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Au Comité contre la torture, la volonté manifeste du Kirghizistan de mieux faire est saluée, mais une experte estime que la torture fait encore trop souvent partie des méthodes des agents de la force publique dans ce pays

Compte rendu de séance

 

Au cours du dialogue que le Comité contre la torture a noué, hier et aujourd’hui, avec la délégation kirghize venue présenter son rapport au titre de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, la volonté manifeste du Kirghizistan de mieux faire a été saluée. Ont notamment été saluées les améliorations apportées au niveau législatif pour assurer le respect des garanties juridiques fondamentales, en particulier avec le nouveau Code de procédure pénale, ainsi que la classification du crime de torture dans la catégorie des infractions particulièrement graves et les mesures prises par le Gouvernement kirghize pour traiter le problème de l'apatridie.

Une experte du Comité a néanmoins fait remarquer que la torture faisait encore trop souvent partie des méthodes de travail des agents de la force publique et que des formations devaient par conséquent être dispensées sur la nature du problème et sur ses conséquences négatives pour l’ensemble de la société. Les restrictions à la fourniture d'une assistance juridique rapide aux détenus constituent un problème très grave, a affirmé l’experte. Le Code de procédure pénale ne définit pas les notions de « personne détenue » ni de « [au] moment de la détention », ce qui permet aux forces de l'ordre d'abuser de leur autorité et de ne pas enregistrer correctement la détention d'une personne, a-t-il été observé. Les conditions de détention au Kirghizistan ne répondent pas toujours aux normes internationales, ni même nationales, a-t-il par ailleurs été affirmé.

Des préoccupations ont en outre été exprimées s’agissant de la persistance des rapts de femmes et de filles à des fins de mariage forcé.

L’attention a d’autre part été attirée sur les cas de MM. Murat Tungishbaev, Bobomorud Abdullayev et Orhan Inandi, extradés par le Kirghizistan vers des pays tiers où ils auraient été victimes de torture ou de mauvais traitement, ainsi que sur le manque de ressources et d’indépendance dont semble pâtir le Centre national de prévention de la torture.

Présentant le rapport de son pays, M. Kynatbek Smanaliev, Ministre adjoint de la justice du Kirghizistan, a notamment souligné que l’interdiction de la torture posée par la Constitution adoptée en 2020 n'était pas seulement de nature déclarative et que la torture était effectivement constituée en infraction pénale. Au moment de l'élaboration du nouveau Code pénal, a-t-il fait valoir, les principales exigences de la Convention contre la torture ont été prises en compte, ainsi que les suggestions de la société civile. La nouvelle version du Code pénal stipule notamment qu'une personne coupable de torture peut être condamnée à une peine allant de 5 à 12 ans de prison, en fonction de la classification du crime, contre 10 ans auparavant.

Au Kirghizistan, a également indiqué le chef de la délégation kirghize, les personnes condamnées pour torture ne peuvent bénéficier d'une amnistie, d'une libération conditionnelle ou d’une remise de peine ; en outre, la plainte pénale ne peut être clôturée au motif d’une réconciliation. M. Smanaliev a par ailleurs précisé que le parquet avait effectué, entre 2012 et 2020, plus de 34 000 inspections inopinées dans les bâtiments du Ministère de l’intérieur, des lieux de contrainte et de privation de liberté, ainsi que dans des institutions fermées.

Le Ministre adjoint a aussi présenté les mesures prises par son Gouvernement pour améliorer les qualifications du personnel judiciaire et des forces de l'ordre en matière de protection et de promotion des droits de l'homme. Il a affirmé que le Kirghizistan était l'un des premiers pays d'Asie centrale à avoir appliqué avec succès les dispositions du Protocole d'Istanbul (Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants).

Outre le Ministre adjoint, la délégation kirghize était composée de M. Almazbek Beishenaliev, Représentant permanent du Kirghizistan auprès des Nations Unies à Genève, et de plusieurs représentants des Ministères des affaires étrangères, de l’intérieur et de la santé, ainsi que de représentants du parquet, de la Cour suprême et du Comité d’État à la sécurité nationale.

 

Mardi prochain, 16 novembre, à 10 heures, le Comité entamera l’examen de l’application par le Nigéria de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, en l’absence de rapport présenté par ce pays.

