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LE COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT EXAMINE LE RAPPORT DE LA FRANCE

Compte rendu de séance

Le Comité des droits de l’enfant a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport présenté par la France sur les mesures prises par ce pays pour mettre en œuvre la Convention relative aux droits de l’enfant.

Présentant ce rapport, Mme Laurence Rossignol, Secrétaire d’État chargée de la famille, de l’enfance, des personnes âgées et de l’autonomie auprès du Ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes de la France, a attiré l’attention sur la récente création du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge. Elle a par ailleurs annoncé que la France avait ratifié sans aucune réserve le troisième Protocole facultatif à la Convention (qui institue une procédure de plaintes individuelles). Admettant que la suppression en 2011 de l’autonomie du Défenseur des enfants avait pu être perçue comme une régression, elle s’est félicitée que le Défenseur des droits ait été doté de nouveaux pouvoirs qui lui permettent de renforcer les capacités d’agir en matière de défense des enfants.

«La France a fait de l’école une priorité», a poursuivi la Secrétaire d’État, rappelant les dix années de scolarité gratuite et obligatoire qui prévalent dans le pays et la réforme des rythmes scolaires aux niveaux maternel et élémentaire entreprise en 2013 afin d’adapter le temps scolaire au rythme chrono-biologique de l’enfant. Malgré l’austérité économique, l’éducation bénéficie de «la plus importante augmentation budgétaire, redevenant depuis l’an dernier le premier poste budgétaire de l’État avec près de 90 milliards d’euros par an», a fait valoir la Secrétaire d’État. Pas moins de 60 000 postes seront créés à l’éducation nationale jusqu’en 2017, a-t-elle rappelé. «Des marges de progression existent», en particulier dans les territoires d’outre-mer, dans l’accueil des mineurs isolés étrangers et des enfants handicapés ou encore dans la scolarisation et la santé des enfants roms, a par ailleurs admis la Secrétaire d’État. Elle a indiqué qu’une loi relative à la protection de l’enfant sera adoptée prochainement et qu’une réforme de la justice pénale des mineurs est en cours de préparation afin d’être soumise au Parlement l’an prochain; cette dernière réaffirme les principes de spécialisation de la justice des mineurs et de primauté de l’éducatif, a précisé Mme Rossignol. La France a fait de la lutte contre la pauvreté des familles une priorité de ses politiques sociales, au travers notamment d’un plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté, a en outre indiqué la Secrétaire d’État. Les prestations familiales ont été revalorisées, avec une attention particulière portée aux familles monoparentales, a-t-elle souligné.

L’imposante délégation française était également composée, entre autres, de Mme Elisabeth Laurin, Représentante permanente de la France auprès de l’Office des Nations Unies à Genève, ainsi que de représentants du Ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes ; du Ministère des affaires étrangères et du développement international ; du Ministère de la justice ; du Ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche; du Ministère de la la ville, de la jeunesse et des sports ; du Ministère de l’intérieur ; du Ministère des Outre-mer ; du Ministère de la défense ; et de la Délégation interministérielle pour l’hébergement et l’accès au logement des personnes sans abri ou mal logées.

La délégation a répondu aux questions qui lui étaient adressées par les membres du Comité s'agissant, notamment, des réserves ou déclarations que le pays maintient à l’égard de la Convention ; de la prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant ; de la lutte contre les discriminations ; de la lutte contre la pauvreté ; de la violence domestique ; des châtiments corporels ; des enfants intersexués ; des enfants issus de gestations pour autrui (GPA) ; de la responsabilité sociale des entreprises ; des disparités entre la métropole et l’outre-mer ; de la lutte contre la pédopornographie sur Internet ; des allégations d’abus commis par des militaires français en République centrafricaine ; de la justice pénale des mineurs ; des mineurs étrangers ; ou encore de la tauromachie.

Le corapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la France, M. Jorge Cardona Llorens, s’est félicité de la ratification par la France du troisième Protocole facultatif à la Convention. Il s’est toutefois inquiété d’un fossé grandissant entre la métropole et les territoires d’outre-mer en matière de pauvreté. Il a également déploré un manque d’équité dans les politiques publiques, en termes budgétaires, entre la métropole et l’outre-mer, Mayotte en particulier. Selon lui, le manque d’équité concerne aussi les enfants en situation de vulnérabilité, roms et étrangers non accompagnés notamment. M. Cardona Llorens s’est aussi inquiété du trop grand nombre d’élèves ne fréquentant pas les cantines scolaires. Par ailleurs, l’annonce de la création de 60 000 postes dans l’éducation nationale ne compense pas les 80 000 supprimés précédemment, a-t-il fait observer. Il semble par ailleurs qu’un faible pourcentage de ces 60 000 postes programmés aient effectivement été ouverts, a-t-il ajouté. Le corapporteur a d’autre part constaté une tendance à placer les enfants handicapés dans des établissements spécialisés, plutôt que de privilégier à leur égard une éducation inclusive dans les écoles ordinaires.

