Pasar al contenido principal

La France n’a pas encore intégré l’approche du handicap fondée sur les droits de l’homme, regrette le Comité des droits des personnes handicapées

Compte rendu de séance

 

Les mesures prises par la France ne traduisent pas le modèle du handicap basé sur les droits de l’homme qui est défendu par la Convention relative aux droits des personnes handicapées. D’autres stratégies françaises liées au handicap, telle que la feuille de route de 2018 pour la santé mentale et la psychiatrie, se réfèrent encore au modèle médical du handicap, alors qu’il est reconnu comme étant discriminatoire, a regretté un membre du Comité des droits des personnes handicapées lors de l’examen du rapport initial de la France, qui se tenait depuis la semaine dernière et a pris fin cet après-midi.

Cet expert – M. Jonas Ruskus, qui faisait office de rapporteur du Comité pour l’examen du rapport de la France – s’est dit déçu par les niveaux de discrimination structurelle à l’encontre des personnes en situation de handicap en France et a jugé très préoccupant que la France n’ait pas pour objectif de mettre fin à l’institutionnalisation de personnes handicapées, y compris d’enfants. Également très préoccupants sont les dispositifs d’hospitalisation et de traitement sous contrainte basés sur la pathologisation du comportement, a-t-il ajouté. Il a espéré que la France passerait au modèle du handicap basé sur les droits de l’homme.

Pendant le débat avec la délégation française – qui était conduite par Mme Sophie Cluzel, Secrétaire d’État chargée des personnes handicapées auprès du Premier Ministre – les experts du Comité ont aussi soulevé la question du transfert en Belgique, à des fins de traitement, d’enfants et d’adultes atteints du syndrome de Down. À cet égard, Mme Cluzel a indiqué que le Gouvernement créerait des solutions d’accueil pour stopper les départs non consentis de Français en situation de handicap vers la Belgique, intolérables pour un pays comme la France.

Mme Cluzel a aussi précisé qu’en France, le handicap était considéré comme le résultat de l’interaction entre la personne atteinte d’une déficience et les obstacles extérieurs à cette personne. Deux facteurs sont donc pris en compte : les conséquences des problèmes de la personne ; et l’inadaptation de la cité ou de l’environnement. En ce sens, la définition retenue par la France s’inscrit parfaitement dans le respect de la Convention, a affirmé Mme Cluzel. La Secrétaire d’État a indiqué que la France faisait avancer les droits des personnes à chaque étape de la vie grâce à des parcours de soins adaptés et à un accès aux droits simplifié.

Des questions ayant porté sur la position de la France s’agissant du projet de protocole additionnel à la Convention d’Oviedo, la délégation a précisé que son pays avait demandé que le projet soit modifié pour y inclure, notamment, la mention d’une extinction progressive du recours aux soins sans consentement, à l’isolement et à la contention. Il est inexact de prétendre que la France serait permissive quant au contrôle des situations de privation de liberté, a assuré la délégation : toutes ces pratiques s’exercent sous le contrôle du juge des libertés et de la détention, qui peut lever à tout moment ces mesures.

Mme Claire Hédon, Défenseure des droits, a pour sa part regretté que la France n’ait pas encore pris pleinement en considération la nouvelle approche fondée sur les droits induite par la Convention. Les discriminations à l’égard des personnes handicapées constituent le premier motif de saisine du Défenseur des droits en matière de discrimination, a-t-elle indiqué.

Mme Magali Lafourcade, Secrétaire générale de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, a, quant à elle, encouragé le Gouvernement à appliquer un plan stratégique pour rendre la législation conforme à la Convention, à commencer par la définition du handicap ; et à revoir la juste représentation des personnes handicapées, y compris les enfants, dans les instances de décision et de consultation.

La délégation française était également composée de M. François Rivasseau, Représentant permanent de la France auprès des Nations Unies à Genève, ainsi que de nombreux fonctionnaires représentant – notamment – le Comité interministériel du handicap et les Ministères des solidarités et de la santé ; du travail, de l’emploi et de l’insertion ; de la transformation et de la fonction publique ; de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports ; et de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.

Au cours du dialogue, le Comité a salué certains progrès accomplis par la France, notamment la modification du Code du travail obligeant les employeurs à prendre des mesures d’aménagement raisonnable et assimilant le refus d’obtempérer en la matière à une discrimination fondée sur le handicap. Ont aussi été saluées la stratégie pour l’emploi des personnes handicapées et la loi d’orientation destinée à favoriser l’autonomie des personnes handicapées.

