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Le Conseil des droits de l’homme se penche sur les situations au Venezuela et au Soudan du Sud

Compte rendu de séance

 

Ce matin, le Conseil des droits de l’homme a terminé son dialogue, entamé hier, sur la mise à jour orale de Mme Michelle Bachelet concernant la situation des droits de l’homme au Venezuela, en entendant les interventions de plusieurs délégations*, avant d’examiner le rapport de la Mission internationale indépendante d’établissement des faits chargée d’enquêter sur les cas d’exécution extrajudiciaire, de disparition forcée, de détention arbitraire et de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants survenus depuis 2014 dans ce même pays. Le Conseil a ensuite entamé son dialogue avec la Commission sur les droits de l’homme au Soudan du Sud.

S’agissant du Venezuela, Mme Marta Valiñas, Présidente de la Mission internationale indépendante d’établissement des faits, a indiqué que le Gouvernement avait annoncé qu’il prendrait des mesures pour remédier à la situation d’impunité. À cet égard, seule la mise en œuvre des mesures prévues importe réellement, a-t-elle rappelé, tout en soulignant que la reconnaissance de l’existence d’une situation d’impunité à laquelle il faut remédier est déjà une évolution bienvenue.

Mme Valiñas a en outre indiqué que le Gouvernement du Venezuela s’était engagé, auprès de la Cour pénale internationale, à prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer l’administration efficace de la justice dans le pays. Si ce processus représente une occasion pour les victimes d’obtenir justice, a-t-elle ajouté, il demeure cependant des obstacles à l’évaluation des efforts réels de l’État pour poursuivre les violations, notamment l’absence de données ventilées. En outre, toujours selon Mme Valiñas, il faut résoudre les problèmes structurels découlant du manque d’indépendance judiciaire et de l’ingérence des acteurs politiques dans le système judiciaire.

Le Venezuela, intervenant à titre de pays concerné, a dit ne pas reconnaître la Mission d’enquête, un « mécanisme de surveillance créé par une résolution adoptée avec le soutien d'un groupe de pays de moins en moins nombreux ». Il a demandé que soit reconnue la coopération entre le Haut-Commissariat et le Gouvernement vénézuélien, qui donne des résultats concrets.

À cet égard, la Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Mme Michelle Bachelet, concluant le débat sur sa mise à jour orale, a salué l’engagement pris par le Gouvernement vénézuélien à coopérer davantage avec le Haut-Commissariat, et a estimé que l’annonce que des procédures spéciales avaient été invitées au Venezuela était un message important. La Haute-Commissaire a cependant fait part, une nouvelle fois, de sa préoccupation face à la réduction de l’espace civique au Venezuela.

De nombreuses délégations** ont pris part au dialogue avec les membres de la Mission.

Les trois membres de la Commission sur les droits de l’homme au Soudan du Sud, Mme Yasmin Sooka, M. Barney Afako et M. Andrew Clapham, ont ensuite présenté leur rapport. Ils ont relevé que le Soudan du Sud se trouvait à un tournant dans sa transition, certaines dispositions très importantes de l'Accord de paix revitalisé n’ayant toujours pas été appliquées et les élections prévues risquant de plonger le pays dans une violence généralisée.

La Commission, a fait savoir Mme Sooka, est consciente que l'attention internationale est focalisée sur la guerre en Europe et les trois millions de réfugiés qui ont fui l'Ukraine ; il est donc crucial de ne pas oublier le Soudan du Sud et le conflit qui y fait rage et qui est la cause principale du déplacement de deux millions de personnes, et de 2,3 millions de réfugiés. À cause de ce conflit, pas moins de 8,9 millions de personnes ont désespérément besoin d'aide humanitaire, a insisté Mme Sooka.

