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Conseil des droits de l’homme : la situation des droits de l’homme en Éthiopie s’est considérablement détériorée et, en Afghanistan, en dépit d’une forte diminution des victimes civiles, elle reste préoccupante, affirme Mme Bachelet

Compte rendu de séance

 

Le Conseil des droits de l’homme a entendu, cet après-midi, la Haute-Commissaire aux droits de l’homme, Mme Michelle Bachelet, présenter son rapport sur la situation des droits de l’homme en Afghanistan et une mise à jour sur la situation des droits de l’homme dans la région du Tigré en Éthiopie.

S’agissant de l’Afghanistan, Mme Bachelet a fait savoir que si un recul des hostilités dans ce pays avait permis une forte diminution des victimes civiles, la situation des droits de l'homme y demeurait cependant préoccupante. Plus de la moitié de la population souffre aujourd'hui de niveaux extrêmes de faim, tandis qu’une augmentation du travail des enfants, des mariages d'enfants et de la vente d'enfants a été observée, a-t-elle indiqué. En outre, l'aide non humanitaire, dont dépendait la quasi-totalité des fonctions essentielles de l'État avant la prise de pouvoir par les Taliban, a été suspendue, a-t-elle ajouté.

Les mesures prises par les autorités de facto en Afghanistan ont restreint les libertés et les droits fondamentaux des femmes et des filles, a poursuivi la Haute-Commissaire. Mme Bachelet a ensuite fait état de meurtres, de détentions ou de menaces à l’encontre des défenseurs des droits humains et des professionnels des médias ; ainsi que de vives inquiétudes pour la sûreté et la sécurité des juges, procureurs et avocats afghans de l'administration précédente. Elle a indiqué que le Haut-Commissariat avait reçu des informations crédibles selon lesquelles plus de cent anciens membres des forces de sécurité et de défense nationales afghanes ou du personnel du gouvernement, ou des membres de leur famille, auraient été exécutés par les autorités de facto ou leurs affiliés depuis le mois d'août.

La délégation afghane qui a prononcé une déclaration à titre de pays concerné a affirmé que la situation sur le terrain se fragilisait de jour en jour, et que « les violations, les abus et la peur continuent de définir la vie quotidienne » du peuple afghan. De nombreuses délégations* ont ensuite pris part au dialogue avec Mme Bachelet. La création par le Conseil, en octobre dernier, d’un mandat de Rapporteur spécial chargé de suivre l’évolution de la situation des droits de l’homme en Afghanistan a été jugée de manière positive, notamment eu égard au rôle qu’il est appelé à jouer dans la reddition de comptes.

La situation des droits de l’homme dans la région du Tigré, en Éthiopie, s’est « considérablement détériorée » depuis le 22 novembre 2021, en grande partie en raison de l’extension du conflit à d’autres parties du nord de l’Éthiopie, a ensuite indiqué Mme Bachelet dans une mise à jour orale. Elle a souligné que la vie des civils et les infrastructures civiles, y compris les écoles, les installations médicales et les marchés, doivent être protégées. Elle s’est dite alarmée par la crise humanitaire croissante, soulignant que les hostilités et l’insécurité continuent de bloquer la livraison de fournitures humanitaires au Tigré. Mme Bachelet a en outre rappelé que selon le Programme alimentaire mondial, 4,6 millions de personnes étaient confrontées à l’insécurité alimentaire dans le pays à la fin janvier 2022. Elle a ajouté être préoccupée par la poursuite du déplacement interne d’un très grand nombre de personnes au cours de la période considérée. Durant la période couverte par le rapport, le Haut-Commissariat a enregistré plus de 15 000 arrestations et détentions arbitraires en lien avec l’état d’urgence décrété par le Gouvernement, dont la plupart semblent toucher des citoyens ordinaires d’appartenance ethnique tigréenne, a d’autre part indiqué Mme Bachelet.