Mme Rosemary Kayess, Présidente du Comité, a fait part du décès des suites de la COVID-19, mercredi dernier, de Mme Soumia Amrani, experte marocaine du Comité et Présidente du Collectif Autisme Maroc, des suites de la COVID-19.

 

Vendredi prochain, 27 août, à 12h30, le Comité doit entamer l’examen du rapport du Liban. Il publiera ses observations finales issues de l’examen des rapports de la France et du Liban au terme de la session, le 14 septembre prochain.

 

Examen du rapport

Le Comité est saisi du rapport initial de la France (CRPD/C/FRA/1) ainsi que de ses réponses à une liste de questions posées par le Comité.

Présentation du rapport

Le rapport a été présenté par MME SOPHIE CLUZEL, Secrétaire d’État auprès du Premier Ministre, chargée des personnes handicapées, cheffe de la délégation française.

Mme Cluzel a d’abord fait état de progrès considérables réalisés par son pays depuis la signature de la Convention en 2007.Elle a notamment souligné le rattachement auprès du Premier Ministre, depuis 2017, du Secrétariat d’État chargé des personnes handicapées, une organisation politique très concrète qui a permis aux autorités d’obtenir des résultats tangibles en incluant la prise en compte du handicap dans chacun des pans de l’action publique, là où auparavant elle demeurait trop souvent rattachée à sa seule dimension sociale, voire sanitaire. Les personnes en situation de handicap sont enfin considérées comme sujets de droits et non plus comme des objets de soins, a insisté Mme Cluzel.

Cette ambition politique s’accompagne de moyens, a précisé la Secrétaire d’État, puisque la France consacre chaque année aux politiques publiques de handicap quelque 51 milliards d’euros.

Pour assurer le plein accès aux droits, le Gouvernement a, en mars 2019, rétabli le droit de vote de tous les majeurs protégés : 350 000 Français [supplémentaires] peuvent désormais voter et participer à la vie démocratique du pays. Autre progrès, l’octroi des droits à vie : les personnes dont le handicap est irréversible n’ont plus à démultiplier les démarches administratives. Cette simplification s’accompagne d’un effort pour diminuer les délais de traitement des dossiers, a ajouté Mme Cluzel.

La politique du Gouvernement consiste à construire des solutions innovantes adaptées au sein même de la société pour permettre le plein accès à l’autonomie des personnes, a poursuivi la Secrétaire d’État. Des lieux de vie sont développés, spécifiquement adaptés aux adultes qui ont des besoins plus complexes, comme les personnes polyhandicapées. Il s’agit aussi de créer sur le territoire les solutions d’accueil pour stopper les départs non consentis de Français en situation de handicap vers la Belgique, intolérables pour un pays comme la France, a dit Mme Cluzel.

Toujours dans l’optique de rendre la société inclusive, le Gouvernement a profondément transformé le modèle scolaire : à la rentrée 2020, près de 400 000 élèves en situation de handicap ont été scolarisés, dont plus de 40 000 enfants autistes, alors qu’ils en étaient précédemment exclus. Le Gouvernement a aussi développé de nombreux dispositifs pour que les personnes en situation de handicap puissent avoir une vie professionnelle comme les autres. Enfin, durant la crise sanitaire, le Gouvernement a veillé à s’adresser à tous les citoyens, conduisant à des avancées notoires en matière d’accessibilité des communications, grâce à l’utilisation de la langue des signes française et du sous-titrage.

Ces progrès ne sauraient être véritablement effectifs si la société ne change pas son regard sur le handicap, a ajouté Mme Cluzel. Le Président de la République a donc lancé, lors de la Conférence nationale du handicap de février 2020, une campagne nationale de sensibilisation qui aura pour objectif d’accélérer le changement de représentations associées au handicap. Il importe d’affirmer ce message : les personnes en situation de handicap sont des citoyens à part entière et non pas à part, a conclu Mme Cluzel.

