée « judicatum solvi » pour garantir le paiement des frais de procès et de dommages et intérêts auquel ils pourraient être soumis.

Certains rapports font état d’une pratique dénommée « wahaya », une forme d'esclavage répandue dans certaines régions du pays, par laquelle des hommes riches achèteraient des jeunes femmes pour le sexe et le travail domestique et en feraient des « cinquièmes épouses » pour contourner la loi islamique, qui autorise un maximum de quatre épouses, a d’autre part relevé Mme Tebie. Selon certaines informations, a-t-elle ajouté, des jeunes filles touaregs sont vendues en tant que « cinquième épouse » à de riches Haoussas, ce qui présuppose des conditions économiques différentes basées sur l’appartenance ethnique ou le statut social ; aussi, l’experte s’est-elle enquise des mesures prises pour mettre fin à ces pratiques néfastes.

Mme Tebie a relevé que selon le rapport, le Niger a pris certaines dispositions particulières en faveur des populations nomades et pastorales, mais que la notion de « peuple autochtone » n’est pas reconnue dans ce pays. Elle a souhaité connaître les stratégies mises en place pour gérer la grande mobilité de ces populations tout en protégeant leurs cultures et traditions. Elle a également souhaité savoir si l’État nigérien a pris des mesures pour atténuer les effets de la crise climatique sur les peuples autochtones afin de protéger leurs modes de vie et leurs moyens de subsistance traditionnels.

L’experte s’est également enquise des mesures prises pour améliorer le système d’enregistrement des naissances en général – et plus particulièrement pour les enfants d’ascendance esclave. L’experte a en outre souhaité connaître le niveau d’exécution du plan d'action national de lutte contre l'apatridie.

Mme Tebie a par ailleurs noté avec satisfaction que beaucoup de mesures sont prises pour la promotion et la sauvegarde du patrimoine culturel et traditionnel, notamment « la parenté à plaisanterie » ou cousinage, classée en 2014 par l’UNESCO au patrimoine culturel immatériel, « la Cure salée », « le festival de la chanson traditionnelle Dalweyzé ». Elle a demandé s’il y avait eu des réformes ou des aménagements dans les programmes scolaires et dans les curricula de formation dans le sens d’une meilleure transmission de la culture, y compris des langues traditionnelles.

L’experte a également souhaité connaître les mesures prises pour promouvoir l’éducation aux droits de l’homme – s’agissant concrètement des questions de discrimination raciale, surtout celles basées sur l’appartenance ethnique ou l’ascendance – dans tous les programmes scolaires, dans la formation des enseignants et dans les programmes des médias aussi bien publics que privés.

Mme Tebie a demandé des informations sur le bilan à mi-parcours de la politique nationale de justice et droits humains qui s’inscrit dans la mise en œuvre de la Déclaration et du Programme d’action de Durban.

Enfin, l’experte a souhaité connaître les actions menées par le Niger dans le cadre de la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine (2015- 2024).

M. YEUNG KAM JOHN YEUNG SIK YUEN, membre du Comité et de la task-force chargée de l’examen du rapport du Niger, a affirmé que pour garantir l’égalité en droit et en pratique pour tous, le Niger devait prendre des mesures spéciales, en particulier aux fins de la jouissance des droits économiques, sociaux, et culturels par certains groupes, notamment les populations nomades.

De nombreux rapports indiquent que l’esclavage basé sur l’ascendance est toujours prévalant au Niger bien qu’il soit interdit depuis 2002 en vertu du Code pénal qui impose des peines sévères en la matière, s’est inquiété l’expert. Le phénomène persisterait encore chez certaines populations du Niger, notamment chez les Arabes, les Peuls, les Toubous et les Touaregs qui continueraient de disposer à leur guise d’esclaves, de leur travail, de leurs enfants et de leurs biens. Dans certaines sociétés comme dans la société zerma-songhaï, le chiffre « neuf » (yegha) serait utilisé pour désigner l’esclave et le chiffre « dix » caractériserait le maître, l’homme complet, a relevé M. Yeung Sik Yuen. Selon les chiffres de l’indice mondial de l’esclavage, en 2018, il existait environ 133 000 personnes victimes d’esclavage au Niger, malgré les décisions de justice et les campagnes de sensibilisations menées aussi bien par les anciennes victimes de cette pratique que par certaines organisations de la société civile, a-t-il fait observer. Il a souhaité obtenir des informations sur les poursuites de ces cas devant les tribunaux et a notamment voulu savoir s’il y avait eu des poursuites pour crimes d’esclavage en vertu des articles du Code pénal. Il s’est également enquis des campagnes de sensibilisation, d’éducation et de communication menées auprès de la population, des chefs traditionnels et des chefs religieux concernant les effets néfastes de la pratique de l’esclavage.

