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Le retrait de la Türkiye de la Convention d’Istanbul préoccupe particulièrement les membres du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes

Compte rendu de séance

 

La Türkiye s’est retirée en juillet 2021 de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique – ou Convention d’Istanbul –, que le pays avait été le premier à ratifier : ce retrait « marque une régression sensible dans la lutte contre les violences, mais plus encore une remise en cause du droit international dans sa contribution au progrès de l’égalité ». C’est ce qu’a souligné une experte du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes lors de l’examen, hier et aujourd’hui, du rapport soumis par la République de Türkiye au titre de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Une autre experte du Comité s’est inquiétée que ce retrait de la Convention d’Istanbul risque d’entraver l’accès des femmes à la justice et de favoriser l’impunité des auteurs de violence envers les femmes en Türkiye.

Par ailleurs, le Comité constate que les minorités en Türkiye restent l’objet de discriminations multiples et intersectionnelles, a-t-il été souligné. En outre, si le Comité mesure l’effort historique et exemplaire de la Türkiye à l’égard des réfugiés, il reste que certains réfugiés accèdent difficilement aux services publics, a-t-il été relevé.

Tout au long du XXe siècle, a rappelé une experte, l’histoire de la Turquie – ancien nom de la République de Türkiye – a été marquée par l’émancipation des femmes et par le progrès des valeurs démocratiques. Aujourd’hui, le statut des femmes dans la société turque a changé, en lien direct avec le contexte général marqué par une inflexion politique majeure, par l’impact de l’état d’urgence sur les institutions démocratiques, sur l’état de droit et sur les libertés fondamentales, et enfin par l’enchaînement des crises sanitaire et économique, a constaté l’experte.

Une autre experte a indiqué que le Comité avait été informé que l'accès des femmes à la justice et aux recours effectifs en cas de violation de leurs droits fondamentaux était compromis en raison de la dégradation généralisée de l'état de droit et de l'affaiblissement de l'indépendance de la justice dans le pays. L’experte a déploré, à cet égard, le licenciement d'environ 30% des juges actifs, dont un nombre élevé de femmes juges et procureurs, pendant l'état d'urgence [qui a été instauré après une tentative de coup d’État en 2016].

Des préoccupations ont par ailleurs été exprimées du fait que les filles roms soient exclues du système éducatif et que les femmes et les filles syriennes se heurtent à des obstacles majeurs pour se relever après leurs traumatismes liés à la guerre et qu’elles ne parviennent pas à participer à la vie sociale en Türkiye. D’autre part, la Türkiye n’a pas pris de mesure pour protéger les femmes LBT contre la discrimination et la violence, a regretté une experte.

Présentant le rapport de son pays, Mme Derya Yanık, Ministre de la famille et des services sociaux de la République de Türkiye, a souligné que malgré la décision de son pays de se retirer de la Convention d'Istanbul, le Gouvernement n’avait pas fait un seul pas en arrière par rapport à sa décision de combattre la violence contre les femmes. Le retrait de la Convention d'Istanbul reflète seulement un changement dans les méthodes et les outils utilisés, a insisté la Ministre.

Le Gouvernement turc reste concentré sur la lutte contre la violence à l'égard des femmes : un changement de cet objectif n'est même pas envisagé, a insisté Mme Yanık, qui a fait savoir que la loi n° 6284 sur la protection de la famille et la prévention de la violence à l’égard des femmes – qui est le mécanisme de protection des victimes et de prévention de la violence en vigueur depuis 2012 – était toujours en place.

Dans sa présentation, Mme Yanık a aussi décrit les dispositifs mis en place pour aider les victimes de la violence envers les femmes à revenir à une vie sûre. Elle a fait savoir qu’une une commission d'enquête parlementaire avait été créée en 2021 afin de déterminer les raisons de la violence à l'égard des femmes sous tous ses aspects. À la suite du travail de cette commission, un rapport a été préparé et soumis à la présidence de la Grande Assemblée nationale de Türkiye et discuté au Parlement : ce rapport contient des mesures visant à mettre fin à la violence à l'égard des femmes, a indiqué la Ministre.