Pour sa part, la corapporteuse du Comité, Mme Hynd Ayoubi Idrissi, s’est félicitée des progrès réalisés dans de nombreux domaines, normatifs, institutionnels et politiques. Elle a toutefois jugé insuffisantes la diffusion et la connaissance de la Convention en France. Elle s’est en outre inquiétée de chiffres faisant état de deux décès d’enfants par jour dus à des violences au sein de la famille, ainsi que de l’absence d’une interdiction suffisamment claire, contraignante et précise des châtiments corporels. Le Comité s’inquiète de l’importance des violences domestiques et du harcèlement à l’encontre des enfants, a insisté Mme Ayoubi Idrissi. La corapporteuse a également fait part de sa préoccupation face à l’augmentation de la pauvreté dans le pays, alors qu’au moins 8000 enfants vivent dans des bidonvilles.

Le Comité adoptera ultérieurement, lors de séances à huis clos, ses observations finales sur le rapport de la France et les rendra publiques à l’issue de la session, qui doit clore ses travaux le vendredi 29 janvier prochain.


Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera en salle XXV du Palais des Nations l'examen des rapports présentés par le Pérou (CRC/C/PER/4-5) et achèvera en salle XXIV l’examen du rapport de l’Irlande (CRC/C/IRL/3-4).


Présentation du rapport de la France

Le Comité est saisi du rapport périodique de la France (CRC/C/FRA/5, ainsi que des réponses du pays (CRC/C/FRA/Q/5/Add.1) à la liste de points à traiter que lui a adressée le Comité (CRC/C/FRA/Q/5).

MME LAURENCE ROSSIGNOL, Secrétaire d’Etat chargée de la famille, de l’enfance, des personnes âgées et de l’autonomie auprès de la Ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes de la France, a affirmé que la précédente audition de son pays devant le Comité, en 2009, « avait alors résonné comme un rappel à l’ordre qui ne pouvait laisser la France sans réaction, même si à l’évidence des marges de progression demeurent encore ». Elle a indiqué que la France avait mis en place une mission relative à l’élaboration d’une stratégie nationale de l’enfance et de l’adolescence qui a rendu ses conclusions en septembre dernier. Cette nécessité de pilotage s’est récemment traduite par la création du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge, qui mentionne explicitement la Convention relative aux droits de l’enfant. Reconnaissant que la politique de l’enfance souffrait de son morcèlement et du cloisonnement de ses acteurs, Mme Rossignol a indiqué que le Haut Conseil avait acté la constitution d’une «formation exclusivement consacrée à l’enfance qui était demandée de longue date par les acteurs de l’enfance». La formation «enfance» comprendra un collège d’enfants et d’adolescents afin de prendre en compte la parole de l’enfant, a-t-elle indiqué. Elle a en outre affirmé que ce Haut Conseil permettrait le maintien d’un lien constant entre les associations et les institutions de l’enfance, ce qui répond à une recommandation du Comité. Mme Rossignol a par ailleurs annoncé que la France avait ratifié sans aucune réserve le troisième Protocole facultatif à la Convention (qui institue une procédure de plaintes individuelles).

Reconnaissant que la société française n’avait «pas terminé de parcourir le chemin qui mène à considérer les droits de l’enfant avec la même exigence que les droits de l’homme», Mme Rossignol a déclaré que l’État était donc «pleinement engagé dans cette voie». Reconnaissant aussi que la suppression en 2011 de l’autonomie du Défenseur des enfants avait pu être perçue comme une régression, elle s’est félicitée que le Défenseur des droits ait été doté de nouveaux pouvoirs qui lui permettent de renforcer les capacités d’agir en matière de défense des enfants.

«La France a fait de l’école une priorité», a poursuivi la Secrétaire d’État, rappelant les dix années de scolarité gratuite et obligatoire qui prévalent dans le pays et la réforme des rythmes scolaires aux niveaux maternel et élémentaire entreprise en 2013 afin d’adapter le temps scolaire au rythme chrono-biologique de l’enfant. Quant à la loi de refondation de l’école adoptée la même année, elle donne la priorité au premier degré, réforme l’éducation prioritaire et affirme le principe d’une école inclusive. C’est dans l’esprit de la Convention que sont conduites ces réformes, a insisté Mme Rossignol. Malgré l’austérité économique, l’éducation bénéficie de «la plus importante augmentation budgétaire, redevenant depuis l’an dernier le premier poste budgétaire de l’État avec près de 90 milliards d’euros par an», a fait valoir la Secrétaire d’État. Pas moins de 60 000 postes seront créés à l’éducation nationale jusqu’en 2017, a-t-elle rappelé. En outre, pour vaincre le décrochage scolaire, l’État a lancé un plan dont les résultats sont encourageants. Une campagne contre le harcèlement à l’école a été lancée en 2013 assortie d’une journée annuelle de mobilisation à ce sujet, a également rappelé la Secrétaire d’État.