 

Examen du rapport du Kirghizistan

Le Comité était saisi du troisième rapport périodique du Kirghizistan (CAT/C/KGZ/3), établi sur la base d’une liste de points à traiter soumise par le Comité.

Présentation du rapport

Présentant le rapport de son pays, M.KYNATBEK SMANALIEV, Ministre adjoint de la justice du Kirghizistan, a d’abord indiqué qu’en avril de cette année, un référendum national avait abouti à l’adoption d’une nouvelle Constitution, résultant du nouveau cap pris par le pays en octobre 2020. Il a ensuite souligné que l’interdiction de la torture posée par cette Constitution n'était pas seulement de nature déclarative et que la torture était effectivement constituée en infraction pénale. Au moment de l'élaboration du nouveau Code pénal, a-t-il fait valoir, les principales exigences de la Convention contre la torture ont été prises en compte, ainsi que les suggestions de la société civile. La nouvelle version du Code pénal stipule notamment qu'une personne coupable de torture peut être condamnée à une peine allant de 5 à 12 ans de prison, en fonction de la classification du crime, contre 10 ans auparavant. En outre, le fait que la victime (du crime de torture) soit un mineur constitue une circonstance aggravante.

Au Kirghizistan, a également indiqué le chef de la délégation kirghize, les personnes condamnées pour torture ne peuvent bénéficier d'une amnistie, d'une libération conditionnelle ou d’une remise de peine ; en outre, la plainte pénale ne peut être clôturée au motif d’une réconciliation. Compte tenu des remarques de la société civile concernant le retard injustifié dans les enquêtes sur des faits de torture, a d’autre part souligné M. Smanaliev, à compter du 1er décembre de cette année, les enquêteurs du parquet et ceux des agences de sécurité nationale seront autorisés à enquêter sur les affaires pénales liées à des faits de torture.

En 2014, a poursuivi M. Smanaliev, le Ministère de l’intérieur a créé une unité spécialisée chargée d’assurer la sécurité des participants aux procédures pénales, notamment celle des victimes de torture. En outre, le Ministère de la santé fournit aux victimes de la torture une assistance médicale et psychologique gratuite, a souligné le chef de la délégation.

Le Ministre adjoint a précisé que le parquet avait effectué des inspections inopinées dans les bâtiments du Ministère de l’intérieur, des lieux de contrainte et de privation de liberté, ainsi que dans des institutions fermées : 34 307 inspections ont été réalisées entre 2012 et 2020, et 2176 pour les neuf premiers mois de 2021. En outre, le parquet, les représentants du Médiateur et le Centre national pour la prévention de la torture ont effectué 677 inspections conjointes inopinées dans des lieux de détention et de privation de liberté – dont 488 dans des lieux de détention.

Depuis 2012 et jusqu’au premier semestre 2021, les tribunaux ont condamné 18 fonctionnaires, dont 14 agents du Ministère de l’intérieur et quatre agents pénitentiaires ; douze ont été condamnés à des peines de privation de liberté, a indiqué le Ministre adjoint de la justice.

M. Smanaliev a par ailleurs fait savoir que 49 « centres d'accueil mobiles » de la police, soutenus par l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), fournissaient des conseils juridiques à la population dans tout le pays. L'une des principales missions de ces centres est la prévention de la violence domestique, a-t-il précisé.

Le Ministre adjoint a ensuite présenté les mesures prises par son Gouvernement pour améliorer les qualifications du personnel judiciaire et des forces de l'ordre en matière de protection et de promotion des droits de l'homme. Des enseignements spécialisés sont organisés dans les domaines de la prévention de la violence et de la torture ou tout autre traitement cruel et inhumain ; de la prévention et de la répression de la traite des êtres humains ; ou encore de la lutte contre les rapts de jeunes femmes à des fins de mariage.

Enfin, M. Smanaliev a affirmé que le Kirghizistan était l'un des premiers pays d'Asie centrale à avoir introduit et appliqué avec succès les dispositions du Protocole d'Istanbul (Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants). En 2020, a-t-il ajouté, le Ministère de la santé a élaboré des protocoles pour recenser systématiquement les cas de torture ou de mauvais traitement, ainsi qu’un formulaire type d'examen médical à remplir par une personne lors de sa mise en détention.