Pendant le dialogue avec le Comité, la délégation turque a ensuite précisé qu’après la tentative de coup d’État, les opposants condamnés avaient pu se tourner vers la commission chargée de statuer sur les appels dans le cadre de l’état d’urgence, laquelle a déjà statué sur un certain nombre de cas. Plusieurs femmes juges acquittées ont été réintégrées dans leurs fonctions, au même titre que d’autres fonctionnaires acquittés, a indiqué la délégation. Tous les recours nationaux et internationaux sont ouverts aux personnes concernées, a-t-elle aussi précisé.

Outre Mme Yanık et M. Sadık Arslan, Représentant permanent de la République de Türkiye auprès des Nations Unies à Genève, la délégation turque était composée de représentants des Ministères des affaires étrangères ; de la famille et des services sociaux ; de la justice ; de l’intérieur ; de la santé ; de l’éducation ; ainsi que du travail et de la sécurité sociale.

Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport de la République de Türkiye et les publiera à l’issue de sa session, le 1er juillet prochain.

 

Demain matin, à partir de 10 heures, le Comité entamera l’examen du rapport de l’Azerbaïdjan.

 

Examen du rapport de la République de Türkiye

Le Comité est saisi du rapport périodique de la Türkiye (CEDAW/C/TUR/8) ainsi que des réponses du pays à une liste de points à traiter qui avait été soumise par le Comité.

Présentation

Présentant le rapport de son pays, MME DERYA YANIK, Ministre de la famille et des services sociaux de la République de Türkiye, a notamment indiqué que la Türkiye appliquait une stratégie d'autonomisation des femmes et un plan d'action couvrant les années 2018–2023, sous la coordination du Ministère de la famille. Elle a ajouté qu’en matière de lutte contre la violence à l'égard des femmes, le Gouvernement actualisait périodiquement ses plans d'action nationaux, dont le premier est entré en vigueur en 2007 : leur principe est celui de la « tolérance zéro à l'égard de la violence contre les femmes ».

La discrimination positive envers les femmes est autorisée par la Constitution, a poursuivi la Ministre. Depuis 2012, une médiatrice responsable des droits des femmes et des enfants travaille au sein de l'institution du Médiateur. Quant à l'Institution nationale pour les droits humains et l'égalité, fondée en 2016, elle est chargée de lutter contre la discrimination de manière indépendante, a fait savoir Mme Yanık.

Les droits des femmes exposées à la discrimination sont protégés par des lois au plus haut niveau, a ensuite déclaré la Ministre. Lorsqu'une plainte est adressée aux autorités judiciaires concernant des crimes de haine et de discrimination définis dans le Code pénal, le procureur lance les procédures nécessaires sans délai, a-t-elle expliqué. Après épuisement des recours internes, la voie de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) est ouverte, a ajouté Mme Yanık.

En 2021, une commission d'enquête parlementaire a été créée afin de déterminer les raisons de la violence à l'égard des femmes sous tous ses aspects. À la suite du travail de cette commission, un rapport a été préparé et soumis à la présidence de la Grande Assemblée nationale de Türkiye et discuté au Parlement. Ce rapport contient des mesures visant à mettre fin à la violence à l'égard des femmes, a souligné la Ministre.

Parallèlement, le Code pénal a été amendé pour mieux lutter contre la violence envers les femmes. Les peines encourues pour le meurtre au premier degré, les blessures non accidentelles, les menaces, les tortures et les tourments infligés aux femmes ont été alourdies ; les actes de harcèlement sont considérés comme des crimes distincts et des avocats sont commis d’office pour les femmes victimes de violence.

Mme Yanık a ensuite constaté que la décision de la Türkiye de se retirer de la Convention d'Istanbul avait suscité des préoccupations. Elle a cependant assuré que son Gouvernement n’avait pas fait un seul pas en arrière par rapport à sa décision de combattre la violence contre les femmes. Pour garantir l'égalité des hommes et des femmes, la Türkiye estime nécessaire de faire preuve de souplesse dans les méthodes et les outils utilisés. Le retrait de la Convention d'Istanbul reflète seulement un changement dans les méthodes et les outils utilisés, a insisté la Ministre.