Les descendants d’esclaves qui ne sont plus sous le contrôle direct de leur « maître » seraient toujours considérés comme « esclaves » par la société et feraient l’objet de stigmatisations et de discriminations de toutes sortes, n’ayant notamment pas accès aux services publics ni aux programmes de lutte contre la pauvreté, a ajouté M. Yeung Sik Yuen. Il existerait encore au Niger des localités qui portent des noms stigmatisants et qui seraient réservées à des « personnes d’origine servile », s’est-il inquiété.

L’expert a par la suite salué les mesures prises par le Niger pour une gestion transparente des ressources naturelles à travers la mise en place de mécanismes juridiques et institutionnels. La législation a également prévu la répartition des recettes minières et un schéma de soutien aux communautés, a-t-il relevé. Aussi, a-t-il voulu en savoir davantage sur les communautés qui ont réellement bénéficié de ces dispositions.

Le Comité dispose d’informations indiquant que les communautés touaregs vivant à proximité des mines d’uranium ne sont pas suffisamment informées au sujet des projets qui ont une incidence sur leurs droits et que les activités d’extraction d’uranium exposent les peuples autochtones vivant à proximité à des radiations nocives, a poursuivi l’expert.

Selon les informations dont dispose le Comité, certaines minorités nomades pastorales et des agriculteurs seraient victimes de l’expropriation et de l’accaparement de leurs terres, a également fait savoir l’expert. Des concessions privées seraient accordées par l’État à des industries extractives, sans indemnisation au regard des droits d’usage prioritaire des pasteurs, a indiqué M. Yeung Sik Yuen, faisant également état d’immatriculations foncières délivrées à des promoteurs immobiliers ou à des services publics par la Direction des affaires domaniales et du cadastre en plein milieu de terres pastorales.

L’expert a en outre souhaité en savoir davantage au sujet de l’augmentation de la production pétrolière qui serait à l’origine de conflits ethniques.

M. Yeung Sik Yuen a ensuite relevé que le Rapporteur spécial sur les droits de l’homme des migrants, dans son rapport du 16 Mai 2019, note avec préoccupation que la Loi du 26 Mai 2015 relative au trafic illicite de migrants présente de nombreuses lacunes et n’est pas conforme aux normes et aux règles internationales relatives aux droits de l’homme. Cette Loi punit pénalement les activités de ceux qui aident les migrants à entrer ou séjourner irrégulièrement dans le pays et à en sortir clandestinement. M. Yeung Sik Yuen a demandé des informations précises sur l’application de cette Loi, s’agissant notamment du nombre de personnes poursuivies à ce titre.

Il a également relevé avec préoccupation que, selon certaines informations, les migrants en situation irrégulière vivent dans des unités appelées « ghettos » qui leur servent d’abris, tout en étant secrètes, temporaires et mobiles, avec un accès difficile à la nourriture, au logement et à la santé. Ces migrants craignent d’être découverts et par conséquent expulsés ou de faire l’objet d’interventions policières, a souligné l’expert.

M. Yeung Sik Yuen a également demandé s’il y avait eu des poursuites contre les passeurs auteurs de graves sévices contre les migrants ou les réfugiés. Il s’est aussi enquis des mesures prises pour faire face à l’accroissement « vertigineux » du nombre de réfugiés, en termes de conditions d’accueil, de protection et d’accès aux services de base tels que les soins de santé et l'éducation.

Enfin, M. Yeung Sik Yuen a fait état d’informations dont dispose le Comité indiquant que des prisons sont utilisées pour détenir des réfugiés, des demandeurs d’asile et des migrants appréhendés au nord d’Agadez, en application de la Loi de 2015 sur la lutte contre le trafic illicite, qui interdit expressément tout mouvement de la population vers le nord à partir d’Agadez. L’expert a souhaité savoir si le Niger dispose d’un mécanisme de surveillance et de protection pour s’assurer que la détention des migrants ne soit utilisée qu’en dernier ressort, de manière proportionnelle et uniquement lorsque cela est nécessaire.

Réponses de la délégation

La délégation a indiqué que la discrimination raciale est, en vertu de la législation nigérienne, une infraction – comme le vol et les autres crimes – et que cette infraction est aujourd’hui poursuivie devant les tribunaux.