Questions et observations des membres du Comité

MME ANA RACU, corapporteuse du Comité pour l’examen du rapport du Kirghizistan, a d’abord constaté que le Code pénal actuel ne criminalisait pas systématiquement tous les éléments de la torture tels que définis à l’article premier de la Convention, même si des mesures positives ont été prises par les autorités kirghizes, notamment la classification du crime de torture dans la catégorie des infractions particulièrement graves. Mme Racu a par ailleurs regretté que le Kirghizistan n’ait pas appliqué une recommandation antérieure du Comité consistant à étendre la responsabilité pénale [pour le crime de torture] à toutes les personnes agissant « à titre officiel ».

D’autre part, de nombreux obstacles empêchent le Centre national de prévention de la torture d’accomplir son mandat de manière conforme au Protocole facultatif à la Convention, a poursuivi la corapporteuse. Ainsi, a-t-elle relevé, au cours de la période 2014-2020, ont été documentés quelque 56 cas d'ingérence illégale dans le travail du Centre de la part du personnel des lieux de privation de liberté, tandis que des modifications législatives entrées en vigueur en 2019 sont venues affaiblir les garanties d'indépendance du mécanisme de prévention [à savoir ledit Centre]. Le Centre national manque aussi de ressources humaines et matérielles, a ajouté Mme Racu.

L’experte a ensuite salué les améliorations apportées au niveau législatif pour assurer le respect des garanties juridiques fondamentales, notamment avec le nouveau Code de procédure pénale entré en vigueur en 2019. Cependant, a-t-elle observé, le Code de procédure pénale ne définit pas les notions de « personne détenue » ni de « [au] moment de la détention », ce qui permet aux forces de l'ordre d'abuser de leur autorité et de ne pas enregistrer correctement la détention d'une personne. D’autre part, la procédure relative au droit du suspect à une conversation téléphonique n'est pas réglementée, ce qui entraîne des risques d'abus de la part des enquêteurs.

D’autres observations de l’experte ont porté sur le fait que si, selon la loi, l'accusé a le droit de consulter un avocat dès son arrestation ou sa détention, dans de nombreux cas, la première rencontre n'a pas lieu avant le procès. En outre, des ONG de défense des droits de l'homme ont relevé des incidents au cours desquels les autorités ont refusé l'accès des avocats à des mineurs arrêtés. Les restrictions à la fourniture d'une assistance juridique rapide aux détenus constituent un problème très grave, a insisté Mme Racu.

La corapporteuse a par ailleurs regretté qu’une personne privée de liberté au Kirghizistan n'ait pas la possibilité procédurale d'introduire une requête indépendante auprès d'un tribunal pour contester la légalité de son arrestation ou de sa détention. L’experte a d’autre part affirmé que la détention prolongée d'une personne dans un centre de détention temporaire de la police (IVS) pouvait constituer un traitement cruel, inhumain et dégradant.

S’agissant des examens médicaux, Mme Racu a souhaité savoir si des initiatives avaient été lancées récemment pour améliorer la manière dont le personnel médical effectue l'évaluation clinique et l'inspection physique des détenus ; et si les médecins qui effectuent ces examens à l'admission dans un centre de détention provisoire rendent compte à une autorité sanitaire spécifique.

Tout en félicitant le Kirghizistan d’avoir adopté la loi sur la protection contre la violence domestique et criminalisé cette forme de violence, Mme Racu a souligné que le Comité était préoccupé par la forte prévalence de la violence à l'égard des femmes, en particulier de la violence familiale et sexuelle, dans ce pays. Les cas de violence à l'égard des femmes ne sont pas suffisamment signalés, car considérés comme une affaire privée, et ils sont principalement portés devant les tribunaux d'anciens ( aksakals), a fait observer la corapporteuse. De même, le Comité est profondément préoccupé par la persistance des rapts de femmes et de filles à des fins de mariage forcé, et par le fait qu’un seul coupable en la matière a été condamné depuis 2008.