Le Gouvernement turc reste concentré sur la lutte contre la violence à l'égard des femmes : un changement de cet objectif n'est même pas envisagé, a insisté Mme Yanık. Ainsi, la loi 6284 [loi sur la protection de la famille et la prévention de la violence à l’égard des femmes] – qui est le mécanisme de protection des victimes et de prévention de la violence en vigueur depuis 2012 – est toujours en place, a-t-elle fait valoir. La loi prévoit la protection des victimes contre la violence, garantit leur sécurité, ainsi que la punition de l'auteur, de même que la coordination des services de soutien à fournir à la victime, entre autres mesures, a-t-elle ajouté.

La Ministre a aussi décrit les dispositifs mis en place pour aider les victimes de cette violence à revenir à une vie sûre. Les femmes victimes de violence sont accueillies dans des centres d'hébergement affiliés au Ministère [de la famille et des services sociaux] et aux autorités locales ; outre les services d'hébergement, un soutien psychosocial, juridique et médical est fourni aux femmes et à leurs enfants qui séjournent dans quelque 149 foyers d'accueil répartis dans tout le pays et d’une capacité totale de quelque 3600 places. Les protections prévues par la loi 6284 bénéficient aux migrants et aux requérants d’asile de la même manière qu’aux citoyens turcs, a précisé la Ministre.

Mme Yanık a donné d’autres informations concernant la lutte contre les mariages précoces ; elle a fait état d’une diminution de 25% du taux de mariage des filles mineures ces dernières années.

Mme Yanık a ensuite indiqué que la lutte contre la violence en Türkiye était soutenue par des programmes visant l'autonomisation des femmes, avec notamment l’organisation de séminaires d'éducation financière et d'autonomisation économique des femmes, qui ont touché 717 000 personnes jusqu’en mai 2022, ou encore un projet mené en coopération avec le Programme des Nations Unies pour le développement et le secteur privé pour soutenir les lycéennes et les étudiantes qui souhaitent devenir ingénieures. Le taux de participation des femmes à la population active, qui était de 27,9% en 2002, est passé à 33,3% en 2021, a mis en avant la Ministre.

Mme Yanık a aussi souligné que, dans son pays, les femmes avaient obtenu le droit de voter et d'être élues sur un pied d'égalité avec les hommes en 1934, avant de nombreux autres pays. Le taux de femmes parlementaires à la Grande Assemblée nationale de Türkiye, qui était de 4,4% en 2002, a atteint 17,45% en 2018. Plus de la moitié des universitaires, 47% des avocats et architectes, et 40% des fonctionnaires sont des femmes, a notamment indiqué la Ministre.

Questions et observations des membres du Comité

Une experte a relevé que l’histoire de la Turquie, ancien nom de la République de Türkiye, tout au long du XXe siècle, avait été marquée par l’émancipation des femmes et par le progrès des valeurs démocratiques. Le statut des femmes a changé dans la société turque, en lien direct avec le contexte général marqué par une inflexion politique majeure, par l’impact de l’état d’urgence sur les institutions démocratiques, sur l’état de droit et sur les libertés fondamentales, et par l’enchaînement des crises sanitaire et économique.

L’experte a jugé très positif le rappel de l’engagement turc vis-à-vis de la Convention. Elle a demandé si le cadre politique sur l’égalité en Türkiye restait fondé sur la prééminence du droit international, sur le dialogue avec l’Union européenne et sur le principe constitutionnel de laïcité.

La Türkiye, a ajouté l’experte, s’est retirée en juillet 2021 d’un traité emblématique, la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul), que le pays avait été le premier à ratifier. Ce retrait « marque une régression sensible dans la lutte contre les violences, mais plus encore une remise en cause du droit international dans sa contribution au progrès de l’égalité », a mis en garde cette même experte. Elle a noté que cette décision, qui fait l’objet d’un recours constitutionnel, se fonde, d’une part, sur l’existence d’un cadre législatif et institutionnel que la Türkiye juge suffisant et, d’autre part, sur l’interprétation de certaines clauses de cette Convention, alors que la Convention d’Istanbul ne crée aucun droit supplémentaire au regard des traités existants. Au-delà du dialogue de ce jour, a poursuivi l’experte, le Comité propose, dans le cadre d’une procédure ad hoc, de poursuivre et d’approfondir ce dialogue et l’examen précis des dispositions contestées [par le pays] de la Convention d’Istanbul, afin d’envisager toutes les pistes visant la reconsidération de cette décision par la Türkiye.

