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Le Conseil des droits de l’homme se penche sur les situations au Soudan du Sud, au Cambodge et au Soudan

Compte rendu de séance

 

Au titre de l’assistance technique et du renforcement des capacités, le Conseil des droits de l’homme a tenu, ce matin, un dialogue renforcé autour de la mise à jour orale de la Haute-Commissaire aux droits de l’homme sur le Soudan du Sud, suivi d’un dialogue avec le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Cambodge, M. Vitit Muntarbhorn. En fin de séance, le Conseil a par ailleurs entamé un dialogue renforcé autour du rapport du Haut-Commissariat sur la situation des droits de l’homme au Soudan.

Dans le cadre du dialogue renforcé sur le Soudan du Sud, le Conseil a entendu des présentations de la Haute-Commissaire aux droits de l’homme, Mme Michelle Bachelet; du Représentant spécial du Secrétaire général pour le Soudan du Sud et Chef de la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS), M. Nicholas Haysom; et du Ministre de la justice du Soudan du Sud, M. Ruben Madol Arol Kachuol.

Mme Bachelet a notamment fait part de sa préoccupation face aux niveaux élevés de violence attribuée aux milices communautaires, qui continuent de toucher des civils innocents, de menacer la stabilité du pays et de compromettre les perspectives de paix durable. Elle a en outre regretté les restrictions imposées par le Gouvernement sud-soudanais à l'espace civique.

M. Haysom a fait état de progrès notables au Soudan du Sud, soulignant notamment que le cessez-le-feu prévu par l'Accord de paix a été respecté. Il a toutefois regretté l'incapacité à faire avancer le chapitre 2 de l'Accord, relatif aux « arrangements transitoires de sécurité ». Le retard pris a entraîné, notamment, l'éclatement des groupes d'opposition, ce qui laisse planer le risque de luttes intestines violentes au sein de l'opposition et dans les camps de personnes déplacées, a-t-il averti.

En effet, a observé le Chef de la MINUSS, le profil de la violence au Soudan du Sud a changé : au cours du deuxième trimestre de 2021, plus de 90 % des pertes civiles ont été attribuées à la violence intercommunautaire et aux milices communautaires. Les réponses à ces violences intercommunautaires par le biais d'exécutions extrajudiciaires, sur instruction de représentants de l'État, sont inquiétantes, a dit M. Haysom.

Le Ministre de la justice et des affaires constitutionnelles du Soudan du Sud, a quant à lui informé le Conseil de l’évolution de la mise en œuvre de l’Accord de paix revitalisé au Soudan du Sud. Il a ensuite regretté que l’Alliance de l’opposition du Soudan du Sud (SSOMA) ait violé le cessez-le-feu et continue de créer de l’instabilité et du chaos dans certaines parties du pays. Malgré cette situation, a-t-il souligné, le Gouvernement reste attaché à la cessation des hostilités de 2017. Le Ministre a exhorté le Haut-Commissariat à aider le Gouvernement en renforçant son offre d’assistance technique et de renforcement des capacités en faveur du Service de police nationale, des Services pénitentiaires et d’autres institutions importantes.

Suite à ces présentations, de nombreuses délégations* ont participé au dialogue.

S’agissant de la situation des droits de l’homme au Cambodge, M. Muntarbhorn a fait observer que ces dernières années, on a assisté à un retour en arrière inquiétant. La régression de l'espace démocratique et des droits et libertés civils et politiques, liée à la monopolisation du pouvoir, apparaît comme le problème le plus évident, a-t-il précisé. Il a recommandé au Gouvernement cambodgien de suspendre les lois draconiennes ; de mettre fin à la détention de celles et ceux qui ne sont pas d'accord avec les autorités ; de rétablir les droits politiques des membres de l'opposition politique ; de partager le pouvoir ; et de garantir la totalité des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels.

Suite à cette déclaration, le Cambodge est intervenu en tant que pays concerné, avant que de nombreuses délégations** n’interviennent dans le cadre du dialogue. Le rapport du Rapporteur spécial semble offrir un compte rendu sélectif, biaisé et trompeur du Cambodge sur plusieurs dimensions, a affirmé la délégation cambodgienne.