La délégation a ensuite indiqué que des mesures avaient été prises pour protéger les minorités contre les atrocités nées de la situation de terrorisme et d’attaques de bandits que connaît le Niger depuis plusieurs années. Le terrorisme est une forme de violence sans loi, sans norme et sans pitié, dont le seul objectif est de provoquer la terreur et qui s’attaque aussi bien aux civils qu’aux militaires, a rappelé la délégation, avant de faire valoir que le Niger avait pris différentes mesures et consenti de grands efforts pour protéger dans ce contexte l’ensemble de la population, notamment les minorités. Le Niger a fourni les moyens adéquats aux forces de sécurité pour faire face à la situation, a affirmé la délégation. Le pays continue de protéger sa population avec beaucoup d’efficacité, mais les moyens colossaux affectés à la lutte contre le terrorisme constituent un manque à gagner dans la poursuite des objectifs de développement durable, a-t-elle souligné. Cette situation expose les populations à davantage de précarité, a-t-elle insisté, déplorant les mouvements de populations internes induits dans le pays. Toutes les actions que le Niger entreprend dans le cadre de la lutte contre le terrorisme sont encadrées par le droit international des droits de l’homme, a assuré la délégation, précisant que le pays a signé dans ce sens un cadre opérationnel commun avec les autres pays de la région.

L’institution nationale des droits de l’homme est libre d’entreprendre son action, sans intervention de l’État, a ensuite assuré la délégation nigérienne. Le fait qu’elle n’intervienne pas sur certains sujets est dû au fait qu’elle ne se donne pas la peine d’intervenir, a-t-elle déclaré.

La délégation a par ailleurs indiqué que l’actuel projet de réforme du Code pénal prévoit le remaniement de certains articles pour tenir compte des dispositions de la Convention, avec notamment l’inclusion de la définition de la discrimination raciale telle qu’elle figure dans la Convention.

S’agissant de l’esclavage, la délégation a indiqué que 25 affaires avaient été jugées devant les tribunaux entre 2015 à 2019. L’État a déjà beaucoup fait dans la lutte contre l’esclavage, a-t-elle assuré, rappelant que c’est en 2003 que le Code pénal a été modifié pour y insérer l’incrimination de l’esclavage. Dans le projet de remaniement du Code pénal, il y a une vingtaine d’articles qui sont consacrés à l’esclavage, avec notamment la notion d’esclavage moderne, a précisé la délégation. Dans ce projet, la « wahaya » est spécifiquement incriminée, a-t-elle indiqué.

Au Niger, il n’existe pas de notion d’« enfant d’ascendance esclave », a par la suite assuré la délégation. Tous les enfants ont les mêmes droits s’agissant de l’accès à l’éducation, à la santé, ou à la nationalité, a-t-elle déclaré, insistant sur le fait qu’au Niger, il n’y a pas de séparation entre les enfants. Il existe bien des pratiques liées à l’esclavage, mais il s’agit de pratiques cachées non institutionnalisées, a poursuivi la délégation. Par conséquent, a-t-elle affirmé, il n’est pas fondé d’évoquer des « enfants d’ascendance esclave ». La discrimination en rapport avec l’esclavage ne provient pas de l’État, mais se fait en cachette au niveau des communautés, a insisté la délégation.

La délégation a indiqué que certaines coutumes excluent la femme de certains droits, notamment pour ce qui est du droit à la terre. Cependant, lorsque le juge constate que la coutume est contraire au droit international ou à la législation nationale, il doit écarter sa mise en œuvre, a affirmé la délégation.

La délégation a par ailleurs expliqué que deux systèmes de normes cohabitent dans le pays : le droit coutumier, qui n’est pas écrit, et le droit positif, qui est écrit. La législation prévoit l’organisation judiciaire et détermine les matières qui peuvent être régies par la coutume, comme le mariage et la succession, par exemple ; toutes les autres matières sont régies par le droit positif.

Des activités quotidiennes sont menées en matière de formation aux droits de l’homme à l’attention des magistrats, des chefs coutumiers ou des leaders communautaires, a d’autre part fait valoir la délégation.

La délégation a en outre rappelé qu’en juin 2022, le Niger avait adopté une loi sur les défenseurs des droits de l’homme conforme à la Déclaration des Nations Unies sur les défenseurs des droits de l’homme. Cette loi a été élaborée avec la participation des associations de droits de l’homme, a précisé la délégation.

La délégation a indiqué que le Niger a pris des mesures spéciales (discrimination positive) notamment au profit des personnes handicapées. Il existe aussi des quotas de genre pour l’élaboration des listes électorales, a-t-elle ajouté.

S’agissant du « judicatum solvi », la délégation a expliqué qu’il s’agit d’un système de caution demandée aux étrangers dont le pays d’origine n’a pas d’accord de réciprocité dans le domaine de justice avec le Niger. Cette caution doit permettre à l’étranger d’ester en justice. Ce système n’est pas uniquement réservé aux migrants mais à tous les ressortissants étrangers, a souligné la délégation.