L’experte a ensuite demandé si la Türkiye s’engageait à privilégier la lutte contre toutes les formes de discriminations dont de nombreuses femmes restent victimes du fait de l’état d’urgence. Elle a demandé si la Commission, créée en 2016, sur l’évaluation de l’impact de l’état d’urgence sur le fonctionnement des institutions démocratiques avait rendu compte des violations particulières des droits des femmes liées à l’état d’urgence.

D’autre part, a souligné la même experte, si la loi turque interdit clairement la discrimination, le Comité constate que les minorités en Türkiye restent l’objet de discriminations multiples et intersectionnelles.

Le Comité mesure l’effort historique et exemplaire de la Türkiye à l’égard des réfugiés, a salué l’experte. Il reste que certains réfugiés accèdent difficilement aux services publics, a-t-elle relevé.

D’autres questions de l’experte ont porté sur les réformes de la justice engagées depuis 2018 et sur le Code de procédure pénale amendé adopté en mai dernier. Elle a demandé si l’indépendance de la justice avait progressé et si l’Académie judiciaire avait intégré la Convention dans la formation des magistrats. L’experte s’est par ailleurs étonnée que la Türkiye n’ait pas adopté de plan national sur le programme « Femmes, paix et sécurité », vu que le pays est largement impliqué dans les questions stratégiques internationales.

Enfin, a rappelé l’experte, la lutte contre le terrorisme est légitime mais ne dispense aucun État de l’obligation d’une riposte équilibrée, ni du respect des droits, notamment ceux des femmes – premières victimes des conflits mais aussi premières forces de paix.

Une autre experte a indiqué que le Comité avait été informé que l'accès des femmes à la justice et aux recours effectifs en cas de violation de leurs droits fondamentaux était compromis en raison de la dégradation généralisée de l'état de droit et de l'affaiblissement de l'indépendance de la justice dans le pays. L'adoption de modifications constitutionnelles en 2017 a considérablement affaibli la capacité du système judiciaire turc à administrer la justice et à fournir des recours efficaces en cas de violations des droits humains, a déploré l’experte, qui a cité à cet égard le licenciement d'environ 30% des juges actifs, soit environ 4000 personnes, dont un nombre élevé de femmes juges et procureurs, pendant l'état d'urgence.

Une experte a demandé dans quelle mesure la Convention d’Istanbul avait réellement entravé la lutte contre la violence envers les femmes en Türkiye. Il semble, s’est inquiétée cette experte, que des voix appellent maintenant au retrait de la Türkiye de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.

Pour une autre experte, le retrait de la Convention d’Istanbul risque d’entraver l’accès des femmes à la justice et de favoriser l’impunité des auteurs de violence envers les femmes. Depuis janvier 2021, 17 femmes sont mortes dans des conditions douteuses, peut-être victimes de « crimes d’honneur », a affirmé cette experte. Elle a demandé comment le Gouvernement turc entendait éliminer les stéréotypes attachés aux femmes.

Selon des informations parvenues au Comité, l’institution nationale des droits de l’homme de la Türkiye n’est pas indépendante sur les plans administratif et financier, a-t-il par ailleurs été relevé.

Une experte a demandé si des mesures temporaires spéciales seraient prises pour augmenter la part des femmes dans les instances de décision de l’État, où elles n’occupent actuellement que 11% des postes, et si des mesures seraient prises pour défendre le droit de réunion pacifique des femmes, en particulier les femmes LBTIQ.

Un expert du Comité a salué les efforts de la Türkiye contre la traite des êtres humains. Il a demandé combien de foyers d’accueil étaient gérés par des organisations non gouvernementales en Türkiye et si le pays appliquait un plan d’action national contre ce problème.

Une experte du Comité a prié la délégation de dire comment le Gouvernement allait augmenter le nombre de femmes occupant des postes élevés dans l’administration et la diplomatie.