MME CLAIRE HÉDON, Défenseure des droits, a regretté que la France n’ait pas encore pris pleinement en considération la nouvelle approche fondée sur les droits induite par la Convention. Ainsi, l’approche du handicap reste-t-elle essentiellement médicale, ce dont témoigne la définition du handicap introduite par la loi du 11 février 2005 [pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées]. Cette approche se traduit par la priorité accordée aux réponses en termes de compensation individuelle, au détriment d’une nécessaire transformation de l’environnement dans un objectif de société inclusive, ouverte à tous.

En outre, les personnes handicapées restent encore aujourd’hui stigmatisées en raison d’une représentation stéréotypée du handicap. Une campagne de grande ampleur, couvrant tous les handicaps, pourrait aider à combattre les préjugés, a recommandé Mme Hédon.

Les discriminations à l’égard des personnes handicapées constituent le premier motif de saisine du Défenseur des droits en matière de discrimination, a indiqué Mme Hédon. L’emploi est le premier domaine concerné, notamment du fait du refus de nombreux employeurs de mettre en place des aménagements raisonnables. Il y a aussi un manque de données sur le handicap dans certains domaines, comme par exemple en ce qui concerne le nombre d’enfants non scolarisés.

MME MAGALI LAFOURCADE, Secrétaire générale de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), a salué les avancées de ces dernières années pour inscrire la question du handicap à l’agenda politique et rendre les politiques du handicap plus transversales, ou encore le fait que le Gouvernement français s’engage dans une campagne de sensibilisation du grand public pour faire reculer les préjugés à l’égard du handicap.

La CNCDH appelle la France a transposer, dans son droit interne, la définition du handicap donnée par la Convention, car la définition de la loi de 2005 freine la reconnaissance des personnes handicapées comme des sujets de droits plutôt que comme des objets de soins, a estimé Mme Lafourcade. D’autre part, « si la Commission se réjouit de la réforme du droit de vote et du mariage des personnes en tutelle », elle estime que « le Gouvernement n’est pas allé suffisamment loin pour respecter le principe de capacité de toute personne. Elle encourage donc le Gouvernement à inscrire la réforme de la protection juridique des majeurs dans le respect des articles 12 et 19 de la Convention », a indiqué Mme Lafourcade.

La CNCDH souligne aussi la difficulté pour les personnes handicapées d’accéder à un juge ou encore à porter plainte – or, sans contrôle du juge, les droits ne sont qu’illusoires, a poursuivi Mme Lafourcade. Elle s’est enfin inquiétée de la montée d’un discours sécuritaire autour de la dangerosité du handicap psychique, auquel s’attachent hospitalisations et soins contraints, ainsi que des représentations articulées sur les peurs.

Questions et observations des membres du Comité

M. JONAS RUSKUS, rapporteur du Comité pour l’examen du rapport de la France, a salué plusieurs progrès accomplis par ce pays, notamment la modification du Code du travail obligeant les employeurs à prendre des mesures d’aménagement raisonnable et assimilant le refus d’obtempérer en la matière à une discrimination fondée sur le handicap. Le rapporteur a aussi salué la stratégie pour l’emploi des personnes handicapées et la loi d’orientation destinée à favoriser l’autonomie des personnes handicapées.

Cependant, l’expert a regretté que les mesures prises par la France ne traduisent pas le modèle du handicap basé sur les droits de l’homme qui est défendu par la Convention. En outre, d’autres stratégies liées au handicap, telle que la feuille de route pour la santé mentale et la psychiatrie (2018), se réfèrent encore au modèle médical du handicap, alors qu’il est reconnu comme étant discriminatoire, a souligné M. Ruskus.

Le rapporteur a suggéré que ceci pourrait être dû au fait que la loi de 2005 n’a pas été harmonisée avec la Convention. L’article premier de cette loi est au cœur du problème, car il permet aux associations gestionnaires du secteur médico-social, et non aux organisations représentatives des personnes en situation de handicap, d’exercer une influence prépondérante sur les politiques publiques en matière de handicap. « Le modèle du handicap basé sur les droits de l’homme n’a pas été intégré dans la législation ni la réglementation nationales », pas plus qu’il « n’est devenu partie intégrante de la conscience politique et professionnelle » en France, a ainsi déploré l’expert.

En outre, plus de 700 000 personnes en France restent privées de leur capacité juridique sur la base de leur handicap, et donc privées de leurs droits humains : cela constitue une violation claire de l’article 12 de la Convention, a mis en garde M. Ruskus.

