Aller au contenu principal

Examen de la Macédoine du Nord au Comité contre la torture : la situation dans les institutions psychiatriques, celle des requérants d’asile et des réfugiés, ainsi que celle des Roms figurent parmi les sujets évoqués

Compte rendu de séance

 

Le Comité contre la torture a examiné, mercredi matin et ce matin, le rapport présenté par la Macédoine du Nord au titre de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Au cours du dialogue noué entre les experts membres du Comité et la délégation macédonienne venue soutenir ce rapport, plusieurs experts ont noté les progrès accomplis par le pays dans des domaines importants couverts par la Convention, notamment en ce qui concerne la justice pour mineurs. Une experte a relevé avec satisfaction que l'équipe du mécanisme national de prévention [de la torture] effectuait des visites régulières dans les lieux de privation de liberté, sans rencontrer d’obstacles. Elle a toutefois souligné que l'État n'avait pas encore créé le cadre législatif approprié pour garantir l'indépendance réelle du mécanisme national de prévention et du Médiateur.

La même experte a ensuite salué le progrès que constitue, en Macédoine du Nord, l’existence de dispositions spécifiques garantissant l'accès à un avocat et à un médecin dès le début de la privation de liberté. Cependant, a-t-elle ajouté, selon certaines allégations, toutes les garanties fondamentales ne sont pas pleinement respectées : ainsi, dans certains postes de police, la notification de la garde à vue est refusée jusqu'à ce que la personne soit présentée à un juge, et l'accès à un avocat, selon certains rapports, resterait problématique.

L’experte a par ailleurs fait état d’allégations de recours excessif à la force par la police à l'encontre de Roms. Elle a d’autre part relayé des préoccupations parvenues au Comité concernant des actes de violence entre détenus, ainsi que des mauvais traitements infligés par des gardiens en tant que mesure disciplinaire.

L’experte a également fait état de « nombreux problèmes » dans les institutions psychiatriques macédoniennes, tels que vétusté des bâtiments, mauvaises conditions matérielles et manque de personnel (y compris de spécialistes en psychiatrie), ainsi que d’allégations de peines ou traitements inhumains ou dégradants, voire d'utilisation de moyens de contrainte pouvant s'apparenter à de la torture ou à d'autres formes de traitements cruels et inhumains dans certaines institutions.

Un autre membre du Comité a relayé des préoccupations d’organisations internationales selon lesquelles les demandeurs d'asile en Macédoine du Nord peuvent se voir refuser – ou les réfugiés se voir retirer – le statut de protection internationale pour cause de « menace pour la sécurité nationale », sans raisonnement ni référence à des preuves fiables et crédibles. Ainsi, a mis en garde cet expert, il a été rapporté qu'en 2024, un certain nombre de personnes – principalement des Roms du Kosovo qui bénéficiaient d'une protection subsidiaire en Macédoine du Nord depuis 1999 – ont été déclarées « menace pour la sécurité nationale ». L’expert a également fait état de préoccupations soulevées dans plusieurs rapports concernant la détention de réfugiés et de demandeurs d'asile, y compris d’enfants, dans des centres de détention pour migrants et a rappelé la recommandation adressée au pays lors de l’examen de son précédent rapport selon laquelle la détention des réfugiés et demandeurs d'asile devrait constituer une mesure de dernier recours et pour la période la plus courte possible. L’expert a en outre fait état de refoulements et de renvois de migrants à la frontière de l'État partie, parfois accompagnés de diverses formes de mauvais traitements.

A par ailleurs été jugée préoccupante la représentation disproportionnée des Roms dans le système de justice pénale – un phénomène dû au profilage racial et aux préjugés, a estimé un expert, ajoutant que des Roms ont fait état de discriminations et de violences à leur encontre dans les prisons.