La Haute-Commissaire a toutefois attiré l’attention sur les pas en avant bienvenus que constituent : la mise en place par le Gouvernement d’un groupe de travail interministériel chargé de superviser la mise en œuvre des recommandations issues du rapport conjoint avec la Commission des droits de l’homme de l’Éthiopie ; la priorité accordée au Comité des enquêtes et des poursuites au sein de ce groupe de travail, avec le déploiement d’équipes d’enquête ; et la mise en place d’une Commission nationale de dialogue pour préparer un dialogue plus constructif en vue d’un règlement pacifique du conflit.

L’Éthiopie a fait une déclaration à titre de pays concerné : elle a affirmé que le récit peu reluisant de la situation de l’Éthiopie sur le terrain faite devant le Conseil ne correspondait pas à la réalité et a expliqué que l’Éthiopie a dû contrer des attaques terroristes sur son territoire. Le Gouvernement s’efforce de faire revenir le pays à la normale et la communauté internationale doit soutenir l’Éthiopie dans ses efforts de stabilisation, a insisté la délégation éthiopienne. Plusieurs délégations** ont ensuite engagé le dialogue avec la Haute-Commissaire.

 

Le Conseil achèvera demain matin, à partir de 9 heures, son dialogue sur la situation des droits de l’homme dans la région du Tigré, avant d’entendre une mise à jour de la Haute-Commissaire sur la situation des droits de l’homme dans le monde, suivie de la présentation de plusieurs rapports sur les activités du Haut-Commissariat.

 

Dialogue autour du rapport de la Haute-Commissaire sur la situation des droits de l’homme en Afghanistan

Le Conseil est saisi du rapport de la Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme sur la situation des droits de l’homme en Afghanistan (A/HRC/49/24, à paraître en français), qui met l'accent sur l'évolution de la situation des droits de l'homme depuis que les Taliban ont pris le pouvoir le 15 août 2021.

Présentation

Présentant son rapport, la Haute-Commissaire aux droits de l’homme, MME MICHELLE BACHELET, a d’abord constaté que si un recul des hostilités avait permis une forte diminution des victimes civiles, la situation des droits de l'homme pour de nombreux Afghans demeurait profondément préoccupante. Ainsi, du 15 août 2021 au 15 février 2022, la Mission d'assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA) et le Haut-Commissariat ont-ils recensé au moins 1153 victimes civiles, dont 397 décès. Plusieurs attentats ont été perpétrés par l’« État islamique au Khorassan » (ISKP) contre des musulmans chiites issus de l'ethnie hazara, et le Haut-Commissariat a par ailleurs constaté plus de cinquante exécutions extrajudiciaires de personnes soupçonnées d'être liées à l’ISKP.

D’un autre côté, Mme Bachelet a relevé que, le 23 février, le Ministre de l'intérieur de facto aurait publié un décret ordonnant aux forces de sécurité de ne pas ouvrir le feu sur les personnes aux points de contrôle et exigeant que ces forces obtiennent une décision de justice avant de fouiller des domiciles privés.

Plus de la moitié de la population souffre aujourd'hui de niveaux extrêmes de faim, tandis qu’une augmentation du travail des enfants, des mariages d'enfants et de la vente d'enfants a été observée, a ensuite fait observer Mme Bachelet.

En outre, l'aide non humanitaire, dont dépendait la quasi-totalité des fonctions essentielles de l'État avant la prise de pouvoir par les Taliban, a été suspendue. L'adoption par le Conseil de sécurité, en décembre, de la résolution 2615 visant à exempter les transactions humanitaires du régime de sanctions est une première étape bienvenue et pourrait sauver des millions de vies, a dit Mme Bachelet.

Les mesures prises par les autorités de facto ont restreint les libertés et les droits fondamentaux des femmes et des filles, a fait observer la Haute-Commissaire. Depuis août 2021, les femmes sont largement exclues du marché du travail, tant en raison de la crise économique que des restrictions imposées par les autorités de facto. Dans le secteur public, quelques exceptions sont faites pour les femmes travaillant dans les soins de santé, les écoles primaires, ainsi que pour un très petit nombre de fonctionnaires. Les restrictions à la liberté de mouvement ont un impact négatif sur d'autres aspects de la vie des femmes, notamment l'accès aux services de santé, a ajouté Mme Bachelet. Elle a dit souscrire pleinement aux revendications des femmes et des filles afghanes quant à leur droit de participer pleinement à tous les aspects de la vie civique, économique, politique et publique.