D’autre part, dans des courriers au Conseil de l’Europe en 2017 et 2021, le Comité avait exprimé sa préoccupation concernant le projet de protocole additionnel à la Convention d’Oviedo sur les droits de l’homme et la biomédecine , estimant que ce projet contredisait la Convention relative aux droits des personnes handicapées en légitimant la privation forcée et arbitraire de liberté d’une personne sur la base de son handicap psychosocial. M. Ruskus a voulu savoir si la France s’opposerait à l’adoption du protocole additionnel.

Plusieurs autres experts du Comité ont voulu savoir ce qui avait été fait en France pour adopter l’approche du handicap fondée sur les droits de l’homme et pour s’éloigner du modèle médical.

La délégation a été priée de communiquer des informations sur l’avancement de la réforme destinée à abolir les lois discriminatoires permettant d’hospitaliser, sans leur consentement, des personnes victimes de handicap psychosocial.

Plusieurs questions ont porté sur le fonctionnement du Conseil consultatif national des personnes handicapées (CNCPH) et sur la manière d’améliorer la participation des personnes handicapées à cette instance. Le fait que la nomination des membres du CNCPH relève d’un ministère a été jugé préoccupant.

Un autre expert a dit avoir remarqué une applicabilité directe limitée de la Convention dans les procédures judiciaires individuelles en France, de même qu’une ignorance générale, de la part des tribunaux et de l’administration, des droits couverts par la Convention.

Des experts ont recommandé que la Convention soit traduite en français simple et dans d’autres formats accessibles aux personnes handicapées. Plusieurs experts se sont interrogés sur les mesures prises pour que tous les sites Internet soient accessibles aux personnes handicapées.

Un expert a demandé si les personnes handicapées placées en détention ou en conflit avec la loi bénéficiaient des aménagements nécessaires à leurs besoins. Il a été demandé que la France mette un terme à la privation de liberté au motif d’un handicap psychosocial, ou considéré comme tel.

D’autres questions ont porté sur la consultation des femmes et des filles handicapées dans le contexte de la conception des lois et programmes les concernant. Il a en outre été remarqué que les femmes handicapées semblaient concentrées dans les secteurs d’emploi les moins bien protégés et payés.

La question du transfert en Belgique, à des fins de traitement, d’enfants et d’adultes atteints du syndrome de Down a été soulevée à plusieurs reprises.

La délégation a aussi été priée de donner des précisions sur la situation en France des gens du voyage et des Roms en situation de handicap ; et sur les raisons pour lesquelles les personnes handicapées étaient moins vaccinées contre la COVID-19 que le reste de la population française.

Un expert a regretté que le « Forum génération égalité » qui s’est tenu récemment à Paris ait été inaccessible aux personnes handicapées par manque de sous-titrage ou d’autre forme d’accessibilité. L’expert a voulu savoir quelles mesures étaient prises pour que ce type d’exclusion ne se reproduise pas.

Des experts ont demandé si le système d’écriture braille et la langue des signes étaient enseignés et reconnus en France. Un expert a mis en garde contre la création d’unités spécialisées pour enfants handicapés au sein des écoles générales, car – a-t-il affirmé – ces unités peuvent susciter le rejet et la discrimination envers les enfants handicapés.

Le rapporteur, M. Ruskus, a pour sa part estimé que le système d'allocation pour les personnes handicapées restait une mesure fragmentaire, fondée sur le modèle médical du handicap et poussant les personnes handicapées dans la pauvreté.

Une experte a plaidé pour la reconnaissance de la capacité juridique des personnes handicapées dans tous les aspects de la vie.

Réponses de la délégation

La délégation a d’abord précisé que le choix de la France, s’agissant de son modèle institutionnel, ne devait pas s’entendre à la lumière d’une institutionnalisation, mais procède de la volonté d’aller vers les personnes au plus près de leur choix de vie ; pour accompagner leur choix et leur autodétermination, les maisons départementales pour les personnes handicapées – service public de proximité – analysent les besoins des personnes au regard de leur projet de vie, pour leur apporter la solution de compensation la plus appropriée, y compris pour les personnes ayant les besoins les plus complexes.