D’autres questions des membres du Comité ont porté sur l’acquisition de la nationalité turque et les conditions de la déchéance de nationalité. Il a en outre été demandé comment l’État luttait contre les mariages forcés de femmes et de filles réfugiées à des hommes turcs aux fins d’acquisition de la nationalité.

Le Comité, a dit une experte, s’inquiète de ce que la Türkiye occupe la 140 ème place, sur 156, en ce qui concerne la participation des femmes à la vie économique. Elle a demandé si des mesures seraient prises pour réduire l’écart salarial entre les sexes ; pour permettre aux mères de continuer à travailler ; et pour étendre la couverture sociale à davantage de femmes.

S’agissant des questions de santé, une experte a constaté que le taux de mortalité maternelle continuait de reculer. Elle a toutefois regretté la persistance de pratiques et attitudes discriminatoires qui empêchent les femmes d’exercer leurs droits en matière de santé sexuelle et reproductive, ainsi que l’absence d’éducation sexuelle complète adaptée à chaque âge. En outre, il semble que 54% des hôpitaux publics ne fournissent pas de services d’interruption volontaire de grossesse, a ajouté l’experte. Elle a en outre fait part de préoccupations s’agissant de l’accès des femmes réfugiées syriennes aux services et produits de santé sexuelle et reproductive.

Une experte a regretté que les filles roms soient exclues du système éducatif. Elle a par ailleurs estimé que les femmes et les filles syriennes se heurtaient à des obstacles majeurs pour se relever après leurs traumatismes liés à la guerre et qu’elles ne parvenaient pas à participer à la vie sociale en Türkiye. D’autre part, la Türkiye n’a pas pris de mesure pour protéger les femmes LBT contre la discrimination et la violence, a regretté l’experte.

Une experte a fait part de sa préoccupation devant une proposition d’amendement du Code pénal qui prévoit une amnistie pour les auteurs de crimes sur des mineures qui se marient avec leur victime.

Réponses de la délégation

Le retrait de la Convention d’Istanbul ne signifie en rien que la Türkiye ait changé de position dans la lutte contre les violences faites aux femmes, a assuré la délégation, ajoutant que l’arsenal juridique turc était à la hauteur des normes internationales. La Convention d’Istanbul a suscité certains débats qui ont entravé la lutte contre la violence envers les femmes, a expliqué la délégation. Le Royaume-Uni est membre du Conseil de l’Europe et n’est pas partie à cet instrument, a-t-elle par ailleurs fait remarquer.

Revenant par la suite sur cette question, la délégation a fait valoir que les institutions qui avaient été créées en vertu de la Convention d’Istanbul existent toujours et fonctionnent. Cette Convention est un document cadre : ses articles prennent la forme de recommandations dont le respect suppose la création de mécanismes nationaux ; il ne s’agit pas d’une fin en soi, mais d’un outil pour lutter contre la violence envers les femmes, a déclaré la délégation.

L’état d’urgence a été instauré en 2016 après des violences à l’instigation de membres des forces armées, a poursuivi la délégation. Parallèlement, la Türkiye lutte depuis quarante ans contre l’organisation terroriste PKK, entre autres. La lutte contre le terrorisme, qui est justifiée, est encadrée par l’état de droit, a assuré Mme Yanık. Il n’est pas exact de dire que l’état de droit a été suspendu ; la France a elle-même instauré l’état d’urgence après un attentat terroriste, a argumenté la délégation.

Après la tentative de coup d’État, les opposants condamnés ont pu se tourner vers la commission sur l’état d’urgence, qui a statué sur un certain nombre de cas. Tous les recours nationaux et internationaux sont ouverts aux personnes concernées. Les femmes juges acquittées ont été réintégrées dans leurs fonctions, au même titre que pour les fonctionnaires acquittés, a indiqué la délégation.

L’Institution du Médiateur et la Commission nationale des droits de l’homme de 2012 sont indépendantes, a par ailleurs assuré la délégation, avant de faire valoir que la Commission sur l’état d’urgence a déjà octroyé des réparations et procédé au rétablissement de fonctionnaires dans leurs fonctions, avec paiement rétroactif des salaires.