Mme Bachelet a ensuite fait état de meurtres, de détentions ou de menaces à l’encontre des défenseurs des droits humains et des professionnels des médias ; ainsi que de vives inquiétudes pour la sûreté et la sécurité des juges, procureurs et avocats afghans de l'administration précédente, en particulier les femmes juristes. Le Haut-Commissariat a reçu des informations crédibles selon lesquelles plus de cent anciens membres des forces de sécurité et de défense nationales afghanes ou du personnel du gouvernement, ou des membres de leur famille, auraient été exécutés par les autorités de facto ou leurs affiliés depuis le mois d'août, a indiqué Mme Bachelet.

Pays concerné

L’Afghanistan a déclaré que la situation sur le terrain se fragilisait de jour en jour, et que « les violations, les abus et la peur continuent de définir la vie quotidienne » du peuple afghan. Au cours des deux dernières décennies, a dit la délégation, l'Afghanistan nouveau et démocratique avait respecté ses obligations internationales et maintenu un niveau de collaboration sans précédent avec les mécanismes de défense des droits de l'homme, avec la société civile et l’institution nationale des droits de l'homme, a poursuivi la délégation. Cependant, l’abandon du pouvoir puis, le 15 août 2021, la prise de pouvoir par les Taliban ont placé l'Afghanistan sur une trajectoire descendante. Loin des promesses d'amnistie générale et des assurances creuses données durant les pourparlers de paix de Doha, les Taliban ont repris un cycle de vengeance et de violence, a dénoncé la délégation. Comme l'indique le rapport de la Haute-Commissaire, ils ont commis une litanie de violations des droits de l’homme et du droit humanitaire international, en toute impunité – des violations dont la plupart ne sont ni signalées, ni documentées, avec en particulier des disparitions forcées, des assassinats ciblés et des exécutions sommaires, outre la persistance de l'insécurité alimentaire.

Les Taliban et leurs affiliés sont toujours désignés comme des entités terroristes dans plusieurs États Membres, a rappelé la délégation. « Abandonner l’Afghanistan aux Taliban, normaliser ou, pire encore, reconnaître leur régime brutal, revient à donner un blanc-seing à tous les groupes similaires pour qu'ils commettent des violences en toute impunité, démantèlent les droits de l'homme et les libertés fondamentales et soient ensuite récompensés par la reconnaissance internationale », a-t-elle mis en garde.

Aperçu du débat

Nonobstant une « baisse significative des hostilités armées », de très nombreuses délégations se sont dites, cet après-midi, préoccupées par la détérioration générale de la situation des droits de l'homme en Afghanistan. Elles ont notamment déploré les informations faisant état d'exécutions arbitraires, de violences et d'intimidations à l'encontre de manifestants pacifiques, de journalistes et d'autres professionnels des médias, de défenseurs des droits de l'homme, de personnes associées au précédent gouvernement ou encore de personnes appartenant à des minorités ethniques, religieuses et sexuelles – et ce malgré l’amnistie proclamée par les Taliban.

Dans un tel contexte, la création par le Conseil, en octobre 2021, d’un mandat de Rapporteur spécial chargé de suivre l’évolution de la situation des droits de l’homme en Afghanistan a été jugée de manière positive, notamment eu égard au rôle qu’il est appelé à jouer, avec la MANUA, dans la reddition de comptes.

De nombreux intervenants ont déploré les violations des droits des femmes et des filles afghanes, en particulier « par l'imposition de normes et de pratiques sexistes restrictives et de limitations formelles », notamment en ce qui concerne leur liberté de mouvement et leur accès à la santé, à l'éducation et à l'emploi. Il a été demandé que les femmes et les filles puissent participer à la vie publique, de même qu’exercer leur droit à l'éducation dans des conditions d'égalité : les Taliban ont été appelés à préserver, à cet égard, les acquis des deux décennies écoulées.