La délégation a ensuite déclaré que la France s’était engagée, avec la loi de 2005, dans une prise en compte du handicap qui s’appuie sur le modèle promu par la Convention, c’est-à-dire fondée sur le droit des personnes et non leur situation médicale. La France considère le handicap comme le résultat de l’interaction entre la personne atteinte d’une déficience et les obstacles extérieurs à cette personne. La définition retenue dans le système juridique impose donc de prendre en considération deux facteurs : les conséquences des problèmes de la personne ; et surtout l’inadaptation de la cité ou de l’environnement. La définition s’inscrit en ce sens parfaitement dans le respect de la Convention, a assuré la France.

Nul ne peut donc penser aujourd’hui que la politique menée par la France serait paternaliste et médicale, a insisté la délégation. L’action menée par le Gouvernement en matière de scolarisation, d’accès à l’emploi, de respect du droit de vote, d’aménagement des transports et des logements, notamment, en témoigne, a-t-elle souligné.

Par exemple, en matière d’autisme et d’autisme sévère, le Gouvernement mise sur un repérage précoce et sur la recherche des solutions les plus adéquates. La personne handicapée n’est pas spectatrice de son parcours, mais bien actrice de sa vie, a insisté la délégation.

La France a pris en 2017 la mesure de la nécessité de revoir sa politique en matière d’autisme, a ensuite déclaré la délégation. Une stratégie nationale a été adoptée en 2018 autour de cinq engagements majeurs, dont deux concernent spécialement les enfants : la scolarisation, d’une part, et la détection précoce par des médecins généralistes ou pédiatres, de l’autre. L’approche, centrée sur les droits, prévoit une orientation des enfants vers des professionnels compétents et des interventions dans les domaines pédagogique et social. Depuis la rentrée de 2020, plus de 42 000 enfants autistes sont scolarisés, pour des périodes de plus en plus longues, dans l’école de la République, un chiffre en progression constante, a précisé la délégation.

La France applique, sur tout le territoire, un ensemble de « bonnes pratiques » pour le repérage, le diagnostic et l’accompagnement des enfants autistes et de leurs familles. Les autorités interviennent auprès des professionnels pour qu’ils changent leur pratique vis-à-vis de ces enfants, a également indiqué la délégation.

La délégation a assuré qu’il n’y avait plus aucun exil forcé en Belgique d’enfants et d’adultes atteints du syndrome de Down (trisomie 21). Sur quelque 345 000 enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance, 25 % sont en situation de handicap, a-t-il été précisé. Des soins adéquats leur sont garantis. Des professionnels sont formés pour repérer si l’enfant ou sa famille ne souffre pas d’autisme, afin d’éviter des placements abusifs, a en outre indiqué la délégation.

Le France applique une politique de territoire, avec des solutions de proximité destinées à construire une politique avec les personnes concernées. Des assistants de parcours de vie aident les personnes à définir et exprimer leurs besoins ; les acteurs concernés sur le terrain apportent ensuite des réponses adaptées, par exemple l’accompagnement à l’école, pour les enfants, ou encore d’autres formes d’accompagnement, pour les adultes. La réponse n’est donc plus monolithique, comme auparavant. Tous les secteurs concernés – et non plus uniquement le secteur médical – participent à l’intégration des personnes handicapées à la vie de tous les jours.

Avant, en France, les personnes handicapées n’avaient que deux choix d’habitation, a poursuivi la délégation : les foyers collectifs ou la vie isolée chez soi. Aujourd’hui, elles ont un troisième choix : l’habitat inclusif, au choix des personnes, éventuellement en colocation, pour être accompagnées dans un choix de vie partagée au cœur des villes. Il s’agit là d’une manière de traiter la question de la désinstitutionalisation, a conclu la délégation sur ce point.

La France, a-t-il été indiqué, a demandé que le projet de protocole additionnel à la Convention d’Oviedo soit modifié pour y inclure, notamment, la mention d’une extinction progressive du recours aux soins sans consentement, à l’isolement et à la contention. Les discussions complémentaires sur cette demande – entre autres – sont à l’origine du report du vote (sur le projet de protocole) qui était prévu en juin 2021, a précisé la délégation.

S’agissant toujours des questions relatives au consentement éclairé aux soins, la délégation a déclaré que ce consentement était une condition pour la mise en œuvre des soins. Dans le cas où ce consentement ne peut être recueilli en raison d’un obscurcissement temporaire du jugement, et seulement en cas de soins urgents, la liberté peut être limitée sous le contrôle du juge. Cette pratique est strictement encadrée par la loi. Face à la persistance d’un recours jugé encore trop élevé à cette pratique, son encadrement vient d’être renforcé, le but de la France étant de restreindre au maximum cette pratique en santé mentale et en psychiatrie. Ces situations privatives de liberté sont contrôlées par le juge des libertés.