Beaucoup reste à faire pour faciliter l’ accès des femmes à la justice, a ensuite dit la délégation. Un quatrième plan d’action dans ce domaine est en cours d’application, a-t-elle signalé. Les victimes de crimes sont informées de leurs droits et sont soutenues par un département spécialisé du Ministère de la justice, a-t-elle indiqué.

La délégation a précisé que le Ministre de la famille et des services sociaux collaborait régulièrement avec les organisations de la société civile.

Le quatrième plan d’action pour la lutte contre la discrimination à l’gard des femmes (2021) est basé sur la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, a par ailleurs souligné la délégation. L’objectif est d’éliminer toutes les discriminations à l’égard des femmes et de faire en sorte qu’elles participent à la vie sociale dans des conditions d’égalité. La lutte contre la violence à l’égard des femmes, ainsi que l’autonomisation des femmes sont des priorités, de même que l’accès des femmes à la justice et la statistique, a précisé la délégation.

Le droit de réunion pacifique est assuré, même si certains services publics ne peuvent être interrompus et si certaines manifestations peuvent être interrompues dans les grandes villes pour des raisons de sécurité, a par ailleurs indiqué la délégation.

La loi turque ne contient aucune disposition discriminatoire envers des personnes en fonction de leur orientation sexuelle, a d’autre part assuré la délégation. En cas de discrimination, dans n’importe quel domaine, les personnes lésées peuvent obtenir réparation, a-t-elle ajouté. Les membres de la communauté LGBTIQ+ sont considérés comme des citoyens comme les autres, a insisté la délégation.

S’agissant des femmes LBT, la délégation a indiqué que, selon la Constitution, aucune discrimination en principe ne peut se faire sur la base du sexe et du genre, ou autres critères. La personne qui s’estime lésée peut s’adresser aux tribunaux pour obtenir réparation.

Pendant la pandémie, le nombre de victimes de traite des êtres humains a augmenté, a en outre indiqué la délégation. Les victimes – qui sont à 80% des femmes – obtiennent des permis de séjour provisoires et peuvent être prises en charge dans des foyers d’accueil, a-t-elle fait valoir.

L’âge du mariage est fixé à 18 ans par le Code civil, le mariage à 16 ans étant possible dans des circonstances extraordinaires uniquement, avec le consentement du juge, a rappelé la délégation. Des activités de prévention et de sensibilisation ont été menées dans 17 villes et villages où les mariages précoces sont particulièrement nombreux, a-t-elle ajouté.

En cas d’abus sexuel sur mineure, une enquête est réalisée d’office, même si la victime a épousé son agresseur, a en outre souligné la délégation : il n’y a donc pas d’impunité.

Les juges rejettent la moitié des demandes de mariage de mineurs déposées chaque année, a par ailleurs indiqué la délégation.

On ne compte chaque année que huit ou dix crimes d’honneur , soit un chiffre en nette diminution, a d’autre part fait savoir la délégation.

Quant au harcèlement sexuel en ligne, il est punissable, a-t-il été souligné.

Le Gouvernement est conscient de l’importance de lutter contre les stéréotypes sexistes, a assuré la délégation. Les autorités accordent une très grande importance, à cet égard, aux activités de sensibilisation destinées aux agents de l’État : quelque 2,5 millions d’entre eux en ont été bénéficiaires, notamment 1,4 million de soldats et 346 000 policiers. Le but est de faire prendre conscience de l’existence de stéréotypes et de faire changer les comportements.

La loi 6284 introduit, quant à elle, un programme de formation obligatoire destiné aux magistrats et l’enseignement, très détaillé, porte notamment sur la violence domestique.

La participation des femmes aux prises de décision et à l’emploi est à la hausse, même si la Türkiye n’applique pas de quotas, a ensuite indiqué la délégation.

Aux élections générales de 2018, 104 femmes ont été élues au Parlement, soit 17% des parlementaires, a ensuite indiqué la délégation. La Ministre de la famille et des services sociaux est la seule femme du Cabinet présidentiel (c’est-à-dire la seule femme ministre du Gouvernement), a-t-elle fait savoir.