Pour d’autres délégations, l'Afghanistan traverse une période critique qui exige « une plus grande compréhension et le soutien de la communauté internationale ». Le « gouvernement intérimaire afghan » a été appelé, pour sa part, à faire davantage preuve d'ouverture et de tolérance, à éliminer les organisations terroristes et à vivre en amitié avec tous les pays du monde. Quant aux pays donateurs, ils ont été appelés à trouver des solutions pour débloquer et acheminer l’aide humanitaire indispensable à la survie de millions de personnes dans le pays.

Une organisation non gouvernementale (ONG) a estimé que l'investissement dans la santé devait être une priorité pour réduire la mortalité et la morbidité maternelles ; il faut aussi offrir des possibilités d'emploi aux femmes, a-t-elle ajouté. Une autre ONG a fait observer que jusqu'à 15 millions d'enfants afghans pourraient souffrir de problèmes de santé mentale.

Un règlement rapide de la situation en Afghanistan est l'un des facteurs les plus importants pour maintenir la sécurité et la stabilité en Asie centrale, a-t-il été souligné à plusieurs reprises.

Une délégation a exhorté les États-Unis – dont elle a jugé que le « retrait hâtif » l’été dernier était, entre autres raisons, à l'origine du « problème afghan » – à lever les sanctions unilatérales contre l'Afghanistan et à restituer sans condition les biens appartenant au peuple afghan. De même, selon un autre intervenant, le retard dans l’application concrète des engagements pris par les Taliban en ce qui concerne, notamment, l'accès des filles à l'éducation, est dû en grande partie au manque de ressources financières imputable au gel des avoirs de l'Afghanistan par l'Occident.

Une ONG a quant à elle affirmé que « sans le Pakistan, il n’y aurait pas de Taliban ».

Réponses et remarques de conclusion de la Sous-Secrétaire générale aux droits de l’homme

MME ILZE BRANDS KEHRIS, Sous-Secrétaire générale aux droits de l’homme, a insisté sur la nécessité d’un engagement coordonné de la communauté internationale avec les autorités de facto en Afghanistan, l’accent devant porter sur le respect des droits humains fondamentaux, y compris ceux des femmes et des filles. Les États musulmans peuvent, quant à eux, jouer un rôle de pont entre l’Afghanistan et le reste de la communauté internationale, a-t-elle ajouté.

La communauté internationale doit accorder une marge de manœuvre à l’économie afghane en faisant preuve de souplesse dans la gestion des sanctions et des gels d’avoirs, a d’autre part souligné la Sous-Secrétaire générale. Par le biais de la composante « droits de l’homme » de la MANUA, le Haut-Commissariat communique avec les Taliban au niveau des autorités de facto centrales et locales, a-t-elle poursuivi, indiquant que les Haut-Commissariat allait identifier dans quels domaines il peut aider les autorités de facto à assumer leurs responsabilités. Enfin, le Haut-Commissariat estime qu’à long terme, des mécanismes de justice transitionnelle seront indispensables pour le retour à la paix dans le pays, a indiqué Mme Brands Kehris.

*Liste des intervenants : Union européenne, Pakistan (au nom de l’Organisation de la coopération islamique), Mexique (au nom d’un groupe de pays), Islande (au nom d’un groupe de pays), Australie (au nom d’un groupe de pays), Liechtenstein, Allemagne, Qatar, Canada, Émirats arabes unis, Sierra Leone, Monténégro, ONU Femmes, Luxembourg, Inde, France, Venezuela, Équateur, Chine, Pakistan, Égypte, Espagne, Arabie saoudite, Pays-Bas, Suisse, Indonésie, Fédération de Russie, Australie, Irlande, Belgique, Royaume-Uni, Grèce, Albanie, Malte, Croatie, Turquie, Pologne, Italie, Nouvelle-Zélande, Malawi, Iran, Kazakhstan, Japon, Commission indépendante des droits de l’homme de l’Afghanistan, Law Council of Australia,EMERGENCY – Life Support for Civilian War Victims,Women’s International League for Peace and Freedom, Freedom Now, Fédération internationale des ligues des droits de l’homme, Save the Children International,World Evangelical Alliance,Organisation for Poverty Alleviation and Development,Alliance Defending Freedom et British Humanist Association.