Mme Racu a ensuite félicité le Kirghizistan d’avoir adopté un plan national d'action pour la lutte contre la traite des personnes (2013-2016) et d’avoir porté de trois à cinq ans d’emprisonnement la peine minimale encourue pour la traite de personnes. Mais, alors que des hommes, des femmes et des enfants kirghizes sont exploités dans le cadre du travail forcé, des inquiétudes persistent quant à la mauvaise conduite et à la corruption de la police, qui accepterait des pots-de-vin de la part de trafiquants présumés pour abandonner des affaires, a déclaré l’experte.

Mme Racu a par ailleurs attiré l’attention sur les cas de MM. Murat Tungishbaev, Bobomorud Abdullayev et Orhan Inandi, extradés par le Kirghizistan vers des pays tiers où ils auraient été victimes de torture ou de mauvais traitement. Elle a demandé quelles mesures avaient été prises par l'État pour enquêter sur ces graves allégations.

Le Comité apprécie vraiment les mesures prises par le Gouvernement kirghize pour traiter le problème de l'apatridie dans le pays, a tenu à souligner Mme Racu. Ainsi, le Kirghizistan est-il le seul pays d'Asie centrale à avoir entrepris une campagne d'enregistrement à l'échelle nationale pour mesurer l'ampleur de l'apatridie et tendre la main à ceux qui y sont exposés.

Mme Racu a par la suite demandé combien de recommandations le Centre national de prévention de la torture avait émises et dans quelle mesure ces recommandations étaient suivies d’effet.

La corapporteuse a en outre voulu savoir si les signes de mauvais traitements sur des personnes en détention étaient consignés dans un registre séparé. Elle a demandé ce qui était fait pour renforcer les effectifs de personnels médicaux professionnels dans les lieux de détention.

Le Comité a reçu des informations laissant apparaître des insuffisances s’agissant du mécanisme de traitement des demandes d’asile ; certaines demandes seraient en effet rejetées sans analyse approfondie, ce qui peut entraîner des risques pour les personnes refoulées, a ajouté Mme Racu.

La corapporteuse a insisté sur le fait que le but du Comité, en identifiant des problèmes dans l’application de la Convention, était seulement de contribuer à y apporter des réponses.

MME ILVIJA PUCE, également corapporteuse du Comité pour l’examen du rapport kirghize, a fait remarquer que la torture faisait encore trop souvent partie des méthodes de travail des agents de la force publique et que des formations devaient par conséquent être dispensées sur la nature du problème et sur ses conséquences négatives pour l’ensemble de la société. Elle a demandé des renseignements actualisés sur les formations dispensées aux personnels des forces de l’ordre afin de leur apprendre à gérer différentes situations sans recourir à la violence et à prendre en charge les femmes victimes de violence. L’experte a en outre voulu savoir si le personnel de santé avait l’obligation de dénoncer les cas de torture ou de mauvais traitement dont il a connaissance.

De l’avis de l’experte, le Comité d’État à la sécurité nationale [au sujet duquel le rapport indique au paragraphe 87 que « les enquêtes pénales portant sur les infractions commises par des agents de l’Etat relèvent de la compétence exclusive des services du Comité d’Etat à la sécurité nationale »] n’est pas suffisamment indépendant ni transparent pour mener en toute impartialité les enquêtes sur les allégations de torture en détention.

Les conditions de détention au Kirghizistan ne répondent pas toujours aux normes internationales, ni même nationales, a en outre affirmé Mme Puce, faisant état d’une surpopulation carcérale, en particulier dans les établissements de détention provisoire. La corapporteuse a par ailleurs demandé des explications sur les conditions de détention des personnes condamnées à la prison à perpétuité, s’agissant notamment de leur accès aux traitements médicaux, aux parloirs, au travail. D’autres questions de l’experte ont porté sur les conditions de la mise à l’isolement de détenus.

Mme Puce a d’autre part déploré des violences et menaces exercées contre des journalistes par des policiers au Kirghizistan. Elle a demandé des informations sur les suites données au décès du défenseur des droits de l’homme Azimjan Askarov, mort d’une pneumonie en prison en juillet 2020.

La corapporteuse a par ailleurs souhaité en savoir davantage sur les recours juridiques ouverts aux enfants placés dans des institutions fermées qui sont victimes de mauvais traitements.

Mme Puce a ensuite demandé quelle était la capacité d’accueil officielle des lieux de détention au Kirghizistan et combien de personnes y étaient effectivement détenues.