La Commission, a-t-il en outre été indiqué, a documenté le conflit qui se déroule actuellement au niveau local à Tambura, Warrup, Jonglei, dans la région de Greater Pibor et à Bentiu : des attaques contre les villages y entraînent des massacres de civils, des déplacements forcés sur une base ethnique, ainsi que des viols ciblés et des violences sexuelles à l'encontre des femmes et des jeunes filles perpétrés selon des critères ethniques. D’autre part, le Gouvernement n'a pas réussi à fournir à ses forces engagées dans la contre-insurrection dans l’Equatoria central les ressources et les rations de base, nourriture et fournitures : il en résulte des attaques prédatrices au cours desquelles des femmes et des jeunes filles sont enlevées, violées et retenues comme esclaves sexuelles.

La quasi-totalité des quatorze facteurs de risque de crimes d'atrocité définis par les Nations Unies sont désormais présents au Soudan du Sud, a mis en garde Mme Sooka. Conformément à son mandat, a-t-elle annoncé, la Commission a dressé une liste de 142 personnes qui méritent de faire l’objet d’une enquête pour des crimes relevant du droit national et international, notamment pour leur rôle dans les violences à motivation politique.

Après cette présentation, le Soudan du Sud a réaffirmé son engagement à mettre pleinement en œuvre l'Accord de paix revitalisé. À cet égard, le problème réside dans le manque de soutien de la communauté internationale sous forme d'assistance technique et de renforcement des capacités, en particulier pour les institutions de l'État de droit, a indiqué la délégation sud-soudanaise. Plusieurs délégations*** ont ensuite entamé le dialogue avec la Commission.

 

À 15 heures cet après-midi, le Conseil achèvera son dialogue avec la Commission sur les droits de l’homme au Soudan du Sud, avant d’examiner de se pencher sur les situations en Syrie et au Myanmar.

 

Fin du dialogue sur la mise à jour orale de la Haute-Commissaire concernant la situation des droits de l’homme au Venezuela

Aperçu du débat

Plusieurs délégations ont salué les « efforts remarquables » déployés par le Venezuela dans la protection et la promotion des droits de l’homme, et ont félicité le pays pour sa « collaboration active » avec le Haut-Commissariat aux droits de l’homme. Nombre d’entre elles ont condamné les mandats spécifiques imposés sans le consentement des pays concernés, estimant que ces mandats contredisent les principes d’universalité, d’objectivité et de non-sélectivité, caractéristiques du Conseil.

Les mesures coercitives unilatérales infligées au Venezuela ont été condamnées en ce qu’elles affectent gravement l’exercice des droits de l'homme par les Vénézuéliens, en particulier dans le contexte de la pandémie de COVID-19, ont mis en garde un certain nombre d’orateurs.

D’autres intervenants ont dit suivre avec une grande inquiétude les informations faisant état de la persistance de restrictions à l'espace civique et de détentions arbitraires au Venezuela. Il a été recommandé que le Gouvernement et l’opposition entament un dialogue sérieux pour remettre le pays sur la voie de l’État de droit.

Plusieurs délégations ont dit prendre bonne note de l’évaluation de Mme Bachelet quant aux efforts entrepris par le Venezuela, notamment pour ce qui est des réformes de la police et de la justice : ces efforts représentent une occasion de mettre la loi du Venezuela en conformité avec les normes internationales en matière de droits de l'homme, a-t-il été souligné. L’ouverture d'une « présence plus permanente » du Haut-Commissariat aux droits de l’homme pourrait consolider et encourager de nouveaux progrès à cet égard, a-t-il été suggéré.

Des organisations non gouvernementales (ONG) ont pour leur part dénoncé l’expulsion de peuples autochtones de leurs terres pour laisser la place à des projets d’extraction minière qu’elles ont qualifiés d’illégaux ; la commission au Venezuela de quelque 3034 exécutions extrajudiciaires en 2020 et 1414 en 2021 ; ou encore des attaques contre les médias et les défenseurs des droits de l’homme.