La France a relancé son effort de scolarisation des enfants âgés de 2 à 3 ans, considérant qu’il s’agissait là d’un puissant vecteur de réduction des inégalités, a poursuivi Mme Rossignol. Le pays s’attache ainsi à mener une politique volontariste en direction de l’accueil des jeunes enfants avant l’entrée à l’école, près de 43 000 places de crèche supplémentaires ayant été ouvertes entre 2009 et 2013 et 45 000 de plus devant être disponibles d’ici 2017. «Ce socle global de protection des enfants repose aussi sur l’accessibilité du système de santé de la France», a souligné Mme Rossignol.

«Des marges de progression existent», en particulier dans les territoires d’outre-mer, dans l’accueil des mineurs isolés étrangers et des enfants handicapés ou encore dans la scolarisation et la santé des enfants roms, a admis la Secrétaire d’État. «Des angles morts demeurent et pour y répondre la France construit des politiques spécifiques», a-t-elle déclaré. Des progrès ont été enregistrés dans la qualité d’accueil des enfants porteurs de handicap avec, par exemple, la mise en œuvre du troisième Plan Autisme (2013-2017), qui privilégie une école inclusive pour ces enfants.

Les autorités se sont attelées aux défaillances de la politique publique de protection de l’enfance, qui avaient été pointées par le Comité en 2009, a assuré Mme Rossignol. Une feuille de route comprenant 101 mesures est en effet mise en œuvre, tandis qu’une loi relative à la protection de l’enfant sera adoptée prochainement qui répond à la demande du Comité en faveur d’une gouvernance nationale de la protection de l’enfance. Par ailleurs, une réforme de la justice pénale des mineurs est en cours de préparation afin d’être soumise au Parlement l’an prochain; ce texte réaffirme les principes de spécialisation de la justice des mineurs et de primauté de l’éducatif, ce qui, a indiqué la Secrétaire d’État, constitue une réponse aux préoccupations du Comité relatives à la justice juvénile et à la prévention de la délinquance.

« La protection des enfants passe aussi par la lutte contre l’hyper-sexualisation de la société, qui expose les enfants », a poursuivi Mme Rossignol. La loi de 2013 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes interdit les concours de beauté pour les enfants de moins de 13 ans, tout en les encadrant strictement entre 13 et 18 ans, a-t-elle notamment fait valoir. Par ailleurs, un important travail est effectué en faveur de la participation des enfants, a-t-elle poursuivi. Pour le Service civique créé en 2010, l’objectif est d’atteindre le nombre de 170 000 volontaires par an, a-t-elle indiqué. La France a fait de la lutte contre la pauvreté des familles une priorité de ses politiques sociales, au travers notamment d’un plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté, a en outre indiqué la Secrétaire d’État. Les prestations familiales ont été revalorisées, avec une attention particulière portée aux familles monoparentales, a-t-elle souligné.

En conclusion, la Secrétaire d’Etat a assuré que la France demeurait extrêmement attentive aux observations formulées par le comité en 2009, sur lesquelles elle s’est appuyée pour engager d’importantes améliorations. «La France ne se présente pas devant le Comité en quête de bons points ou dans la perspective de limiter au maximum les critiques, mais elle envisage cette audition comme une étape qui marque une nouvelle impulsion dans le changement du regard de la société sur l’enfance et une évolution institutionnelle, législative et réglementaire durable », a conclu Mme Rossignol.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

M. JORGE CARDONA LLORENS, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la France, a rappelé que l’État partie était l’une des grandes puissances mondiales, au sixième rang en termes de richesse. Il a félicité la France d’avoir ratifié le troisième Protocole facultatif à la Convention. Reconnaissant que la France avait pris en compte une grande partie des recommandations du Comité, il a néanmoins constaté que certaines avaient été laissées de côté. Ainsi, en est-il des déclarations et réserves que le pays a émises vis-à-vis de la Convention. Il a exprimé un doute face à l’idée que la réserve à l’article 30 de la Convention exigerait une réforme constitutionnelle, comme l’avance la France ; cela mérite au moins d’en débattre, a-t-il estimé. De fait, a-t-il ajouté, la France ne reconnaît pas d’effet direct à la majeure partie de la Convention. On peut en effet compter sur les doigts d’une main les dispositions qui sont considérées par le pays comme ayant un effet direct dans l’ordre interne français. Quelles mesures ont été prises par la France pour que la Convention puisse être invoquée directement, a demandé le Rapporteur? Il a demandé s’il est prévu de rendre obligatoires des études d’impact sur les droits de l’enfant de tous les projets de loi et de toutes les politiques publiques ayant rapport aux enfants ou susceptibles d’affecter leurs conditions de vie. Le Défenseur des droits est-il consulté?

M. Cardona Llorens a souligné que les statistiques font apparaître un fossé grandissant entre la métropole et les territoires d’outre-mer en matière de pauvreté. Il a déploré un manque d’équité dans les politiques publiques, en termes budgétaires, entre la métropole et l’outre-mer, Mayotte en particulier. Selon lui, le manque d’équité concerne aussi les enfants en situation de vulnérabilité, roms et étrangers non accompagnés notamment. Cela illustre la difficulté de la France à évaluer dans ses budgets les montants à réserver aux droits fondamentaux, a insisté le corapporteur.