Pour améliorer l’accès des femmes au marché du travail, le Gouvernement applique des plans de développement et des politiques visant les femmes les plus défavorisées. Des incitations sont versées aux employeurs pour qu’ils embauchent des femmes de plus de 18 ans. D’autres mesures ont permis de réduire la part des femmes employées dans le secteur informel de 70% à 35% depuis 2002, a indiqué la délégation. Elle a évoqué de nombreux autres dispositifs destinés à aider les femmes à intégrer le marché du travail, notamment l’octroi de subventions aux femmes qui inscrivent leurs enfants dans l’enseignement préscolaire.

S’agissant des questions d’éducation, il a notamment été précisé que 87% des filles étaient désormais inscrites dans le secondaire, contre 35% en 2002. Le programme scolaire contient un enseignement à la santé procréative, destiné aux filles comme aux garçons. Les écolières enceintes suivent une formation professionnelle ou un « enseignement ouvert », à distance ou en présentiel : il s’agit de modalités alternatives qui leur permettent de poursuivre leur formation, a expliqué la délégation.

S’agissant des questions de santé, la délégation a d’abord décrit les formations dispensées aux futurs parents, avant de présenter les services de santé procréative offerts aux femmes rurales par le biais d’unités de santé mobiles. Les femmes enceintes bénéficient d’un ensemble de services gratuits, a ajouté la délégation.

Toutes les femmes enceintes qui l’ont demandé ont été vaccinées gratuitement contre la COVID-19, a aussi fait valoir la délégation. Elle a donné d’autres informations sur les mesures de lutte contre le VIH/sida en Türkiye.

Un avortement est possible jusqu’à vingt semaines de grossesse en cas de viol ou d’inceste, avec l’approbation d’un tribunal ; jusqu’à dix semaines de grossesse, la procédure (pour avorter) n’exige pas d’approbation judiciaire, a expliqué la délégation.

Depuis dix ans, la Türkiye a accueilli plus de quatre millions de réfugiés, dont une bonne part de femmes et d’enfants, a par ailleurs fait valoir la délégation. Les femmes migrantes et réfugiées, en particulier les femmes syriennes, accèdent aux soins dans les mêmes conditions que les femmes turques, a-t-elle assuré. Les autorités ont ouvert 780 centres de santé pour migrants, dont trente réservés aux femmes. Les centres organisent, entre autres choses, des cours destinés aux sages-femmes syriennes, afin que les femmes enceintes reçoivent des soins de meilleure qualité.

Les réfugiées qui épousent des hommes turcs n’obtiennent pas immédiatement la nationalité turque, car plusieurs critères supplémentaires s’appliquent dans ce contexte, notamment une durée de séjour minimale dans le pays.

Les femmes syriennes sous protection temporaire bénéficient d’un soutien spécifique destiné à les aider à s’intégrer dans la société turque, par l’intermédiaire de trente centres de solidarité implantés dans seize provinces, a par la suite souligné la délégation.

D’autres centres sont consacrés au soutien aux populations roms, a-t-elle ajouté.

La délégation a par ailleurs indiqué que le Gouvernement turc faisait tout son possible pour remédier aux écarts dans l’accès aux services au détriment des femmes kurdes qui vivent dans les régions orientales du pays.

Remarques de conclusion

MME GLADYS ACOSTA VARGAS, Présidente du Comité, a félicité la Türkiye pour les progrès qu’elle a accomplis. Elle a estimé que la question était ouverte de savoir si le retrait de la Türkiye de la Convention d’Istanbul était favorable aux femmes turques.

MME YANIK a fait remarquer que la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes revêtait une importance croissante dans le contexte actuel difficile. Pour la Türkiye, les droits des femmes et des filles doivent être au cœur de toutes les décisions, a-t-elle affirmé.

D’autre part, vu la numérisation croissante de la société et les risques qui y sont associés pour les femmes, le besoin d’une nouvelle recommandation générale du Comité sur cette question se fait sentir, a estimé Mme Yanık.

Enfin, le Comité devrait tenir compte du contexte sécuritaire et des problèmes particuliers rencontrés par chaque pays, a demandé la Ministre.

 

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CEDAW22.016F