Présentant le rapport de son pays, M. Jovica Stojanović, Directeur par intérim de l’Administration chargée de l’exécution des peines de la Macédoine du Nord, a souligné que le droit de ne pas être soumis à la torture faisait partie des libertés et droits fondamentaux inscrits dans la Constitution de la République de Macédoine du Nord. Il a ajouté que l’application des observations finales et des recommandations du Comité contre la torture avait fait partie intégrante de la réforme du système pénitentiaire et judiciaire – réforme destinée à améliorer l'accès de tous les citoyens à la justice.

M. Stojanović a d’autre part mentionné l’adoption d’un programme de formation continue des juges et des procureurs pour les années 2023-2024, qui traite en particulier des actes criminels que sont la torture, les mauvais traitements et les comportements inhumains ou dégradants commis par des agents de police ou des membres de la police des prisons. Il a également cité des modifications apportées au Code pénal en 2023 ayant permis de redéfinir le contenu de ces infractions pénales et d’aggraver les sanctions y afférentes, y compris l’introduction de l'imprescriptibilité de l'infraction pénale de torture.

En ce qui concerne les capacités institutionnelles pour la prévention et la lutte contre la torture, M. Stojanović a précisé que le mécanisme national de prévention (MNP) de la torture remplissait son mandat légal depuis quatorze ans maintenant. Il a en outre mentionné la création d’un mécanisme de contrôle civil, intégré au mandat du Médiateur, en tant que moyen d’enquête supplémentaire sur les violations du droit à la vie et de l'interdiction de la torture. M. Stojanović a par ailleurs fait savoir que la lutte contre la corruption et le crime organisé restait l’une des grandes priorités du Gouvernement.

Le Directeur par intérim a ensuite informé les membres du Comité que de nouvelles lois sur la procédure pénale et le Code pénal étaient en phase finale d'élaboration : elles intégreront toutes les normes internationales et la pratique de la Cour européenne des droits de l'homme, s'harmoniseront avec la législation européenne et remédieront aux faiblesses de la loi existante qui sont apparues dans la pratique, a-t-il indiqué.

De 2019 à 2024, les conditions matérielles de presque tous les établissements pénitentiaires ont été améliorées, a d’autre part souligné M. Stojanović.

La délégation macédonienne était également composée, entre autres, de Mme Teuta Agai-Demjaha, Représentante permanente de la Macédoine du Nord auprès des Nations Unies à Genève, ainsi que de représentants des Ministères des affaires étrangères, de la santé, de la justice, du travail et de la politique sociale, et de l’intérieur.

Au cours du dialogue, la délégation a indiqué que le Code pénal avait été amendé en 2023 afin d’élargir l’infraction de torture à tous les actes commis par des agents de l’État, y compris les menaces et l’incitation à l’utilisation de la force et d’autres moyens illicites provoquant des douleurs physiques, matérielles ou émotionnelles. Les peines encourues pour cette infraction ont été portées à cinq ans d’emprisonnement au minimum. Le Code pénal pose d’autre part l’imprescriptibilité des crimes de guerre et de torture, a ajouté la délégation.

Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport de la Macédoine du Nord et les rendra publiques à l’issue de sa session, le 10 mai prochain.

 

Cet après-midi, le Comité achèvera l’examen du rapport de la Finlande entamé hier matin.

 

Examen du rapport 

Le Comité est saisi du quatrième rapport périodique de la Macédoine du Nord (CAT/C/MKD/4), établi sur la base d’une liste de points à traiter qui avait été soumise au pays.

Présentation

Présentant le rapport de son pays, M. JOVICA STOJANOVIĆ, Directeur par intérim de l’Administration chargée de l’exécution des peines de la Macédoine du Nord, a souligné que le droit de ne pas être soumis à la torture faisait partie des libertés et droits fondamentaux inscrits dans la Constitution de la République de Macédoine du Nord. Il a ajouté que l’application des observations finales et des recommandations du Comité contre la torture avait fait partie intégrante de la réforme du système pénitentiaire et judiciaire – réforme destinée à améliorer l'accès de tous les citoyens à la justice. Le Directeur par intérim a mentionné à cet égard la Stratégie de réforme du secteur judiciaire 2017-2022 de même que l’adoption, en décembre 2023, de la nouvelle Stratégie de développement du secteur judiciaire (2024-2028) qui, a-t-il précisé, représente une feuille de route pour restaurer la confiance des citoyens dans le système judiciaire.