Concernant ensuite la question de l’accessibilité des logements (qui est régie en France par loi ELAN sur l’« évolution du logement, de l'aménagement et du numérique »), des experts du Comité ayant exprimé leur crainte que les logements neufs pourraient ne plus être à 100 % accessibles aux personnes handicapées, la délégation a précisé que la même loi introduisait la notion de « logement évolutif » pour donner effet aux principes d’autonomie et de capacité des personnes à adapter leur logement à leurs besoins. Des progrès importants ont trait à l’amélioration des salles de bain : il est désormais obligatoire de construire des logements neufs avec des douches « à l’italienne » adaptées aux besoins des personnes handicapées ainsi que des personnes âgées. En outre, les immeubles dès deux étages doivent désormais être munis d’ascenseur. Un travail de pédagogie et de formation est réalisé avec le secteur immobilier pour appliquer les nouvelles règles, a indiqué la délégation.

Concernant l’accessibilité à Internet, il a été expliqué que, depuis 2019, l’Observatoire de la qualité des démarches en ligne veillait à ce que tous les citoyens puissent accéder dans de bonnes conditions à quelque 250 démarches officielles électroniques indispensables. Quelque 32 millions d’euros sont consacrés à l’accélération de l’amélioration de la qualité des démarches administratives, afin qu’elles soient accessibles à toutes et à tous d’ici à 2022.

Répondant ensuite aux interrogations sur le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), il a été indiqué que sa structure avait été révisée en 2019 pour assurer une meilleure représentation des personnes handicapées afin d’améliorer leur pouvoir d’agir. Le CNCPH compte ainsi désormais six collèges, dont deux représentant, respectivement, les associations de personnes handicapées et les associations ou organismes gestionnaires (professionnels qui interviennent dans la gestion du handicap).

Si les membres du CNCPH sont nommés sur signature [de la Secrétaire d’État], les candidats sont cependant choisis par un comité indépendant, a-t-il été précisé. Les débats et publications du Conseil sont entièrement accessibles aux personnes handicapées. La délégation a ensuite fourni d’autres renseignements sur le financement du Conseil.

Pour ce qui concerne l’applicabilité de la Convention en France, toute convention internationale signée par la France a un effet direct, comme la Cour de cassation le rappelle aux tribunaux qui l’oublieraient, a par ailleurs souligné la délégation. La Convention relative aux droits des personnes handicapées fait l’objet de formations spécifiques à l’École de la magistrature, y compris dans le cadre de la formation continue des magistrats. La procédure pénale soutient pleinement l’accessibilité des personnes handicapées, du dépôt de plainte jusqu’aux éventuelles réparations.

S’agissant de la participation des femmes handicapées, le Gouvernement cherche d’abord à instaurer la parité entre les sexes dans les instances consultatives ainsi qu’au sein du CNCPH. Sur le plan individuel, la volonté est de permettre aux femmes handicapées d’établir des projets personnalisés ; à cet égard, quelque 350 « facilitateurs de libre choix » de vie vont être recrutés. La prise en compte des femmes fait aussi l’objet de politiques spécifiques : ainsi, le Grenelle des violences faites aux femmes de 2019 comptait un groupe de travail spécifique sur les femmes handicapées, et des mesures de suivi ont été prises. Le Gouvernement soutient en outre des associations qui œuvrent dans ce champ d’action, notamment l’association « Femmes pour le dire, femmes pour agir ».

Des services d’accompagnement existent à Paris et à Strasbourg pour aider les personnes handicapées dans leur choix de parentalité. Ces services seront étendus dans les régions, a en outre indiqué la délégation.

Depuis 2017, la lutte contre la discrimination est au cœur des politiques publiques, a poursuivi la délégation, en donnant pour preuve le lancement, en 2021, de la plate-forme de signalement et d’accompagnement des témoins ou victimes de discrimination. La ligne d’appel de la plate-forme est accessible aux personnes sourdes ou malentendantes. En outre, pour changer le regard sur le handicap, une grande campagne de sensibilisation sera lancée en octobre prochain, a indiqué la délégation.