Une ONG a déclaré que les raisons de la « migration forcée vénézuélienne, l'une des plus graves au monde », ne tenaient pas aux catastrophes naturelles ni aux conflits armés, mais à la crise des droits de l'homme et notamment à la violence d'État et à l'impunité systématique au Venezuela.

*Liste des intervenants : Burundi, République démocratique populaire lao, Pérou, Iran, Pays-Bas, Zimbabwe, Organisation des États américains (OEA), Géorgie, Istituto Internazionale Maria Ausiliatrice, Centre pour les droits civils et politiques, International Human Rights Association of American Minorities (IHRAAM), Organisation mondiale contre la torture, Fédération internationale des ligues de droits de l’homme, Human Rights Watch , CIVICUS, Amnesty International, Commission internationale des juristes, Asociación HazteOir.org.

Réponses et remarques de conclusion de la Haute-Commissaire

MME MICHELLE BACHELET, Haute-Commissaire aux droits de l’homme, a salué l’engagement pris par le Venezuela de coopérer davantage avec le Haut-Commissariat. L’annonce que des procédures spéciales sont invitées au Venezuela est un message important, a-t-elle ajouté.

Le Haut-Commissariat, déjà présent sur le terrain par le biais du coordonnateur résident des Nations Unies, a renforcé sa coopération avec les organisations non gouvernementales et la société civile, a souligné la Haute-Commissaire. L’équipe au Venezuela compte neuf spécialistes des droits de l’homme et continue à œuvrer à l’ouverture d’un bureau sur place pour renforcer encore la coopération, a-t-elle fait savoir.

Les réformes en cours sont une excellente occasion de renforcer les liens avec la société civile, a d’autre part souligné Mme Bachelet, qui a fait part, une nouvelle fois, de sa préoccupation face à la réduction de l’espace civique au Venezuela: elle a recommandé au Gouvernement de nouer un dialogue avec tous les acteurs de la société civile, y compris les journalistes, les médias et les défenseurs des droits de l’homme, dont a participation est essentielle une société démocratique, a-t-elle insisté.

Dialogue avec la Mission internationale indépendante d’établissement des faits sur le Venezuela

Le Conseil est saisi d’une mise à jour orale de la Mission internationale indépendante d’établissement des faits chargée d’enquêter sur les cas d’exécution extrajudiciaire, de disparition forcée, de détention arbitraire et de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants survenus depuis 2014 au Venezuela.

Présentation

MME MARTA VALIÑAS, Présidente de la Mission internationale indépendante d’établissement des faits sur la République bolivarienne du Venezuela, a relevé que le Gouvernement vénézuélien avait annoncé qu’il prendrait des mesures pour remédier à la situation d’impunité au Venezuela. Bien que ce qui importe vraiment, c’est la mise en œuvre des mesures prévues, la reconnaissance de l’existence d’une situation d’impunité à laquelle il faut remédier est déjà une évolution bienvenue, a-t-elle souligné.

Peu de temps après la publication du deuxième rapport de la Mission, a poursuivi Mme Valiñas, le Gouvernement a signé un mémorandum d’accord avec le Bureau du Procureur de la Cour pénale internationale dans lequel il s’est engagé à prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer l’administration efficace de la justice dans le pays, conformément aux normes internationales. Ce processus représente une occasion pour les victimes d’obtenir justice, a souligné la Présidente de la Mission.

Toutefois, l’absence de données ventilées et d’informations essentielles sur les crimes reprochés ou sur le rang ou le niveau de responsabilité des auteurs continue d’être un obstacle à l’évaluation des efforts réels de l’État pour enquêter et poursuivre ces violations, a déclaré Mme Valiñas, avant de présenter une série de cas sur lesquels la Mission enquête. Des efforts concertés sont nécessaires pour résoudre les problèmes structurels découlant du manque d’indépendance judiciaire et de l’ingérence des acteurs politiques dans le système judiciaire, a-t-elle indiqué.