Le Conseil a ensuite entamé son dialogue renforcé sur la situation des droits de l’homme au Soudan. Il a dans ce cadre entendu Mme Nada Al-Nashif, Haute-Commissaire adjointe aux droits de l’homme, présenter le rapport du Haut-Commissariat sur la situation des droits de l’homme au Soudan. Mme Al-Nashif a recommandé d'accélérer la mise en œuvre de l'Accord de paix de Juba, en particulier les dispositions relatives à la responsabilité, à la justice transitionnelle et aux solutions de paix durables pour tous les Soudanais ; et, compte tenu de la résurgence de la violence au Darfour, elle a également recommandé de déployer le Plan national pour la protection des civils.

M. Volker Perthes, Représentant spécial du Secrétaire général pour le Soudan et Chef de la Mission intégrée des Nations Unies pour l’assistance à la transition au Soudan (MINUATS), a jugé urgent de créer les mécanismes de justice transitionnelle prévus par l'Accord de paix de Juba. Il a relevé que la résurgence de la violence intercommunautaire fait peser de nouvelles menaces sur la protection des civils. Entre janvier et août 2021, a-t-il précisé, environ 418 000 personnes ont été déplacées à la suite de conflits et d'attaques armées au Soudan. M. Perthes a demandé aux autorités de combler le déficit de protection existant au Darfour depuis le retrait de la MINUAD.

Enfin, Mme Ilham Ibrahim Mohamed Ahmed, Sous-secrétaire adjointe du Ministère des affaires étrangères du Soudan, a rappelé l’engagement de son pays à promouvoir les droits et la dignité des citoyens au Soudan, ainsi qu’à coopérer avec le Conseil et tous les mécanismes régionaux et internationaux des droits de l’homme, afin d’achever les mesures prises par le Gouvernement de transition et de répondre aux aspirations du peuple soudanais.

 

Cet après-midi, à 15 heures, le Conseil doit achever son dialogue renforcé sur la situation des droits de l’homme au Soudan, avant d’engager ses dialogues avec l’Experte indépendante sur la situation des droits de l’homme en Somalie et avec l’Expert indépendant sur la situation des droits de l’homme en République centrafricaine.


Dialogue renforcé autour de la mise à jour orale de la Haute-Commissaire sur le Soudan du Sud

Présentations

Dans une mise à jour orale sur le Soudan du Sud au titre de l’assistance technique et du renforcement des capacités, MME MICHELLE BACHELET, Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, s’est d’abord félicitée de la création par le Gouvernement sud-soudanais du « Comité technique sur la Commission pour la vérité, la réconciliation et la guérison » (CTRH), ainsi que de la présentation, le 19 juin, du plan d'action des forces armées sud-soudanaises sur la lutte contre les violences sexuelles liées au conflit. Ce plan d'action a été élaboré avec le soutien de la Division des droits de l'homme de la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS), a précisé la Haute-Commissaire.

Mme Bachelet a cependant fait part de sa préoccupation face aux niveaux élevés de violence attribuée aux milices communautaires, qui continuent de toucher des civils innocents, de menacer la stabilité du pays et de compromettre les perspectives de paix durable. Au deuxième trimestre de 2021, la Division des droits de l'homme de la MINUSS a documenter de nombreux enlèvements, visant au moins 133 femmes et enfants, en lien avec une flambée de violence à Jonglei et dans la zone administrative du Grand Pibor.

La Haute-Commissaire a salué les efforts de la MINUSS et d'autres partenaires pour faire en sorte que toutes les personnes enlevées soient libérées : au moins 111 femmes et enfants ont été libérés depuis mars, à la suite de négociations entre les dirigeants des communautés Murle, Dinka et Nuer. Ces efforts sont essentiels pour instaurer la confiance entre les communautés et jeter les bases d'un dialogue et d'une paix durables, a souligné la Haute-Commissaire.

Mme Bachelet a ensuite regretté les restrictions imposées par le Gouvernement sud-soudanais à l'espace civique. Elle a encouragé le Gouvernement à s'abstenir de restreindre la liberté d'opinion et d'expression et les droits de réunion et d'association pacifiques, qui sont essentiels pour créer les conditions d'élections pacifiques, libres, équitables et crédibles et d'un État démocratique dynamique.

Par ailleurs, la Haute-Commissaire a indiqué que, malgré la pandémie de COVID-19, en 2021, la Division des droits de l'homme de la MINUSS avait pu mener 245 activités de renforcement des capacités en matière de droits de l'homme pour 6169 personnes, dont 2285 femmes : fonctionnaires du Gouvernement national et des États ; dirigeants politiques ; membres des forces armées, de la police et de la justice ; ainsi que militants de la société civile et dirigeants communautaires, entre autres.