M. Stojanović a d’autre part mentionné l’adoption d’un programme de formation continue des juges et des procureurs pour les années 2023-2024, qui traite en particulier des actes criminels que sont la torture, les mauvais traitements et les comportements inhumains ou dégradants commis par des agents de police ou des membres de la police des prisons. Il a également cité des modifications apportées au Code pénal en 2023 ayant permis de redéfinir le contenu de ces infractions pénales et d’aggraver les sanctions y afférentes, y compris l’introduction de l'imprescriptibilité de l'infraction pénale de torture.

En 2023, a poursuivi M. Stojanović, des poursuites ont été engagées contre deux membres de la police pénitentiaire : des décisions de justice définitives ont déjà été adoptées pour l'infraction pénale de « mauvais traitements dans l'exercice de [leurs] fonctions ». M. Stojanović a par ailleurs insisté sur le fait qu’en mars 2024, la première décision de condamnation sanctionnant les discours de haine fondés sur l'orientation sexuelle avait été adoptée dans la jurisprudence macédonienne, témoignant de l’engagement du pays à traiter les cas de violence et à garantir un environnement sûr pour les personnes LGBTI.

En ce qui concerne les capacités institutionnelles pour la prévention et la lutte contre la torture, M. Stojanović a précisé que le mécanisme national de prévention (MNP) de la torture remplissait son mandat légal depuis quatorze ans maintenant. Il a en outre mentionné la création d’un mécanisme de contrôle civil, intégré au mandat du Médiateur, en tant que moyen d’enquête supplémentaire sur les violations du droit à la vie et de l'interdiction de la torture.

M. Stojanović a par ailleurs fait savoir que la lutte contre la corruption et le crime organisé restait l’une des grandes priorités du Gouvernement, la Commission nationale de prévention de la corruption étant proactive dans le traitement des cas de népotisme et d'influence politique dans le processus de recrutement des employés du secteur public, notamment.

Le Directeur par intérim a ensuite informé les membres du Comité que de nouvelles lois sur la procédure pénale et le Code pénal étaient en phase finale d'élaboration : elles intégreront toutes les normes internationales et la pratique de la Cour européenne des droits de l'homme, s'harmoniseront avec la législation européenne et remédieront aux faiblesses de la loi existante qui sont apparues dans la pratique, a-t-il indiqué.

M. Stojanović a d’autre part évoqué les efforts de la Direction de l'exécution des peines pour améliorer les conditions dans l'ensemble du système pénitentiaire, avec en particulier l’adoption de la Stratégie nationale de développement du système pénitentiaire et correctionnel (2021-2025) et l’organisation, entre 2019 et 2024, de 134 formations sur divers sujets impliquant 1776 employés du système pénitentiaire.

De plus, de 2019 à 2024, les conditions matérielles de presque tous les établissements pénitentiaires ont été améliorées, a souligné M. Stojanović. En particulier, la première phase de la construction du plus grand établissement pénitentiaire et correctionnel du pays, à Idrizovo, est entièrement achevée : l’établissement compte 546 places supplémentaires en unités semi-ouvertes et ouvertes.

Le Directeur par intérim a donné d’autres précisions concernant le renforcement du service de probation ainsi que le recours à des moyens alternatifs à la détention ; l’amélioration des conditions sanitaires en prison, y compris pour ce qui est de la santé mentale et de la prévention du suicide ; ou encore l’application d’une stratégie nationale et d’un plan d'action national de lutte contre la traite des êtres humains et la migration illégale.

Questions et observations des membres du Comité

MME ANA RACU, corapporteuse du Comité pour l’examen du rapport de la Macédoine du Nord , a relevé les progrès accomplis par le pays dans des domaines importants couverts par la Convention. Elle a espéré que le dialogue avec la délégation aurait un effet positif sur la prévention et la lutte contre la torture et les mauvais traitements, la violence domestique et fondée sur le genre, les performances des forces de l'ordre et l'engagement de l'institution du Médiateur et de la société civile dans la protection des droits de l'homme en Macédoine du Nord.