La délégation a indiqué qu’il y avait au Niger plus de 255 000 réfugiés, 361 000 personnes déplacées internes et environ 47 000 demandeurs d’asile. Elle a souligné que le Niger traverse une situation critique s’agissant de la migration : le pays est en effet pris en tenaille entre des zones de conflit et voit arriver des milliers de réfugiés depuis toutes ses frontières. La délégation nigérienne a appelé la communauté internationale à l’aider à supporter ce flux de populations. Le Niger ne doit pas être montré du doigt, mais au contraire assisté, a insisté la délégation.

La délégation a ajouté que le Niger avait pris de nombreuses mesures pour permettre l’accueil des réfugiés et des migrants.

Interpellée sur les insuffisances de la Loi de 2015 relative au trafic illicite de migrants, la délégation a indiqué que le Ministère de la justice avait initié une réforme de cette Loi, qui tient compte de toutes les recommandations faites par les organes de traité. La différence est bien faite entre les passeurs et les migrants, ces derniers étant considérés comme des victimes, a souligné la délégation. Les « ghettos » sont des cachettes faites par les passeurs, a-t-elle en outre expliqué, précisant que lorsque des migrants sont découverts par l’État dans ces « ghettos », ils sont transférés dans des centres officiels pour être pris en charge.

La délégation a en outre indiqué qu’il n’y avait pas eu d’études précises sur le nombre de personnes apatrides dans le pays, mais que des études avaient en revanche été menées sur les enfants à risque d’apatridie dans plusieurs villes frontalières et des mesures prises au niveau des régions pour permettre l’accès à des actes de naissance et des certificats de nationalité pour sortir ces enfants du risque d’apatridie.

Par ailleurs, le Niger veille à ce qu’aucun ressortissant nigérien à l’étranger subisse un risque d’apatridie, a ajouté la délégation : pour ce faire, a-t-elle précisé, la législation prévoit que toute personne d’origine nigérienne peut demander la nationalité nigérienne à tout moment, notamment pour ce qui est des enfants dont les parents n’ont pas déclaré la naissance à l’ambassade.

La délégation a rappelé que la notion de peuple autochtone n’existait pas au Niger.

Elle a ensuite expliqué que les éleveurs ne possèdent pas la terre et que la zone pastorale est gérée par l’État. Ce sont les mairies qui répartissent les terres. Des institutions prévues dans le Code rural ont la charge de régler les conflits entre agriculteurs et éleveurs et de trancher sur la répartition des terres.

Le Code rural prévoit des zones à préserver où les agriculteurs ne peuvent pas exploiter la terre, a par la suite précisé la délégation.

Les populations nomades ont accès à l’éducation et aux soins de santé grâce à des centres disséminés sur tout le territoire, a d’autre part fait valoir la délégation.

Le réchauffement climatique affecte toute la population et pas seulement les minorités, a par ailleurs souligné la délégation.

Le Niger a intégré la question de la santé de la population et de l’environnement dans toutes ses politiques de développement depuis les années 90. Le pays prend des mesures globales de protection de la population, notamment contre la dégradation des terres, laquelle peut entraîner des conséquences néfastes pour les populations.

S’agissant des exploitations minières, la délégation a affirmé qu’il existe un code de conduite qui est pris en compte dans le cahier des charges de toutes les sociétés minières. Des tests et des contrôles sont effectués régulièrement pour évaluer les risques de pollution pouvant affecter la santé des populations environnantes. Le Niger dispose donc de nombreux mécanismes de contrôle appliqués aux sociétés actives dans le domaine de l’exploitation minière, aurifère ou pétrolière. Il n’y a pas eu de plaintes dans ce domaine, a précisé la délégation.

La délégation a ensuite indiqué que la Loi minière prévoit une répartition des recettes minières comme suit : 70% des recettes abondent le budget national, 15% vont aux collectivités territoriales locales et 15% abondent le fonds de développement minier. Les recettes attribuées aux collectivités territoriales sont utilisées par la communauté ; elles peuvent par exemple permettre la construction d’un puits, a expliqué la délégation.

La délégation a en outre assuré qu’il n’y avait pas de conflits communautaires autour de la production de pétrole et qu’au contraire les communautés bénéficient des retombées des recettes tirées de cette activité.

La délégation a d’autre part fait savoir que les préparatifs étaient en cours pour procéder à un nouveau recensement de la population et que le porte-à-porte allait commencer prochainement.

Dès le déclenchement de la pandémie de COVID-19, le Niger s’est doté d’un plan multisectoriel qui prévoyait des mesures de soutien à l’ensemble de la population sur tout le territoire, a en outre fait valoir la délégation.

Enfin, la délégation a indiqué que la fonction de mécanisme national de prévention de la torture a été confiée à la Commission nationale des droits de l’homme et que ce mécanisme sera opérationnel très rapidement.

 

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