Dialogue autour de la mise à jour orale de la Haute-Commissaire sur la situation des droits de l’homme dans la région du Tigré en Éthiopie

Présentation

Présentant sa mise à jour orale sur la situation des droits de l’homme dans la région du Tigré, en Éthiopie, conformément à la résolution 47/13 du Conseil, MME MICHELLE BACHELET, Haute-Commissaire aux droits de l’homme, a indiqué que cette mise à jour couvrait la période allant du 22 novembre 2021 au 28 février 2022. Au cours de cette période, la situation des droits de l’homme et de la sécurité en Éthiopie s’est considérablement détériorée, en grande partie en raison de l’extension du conflit au Tigré à d’autres parties du nord de l’Éthiopie, a-t-elle souligné. Le Haut-Commissariat a continué de recevoir des informations faisant état de violations graves et généralisées des droits de l’homme dans le contexte de l’expansion du conflit dans les régions Afar et Amhara, ainsi qu’au Tigré, a-t-elle précisé.

De multiples frappes aériennes, apparemment menées par l’armée de l’air éthiopienne (ETAF), au Tigré – et dans une moindre mesure dans l’Afar – ont fait des morts et des victimes parmi les civils et détruit des biens civils. Le Haut-Commissariat a enregistré 304 morts et 373 blessés à la suite de bombardements aériens au cours de la période considérée, a fait savoir Mme Bachelet. Lors d’incidents distincts en décembre 2021, quelque 120 civils auraient été tués et 145 blessés dans la région du Tigré, a-t-elle ajouté. En janvier 2022, deux raids aériens menés au Tigré par l’ETAF ont frappé le camp de réfugiés de Mai-Aini et le site de Dedebit pour les personnes déplacées à l’intérieur du pays : ces attaques ont tué 60 personnes et en ont blessé 169.

Au cours de la période considérée, le Haut-Commissariat a par ailleurs reçu des informations faisant état de 306 incidents de viol commis par les forces tigréennes dans la région d’Amhara entre le 1er novembre et le 5 décembre 2021. La plupart des survivants signalés étaient des femmes, un petit nombre étaient des hommes, et la plupart des survivants n’ont reçu aucune forme de soutien.

Faisant notamment été d’évaluations transmises par les autorités régionales selon lesquelles près de deux millions d’élèves ont été affectés par la destruction totale ou partiale de leurs écoles, et bien que l’éducation ait parfois récemment repris, Mme Bachelet a souligné que la vie des civils et les infrastructures civiles, y compris les écoles, les installations médicales et les marchés, doivent être protégées. Elle s’est dite alarmée par la crise humanitaire croissante. Les hostilités et l’insécurité continuent de bloquer la livraison de fournitures humanitaires au Tigré par la route Semera-Abala-Mekelle, qui n’est plus accessible depuis le 15 décembre de l’année dernière, a-t-elle expliqué, avant d’exhorter toutes les parties à permettre un accès humanitaire sans entraves aux zones affectées. Mme Bachelet a rappelé que selon le Programme alimentaire mondial, 4,6 millions de personnes étaient confrontées à l’insécurité alimentaire dans le pays à la fin janvier 2022. Elle a en outre indiqué être préoccupée par la poursuite du déplacement interne d’un très grand nombre de personnes au cours de la période considérée. Dans l’Afar, a-t-elle précisé, quelque 300 000 personnes auraient été déplacées entre le 23 et le 26 janvier en raison des attaques des forces tigréennes. Durant la période couverte par le rapport, le Haut-Commissariat a enregistré plus de 15 000 arrestations et détentions arbitraires en lien avec l’état d’urgence décrété par le Gouvernement, dont la plupart semblent toucher des citoyens ordinaires d’appartenance ethnique tigréenne, a ajouté Mme Bachelet.