L’Assemblée nationale du Venezuela a adopté en décembre 2021 une loi portant création de la Commission pour la garantie de la justice et des réparations pour les victimes de crimes contre les droits de l’homme. Néanmoins, cette loi, qui n’a pas encore été rendue opérationnelle, n’accorde à la Commission que des pouvoirs limités pour superviser les enquêtes et formuler des recommandations, a regretté Mme Valiñas.

Malgré deux années de demandes ignorées, la Mission continue de demander une collaboration avec les autorités vénézuéliennes, a par ailleurs souligné Mme Valiñas, avant d’assurer qu’elle allait continuer de travailler de manière indépendante, impartiale, objective et rigoureuse pour constituer un ensemble crédible d’informations qui sera présenté à ce Conseil en septembre de cette année.

Pays concerné

Le Venezuela a jugé pénible de faire perdre, une fois de plus, le temps du Conseil en examinant des mises à jour et rapports préparés par ceux qui cherchent à « légitimer l'illégitime ». Le Venezuela a dit ne pas reconnaître ce mécanisme de surveillance créé par une résolution adoptée avec le soutien d'un groupe de pays de moins en moins nombreux. La présence et l’intervention du Venezuela dans ce dialogue s'inscrivent dans la logique de la défense de la vérité, de la dignité et de la souveraineté du Venezuela, a ajouté la délégation vénézuélienne.

Comme les présentations précédentes, a-t-elle poursuivi, cette mise à jour orale manque de sérieux, de rigueur scientifique et de méthodologie, et est clairement politisée. Le Venezuela a estimé injustifiable que la Mission dispose aujourd'hui de ressources financières bien plus importantes que l'équipe du Haut-Commissariat au Venezuela.

Le Venezuela a demandé aux pays qui le persécutent politiquement, de même qu’au Conseil, de reconnaître et de soutenir la coopération entre le Haut-Commissariat et le Gouvernement vénézuélien, suite au protocole d'accord signé en 2019, et renouvelé récemment, qui donne des résultats concrets. Le pays a également demandé que soit condamnée sans équivoque l'application de mesures coercitives unilatérales illégales au détriment des droits humains des Vénézuéliens.

Aperçu du débat

Plusieurs délégations se sont dites gravement préoccupées par la détérioration continue de la situation des droits de l’homme au Venezuela, notamment par les informations faisant état de cas de torture et d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, de violence sexuelle et sexiste, de disparitions forcées, d’arrestations et de détentions arbitraires, ainsi que de violations des garanties de procédure régulière à l’encontre de personnes en raison de leur implication présumée dans des actions visant à déstabiliser le Gouvernement.

Ont également été déplorés la stigmatisation, le harcèlement et la répression des défenseurs des droits humains, des journalistes et autres travailleurs des médias, des dirigeants syndicaux et de l’opposition, y compris par la criminalisation et les détentions arbitraires.

Plusieurs appels ont été lancés afin que les autorités vénézuéliennes libèrent sans condition toutes les personnes injustement détenues pour des raisons politiques.

L’impunité qui règne face aux violations des droits de l’homme, y compris les violations passées, est inacceptable, a-t-il été souligné. Il faut que les autorités mettent un terme aux violations des droits de l’homme, y remédient et les préviennent ; il faut également qu’elles garantissent des enquêtes exhaustives et impartiales et demandent des comptes aux responsables, ont insisté plusieurs intervenants.

Les autorités vénézuéliennes ont également été invitées à coopérer avec tous les mécanismes internationaux pertinents en matière de droits humains et de reddition de comptes, y compris la Mission internationale indépendante d’établissement des faits, le Haut-Commissariat aux droits de l’homme et la Cour pénale internationale.

Reconnaissant les efforts déployés par le Gouvernement vénézuélien pour faire prévaloir la paix et l’état de droit, plusieurs délégations ont affirmé leur solidarité « inébranlable » avec le peuple et le Gouvernement vénézuéliens ; le présent débat, a-t-il été affirmé, découle d’une « résolution interventionniste et politiquement motivée ». Le Venezuela a été félicité pour la promotion et la protection continues des droits de l’homme, ainsi que pour la reprise progressive de la situation économique et sociale du pays, malgré les impacts négatifs de la pandémie de COVID-19.