Au cours du dialogue noué avec la délégation kirghize, la corapporteuse a salué l’approche du Kirghizistan dans la présentation du rapport ainsi que sa volonté manifeste de mieux faire.

D’autres membres du Comité ont insisté sur l’importance de la réhabilitation des victimes de la torture et de l’octroi de dédommagements équitables. Il a été regretté, à cet égard, que la veuve de M. Askarov – dont le cas a été mentionné par Mme Puce – se soit vu refuser par l’État toute réparation en tant que membre de la famille d’une victime de la torture.

Il a par ailleurs été demandé si le Kirghizistan envisageait de ratifier les Conventions de 1954 et de 1961 concernant l’apatridie. D’autres questions ont porté sur la politique d’asile du Kirghizistan, un expert relevant à cet égard que les tribunaux du pays avaient rejeté tous les recours déposés par des requérants d’asile contre le rejet initial de leur demande.

Un membre du Comité a regretté qu’aussi longtemps qu’une affaire de torture n’a pas fait l’objet d’un jugement pénal au Kirghizistan, aucun dédommagement ne semble pouvoir être envisagé. L’expert a recommandé que la loi soit révisée pour tenir compte des prescriptions de la Convention en matière d’indemnisation des victimes.

Réponses de la délégation

Dès le 1er décembre prochain, le nouveau Code pénal et le nouveau Code de procédure pénale contiendront des dispositions qui permettront de répondre à nombre de critiques formulées par des experts et par la société civile s’agissant de l’efficacité des enquêtes sur les allégations de torture, a fait valoir la délégation kirghize. A partir de cette date, ces enquêtes pourront aussi être réalisées par les organes de la sécurité nationale alors que, par le passé, elles dépendaient du seul parquet.

Ces dernières années, aucune personne convaincue d’acte de torture n’a bénéficié d’une grâce présidentielle, a en outre souligné la délégation.

Le Médiateur est l’un des organismes chargés de la surveillance et de la défense des droits de l’homme au Kirghizistan, a ensuite indiqué la délégation. Un projet de loi en cours d’examen vise à mettre cette institution en conformité avec les Principes de Paris, en vue de son accréditation en tant qu’institution nationale de droits de l’homme au bénéfice du Statut A auprès de l’Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l’homme (GANHRI, selon l’acronyme anglais), d’ici 2025. Entre-temps, des mesures ont déjà été prises pour consolider le Médiateur.

Le Gouvernement accorde une attention particulière aux activités du Centre national de prévention de la torture, a par ailleurs déclaré la délégation. Les fonctionnaires qui entravent les activités du Centre risquent des sanctions pouvant aller jusqu’à une peine d’emprisonnement, a-t-elle précisé. Le budget du Centre est resté stable entre 2019 et 2020, et il devrait augmenter en 2022, a-elle ajouté. Des visites de lieux de détention ont été effectuées en compagnie d’organisations de la société civile, a en outre indiqué la délégation.

Depuis 2013, a par la suite précisé la délégation, le Centre national de prévention de la torture a émis 545 recommandations, dont 30% ont d’ores et déjà été appliquées ; d’autres recommandations concernent le long terme et sont en cours de mise en œuvre.

Le Ministère de la santé joue un rôle actif dans la prévention de la torture et des mauvais traitements au Kirghizistan, a souligné la délégation. Il organise plusieurs formations destinées aux personnels soignants civils de même qu’aux personnels de santé des lieux de détention.

S’agissant des garanties procédurales, la délégation a rappelé que la loi kirghize impose que toute personne arrêtée soit informée de ses droits, notamment de son droit de consulter un avocat et un médecin. Le Code de procédure pénale définit les « droits du suspect », en particulier les droits de connaître les motifs de son arrestation et de passer un appel téléphonique gratuit au moment de l’arrestation. Chaque arrestation est documentée [enregistrée] de manière précise.

Un fonctionnaire du Ministère de l’intérieur peut demander qu’un examen médical soit mené sur une personne arrêtée et le rapport qui en découlera sera envoyé au Ministère de l’intérieur. Si des actes de torture ou de mauvais traitement sont détectés, un formulaire sera rempli et le fait sera enregistré de manière électronique dans les registres des Ministères de la santé et de l’intérieur, a expliqué la délégation.