M. NICHOLAS HAYSOM, Représentant spécial du Secrétaire général pour le Soudan du Sud et Chef de la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS), a d’abord rappelé que le 12 septembre dernier avait marqué le troisième anniversaire de l'« Accord de paix revitalisé », seul cadre pour parvenir à une stabilité à long terme, à une paix durable et à la protection et la promotion des droits de l'homme.

M. Haysom a ensuite fait état de progrès notables au Soudan du Sud. D'abord, a-t-il souligné, le cessez-le-feu prévu par l'Accord de paix a été respecté, ce qui a entraîné une baisse du nombre de victimes civiles depuis septembre 2018. D’autre part, le Parlement reconstitué a pris ses fonctions, sous la présidence, pour la première fois, d’une femme.

Par ailleurs, le Gouvernement a créé un groupe de travail chargé de coordonner la justice transitionnelle et d'autres réformes, conformément au chapitre 5 de l'Accord. À ce propos, M. Haysom a jugé que la création d'un tribunal hybride et de l'Autorité de compensation et de réparation était essentielle pour la justice réparatrice et la reddition de comptes, ces deux éléments étant indispensables à la guérison et à la stabilité de la société.

M. Haysom a toutefois regretté l'incapacité à faire avancer le chapitre 2 de l'Accord, relatif aux « arrangements transitoires de sécurité ». Le retard pris a entraîné, notamment, l'éclatement des groupes d'opposition, ce qui laisse planer le risque de luttes intestines violentes au sein de l'opposition et dans les camps de personnes déplacées, a-t-il averti. En effet, a observé le Chef de la MINUSS, le profil de la violence au Soudan du Sud a changé : au cours du deuxième trimestre de 2021, plus de 90 % des pertes civiles ont été attribuées à la violence intercommunautaire et aux milices communautaires.

Les réponses à ces violences intercommunautaires par le biais d'exécutions extrajudiciaires, sur instruction de représentants de l'État, sont inquiétantes, a dit M. Haysom. Il a précisé avoir aussi fait part aux dirigeants de ses préoccupations après la mise en détention de journalistes et de dirigeants de groupes de la société civile.

M. Haysom a dit s’être rendu dans les dix États pour entendre directement les Sud-Soudanais. Il ressort de ces visites, a conclu le Représentant spécial du Secrétaire général, que « les autorités locales veulent de l'aide pour s'attaquer au désarmement et aux conflits subnationaux. Elles ont un besoin urgent de soutien financier et technique, ainsi que de renforcement de leurs capacités, afin de consolider les institutions et les infrastructures de gouvernance, d'État de droit et de justice ».

M. RUBEN MADOL AROL KACHUOL, Ministre de la justice et des affaires constitutionnelles du Soudan du Sud, a informé le Conseil de l’évolution de la mise en œuvre de l’Accord de paix revitalisé au Soudan du Sud. Il a ainsi rappelé que le Gouvernement revitalisé d’unité nationale a vu le jour en février 2020 pour marquer la mise en œuvre de la première phase de cet Accord. Depuis, toutes les autres structures gouvernementales, au niveau national et au niveau des Etats, ont été instituées et sont désormais opérationnelles, a-t-il souligné. Le 30 août 2021, le Président de la République a inauguré les chambres communes de la législature nationale de transition revitalisée afin de marquer l’achèvement de la mise en œuvre des articles du chapitre 1 de l’Accord, a-t-il indiqué. Le nouveau Parlement supervisera désormais tous les projets de loi en suspens qui sont en attente de ratification.

S’agissant du volet « sécurité » de l’Accord, le Gouvernement revitalisé d’unité nationale a maintenant atteint le point proche de l’achèvement de sa mise en œuvre, a poursuivi le Ministre. Jusqu’à présent, pas moins de 53 000 militaires représentants tous les partis politiques à l’Accord se trouvent dans divers camps d’entraînement à travers le pays et sont prêts pour l’obtention de leur diplôme, a-t-il indiqué, avant d’ajouter que les projets de loi relatifs à la réforme du secteur sécuritaire ont été adoptés en Conseil des Ministres et sont prêts à être déposés devant la législature nationale de transition revitalisée.

Le Ministre de la justice et des affaires constitutionnelles a regretté que l’Alliance de l’opposition du Soudan du Sud (SSOMA) ait violé le cessez-le-feu et continue de créer de l’instabilité et du chaos dans certaines parties du pays. Malgré cette situation, a-t-il souligné, le Gouvernement reste attaché à la cessation des hostilités de 2017.