Plusieurs intervenants ont par ailleurs condamné les mesures coercitives unilatérales imposées au Venezuela qui, a-t-il été souligné, ont des répercussions importantes sur la population.

Ce mandat est utilisé pour exercer une pression politique sur le Venezuela, a-t-il été affirmé. Il a été regretté qu’il y ait deux dialogues en moins de 24 heures sur la situation des droits de l’homme dans ce pays. L’histoire a montré que les mandats (de pays) qui n’ont pas l’aval du pays concerné sont inefficaces, ont estimé plusieurs délégations.

**Liste des intervenants : Union européenne, Allemagne, Israël, Canada, République démocratique du Congo, Paraguay, Équateur, Cuba, Syrie, Japon, Chine, Espagne, Sri Lanka, Fédération de Russie, France, Yémen, Suède, Chili, Bélarus, États-Unis, Royaume-Uni, République tchèque, Nicaragua, Colombie, Érythrée, Pologne, Portugal, Géorgie, Iran, Luxembourg, Suisse, Organisations des États américains, Bolivie, Pérou, Guatemala , Freedom House, Centre pour les Droits Civils et Politiques - Centre CCPR, International Service for Human Rights, United Nations Watch, International Commission of Jurists, International Bar Association, Amnesty International, Ingenieurs du Monde, et Advocates for Human Rights.

Réponses et remarques de conclusion de la Mission

MME PATRICIA TAPPATA VALDEZ, membre de la Mission, a indiqué que les États peuvent contribuer à l’amélioration de la situation au Venezuela en appuyant les différents mandats des droits de l’homme afin qu’il y ait des progrès dans le système judiciaire. Il faut continuer à observer les faits au niveau international, a-t-elle plaidé. L’accès à la justice pour les victimes est une norme essentielle en matière de droits de l’homme, a-t-elle rappelé.

M. FRANCISCO COX VIAL, membre de la Mission, a indiqué que, contrairement aux affirmations du Venezuela, les sources du rapport n’étaient pas secondaires puisque il s’agit de documents officiels et de témoignages de victimes et témoins directs des violations. Ce rapport est donc solide et bien détaillé, a-t-il insisté. La Mission va continuer à enquêter sur les violences sexuelles et les violences basées sur le genre, a-t-il indiqué.

Dialogue avec la Commission sur la situation des droits de l’homme au Soudan du Sud

Le Conseil est saisi du rapport de la Commission sur les droits de l’homme au Soudan du Sud (A/HRC/49/78).

Présentation

Présentant le rapport, MME YASMIN SOOKA, membre de la Commission sur les droits de l’homme au Soudan du Sud, a déclaré que le Soudan du Sud se trouvait à un tournant dans sa transition, certaines dispositions très importantes de l'Accord de paix revitalisé n’ayant toujours pas été appliquées et les élections prévues risquant de plonger le pays dans une violence massive.

La Commission est consciente que l'attention internationale est focalisée sur la guerre en Europe et les trois millions de réfugiés qui ont fui l'Ukraine, a poursuivi Mme Sooka ; il est donc crucial de ne pas oublier le Soudan du Sud et le conflit qui y fait rage, qui est la cause principale du déplacement de deux millions de personnes, et de 2,3 millions de réfugiés – ce qui en fait la plus grosse crise de réfugiés en Afrique. À cause de ce conflit, pas moins de 8,9 millions de personnes ont désespérément besoin d'aide humanitaire, et quelque 1,7 million de personnes seraient confrontées à des niveaux d'urgence de famine dans 35 comtés, a indiqué Mme Sooka.

La communauté internationale a mis dix millions de dollars américains à la disposition du Soudan du Sud pour faire face à la crise humanitaire : or, l'argent et le riz destinés aux personnes les plus exposées ont été pillés par des élites politiques prédatrices, a déploré Mme Sooka.