Mme Racu a demandé si la tentative de commission d’un acte de torture, ainsi que la complicité ou la participation à cet acte étaient explicitement érigées en infraction dans le Code pénal, comme l'exige l'article 4 de la Convention ; et si la responsabilité des supérieurs hiérarchiques avait été incorporée dans le Code pénal.

Mme Racu a ensuite relevé avec satisfaction que l'équipe du mécanisme national de prévention effectuait des visites régulières dans les lieux de privation de liberté, sans rencontrer d’obstacles, et avait des entretiens confidentiels avec des personnes placées dans des institutions fermées. L’experte a cependant fait observer que, selon des informations parvenues au Comité, en dépit des modifications apportées à la loi sur le Médiateur et au statut de l’institution nationale de droits de l’homme, l'État n'avait pas encore créé le cadre législatif approprié pour garantir l'indépendance réelle du mécanisme national de prévention et du Médiateur. Mme Racu a voulu savoir si le mécanisme disposait des moyens humains et financiers nécessaires pour remplir son mandat et combien de ses recommandations avaient été appliquées par les autorités.

Mme Racu a par ailleurs salué le progrès que constitue, en Macédoine du Nord, l’existence de dispositions spécifiques garantissant l'accès à un avocat et à un médecin dès le début de la privation de liberté. Cependant, a-t-elle ajouté, selon certaines allégations, toutes les garanties fondamentales ne sont pas pleinement respectées : ainsi, dans certains postes de police, la notification de la garde à vue est refusée jusqu'à ce que la personne soit présentée à un juge, et l'accès à un avocat, selon certains rapports, resterait problématique. L’experte a aussi voulu savoir quelles dispositions légales permettent aux médecins de signaler les cas de torture et de mauvais traitements détectés pendant les examens qu’ils opèrent [sur des personnes privées de liberté].

Mme Racu a ensuite fait état d’allégations de recours excessif à la force par la police à l'encontre de Roms : d'après les informations fournies au Comité, a-t-elle fait remarquer, il semble qu'un seul policier ait reçu une sanction disciplinaire et ait été licencié à la suite de l'enquête sur des expulsions forcées à Skopje en 2016. De plus, l'usage excessif de la force est toujours signalé, par plusieurs sources, comme une méthode à laquelle les forces de l'ordre ont fréquemment recours et qui continue de susciter des inquiétudes, a ajouté l’experte. Mme Racu a souhaité savoir quelle autorité était chargée de superviser les actions de la police.

Mme Racu a d’autre part relayé des préoccupations parvenues au Comité concernant des actes de violence entre détenus, ainsi que des mauvais traitements infligés par des gardiens en tant que mesure disciplinaire. Elle a demandé ce qui était fait pour prévenir les incidents violents entre détenus, y compris les automutilations et les suicides, et quelles procédures étaient en place pour enquêter sur ces faits. Les prisons, a insisté Mme Racu, peuvent être rendues plus sûres en répondant aux besoins humains fondamentaux des personnes et en enseignant des méthodes plus efficaces de gestion des conflits.

Une question de Mme Racu a porté sur l’accessibilité des mécanismes de plainte ouverts aux personnes détenues.

L’experte a ensuite relevé que des progrès ont été réalisés dans le domaine de la justice des mineurs, notamment en ce qui concerne les conditions de détention des mineurs. Cependant, a-t-elle constaté, les mineurs détenus se heurtent encore à des lacunes en matière d'éducation et de formation professionnelle, tandis que les statistiques révèlent qu’en 2022, 58% des mineurs incarcérés souffraient de problèmes de santé mentale.

Mme Racu a d’autre part fait état de recherches menées en 2019 par l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) selon lesquelles les femmes ne signalent que rarement les incidents de violence dont elles sont victimes, seuls 2% des incidents étant signalés. Une autre tendance négative est la montée des mouvements antigenre, qui ont notamment réussi à empêcher l'adoption d’une loi sur l'égalité des sexes, ajouté l’experte.