Le Gouvernement a par ailleurs récemment organisé un important atelier pour trouver une solution durable au problème des personnes déplacées et des réfugiés dans le pays, a poursuivi le Ministre, faisant valoir qu’un environnement propice a conduit au retour d’un nombre important de personnes déplacées dans leur foyer d’origine à travers le pays.

Le Ministre a exhorté le Haut-Commissariat à aider le Gouvernement en renforçant son offre d’assistance technique et de renforcement des capacités en faveur du Service de police nationale, des Services pénitentiaires et d’autres institutions importantes. Reconnaissant la lenteur dans la mise en œuvre de l’Accord, le Ministre a conclu en soulignant que ce qui est important, c’est l’engagement du Gouvernement à mettre pleinement en œuvre l’Accord pour apporter une paix durable au Soudan du Sud.

Aperçu du débat

Plusieurs intervenants ont salué les progrès réalisés dans le processus politique sud-soudanais à travers la mise en place de certaines institutions prévues par l’Accord de paix revitalisé.

Néanmoins, de nombreuses délégations et organisations non gouvernementales (ONG) ont dénoncé les graves violations des droits de l’homme commises par les différents groupes armés, en particulier les violences sexuelles contre les femmes et les violences contre les enfants. A notamment été dénoncé l’enrôlement d’enfants soldats par les différents groupes armés dans le pays. Plusieurs intervenants ont également regretté les restrictions à la liberté d’expression et le peu d’espace accordé à la société civile.

Il faut, dans ce contexte, redoubler d’efforts pour mettre pleinement en œuvre les termes de l’Accord de paix revitalisé et permettre aux victimes d’obtenir réparations, ont plaidé plusieurs délégations.

Dans le domaine de la sécurité, plusieurs délégations ont salué l’action du Gouvernement qui a accéléré la délivrance des diplômes aux forces des différents camps d'entraînement communs autour du pays. Le redressement de la situation sécuritaire dans le pays ne pourra se faire qu’après le désarmement de la société civile, la démobilisation des soldats et la réintégration des anciens combattants, ont pour leur part souligné plusieurs intervenants.

Certaines délégations ont salué les mesures prises par le Gouvernement du Soudan du Sud ayant permis d’inaugurer en août 2021 la législature nationale de transition revitalisée, c’est-à-dire un parlement reconstitué.

A aussi été reconnu le rôle du Gouvernement, à travers le Ministère de la justice, pour encourager le processus de rédaction de la constitution permanente et les réformes judiciaires devant mener à l'établissement de la cour constitutionnelle, comme cela est requis par l'Accord de paix.

Il a par ailleurs été regretté qu’il y ait deux discussions autour de la situation des droits de l’homme au Soudan du Sud dans le cadre de deux points différents de l’ordre du jour du Conseil et un appel a donc été lancé pour que les auteurs des deux résolutions (ayant entraîné cette situation) poursuivent une approche coopérative.

*Liste des intervenants : Union européenne, Cameroun (au nom du Groupe des Etats africains), Togo, Sénégal, Egypte, Venezuela, Fédération de Russie, Chine, Royaume-Uni, Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), Mauritanie, Soudan, Sri Lanka, Elizka Relief Foundation, Meezan Center for Human Rights, East and Horn of Africa Human Rights Defenders Project, Amnesty International, Organisation internationale pour l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, Human Rights Watch, et Ingenieurs du Monde .

Remarques de conclusion

MME BACHELET a dénoncé les cas de torture contre les enfants, qui ont été forcés de quitter leurs écoles. Il y a un grand risque d’insuffisance d’aide médicale et humanitaire dans le pays, a-t-elle ajouté. Il faut régler le conflit par des moyens pacifiques et rompre ainsi le cycle de la violence, a plaidé la Haute-Commissaire.

Le fait que la réponse judiciaire [aux violations commises] soit inadéquate favorise la perpétuation de la violence, a souligné Mme Bachelet. La coopération technique est un des moyens qui permet d’empêcher les souffrances humaines et la marginalisation tout en aidant l’Etat à respecter ses obligations dans le domaine des droits de l’homme, a-t-elle fait valoir. Pour être efficace, cette assistance doit être évaluée en permanence compte tenu de la situation des droits de l’homme, a-t-elle ajouté. Il faut notamment fournir une assistance technique aux fins de la mise en place d’une justice transitionnelle qui permette à l’ensemble des victimes d’obtenir réparation, a-t-elle insisté.