M. Cardona Llorens s’est aussi inquiété du trop grand nombre d’élèves ne fréquentant pas les cantines scolaires. Par ailleurs, l’annonce de la création de 60 000 postes dans l’éducation nationale ne compense pas les 80 000 supprimés précédemment, a-t-il fait observer. Il semble par ailleurs qu’un faible pourcentage de ces 60 000 postes programmés aient effectivement été ouverts, a-t-il ajouté.

Le corapporteur a d’autre part constaté une tendance à placer les enfants handicapés dans des établissements spécialisés, plutôt que de privilégier à leur égard une éducation inclusive dans les écoles ordinaires. La France ne pourrait-elle pas s’inspirer de l’exemple de certains de ses partenaires européens en la matière? Il faut adapter l’école à la diversité, y compris linguistique, a ajouté M. Cardona Llorens. Il ne peut y avoir les enfants «normaux» d’un côté et les autres, de l’autre, a-t-il poursuivi. Selon lui, ces classes spécialisées constituent une véritable ségrégation. Seul un enfant autiste sur cinq serait intégré dans les établissements ordinaires – et souvent pour des horaires extrêmement limités, a-t-il insisté.

Tout en se félicitant de la circulaire de 2014 visant à éradiquer les mauvais traitements à l’égard des personnes handicapées dans les établissements médico-sociaux, le corapporteur a demandé si des mécanismes avaient été mis en place pour superviser son application. Se félicitant par ailleurs de la lutte résolue des autorités contre les pratiques nocives telles que les mutilations génitales féminines, il a déploré une politique publique de fait favorisant les interventions chirurgicales sur les nouveau-nés intersexués afin de leur donner une identité précise, interventions dépourvues de toute finalité médicale et justifiées par des raisons esthétiques et sociales. Or, celles-ci affectent gravement l’intégrité physique de ces enfants ainsi mutilés, a affirmé M. Cardona Llorens.

MME HYND AYOUBI IDRISSI, corapporteuse du Comité pour l’examen du rapport français, s’est félicitée des progrès réalisés dans de nombreux domaines, normatifs, institutionnels et politiques. Toutefois, le Comité s’interroge sur le rôle du tout nouveau Haut Conseil, a-t-elle déclaré, souhaitant obtenir davantage d’informations sur le mandat et le rôle de coordination de cet organe. Aura-t-il un rôle uniquement consultatif, étant donné qu’il est prévu qu’il donne un avis sur tout projet législatif concernant l’enfant? La corapporteuse a en outre déploré l’absence d’une stratégie d’ensemble prenant en compte les droits de l’enfant. Quels sont les progrès accomplis par la France pour se doter d’un système de collecte de données harmonisé, en l’absence duquel il est difficile de concevoir des stratégies, des politiques et actions ciblées, a-t-elle demandé?

En outre, en dépit d’efforts certains, la diffusion et la connaissance de la Convention restent insuffisantes de l’avis de nombreuses parties prenantes dans le domaine des droits de l’enfant, a poursuivi Mme Ayoubi Idrissi. Elle a demandé quelles étaient les mesures prises et celles éventuellement envisagées pour en améliorer la diffusion, notamment auprès des enfants vulnérables. Quel accès à la Convention ont les enfants étrangers ne parlant pas français, les enfants en situation de handicap, ou encore ceux placés en institutions ou en détention?

S’agissant des principes généraux de la Convention, la corapporteuse a souhaité avoir davantage de précisions sur les mesures prises en matière de lutte contre la discrimination, notamment en ce qui concerne le plan d’action sur l’égalité entre les filles et les garçons à l’école mis en place à la rentrée 2014-2015 et qui a succédé aux «ABCD de l’égalité». Quels sont les objectifs et échéances de ce plan d’action et qu’en est-il de l’implication des enfants dans sa mise en œuvre? A-t-il intégré toutes les formes de discrimination, y compris l’homophobie? La corapporteuse s’est en outre enquise des mesures prises pour lutter contre les discriminations de fait à l’égard des enfants roms et autres enfants en situation précaire, qui se voient refuser l’accès à l’école ou le bénéfice de certains loisirs parce qu’ils n’ont pas de logement stable. Quels efforts ont été entrepris pour mettre fin aux disparités territoriales dans la mise en œuvre de la Convention, a en outre demandé Mme Ayoubi Idrissi? Elle s’est par ailleurs enquise des mesures prises ou envisagées pour assurer une prise en compte systématique de l’intérêt supérieur de l’enfant.

S’agissant du respect de la vie, de la survie et du développement, le Comité s’inquiète de chiffres faisant état de deux décès d’enfants par jour dus à des violences au sein de la famille, a poursuivi la corapporteuse. Des mesures sont-elles prises pour mettre un terme à cette situation dans le cadre d’une stratégie globale de lutte contre les violences à l’encontre des enfants, a-t-elle demandé, relevant que le retrait de l’autorité parentale est rarement prononcé.