Mme Bachelet a ensuite relevé qu’à la suite de la publication du rapport conjoint avec la Commission des droits de l’homme de l’Éthiopie, le Gouvernement a créé un groupe de travail interministériel chargé de superviser la mise en œuvre des recommandations dudit rapport, y compris pour ce qui concerne la réparation et l’obligation de rendre des comptes pour les violations commises dans le contexte du conflit au Tigré. Notre bureau à Addis Abeba a engagé des discussions avec ce groupe de travail interministériel et ils se sont tous deux mis d’accord sur les besoins concernant la création de capacités et l’assistance technique. Mme Bachelet s’est réjouie que la priorité ait été accordée au Comité des enquêtes et des poursuites au sein de ce groupe de travail, avec le déploiement d’équipes d’enquête, et a instamment demandé au Gouvernement de fournir dès que possible les informations relatives aux résultats du travail de ces équipes. En outre, une Commission nationale de dialogue a été mise en place pour préparer un dialogue plus constructif en vue d’un règlement pacifique du conflit, a relevé Mme Bachelet, encourageant le Gouvernement à faire en sorte que ce dialogue soit véritablement inclusif et reflète toutes les parties. La Haute-Commissaire a estimé qu’il s’agissait là de trois pas en avant bienvenus.

Pays concerné

L’Éthiopie a déclaré que le récit peu reluisant de la situation de l’Éthiopie sur le terrain faite devant le Conseil ne correspondait pas à la réalité. L’Éthiopie a dû contrer des attaques terroristes sur son territoire, a expliqué la délégation éthiopienne, avant de dénoncer le « cynisme » de certains sur cette question. Elle a rappelé que le pays avait invité le Haut-Commissariat à participer à une enquête conjointe dont les recommandations sont aujourd’hui mises en œuvre par les autorités. L’Éthiopie reste préoccupée par l’indifférence de la communauté internationale s’agissant des meurtres contre les civils par les troupes rebelles. Le Gouvernement s’efforce de faire revenir le pays à la normale, avec notamment la levée de l’état d’urgence et la libération de nombreux prisonniers. La communauté internationale doit soutenir l’Éthiopie dans ses efforts de stabilisation, a insisté la délégation éthiopienne.

Aperçu du débat

Plusieurs délégations fait part de leurs préoccupations au sujet des violations et des abus généralisés des droits de l’homme, ainsi que des violations du droit international humanitaire, commises par toutes les parties au conflit dans le Tigré.

La gravité et l’ampleur des violations et des atrocités commises contre les civils par toutes les parties, y compris la violence sexuelle et sexiste, la torture, la détention arbitraire, les disparitions forcées, les déplacements forcés, les discours de haine, le refus d’accès à l’aide humanitaire, sont inacceptables, a insisté une délégation. Comme l’a conclu l’enquête conjointe, un certain nombre de ces violations peuvent constituer des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre, a-t-il été relevé. A été demandée la poursuite des enquêtes sur toutes les violations et abus. Il faut faire de l’impunité une priorité et traduire tous les responsables en justice, a-t-il été souligné à plusieurs reprises.

Plusieurs délégations se sont aussi réjouies de la mise en place, par le Gouvernement éthiopien, du groupe de travail interministériel mentionné par la Haute-Commissaire (ndr : voir ci-dessus, la déclaration de présentation de Mme Bachelet).

Le Conseil devrait entamer un dialogue constructif s’agissant des droits de l’homme dans le pays concerné en évitant toute politisation et toute immixtion dans les affaires internes du pays, a plaidé une délégation. Il faut appuyer toute initiative de bonne foi pour aboutir à la paix dans le pays en coopération avec les autorités éthiopiennes, a-t-il été affirmé.

**Liste des intervenants : Union européenne, Côte d’ivoire (au nom de l’Union africaine), Islande (au nom d’un groupe de pays), Allemagne, France, République populaire démocratique de Corée.

 

Ce document produit par le Service de l’information des Nations Unies à Genève est destiné à l'information ; il ne constitue pas un document officiel.

Les versions anglaise et française de nos communiqués sont différentes car elles sont le produit de deux équipes de couverture distinctes qui travaillent indépendamment.

 

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