Mme Racu a ensuite fait état de « nombreux problèmes » dans les institutions psychiatriques macédoniennes, tels que vétusté des bâtiments, mauvaises conditions matérielles et manque de personnel (y compris de spécialistes en psychiatrie), ainsi que d’allégations de peines ou traitements inhumains ou dégradants, voire d'utilisation de moyens de contrainte pouvant s'apparenter à de la torture ou à d'autres formes de traitements cruels et inhumains dans certaines institutions. L’experte s’est notamment enquise des indicateurs utilisés par le personnel pour déterminer si un patient doit être soumis à une contention mécanique, ainsi que du contrôle exercé sur les institutions.

M. ABDERRAZAK ROUWANE, corapporteur du Comité pour l’examen du rapport de la Macédoine du Nord, a d’abord salué l'interaction constante de la Macédoine du Nord avec les mécanismes de droits de l'homme des Nations Unies, y compris les organes de traités, ainsi qu'avec les mécanismes de droits de l'homme du Conseil de l'Europe. Il a demandé si le pays entendait accepter le mandat du Comité en matière de réception de plaintes individuelles (communications).

M. Rouwane a ensuite fait état de « graves préoccupations » exprimées par la Commission européenne concernant l'influence externe indue sur le travail du Conseil de la magistrature et du pouvoir judiciaire en général, et a regretté à ce propos qu’ait été retardée l'adoption d'une nouvelle stratégie de réforme judiciaire pour la période 2023-2027, visant à améliorer les performances des institutions judiciaires. L’expert a toutefois salué le fait que la Cour suprême ait adopté une position de principe selon laquelle tous les tribunaux devraient publier leurs décisions, définitives ou non, sur leur site web.

M. Rouwane a par ailleurs relayé des préoccupations d’organisations internationales selon lesquelles les demandeurs d'asile en Macédoine du Nord peuvent se voir refuser – ou les réfugiés se voir retirer – le statut de protection internationale pour cause de « menace pour la sécurité nationale », sans raisonnement ni référence à des preuves fiables et crédibles. Ainsi, a mis en garde l’expert, il a été rapporté qu'en 2024, un certain nombre de personnes – principalement des Roms du Kosovo qui bénéficiaient d'une protection subsidiaire en Macédoine du Nord depuis 1999 – ont été déclarées « menace pour la sécurité nationale ».

M. Rouwane a d’autre part fait état de préoccupations soulevées dans plusieurs rapports concernant la détention de réfugiés et de demandeurs d'asile, y compris d’enfants, dans des centres de détention pour migrants. L’expert a rappelé la recommandation adressée à la Macédoine du Nord lors de l’examen de son précédent rapport selon laquelle la détention des réfugiés et demandeurs d'asile devrait constituer une mesure de dernier recours et pour la période la plus courte possible. M. Rouwane a en outre fait état de refoulements et de renvois de migrants à la frontière de l'État partie, parfois accompagnés de diverses formes de mauvais traitements, notamment des passages à tabac, l'utilisation punitive d'armes à décharge électrique, des menaces de mort, voire des attaques à l'aide d’armes à feu.

M. Rouwane s’est ensuite enquis des mesures prises pour garantir que les victimes de la traite des êtres humains bénéficient d'une protection et de voies de recours efficaces, y compris de l'accès à des services médicaux et juridiques, à des conseils psychosociaux et à des abris sûrs et bien financés.

L’expert s’est également interrogé sur les mesures prises pour octroyer aux victimes de torture et de mauvais traitements une réparation intégrale, y compris une indemnisation financière, une assistance médicale et psychologique et une réadaptation, comme expliqué dans l' Observation générale n°3 (2012) du Comité.