Face à l’augmentation de la pauvreté dans le pays et alors qu’au moins 8000 enfants vivent dans des bidonvilles, la corapporteuse s’est en outre enquise de l’impact du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté.

S’agissant de la prise en considération de l’opinion de l’enfant, Mme Ayoubi Idrissi a relevé que différentes sources laissent entrevoir une insuffisante prise en considération de la parole de l’enfant ainsi qu’une insuffisante association de l’enfant aux projets ou décision le concernant, notamment au niveau de la justice.

Tout en saluant les efforts déployés par le Gouvernement français en matière de libertés et droits civils, la corapporteuse a demandé des précisions sur les mesures prises pour généraliser l’enregistrement à l’état-civil dans les territoires d’outre-mer, notamment en Guyane. Pour ce qui a trait au droit à la nationalité, elle a demandé si des mesures sont envisagées pour reconnaître l’établissement de la filiation d’enfants nés à l’étranger qui sont issus d’une GPA (gestation pour autrui).

Mme Ayoubi Idrissi a ensuite demandé si des mesures étaient envisagées pour reconnaître le droit d’association des enfants âgés de moins de 16 ans.

Le Comité s’inquiète par ailleurs de l’absence d’une interdiction suffisamment claire, contraignante et précise des châtiments corporels, a poursuivi la corapporteuse. D’une manière générale, le Comité s’inquiète de l’importance des violences domestiques et du harcèlement à l’encontre des enfants, a-t-elle déclaré. Quelles sont les modalités de prise en charge et de suivi des enfants victimes de violences et abus sexuels, a-t-elle demandé? Existe-t-il des protocoles standardisés de prise en charge? Quelles suites ont-elles été données aux allégations d’exploitation sexuelles d’enfants par des militaires français d’opérations de maintien de la paix, a également demandé Mme Ayoubi Idrissi? La corapporteuse s’est enfin enquise de la prise en charge des enfants migrants et demandeurs d’asile.

Un autre membre du Comité a fait observer que les seize mineurs soupçonnés de terrorisme qui ont interpellés sont soumis à un régime qui déroge aux procédures habituelles de la justice pour mineurs. Quelles mesures la France entend-elle prendre pour préserver les dispositions de la justice juvénile, y compris dans le cadre de la lutte antiterroriste?

Un expert a posé une série de questions sur les Protocoles facultatifs se rapportant à la Convention, demandant notamment ce qui avait été fait suite à la recommandation du Comité demandant à la France de s’abstenir d’exporter des armes dans des zones de conflit.

Un expert a demandé ce que devenaient les enfants ne poursuivant pas leurs études au-delà de 16 ans.

Une experte a appelé la France à considérer comme des cas de traite d’enfants le phénomène des gangs de jeunes voleurs organisés par des réseaux criminels; ces jeunes doivent être considérés comme des «délinquants forcés».

Un expert s’est enquis de la position voire de la politique des autorités françaises face aux spectacles de nature violente tels que les courses de taureaux.

Réponses de la délégation

S’agissant des réserves et déclarations que la France maintient vis-à-vis de dispositions de la Convention, la délégation a indiqué que la France n’entendait pas revenir sur sa déclaration relative à l’article 6 (qui traite du droit à la vie) car celui-ci est susceptible de remettre en cause la législation sur l’interruption volontaire de grossesse. En outre, cette déclaration de la France est conforme aux observations finales adoptées par d’autres comités concernant certains pays.

La réserve que la France a émise au sujet de l’article 30 de la Convention, relatif aux minorités, découle de principes constitutionnels – l’indivisibilité de la République, notamment – la France ne reconnaissant pas de minorités ethniques, religieuses ou linguistiques. Mais cela ne signifie pas qu’il n’y ait pas de droits ni de spécificités qui puissent être pris en compte.

S’agissant de la question de l’effet direct de la Convention, la délégation a souligné que les juridictions françaises accordaient une protection croissante des droits de l’enfant en s’appuyant sur l’intérêt supérieur de l’enfant. Cette dernière notion assure une protection effective de l’enfant en droit français, a insisté la délégation.

Pour ce qui est de la préparation des projets de loi et de la prise en compte des droits de l’enfant dans ce contexte, la délégation a indiqué que des études d’impact très concrètes étaient désormais requises sur ce point en amont du processus d’adoption des textes de loi. En cas de non-respect de cette obligation, la sanction peut être un rejet du projet au stade de la conférence des présidents du Parlement ou au niveau du Conseil constitutionnel une fois le texte adopté. La France est le seul pays à avoir fait de la prise en compte des droits de l’enfant une obligation organique dans la procédure d’élaboration des lois, a fait valoir la délégation.