M. HAYSOM a regretté que les conditions économiques catastrophiques au Soudan du Sud ne permettent pas à la population de bénéficier de la sécurité alimentaire. Cette situation est due en partie aux inondations, mais surtout aux activités des groupes armés, a souligné le Représentant spécial du Secrétaire général et Chef de la MINUSS. Le conflit empêche l’accès de l’aide alimentaire dans certaines zones du pays, a-t-il fait observer. Les violations des droits de l’homme affectent les activités humanitaires, a insisté M. Haysom, appelant à venir en aide aux dizaines de milliers de personnes déplacées internes dans le pays.

Il faut par ailleurs renforcer les efforts de démilitarisation et de démobilisation des groupes armées, a plaidé le Chef de la MINUSS.

Dialogue avec le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Cambodge

Le Conseil est saisi du premier rapport du nouveau Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Cambodge (A/HRC/48/79).

Présentation du rapport

M. VITIT MUNTARBHORN, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Cambodge, a rappelé que les Accords de Paris sur le Cambodge, signés en 1991, avaient assuré le retour de la paix après plus d'une décennie de guerre elle-même précédée d'un génocide. Trente ans plus tard, des progrès ont été réalisés sur plusieurs fronts : avant la COVID-19, le taux de croissance national était de 7 %, tandis que, dans les premières années qui ont suivi 1991, des ouvertures ont été faites vers un système multipartite, une société civile dynamique et un pouvoir partagé. Cependant, ces dernières années, on a assisté à un retour en arrière inquiétant, a poursuivi le Rapporteur spécial. La régression de l'espace démocratique et des droits et libertés civils et politiques, liée à la monopolisation du pouvoir, apparaît comme le problème le plus évident. Dans un tel contexte, le Cambodge doit relever plusieurs défis, a souligné le Rapporteur spécial.

Tout d’abord, a précisé M. Muntarbhorn, l'intolérance à l'égard des critiques concernant la riposte des autorités à la pandémie de COVID-19 entraîne des arrestations et des poursuites qui ont eu un impact glaçant sur la liberté d'expression. La loi anti-COVID-19 de 2021 a ainsi entraîné l'arrestation de plus de 700 personnes, selon des sources fiables : les peines encourues vont jusqu'à vingt ans d'emprisonnement, outre de fortes amendes. Parallèlement, l'espace civique, l'espace politique et les droits civils et politiques se sont considérablement rétrécis ces dernières années, en raison des contraintes posées aux activités des défenseurs des droits de l'homme et des organisations non gouvernementales (ONG) jugés critiques à l'égard des autorités.

D’autre part, a poursuivi le Rapporteur spécial, l'espace démocratique au Cambodge est inexistant, surtout après la décision du tribunal municipal de Phnom Penh, le 1er mars, de condamner neuf hauts dirigeants du Parti du sauvetage national du Cambodge (CNRP) à de longues peines d'emprisonnement. Le procès de Kem Sokha, le dernier haut dirigeant du CNRP dans le pays, est reporté indéfiniment, et des procès de masse sont en cours contre un certain nombre de politiciens d'opposition. Il est à craindre ainsi que les élections communales de 2022 et les élections nationales de 2023 ne se déroulent sans l'existence d'un parti d'opposition viable, a averti M. Muntarbhorn.

Le Rapporteur spécial a pointé d’autres défis à relever en ce qui concerne l’application des lois et l'administration de la justice – M. Muntarbhorn évoquant notamment une tendance à « sur-légiférer » avec des lois draconiennes – ou encore les allocations budgétaires, alors que 13 % du budget national en 2021 sont alloués à la défense, à la sécurité et à l'ordre public, pendant que la couverture sanitaire au Cambodge reste limitée.

Les solutions ne sont pas difficiles à mettre en œuvre, moyennant l’existence d'une volonté politique et d'une conduite exemplaire, a conclu le Rapporteur spécial. Il a recommandé au Gouvernement de suspendre les lois draconiennes ; de mettre fin à la détention de celles et ceux qui ne sont pas d'accord avec les autorités ; de rétablir les droits politiques des membres de l'opposition politique ; de partager le pouvoir ; et de garantir la totalité des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels.