Le fait que des dirigeants de la société civile participant au processus de justice transitionnelle aient été contraints de fuir le pays à la suite de menaces de mort en dit long : dans ce climat de peur et de terreur, on ne peut pas parler d'élaboration de la constitution, d'élections et de justice transitionnelle, a souligné Mme Sooka.

En outre, la Commission a documenté le conflit violent qui se déroule actuellement au niveau local à Tambura, Warrup, Jonglei, dans la région de Greater Pibor et à Bentiu. La violence a de graves conséquences pour les civils : les attaques contre les villages entraînent en effet des massacres de civils, des déplacements forcés sur une base ethnique, ainsi que des viols ciblés et des violences sexuelles à l'encontre des femmes et des jeunes filles perpétrés selon des critères ethniques. Cette violence est le reflet de l'intense lutte politique pour le pouvoir et le territoire menée par les élites politiques au niveau national, a dit Mme Sooka.

Au niveau national, la contre-insurrection dans l’Equatoria central continue de faire rage. Le Gouvernement n'a pas réussi à fournir à ses forces les ressources et les rations de base, y compris la nourriture et les fournitures, les laissant vivre dans une misère noire. Il en résulte des attaques prédatrices contre les villages, au cours desquelles des femmes et des jeunes filles locales sont enlevées, violées et retenues comme esclaves sexuelles. Dans un document qui sera publié la semaine prochaine, la Commission mettra en lumière l’impact de ces violations flagrantes des droits humains et des violences contre les femmes et les filles, en se basant sur la collecte de témoignages de survivantes et de témoins, a annoncé Mme Sooka.

M. BARNEY AFAKO, également membre de la Commission, a demandé aux signataires de l'Accord de paix revitalisé de faire preuve d'une détermination renouvelée pour achever la mise en œuvre de leurs engagements envers la transition, et aux partenaires du Gouvernement de redoubler d'efforts pour achever l'intégration des forces [armées] et s'attaquer aux autres réformes en suspens dans ce secteur.

En ce qui concerne la justice transitionnelle, il faudra appliquer de toute urgence les mesures identifiées par la conférence de décembre 2021 organisée par la Commission, en vue de finaliser la création de la Cour hybride pour le Soudan du Sud. D’autres mesures devront être prises pour créer l'Autorité de compensation et de réparation et pour mettre en place la Cour constitutionnelle. M. Afako a fait d’autres recommandations concernant le renforcement de l’état de droit, l'élaboration d'une constitution, la participation de la société civile et la tenue d'élections nationales.

Enfin, M. ANDREW CLAPHAM, lui aussi membre de la Commission, a fait observer que l'élaboration d'une constitution et la tenue d’élections exigeaient des dispositions juridiques, institutionnelles, sécuritaires et logistiques considérables qui ne sont pas encore établies. Il est fondamental de reconnaître les risques d'une polarisation et d'une violence politique accrues autour des élections, en particulier lorsque les bases du processus sont insuffisantes, a insisté l’expert. Les conséquences d'un scrutin précipité, au sein d'un système politique contesté, et sans que les conditions de sécurité et de démocratie requises soient en place, pourraient en effet être désastreuses, a mis en garde M. Clapham.

Reprenant la parole pour conclure, MME SOOKA a estimé que l'Accord de paix revitalisé offrait un cadre solide pour relever les problèmes que rencontre le Soudan du Sud : à cet égard, a-t-elle mise en garde, la quasi-totalité des quatorze facteurs de risque de crimes d'atrocité définis par les Nations Unies sont désormais présents au Soudan du Sud. Conformément à son mandat, la Commission a dressé une liste de 142 personnes qui méritent de faire l’objet d’une enquête pour des crimes relevant du droit national et international, notamment pour leur rôle dans les violences à motivation politique, a conclu Mme Sooka.