Le volume des dossiers traités par le Défenseur des droits illustre sa visibilité et son efficacité s’agissant des enfants, a par ailleurs fait observer la délégation. Quant au Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge, il est divisé en trois sections et l’autonomie des champs de compétence de chacune d’entre elles est protégée ; elles se rencontrent néanmoins une fois par an pour avoir des échanges sur leur action, l’objectif étant à la fois d’unifier, de coordonner et d’avoir une approche pluridisciplinaire.

Pour ce qui est de promouvoir une meilleure implication de la jeunesse, la délégation a expliqué que l’institution du Défenseur des droits accueillait des jeunes «ambassadeurs des droits», qui interviennent notamment dans les établissements scolaires et hospitaliers. Par ailleurs, dès l’âge de 16 ans, un adolescent peut être nommé directeur de publication, sous réserve de l’autorisation de son tuteur légal. La délégation a en outre attiré l’attention sur l’existence de conseils des délégués pour la vie lycéenne et a fait part du projet de créer des conseils de la vie collégienne.

Au nombre des plans d’action en cours, la délégation a mentionné celui qui concerne le décrochage scolaire et a attiré l’attention sur les politiques «Priorité Jeunesse», notamment dans les territoires d’outre-mer.

En matière de lutte contre les discriminations, l’objectif est de favoriser l’égalité entre les sexes mais aussi de lutter contre l’homophobie, a poursuivi la délégation. Ainsi, une campagne intitulée «L’homophobie n’a pas sa place à l’école» est-elle menée chaque année depuis deux ans. Des ressources pédagogiques sont mises à disposition des enseignants pour les aider dans la mise en œuvre du «Plan d’action pour l’égalité entre les filles et les garçons à l’école».

Trois millions de places ont été ouvertes dans les activités «périscolaires» dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires ; ces activités sont assurées par des personnes formées à la pédagogie de l’enfant, a d’autre part fait valoir la délégation.

En ce qui concerne la violence domestique, la délégation a fait observer que 80% des violences à l’encontre des enfants avaient pour cadre le milieu familial. Des dispositifs de repérage des enfants en danger ont été mis en place, a-t-elle indiqué. Le chiffre de deux (enfants) morts par jour, mentionné par un membre du Comité, se rapporte au nombre quotidien de décès (d’enfants) inexpliqués. Or, les autopsies n’étant pas systématiquement pratiquées, il est difficile d’affiner cette statistique, a expliqué la délégation. Les médecins – et plus généralement les professionnels de l’enfance – ont un rôle à jouer pour signaler les cas de maltraitance qu’ils pourraient déceler, a-t-elle souligné. Lorsqu’un enfant est directement victime de violence parentale, les juridictions pénales ont l’obligation de se prononcer sur la déchéance de l’autorité parentale sur le mineur concerné, a ensuite expliqué la délégation. En revanche, il est facultatif pour le juge de se prononcer sur la déchéance d’autorité parentale sur l’éventuel reste de la fratrie de la victime. Cette situation devrait changer rapidement, car un projet de loi en discussion à l’Assemblée nationale prévoit de rendre obligatoire pour les tribunaux de se prononcer sur le retrait de l’autorité parentale pour tous les enfants concernés et pas seulement pour celui ou ceux qui sont directement victimes des actes violents, a expliqué la délégation. Il est prévu d’ajouter une disposition à la loi actuelle afin de faire en sorte que la simple exposition d’un enfant à des actes de violence puisse permettre de déchoir le parent violent de son autorité sur cet enfant, a-t-elle insisté. Les départements français se sont dotés d’unités d’analyse des signalements de possible maltraitance, a d’autre part fait valoir la délégation. Les parents en difficulté peuvent bénéficier d’un soutien, parallèlement à des actions de médiation conjugale portées par les associations, a-t-elle indiqué. D’une manière générale, «protéger la mère, c’est protéger l’enfant», a souligné la délégation, avant d’assurer que la lutte contre la violence domestique était absolument prioritaire pour les autorités françaises. À chaque fois qu’un travail d’information est mené dans une classe afin de sensibiliser à la Convention, un enfant prend conscience des mauvais traitements qu’il subit, a témoigné la délégation.

Que ce soit au civil ou au pénal, le juge a l’obligation d’entendre l’enfant «doté de discernement» lorsqu’il est susceptible d’être concerné par la question en jeu, comme par exemple dans le cas d’une procédure d’adoption, a ensuite souligné la délégation. Dans toute procédure pénale, l’enfant doit être assisté d’un avocat et informé de son droit à ne pas répondre.

Pour ce qui est de la lutte contre la pauvreté, la délégation a rappelé qu’un plan «Pauvreté» 2013-2017 a été élaboré à la suite d’une large concertation. Un rendez-vous se tient chaque année depuis l’adoption de ce plan pour évaluer la mise en œuvre des mesures associées à ce plan, lesquelles n’ont pas été affectées par les mesures d’économie prises afin de respecter les critères budgétaires de la zone euro, a indiqué la délégation. Le «revenu de solidarité active» (RSA) a été revalorisé et des mesures ciblées ont été prises en faveur des familles monoparentales, sous forme d’un accroissement substantiel des allocations auxquelles elles ont droit, a fait valoir la délégation. Un recul de 0,8% du taux de pauvreté des enfants par rapport à 2008 a été enregistré en 2013, a indiqué la délégation, avant de reconnaître que si ces chiffres étaient encourageants, il convenait néanmoins de les considérer avec prudence.