Plusieurs mécanismes juridiques existent pour punir les auteurs de la discrimination envers les personnes handicapées, a d’autre part fait valoir la délégation. Ainsi, la procédure pénale aboutit-elle au prononcé de nombreuses décisions de justice chaque année : par exemple, une compagnie aérienne a été condamnée à 60 000 euros d’amende pour avoir refusé d’embarquer une personne handicapée. En outre, dans la procédure civile, le plaignant peut solliciter réparation. Les personnes handicapées bénéficient, comme les autres citoyens, d’un droit à réparation.

Si le droit pénal français ne reconnaît pas la discrimination multiple ou intersectorielle, a-t-il été indiqué, la jurisprudence suit un raisonnement qui va dans le sens d’une reconnaissance. D’autre part, l’action de groupe (class action) est possible depuis 2016. Elle concerne tous les domaines, y compris les vingt-cinq types de discrimination reconnus en France.

Le refus d’aménagement raisonnable ne figure pas dans ces vingt-cinq cas de discrimination, a poursuivi la délégation. L’objectif de protection défendu par le droit français est cependant identique (à ce concept d’aménagement raisonnable), a-t-elle mis en avant : les législations en matière d’éducation ou d’emploi, par exemple, reprennent ce concept avec des appellations différentes, telles que « refus de prendre des mesures appropriées ». En cas de plainte, le juge vérifiera si le refus de prendre de telles mesures est bien dû à la charge disproportionnée qu’elles entraîneraient.

Il a en outre été précisé que sur environ deux millions de bâtiments ouverts au public en France, un million étaient accessibles aux personnes handicapées. Les carences principales en la matière se situent dans les petits commerces de proximité. L’objectif d’accessibilité des gares ferroviaires est atteint à 45%, a par ailleurs précisé la délégation.

La délégation a par ailleurs présenté le « fichier Hopsyweb », une application de gestion administrative des soins psychiatriques sans consentement. En aucun cas, a-t-elle assuré, les préfets n’ont accès, dans la recherche de personnes suivies pour radicalisation, à l’application elle-même, ni aux données qu’elle contient : le secret médical est préservé. La France ne considère pas les malades mentaux comme des criminels en puissance, mais au contraire et majoritairement comme des victimes.

Répondant à des questions concernant l’éducation, la délégation a précisé que près de 40 000 étudiants en situation de handicap suivaient une formation d’enseignement supérieur à l’université, à l’école ou au lycée. L’engagement du Gouvernement pour faciliter l’accès à l’enseignement supérieur des jeunes en situation de handicap a conduit à accueillir 30% d’étudiants (handicapés) de plus depuis 2017. La délégation a aussi décrit les aménagements raisonnables apportés dans les écoles, évoquant notamment les améliorations d’infrastructures, les temps majorés et les accompagnements individuels.

La délégation a fait savoir que le minimum social à destination des personnes en situation de handicap avait été fortement revalorisé par le Gouvernement : il est passé de 810 euros par mois en 2017, à 900 euros par mois en 2019. Les dispositifs de soutien aux revenus des personnes les plus modestes ne s’arrêtent pas aux minima sociaux : il faut considérer l’ensemble des prestations de solidarité – tels qu’allocations logement, majoration pour vie autonome ou encore mise en place d’aides humaines, animales et techniques – pour apprécier la capacité de la redistribution à éviter la pauvreté, a souligné la délégation.

S’agissant de l’emploi des personnes handicapées, il a été précisé qu’en France, la grande majorité des personnes handicapées travaillent dans les entreprises et les administrations. Le Gouvernement a lancé une grande concertation au sujet des établissements et services d'aide par le travail (ESAT). Il entend donner aux personnes handicapées les plus éloignées de l’emploi la capacité de revenir dans le marché du travail en étant accompagnées. La délégation a décrit son initiative DuoDay de partage d’expériences entre salariés handicapés et non handicapés au sein des entreprises.

La délégation a encore précisé qu’avant de lever sa déclaration interprétative à l’article 29 de la Convention, la France devait conduire une analyse juridique afin de déterminer si la modification de la législation concernant le droit de vote des personnes sous tutelle rendait le droit interne pleinement conforme à la Convention. Depuis 2019, le droit de vote est reconnu à tous les majeurs protégés sans condition, et toutes les personnes qui avaient été privées de leur droit de vote par le juge des tutelles, soit 300 000 personnes, l’ont automatiquement recouvré. Les personnes concernées doivent s’inscrire sur les listes électorales pour exercer leur droit de vote, selon la procédure de droit commun, a indiqué la délégation.