Pays concerné

Le Soudan du Sud a d’abord fait état, s’agissant de la situation générale en matière de sécurité, du maintien du cessez-le-feu et de l’amélioration de la sécurité le long des principales routes d'Equatoria, tandis que le conflit à Tambura, dans l'État d'Equatoria occidental, a été résolu par le Conseil de défense conjoint par le biais d'un dialogue avec toutes les parties au conflit.

Concernant la justice transitionnelle, le Gouvernement enverra, le 30 mars, des membres du comité technique dans les États pour mener des consultations nationales avant la rédaction de la législation relative à la création de la Commission pour la vérité, la réconciliation et la guérison. D’autre part, un groupe de travail du Ministère de la justice travaille actuellement avec certains partenaires internationaux pour créer l’Autorité de compensation et de réparation, et d’autres progrès sont en cours s’agissant de la réforme judiciaire et de l’élaboration d'une constitution définitive.

Le Soudan du Sud a réaffirmé l’engagement du Gouvernement à mettre pleinement en œuvre l'Accord de paix revitalisé. À cet égard, le problème réside dans le manque de soutien de la communauté internationale sous forme d'assistance technique et de renforcement des capacités, en particulier pour les institutions de l'État de droit.

Le Gouvernement a soumis, aux organes de traité concernés, les rapports sur la mise en œuvre des instruments internationaux auxquels le pays est partie, et a passé avec succès son deuxième cycle d'EPU en janvier 2022, a fait valoir la délégation sud-soudanaise. En conclusion, le Soudan du Sud a demandé au Conseil et au Haut-Commissariat de lui fournir les outils nécessaires, sous forme d'assistance technique et de renforcement des capacités, afin de permettre au Gouvernement de fournir des services aux citoyens.

Aperçu du débat

Le Soudan du Sud a été remercié à plusieurs reprises pour avoir permis à la Commission de se rendre à Juba. Plusieurs délégations ont salué le fait que certains progrès aient été réalisés dans la mise en œuvre de l’Accord de paix revitalisé. D’autres ont regretté le peu d’avancées dans les domaines de la réforme constitutionnelle et électorale et de la justice transitionnelle.

Plusieurs intervenants se sont montrés préoccupés par la lenteur de la mise en œuvre de l’Accord de paix et par la persistance de la violence, des déplacements et des violations et abus flagrants des droits de l’homme, y compris la violence sexuelle et sexiste, ainsi que par la répression sévère et continue de l’espace et des acteurs de la société civile.

A aussi été dénoncée l’absence de reddition de comptes concernant les auteurs d’atrocités. De nombreuses délégations ont dénoncé la répression, les arrestations arbitraires, les disparitions et les exécutions extrajudiciaires qui se poursuivent dans un climat d’impunité.

Plusieurs appels ont été lancés pour que soit prorogé le mandat de la Commission.

De profondes inquiétudes ont été exprimées s’agissant de la situation humanitaire catastrophique au Soudan du Sud. Une délégation a jugé affolant le chiffre de 8,3 millions de personnes menacés par la faim en 2022.

Plusieurs délégations ont pour leur part estimé que certains débats sur les pays spécifiques au Conseil des droits de l’homme s’écartent des principes qui sont ceux de cette instance et nuisent à la crédibilité de l’ensemble des mécanismes des droits de l’homme. Certains ont en outre dénoncé une politisation, une sélectivité et une application de « deux poids, deux mesures » dans le domaine des droits de l’homme.

***Liste des intervenants : Union européenne, Norvège (au nom d’un groupe de pays), Arabie saoudite (au nom d’un groupe de pays), Allemagne, République populaire démocratique de Corée, Libye, ONU Femmes, France, Venezuela, Luxembourg, Chine, Sri Lanka, Fédération de Russie, Australie, Irlande, États-Unis, Royaume-Uni, République tchèque, Albanie, Botswana, et Belgique.

 

Ce document produit par le Service de l’information des Nations Unies à Genève est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel.

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