Dix mille places d’hébergement supplémentaires ont été créées pour un total permettant d’abriter 110 000 personnes en 2015, non compris les places réservées aux demandeurs d’asile, a poursuivi la délégation, précisant que ces derniers devraient bénéficier eux aussi d’un plus grand nombre d’hébergements puisqu’un programme d’urgence a récemment été lancé en leur faveur. Ces chiffres ne tiennent toutefois pas compte de l’ampleur du mal logement, a admis la délégation. Aussi, les bailleurs privés sont-ils encouragés à mettre leurs logements vides à disposition, ce qui a précisément permis de mettre à disposition 260 000 places dans des logements dits «accompagnés», dont le paiement du loyer est garanti par l’Etat.

La formation concernant l’autisme est devenue prioritaire pour les personnels de santé, a d’autre part souligné la délégation. Les agences régionales de santé effectuent des inspections pour vérifier la bonne mise en œuvre des recommandations de la Haute-Autorité de santé au sujet de cette pathologie, a-t-elle indiqué.

S’agissant de la problématique posée par les enfants intersexués, dont l’identité est difficile à définir, la délégation a estimé que celle-ci impliquait de consulter à la fois les principaux intéressés, parents et enfants concernés, et les médecins. Des parlementaires français se penchent actuellement sur la question et un tribunal français a reconnu récemment le «sexe neutre», a indiqué la délégation, avant d’exprimer l’espoir que lors de sa prochaine audition devant le Comité, la France aura progressé dans sa réflexion sur un sujet encore neuf.

Le droit interne a été amélioré s’agissant de la responsabilité sociale des entreprises en matière de travail des enfants – des obligations déontologiques qui concernent particulièrement les sociétés ayant des filiales à l’étranger, a par ailleurs indiqué la délégation, soulignant que le respect des conventions internationales s’impose à elles. La grande difficulté est de s’assurer que des entreprises qui ne sont pas directement contrôlées par la société-mère, en particulier au niveau des sous-traitants, respectent ces obligations, a reconnu la délégation. Un projet de loi sur ces questions, prévoyant de lourdes amendes, est actuellement en discussion au Parlement, a-t-elle indiqué.

Pour ce qui a trait aux disparités entre la métropole et les territoires d’outre-mer, un plan a été lancé pour les trois prochaines années, qui comprend 110 mesures axées, notamment, sur des efforts dans l’éducation, en particulier en Guyane et à Mayotte, a poursuivi la délégation. Les mesures prévues prennent en compte les cultures locales et les spécificités linguistiques, a-t-elle souligné. L’accès au sport et à la culture ou encore la lutte contre la délinquance constituent d’autres axes prioritaires, a-t-elle indiqué. Une commission spéciale se réunira une fois par an pour dresser le bilan de ces actions, 90% d’entre elles ayant d’ores et déjà été engagées, a-t-elle précisé.

Pour ce qui est de la question de l’enregistrement lacunaire des naissances des populations amérindiennes de Guyane, la délégation a précisé que le délai légal de trois jours (pour procéder à l’enregistrement de la naissance d’un enfant) devrait être porté à huit jours pour les régions enclavées, cette réforme étant actuellement examinée par le Parlement.

En ce qui concerne le taux élevé de suicides chez les jeunes Amérindiens, la création de cellules de soutien est actuellement préconisée dans les zones concernées de Guyane, a indiqué la délégation.

À la suite d’une décision du Conseil d’État rendue en 2014, l’état civil reconnaît désormais la citoyenneté française aux enfants issus de gestations pour autrui (GPA) effectuées à l’étranger pour le compte d’au moins un parent français, a fait valoir la délégation. Elle a précisé que 144 certificats de nationalité française avaient été délivrés depuis lors, dont 111 pour des enfants nés aux États-Unis, les autres étant nés notamment en Inde voire en Ukraine pour quelques cas.

S’agissant du droit d’association des enfants et des implications de l’état d’urgence décrété en novembre dernier, la délégation française a rappelé que les mesures prises dans le contexte de l’État d’urgence concernaient l’ensemble de la population et non pas spécifiquement les mineurs; elles sont proportionnées à la menace, a-t-elle affirmé.