Le Code de procédure pénale dispose du droit du suspect de se défendre en personne ou de faire appel à un avocat de son choix. La présence de l’avocat est possible tout au long de l’instruction. Quant au droit à une aide juridictionnelle gratuite, il est notamment ancré dans la Constitution et dans le Code de procédure pénale kirghizes, a précisé la délégation. Le droit du justiciable de contester le bien-fondé de son arrestation est lui aussi garanti par la loi, a-t-elle ajouté.

Un Code de procédure pénale révisé entrera en vigueur le 1er décembre prochain et ce nouveau texte fixera à un an la durée maximale de la garde à vue, a ensuite précisé la délégation.

La délégation a fourni, à la demande d’experts du Comité, d’autres informations concernant les programmes de vaccination contre la COVID-19, les thérapies antirétrovirales et les traitements de substitution par méthadone destinés aux personnes détenues.

Quelque 343 personnes condamnées à la prison à perpétuité sont actuellement détenues au Kirghizistan dans un même bâtiment, lequel a fait l’objet de rénovations, a par ailleurs indiqué la délégation.

S’agissant de la répression de la violence familiale, la délégation a indiqué que les faits relevant de ce délit pouvaient être sanctionnés par une amende ou par une peine de prison. Les victimes de cette violence bénéficient de mesures de soutien de la part de l’État et d’organisations de la société civile. Des organisations et des sociétés privées gèrent, avec le soutien financier de l’État, dix-sept centres d’accueil et de soutien aux victimes, a indiqué la délégation, avant de préciser que l’État vient d’ouvrir un centre à Bichkek.

Le nouveau Code pénal incrimine désormais les rapts de jeunes femmes en vue du mariage et ce crime est poursuivi d’office. Les statistiques montrent que le phénomène est en régression, a indiqué la délégation.

En 2017, a poursuivi la délégation, le Ministère de l’intérieur s’est doté d’une unité spécialisée dans la lutte contre la traite des personnes. À titre de mesures préventives, l’État mène des campagnes nationales d’information et des consultations orientées vers les personnes les plus exposées à la traite. Les fonctionnaires concernés aux niveaux national et local reçoivent des formations en matière de répression de la traite et d’assistance aux victimes.

Le Kirghizistan applique le principe de non-refoulement tel que prévu par la Convention, a d’autre part assuré la délégation. Au moment de son extradition, M. Bobomurod Abdullayev n’avait pas le statut de requérant d’asile ; l’Ouzbékistan, pays de destination, avait en outre fourni des garanties quant à la sécurité de M. Abdullayev, a expliqué la délégation. M. Murat Tungishbaev n’avait pas non plus le statut de requérant d’asile : il a été extradé au Kazakhstan de manière légale, conformément aux dispositions de la Convention de Chisinau (2002), a-t-elle ajouté. S’agissant de M. Orhan Inandi, il a été victime d’un enlèvement et n’a pas été retrouvé malgré les recherches de la police ; une plainte pénale est ouverte sur cette affaire, a déclaré la délégation.

Concernant un autre cas particulier évoqué par des membres du Comité, la délégation a indiqué qu’Azimjan Askarov était décédé des suites du coronavirus en juillet 2020, qui a été le « juillet noir » du Kirghizistan dans le contexte de la pandémie de COVID-19. Tombé malade en détention le 12 juillet, Azimjan Askarov a bénéficié d’une thérapie, malgré son refus d’être soigné. Transféré à l’hôpital central n° 47, où il a été placé sous respirateur, Azimjan Askarov est décédé le 25 juillet. L’expertise médico-légale réalisée subséquemment a conclu, comme cause du décès, à une insuffisance respiratoire imputable à une double pneumonie, dans un contexte d’insuffisance cardiaque. Une procédure est en cours à la suite d’une plainte déposée par les avocats de feu Azimjan Askarov. L’indemnisation de sa veuve ne pourra être envisagée qu’au terme de cette procédure, a souligné la délégation.

S’agissant de la liberté de la presse, depuis deux ans, le Kirghizistan a amélioré sa position dans le classement de l’organisation Reporters sans frontières, a fait valoir la délégation.

 

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