Pays concerné

Le Cambodge a déclaré que le rapport du Rapporteur spécial semble offrir un compte rendu sélectif, biaisé et trompeur du Cambodge sur plusieurs dimensions. Une recrudescence de discours de haine, de calomnies et de désinformation déguisés sous couvert de liberté d’expression polarise les gens et s’attaque à l’essence des normes des droits de l’homme, a affirmé la délégation cambodgienne. Malheureusement, le Rapporteur spécial et les défenseurs des droits de l’homme sont totalement silencieux sur cette tendance inquiétante, a-t-elle déploré.

La loi de prévention de la COVID-19, qui vise à sauver la vie de la population, adhère aux principes de légalité, de nécessité et de proportionnalité, a poursuivi la délégation du Cambodge. Le rapport du Rapporteur spécial n’a pas souligné que la sanction maximale est imposée uniquement aux personnes qui ont l’intention de provoquer une transmission communautaire (du virus) dans le cadre d’un crime organisé. Le Cambodge a invité le Rapporteur spécial à vérifier davantage le nombre d’arrestations, les accusations et l’état d’avancement des affaires.

Aperçu du débat

Des délégations ont félicité le Cambodge pour le succès de son programme de vaccination contre la COVID-19 et pour sa croissance économique naissante. Le Cambodge a permis de donner davantage de sécurité, notamment économique, à sa population, a-t-il été souligné. Le développement économique permet d’assurer le développement de la population et de renforcer les droits de l’homme dans le pays, a insisté une délégation.

D’autres délégations ont dit prendre note des préoccupations exprimées dans le rapport du Rapporteur spécial concernant la détérioration de la situation des droits de l'homme au Cambodge. Le rétrécissement de l'espace civique et démocratique, la répression de l'opposition politique, la surveillance en ligne, l'absence de médias indépendants et les restrictions à la liberté d'opinion et d'expression, d'association et de réunion pacifique ont été jugés alarmants. A notamment été dénoncée l’incarcération de journalistes et d’activistes. D’autres préoccupations ont été exprimées face aux détentions arbitraires et autres attaques contre les défenseurs des droits de l'homme, y compris les défenseurs de l'environnement.

Plusieurs intervenants ont également dénoncé l’adoption de la loi d’urgence qui entrave les libertés fondamentales, dont la liberté de réunion. A aussi été dénoncée une loi relative aux activités des organisations non gouvernementales, qui restreint encore les activités de la société civile.

S’agissant de la liberté des médias et de la société civile au Cambodge, certains ont souligné que l'exercice de ces libertés s'accompagnait de devoirs, de responsabilités et de limitations. L'approche positive du Cambodge à l'égard de toutes les religions a par ailleurs été saluée.

Plusieurs intervenants ont dit espérer que les prochaines élections locales (2022) et générales (2023) dans le pays puissent se faire avec une large participation de différents partis politiques représentant l’ensemble de la population et en conformité avec les normes internationales.

Certaines délégations ont demandé au Rapporteur spécial de respecter scrupuleusement le code de bonne conduite applicable aux procédures spéciales du Conseil et d’éviter la politisation de la question cambodgienne. L’assistance technique et le renforcement des capacités ne peuvent être organisés qu’en coopération avec le pays concerné, en respectant sa souveraineté nationale et en tenant compte des priorités nationales, a-t-il été affirmé. Cette assistance ne doit pas être utilisée pour s’ingérer dans les affaires internes du pays, a-t-on insisté.

**Liste des intervenants : Brunéi Darussalam (au nom de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est), Union européenne, Islande (au nom d’un groupe de pays), Australie, Japon, France, Suisse, Venezuela, République populaire démocratique de Corée, Viet Nam, Fédération de Russie, Bélarus, Etats-Unis, Belgique, Chine, Philippines, Royaume-Uni, République démocratique populaire lao, Sri Lanka, Liban, Cuba, Inde, Brunéi Darussalam, Cameroun, Turquie, Indonésie, Egypte, Thaïlande, Kirghizistan, Azerbaïdjan, Koweït, Liberal International, Fédération internationale des ligues des droits de l'homme , Lawyers' Rights Watch Canada, Human Rights Watch, Article 19 - Centre international contre la censure, Forum asiatique pour les droits de l'homme et le développement, CIVICUS: Alliance mondiale pour la participation des citoyens , Human Rights Now, Amnesty International, Ingenieurs du Monde.