Concernant les conditions de détention, M. Rouwane a relevé que le mécanisme national de prévention (MNP) avait pointé, en 2022, l'absence de conditions de travail appropriées pour les fonctionnaires de police et l'absence de soins de santé adéquats dans les prisons. Le MNP avait aussi fait état d'une détérioration inquiétante des conditions de sécurité dans le quartier fermé d'Idrizovo, et le Médiateur, d'un manque général de financement et d'un manque de personnel dans le système pénitentiaire. D’autres problèmes ont été mentionnés concernant la surpopulation carcérale, l’accès insuffisant à l'eau potable et à l'assainissement dans la prison de Kumanovo ou encore le manque de personnel médical et de médicaments.

M. Rouwane a par ailleurs jugé préoccupante la représentation disproportionnée des Roms dans le système de justice pénale – un phénomène dû au profilage racial et aux préjugés, a-t-il estimé. Des Roms ont fait état de discriminations et de violences à leur encontre dans les prisons, a-t-il ajouté.

D’autres questions de M. Rouwane ont porté sur le contenu des programmes de formation relatifs à la lutte contre la torture et à la prévention de la torture menés en Macédoine du Nord. Il a notamment souhaité savoir si ces formations portent sur la manière d'identifier les signes de torture et de mauvais traitements conformément au Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d'Istanbul).

Un autre expert membre du Comité a prié la délégation d’informer le Comité des sanctions pénales prononcées à l’encontre de policiers ou de gardiens accusés de mauvais traitements sur des personnes détenues. D’autres questions de cet expert ont porté sur la suite donnée aux enquêtes sur des disparitions forcées d’Albanais macédoniens pendant le conflit en ex-République yougoslave de Macédoine. L’expert a en outre mis en garde contre les amnisties prononcées en faveur d’auteurs d’actes de torture.

Une experte s’est inquiétée de l’absence de mesures visant à lutter contre les discriminations à l’encontre des personnes LGBTI.

Un membre du Comité s’est inquiété de la situation des Roms, qui rencontrent des difficultés pour avoir accès à des documents d’identité et, par conséquence, aux soins de santé. Cet expert s’est aussi inquiété d’informations fiables faisant état du refoulement collectif de migrants vers des pays dont la situation des droits de l’homme est « plus que déplorable », notamment la Syrie. L’expert a par ailleurs souhaité savoir si la Macédoine du Nord envisageait d’adhérer aux conventions onusiennes sur les droits des travailleurs migrants et sur les disparitions forcées.

Un autre expert s’est inquiété que la loi d’amnistie ne prévoie pas l’exception pour les auteurs de torture et de mauvais traitements.

Réponses de la délégation

La délégation a d’abord indiqué que le Code pénal avait été amendé en 2023 afin d’élargir l’ infraction de torture à tous les actes commis par des agents de l’État, y compris les menaces et l’incitation à l’utilisation de la force et d’autres moyens illicites provoquant des douleurs physiques, matérielles ou émotionnelles. Les peines encourues pour cette infraction ont été portées à cinq ans d’emprisonnement au minimum. Le Code pénal pose d’autre part l’imprescriptibilité des crimes de guerre et de torture, a ajouté la délégation.

Le Gouvernement attache la plus haute importance au renforcement des capacités du Médiateur (institution nationale de droits de l’homme) et à son accréditation au titre du statut A de l’Alliance mondiale des institutions nationales de droits de l’homme, a par ailleurs indiqué la délégation. Le Parlement est actuellement saisi de projets destinés à augmenter les moyens mis à la disposition du Médiateur, a-t-elle précisé, avant de souligner que le Médiateur est doté d’un mécanisme de réception des plaintes en cas d’allégation de torture. Le Gouvernement applique déjà les recommandations du Médiateur, a ajouté la délégation.

Concernant les mécanismes de contrôle externes, le Ministère de la justice a créé une unité composée de procureurs et d’enquêteurs chargés de faire la lumière sur les crimes commis par les policiers et les gardiens de prison, a poursuivi la délégation. En 2022, l’unité a examiné 36 allégations de torture et traitements inhumains par des policiers ; les tribunaux ont condamné 42 prévenus. Un nouvel organe de contrôle civil, intégrant des organisations non gouvernementales, a examiné à ce jour 19 plaintes, dont quatorze ont donné lieu à des sanctions contre des policiers et gardiens de prison.