La délégation a donné des exemples de personnes handicapées accédant à des fonctions élues à tous les niveaux de gouvernement. Mais leur participation reste globalement faible, avec une trentaine d’élus municipaux, a-t-elle reconnu, avant de souligner que le Gouvernement a appelé publiquement les partis politiques à intégrer davantage de personnes handicapées dans leurs listes électorales.

Les personnes handicapées peuvent participer à la mise en œuvre de la Convention en France au travers, notamment, du Conseil national consultatif des personnes handicapées et de sa commission dédiée aux relations internationales et à la mise en œuvre de la Convention.

La délégation a précisé que le Forum Génération Égalité avait été organisé en partenariat avec ONU Femmes. Les faits reprochés par un expert du Comité ne se seraient pas produits si la France avait été organisatrice à 100% de cet événement, a assuré la délégation.

Remarques de conclusion

MME CLUZEL a remercié le Comité pour ces échanges très constructifs durant trois jours. La Secrétaire d’État a insisté sur la volonté de la France de reconnaître et de valoriser la diversité, de porter un projet de société inclusive et d’abattre les barrières qui empêchent la pleine participation des personnes handicapées dans la société, pour leur permettre d’exercer pleinement leur citoyenneté et d’être au centre du contrat social. Mme Cluzel a également réaffirmé l’attachement du pays aux principes d’égalité des chances, d’équité territoriale, de liberté de choix et de justice. Le présent dialogue a aussi été l’occasion pour la délégation de rappeler les progrès réalisés par la France pour faire avancer les droits des personnes handicapées dans l’esprit de la Convention, à chaque étape de la vie, grâce notamment à des parcours de soins adaptés et à un accès aux droits simplifié, a fait valoir Mme Cluzel.

Le changement de société déjà entamé doit se poursuivre avec un redoublement d’efforts dans les chantiers que sont l’accessibilité, le décloisonnement de la prise en charge du handicap et la réflexion autour de l’institutionnalisation, a conclu la Secrétaire d’État

MME HÉDON a observé que le changement de paradigme qu’impose la Convention n’était pas inscrit culturellement dans l’approche française du handicap, qui reste encore fondée sur la solidarité nationale, voire familiale, et peu sur l’effectivité des droits. Si une impulsion positive a été donnée à l’éducation inclusive, elle se heurte en pratique à de nombreux obstacles structurels et de nombreux enfants en situation de handicap ne sont pas scolarisés, a relevé la Défenseure des droits. Mme Hédon a notamment recommandé que la France assure à tous les enfants handicapés une éducation de qualité et qu’elle rende accessibles à tous les types de handicap les services, les équipements, l’information, les bâtiments ouverts au public et les transports.

Constatant un décalage entre le discours politique et la réalité vécue par les personnes en situation de handicap et leurs familles en France, MME LAFOURCADE a encouragé le Gouvernement français à mettre en place un plan stratégique visant à réviser l’ensemble de sa législation pour la rendre conforme à la Convention, à commencer par la définition du handicap ; elle l’a également encouragé à revoir la juste représentation des personnes handicapées, y compris les enfants, dans les instances de décision et de consultation. Mme Lafourcade a aussi recommandé d’adopter des indicateurs pour mesurer les progrès dans l’application de la Convention.

M. RUSKUS a remercié la délégation pour le dialogue très constructif noué avec les membres du Comité. Il s’est dit déçu par les niveaux de discrimination structurelle à l’encontre des personnes en situation de handicap en France et a jugé très préoccupant que la France n’ait pas pour objectif de mettre fin à l’institutionnalisation de personnes handicapées, y compris d’enfants. Également très préoccupants sont les dispositifs d’hospitalisation et de traitement sous contrainte basés sur la pathologisation du comportement. La protection ne doit pas se traduire par une privation des droits humains, mais par la protection et la promotion des droits de l’homme des personnes en situation de handicap, comme pour toutes les autres personnes, a souligné M. Ruskus. Il a espéré que la France passerait au modèle du handicap basé sur les droits de l’homme.

 

 

CRPD21.005F