Réponses et remarques de conclusion

La délégation du Cambodge s’est dite heureuse d’entendre les délégations qui ont encouragé son pays à aller de l’avant. Vingt-six opposants ont pu réintégrer l’espace politique avant les prochaines élections ; c’est un fait reconnu par l’opposition cambodgienne mais nié par les pays occidentaux, a regretté la délégation. Elle a défendu les mesures prises pour garantir la stabilité nationale et a affirmé que l’affiliation à un parti politique ou à une organisation non gouvernementale ne saurait justifier les manquements à la loi.

M. MUNTARBHORN a incité fermement le Cambodge à réviser ses lois sur les discours de haine pour vérifier qu’elles répondent à des critères objectifs et non pas subjectifs. Le Rapporteur spécial a mis en garde contre toute instrumentalisation politique des discours de haine. La liberté d’expression devrait être régie par le droit civil et non par le droit pénal, a par ailleurs recommandé M. Muntarbhorn.

En prévision des prochaines élections, le Rapporteur spécial a recommandé de clore les enquêtes contre les opposants politiques et de créer des commissions électorales libres et transparentes. En outre, la loi sur les activités dans le cyberespace doit tenir compte des conventions existantes, a ajouté M. Muntarbhorn. Le Rapporteur spécial a plaidé pour le pluralisme et pour la démocratie, tels qu’envisagés dans l’Accord de paix de 1991.

Dialogue renforcé autour du rapport du Haut-Commissariat sur la situation des droits de l’homme au Soudan

Le Conseil est saisi d’un rapport (A/HRC/48/46) du Haut-Commissariat aux droits de l’homme sur la situation des droits de l’homme au Soudan et sur les progrès accomplis et les problèmes restant à régler après la fin du mandat de l’Expert indépendant sur cette question, en 2020. Ce rapport couvre la période allant d’octobre 2020 au 30 juin 2021.

Présentations

Présentant le rapport du Haut-Commissariat, MME NADA AL-NASHIF, Haute-Commissaire adjointe aux droits de l’homme, a d’abord précisé que le Conseil de sécurité, par sa résolution 2524 (2020), avait créé la Mission intégrée des Nations Unies pour l'assistance à la transition au Soudan (MUNUATS) avec un mandat relatif aux droits de l'homme.

Mme Al-Nashif a ensuite salué l'engagement du Soudan à mettre en place d'importantes réformes économiques et à renforcer les protections sociales, ce qui pourrait permettre d'améliorer la vie des Soudanais et leur accès aux principaux droits économiques, sociaux et culturels. Elle a également salué la ratification par le Soudan de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ainsi que l’adhésion du pays à la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

Cependant, a fait observer Mme Al-Nashif, le Darfour est toujours confronté à des problèmes en matière de droits de l'homme, tels que l’extorsion de civils et des violences sexuelles perpétrées à l'encontre des femmes et des filles par des groupes armés, ainsi que des violences intercommunautaires liées à la compétition pour l'accès aux ressources en eau et aux terres pastorales. Les retards dans la mise en œuvre du Plan national de protection des civils, le retrait de la Mission conjointe des Nations unies et de l'Union africaine au Darfour (MINUAD), ainsi que les difficultés rencontrées dans l'application de l'Accord de paix de Juba, ont rendu les civils plus vulnérables, a souligné la Haute-Commissaire adjointe.

Le Haut-Commissariat reste aussi préoccupé par les retards pris pour rendre justice aux victimes des crimes passés commis au Darfour et aux aux victimes de la dispersion violente de manifestations à Khartoum le 3 juin 2019 ; ainsi que par la persistance de pratiques restrictives ayant des implications potentielles sur l'accès à l'information, a ajouté Mme Al-Nashif.

La Haute-Commissaire adjointe a assuré que le Haut-Commissariat continuerait de soutenir les autorités de transition. Elle a recommandé d'accélérer la mise en œuvre de l'Accord de paix de Juba, en particulier les dispositions relatives à la responsabilité, à la justice transitionnelle et aux solutions de paix durables pour tous les Soudanais ; et, compte tenu de la résurgence de la violence au Darfour, Mme Al-Nashif a également recommandé de déployer le Plan national pour la protection des civils, y compris le déploiement de forces de protection conjointes.

M. VOLKER PERTHES, Représentant spécial du Secrétaire général pour le Soudan et Chef de la Mission intégrée des Nations Unies pour l’assistance à la transition au Soudan (MINUATS), a souligné que la tentative de coup d'État au Soudan du 21 septembre dernier avait été un rappel brutal des difficultés auxquelles le pays reste confronté un an après la signature de l'Accord de paix de Juba.