Entre 2019 et 2023, a précisé la délégation, trente condamnations ont été prononcées contre des fonctionnaires ayant commis des actes de torture ou de mauvais traitements dans l’exercice de leurs fonctions.

La délégation a par la suite indiqué que le département du contrôle interne et des normes professionnelles du Ministère de l’intérieur avait reçu, au cours des quatre dernières années, 225 plaintes concernant l’usage disproportionné de la force physique par les forces de police; 23 de ces plaintes ont été considérées comme suffisamment étayées et 17 sanctions ont été prononcées à l’encontre de 26 policiers. Un officier de police a fait l’objet de plainte pour torture ou traitement inhumain ou dégradant, a ajouté la délégation.

Le Ministère de la justice applique une trentaine d’indicateurs relatifs à la situation des mineurs détenus, a ensuite indiqué la délégation, précisant que les institutions n’appliquent de mesures de privation de liberté qu’en dernier ressort. La loi sur la justice pour mineurs prévoit que les personnels concernés dans la police et la justice suivent des formations aux droits de l’enfant, en vue de prévenir tout mauvais traitement.

Les droits des mineurs détenus sont scrupuleusement respectés et de nombreux mécanismes nationaux et indépendants veillent à ce respect, a par la suite insisté la délégation.

La Macédoine du Nord n’a reçu à ce jour aucune demande d’ extradition de personnes qui auraient commis des actes de torture à l’étranger, a d’autre part indiqué la délégation, avant de rappeler en outre que l’extradition n’est pas possible si la personne concernée n’a pas accès à un jugement équitable ou si l’on soupçonne qu’elle puisse [dans le pays où elle serait extradée] être soumise à des actes de torture ou à des traitements inhumains ou dégradants.

Les victimes de torture ont droit, conformément à la loi, de demander réparation et indemnisation, a d’autre part souligné la délégation. Les victimes de violence domestique ont, elles aussi, droit à réparation.

Le Gouvernement macédonien estime que la formation des magistrats est un maillon important de la prévention de la torture. Tous les candidats magistrats suivent des formations initiales sur la Convention contre la torture. Plusieurs dizaines de fonctionnaires ont par ailleurs participé à des formations organisées par le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT du Conseil de l’Europe).

La destitution d’une juge membre du Conseil de la magistrature a été cassée par le tribunal suprême macédonien, a-t-il par ailleurs été précisé. Le plan d’action national 2024 pour le système judiciaire met l’accent sur la transparence du milieu judiciaire et la lutte contre la corruption, a ensuite souligné la délégation.

Les autorités donnent suite à toutes les allégations de mauvaises conditions de détention en garde à vue, a poursuivi la délégation. Depuis quatre ans, nombre de cellules situées dans des commissariats ont été rénovées et respectent désormais les normes minimales, a-t-elle fait valoir.

Revenant par la suite sur l’état des centres de détention, la délégation a indiqué que le Ministère de l’intérieur veille à la conformité des normes – y compris internationales – dans ce domaine et a ainsi adopté, avec le soutien du Conseil de l’Europe, une série de normes concernant les conditions de détention.

La Macédoine du Nord a adopté divers documents suite aux recommandations qui lui étaient adressées par le Conseil de l’Europe afin de garantir l’accès des détenus aux soins de santé, a poursuivi la délégation. Le Ministère de la santé finance une série de dépistages, s’agissant notamment du cancer, dans les établissements pénitentiaires, a-t-elle indiqué. Plus de 1000 personnels médicaux ont par ailleurs été engagés récemment afin de renforcer les soins de santé dans les centres de détention, a-t-elle ajouté.

Le personne carcéral et médical est tenu de signaler toute lésion sur un détenu, a fortiori si cette lésion est susceptible de résulter de l’utilisation d’un moyen de coercition, a d’autre part souligné la délégation.

S’agissant de l’application des peines, la délégation a indiqué que différentes mesures avaient été prises pour favoriser la libération conditionnelle et la réinsertion dans la société.