M. Perthes a notamment relevé que la ratification des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme devait s'accompagner de réformes juridiques et institutionnelles ainsi que d'une sensibilisation et d'un renforcement des capacités afin de permettre leur application efficace. À cet égard, la création d'une nouvelle commission nationale des droits de l'homme indépendante et du Conseil législatif de transition est requise pour faire avancer les réformes juridiques et le renforcement des institutions, a-t-il souligné.

M. Perthes a dit avoir entendu, depuis huit mois, de nombreux appels pour qu’il soit rendu justice aux victimes des graves violations des droits de l'homme commises par le régime précédent au Darfour et pour que les auteurs des violences sexistes actuelles soient jugés. Il a jugé urgent de créer les mécanismes de justice transitionnelle prévus par l'Accord de paix de Juba, notamment le tribunal spécial pour les crimes commis au Darfour. Prête à soutenir le Soudan en ce qui concerne les réformes judiciaires indispensables, l’ONU travaille dans ce domaine avec le Ministère de la justice, le Procureur général et la Cour suprême, a précisé le Représentant spécial du Secrétaire général.

Malgré la volonté du Gouvernement de faire avancer les réformes, a poursuivi M. Perthes, la résurgence de la violence intercommunautaire fait peser de nouvelles menaces sur la protection des civils. Au Darfour, la violence a coûté la vie à 500 civils et déplacé plus de 175 000 personnes depuis le début de l'année, a-t-il indiqué. Entre janvier et août 2021, environ 418 000 personnes ont été déplacées à la suite de conflits et d'attaques armées au Soudan, principalement au Darfour, dans certaines parties du Kordofan et dans le Nil Bleu : cela représente environ six fois plus de personnes nouvellement déplacées qu'au cours de la même période l'année dernière, a fait observer M. Perthes.

M. Perthes a demandé instamment aux autorités de combler le déficit de protection existant au Darfour depuis le retrait de la MINUAD. Cette semaine, la MINUATS entamera des tables rondes pour promouvoir le dialogue entre les mécanismes de protection au niveau de l'État et les communautés concernées, a indiqué le chef de la Mission.

MME ILHAM IBRAHIM MOHAMED AHMED, Sous-secrétaire adjointe du Ministère des affaires étrangères du Soudan, a assuré bien comprendre les raisons pour lesquelles le pays est resté si longtemps à l’ordre du jour du Conseil des droits de l’homme, compte tenu des violations généralisées des droits de l’homme commises par l’ancien régime contre les filles et les enfants du peuple soudanais et du déni d’un grand nombre de ses droits fondamentaux garantis par le droit international des droits de l’homme. Ce sont les mêmes raisons qui ont conduit le peuple soudanais à se révolter contre l’oppression et l’injustice pour exiger la liberté et la justice, et s’opposer aux conflits armés, aux discriminations et aux inégalités, a-t-elle souligné.

Le Gouvernement de transition, près de deux ans après sa formation, a tenu à aller de l’avant avec la mise en œuvre de la transition, en particulier en ce qui concerne l’intensification des efforts pour parvenir à un accord de paix global, durable et inclusif dans le pays, a poursuivi la Sous-Secrétaire adjointe du Ministère des affaires étrangères. L’Accord de paix de Juba a ainsi été signé en octobre 2020 entre le Gouvernement de transition et le Mouvement populaire de libération du Soudan (SPLM), a-t-elle rappelé.

Le Gouvernement de transition s’est par ailleurs engagé à mener des réformes juridiques en modifiant et en adoptant de nouvelles lois conformes aux accords internationaux ratifiés, en reconstruisant et en développant le système des droits de l’homme et de la justice et en garantissant l’indépendance du pouvoir judiciaire et de l’état de droit. En 2020, ce Gouvernement a aussi adopté plusieurs amendements et réformes importants du Code pénal dans le domaine des droits des femmes et des enfants et de la liberté de religion et de conviction.

Pour conclure, Mme Mohamed Ahmed a rappelé l’engagement de son pays à promouvoir les droits et la dignité des citoyens au Soudan, ainsi qu’à coopérer avec le Conseil des droits de l’homme et tous les mécanismes régionaux et internationaux des droits de l’homme, tout comme avec le Haut-Commissariat aux droits de l’homme à Khartoum, afin d’achever les mesures prises par le Gouvernement de transition et de répondre aux aspirations du peuple soudanais.

 

HRC21.142F