La délégation a ensuite fait état de l’existence d’un code qui reprend l’ensemble des procédures à suivre dans les cas d’interpellation par les forces de police – procédures qui incluent notamment une série de dispositions contre les discriminations. L’ensemble du personnel des centres de police et des centres de détention a été sensibilisé à la tolérance zéro en matière de mauvais traitements à l’encontre des détenus, a souligné la délégation.

De nombreux détenus, en situation sociale difficile, peuvent demander une aide juridictionnelle gratuite, a fait valoir la délégation. Cependant, a-t-elle ajouté, ce système [d’aide juridictionnelle gratuite] est compliqué à mettre en œuvre car certains avocats ne répondent pas aux demandes et il est en outre difficile de déterminer la situation d’un détenu pour savoir s’il peut avoir accès à cette aide.

En 2015, la Macédoine du Nord a adopté une loi sur la protection internationale temporaire inspirée des directives européennes dans ce domaine, a ensuite rappelé la délégation, avant de souligner que les demandeurs d’ asile peuvent faire l’objet d’un refoulement s’ils ne remplissent pas les critères de la Convention de Genève sur le statut des réfugiés ou s’ils ne fournissent pas les documents ou preuves nécessaires du risque qu’ils encourent s’ils retournent dans leur pays d’origine.

S’agissant des réfugiés provenant du Kosovo en 1999, notamment des populations roms, la délégation a indiqué que ces personnes se sont vu accorder le droit d’asile. Une fois le Kosovo reconnu [par la Macédoine du Nord] comme État indépendant, le statut d’asile a été levé pour ces ressortissants car leur situation n’était plus considérée comme à risques si elles rentraient dans leur pays, a expliqué la délégation. Elle a par ailleurs souligné que les demandeurs d’asile avaient accès à l’aide juridictionnelle gratuite. Un tuteur est en outre désigné pour chaque dossier concernant des mineurs non accompagnés, a-t-elle ajouté.

S’agissant des événements du 27 avril 2017 au Parlement, la délégation a notamment rappelé que le Ministère de l’intérieur avait établi un comité chargé de rédiger un rapport [sur ces événements] qui a été transmis au bureau du procureur chargé de la corruption. Ce procureur s’est basé sur ce rapport pour lancer une enquête et, sur la base des données collectées, il a rédigé des actes d’accusation à l’encontre de plusieurs individus, dont la plupart ont été condamnés à des peines de prison pour avoir violé la Constitution.

La délégation a par ailleurs fait valoir que, pour la toute première fois, le Code pénal macédonien a érigé en infraction la violence faite aux femmes , ce qui permet de reconnaître la dimension genre de cette violence ainsi que son impact économique, social et psychologique pour les femmes. Dix lois secondaires devraient être adoptées sous peu pour mettre en œuvre cette nouvelle disposition pénale, a précisé la délégation.

Par ailleurs, le Ministère des politiques sociales a financé la création d’un centre d’accueil pour les victimes de violences familiales et de traite, a ajouté la délégation.

La délégation a en outre indiqué que les autorités macédoniennes avaient accru les moyens alloués à l’ institut psychiatrique du pays, notamment au travers de l’engagement de nombreux psychiatres, aides-soignants ou infirmiers afin d’améliorer la vie des patients.

La délégation a par ailleurs souligné que les hospitalisations forcées avaient été sensiblement réduites ces dernières années en Macédoine du Nord.

La délégation a reconnu que la discrimination au motif du genre n’est pas reconnue dans le pays comme une discrimination en tant que telle ; cependant, des condamnations ont été prononcées par les tribunaux pour des discriminations au motif de l’orientation sexuelle, a-t-elle indiqué.

 

 

 

 

Ce document produit par le Service de l’information des Nations Unies à Genève est destiné à l'information ; il ne constitue pas un document officiel. 

Les versions anglaise et française de nos communiqués sont différentes car elles sont le produit de deux équipes de couverture distinctes qui travaillent indépendamment. 

 

 

 

CAT24.006F