Pour ce qui est de la protection des enfants face aux médias et à l’hypersexualisation de la société, la délégation a indiqué que la loi en vigueur prévoit le blocage à la source des sites pédopornographiques par les fournisseurs d’accès. La France participe à la plateforme européenne Pharos de signalement de contenus illicites, a-t-elle en outre rappelé, avant d’ajouter qu’une charte de protection des enfants dans les médias a été conclue avec les médias en 2012. Des actions de sensibilisation ont lieu dans les établissements scolaires, tandis que des sessions d’information sont organisées pour les parents, a poursuivi la délégation. Une experte s’étant inquiétée de l’inefficacité de la fonction automatique du contrôle parental sur l’Internet, la délégation a reconnu que l’on était constamment débordé par les progrès de la technologie dans la lutte contre les excès induits par les nouveaux médias électroniques. Elle a toutefois fait observer que des études avaient montré que le problème provenait aussi du fait que les parents oubliaient souvent de mettre ou de remettre en marche ce contrôle.

Quant aux châtiments corporels, la délégation a souligné que les violences et mauvais traitements sont réprimés par la loi et qu’il y a même circonstance aggravante lorsque la victime est mineure. Interpellée sur l’éventuelle intention des autorités françaises de faire adopter une loi réprimant spécifiquement les châtiments corporels, la délégation a rappelé que le Code civil stipule le respect absolu de l’enfant, ce qui rejette implicitement les châtiments corporels. L’opinion publique française est très majoritairement hostile à une nouvelle intervention du législateur dans ce domaine, estimant que l’État n’a pas à se mêler de tout, a fait observer la délégation. Concrètement, la plupart des citoyens considèrent qu’une simple gifle donnée par un parent excédé ne constitue pas un mauvais traitement, si ce traitement n’est pas récurrent. La France a pour priorité de promouvoir une éducation sans violence, a ajouté la délégation. Aussi, la délégation n’a-t-elle pas exclu le vote d’une loi spécifique à l’avenir, une fois que l’opinion aura évolué sur cette question – évolution à laquelle la cheffe de la délégation, Mme Rossignol, a indiqué s’attacher personnellement à participer.

Les autorités françaises sont déterminées à faire toute la lumière sur les graves allégations d’abus commis par des militaires français en République centrafricaine, a d’autre part assuré la délégation, avant de rappeler que la justice était saisie et que l’enquête était toujours en cours. Le magistrat instructeur s’est rendu sur place pour entendre les victimes, lesquelles bénéficient par ailleurs de mesures de protection, a-t-elle indiqué. Les antécédents judiciaires sont vérifiés avant tout recrutement dans l’armée française, ainsi qu’avant le déploiement en mission à l’étranger, a ajouté la délégation.

En matière de traite des êtres humains et face au phénomène constitué par des réseaux est-européens organisant des équipes de jeunes voleurs, la protection des mineurs victimes est devenue prioritaire, a par ailleurs déclaré la délégation. Un accompagnement spécialisé est proposé à celles de ces victimes qui sont appréhendés. Il est question de créer une commission spécifique sur la traite des mineurs victimes afin de mettre en place des mesures de protection et de poursuivre plus efficacement les commanditaires, a indiqué la délégation. Une telle protection doit prévoir un éloignement géographique afin de soustraire les jeunes concernés à ceux qui les exploitent, ainsi qu’un hébergement adapté. Cette question va donner lieu au lancement d’un dispositif expérimental à Paris et si celui-ci est concluant, il sera étendu à l’ensemble du territoire, a annoncé la délégation.

La justice pénale des mineurs a fait l’objet entre 2002 et 2012 de nombreuses réformes qui tendaient à rapprocher les peines encourues par les mineurs de celle prévues pour les adultes, a rappelé la délégation. Depuis lors, ces textes ont été amendés, notamment en supprimant les «peines plancher» automatiques, a-t-elle fait valoir. Jusqu’à l’âge de 13 ans, un délinquant encourt uniquement des mesures d’éducation qui ne peuvent avoir lieu en milieu fermé, a-t-elle souligné. Rappelant que c’est au juge qu’il incombe de déterminer préalablement si le jeune concerné fait preuve de discernement, la délégation a fait état d’un projet de réforme visant à définir plus précisément la notion de «discernement». La délégation a par ailleurs rappelé que les tribunaux pour enfants étaient présidés par des magistrats spécialisés. Le principe cardinal de la justice pour mineurs est la priorité donnée à la mesure éducative plutôt qu’à la sanction. Le nombre de mineurs détenus (700 en moyenne) n’a pas augmenté ces dix dernières années, a fait valoir la délégation. Alors que 1116 places sont disponibles (pour la détention des mineurs), ce nombre n’est jamais atteint, même si l’on prend en compte les détentions provisoires. Le tribunal pour enfants demeure compétent lorsque des mineurs sont impliqués et il n’y a pas à cet égard de procédure d’exception pour les actes de terrorisme, a assuré la délégation.

Pour ce qui est de la santé génésique, la délégation a indiqué que 1150 médecins intervenaient dans les établissements scolaires; ils peuvent fournir des contraceptifs d’urgence, alors que l’évolution des dernières années montre que les jeunes filles privilégient de plus en plus des méthodes dites «naturelles» - moins efficaces que la pilule, par exemple. S’il est vrai que l’on a enregistré une augmentation des interruptions volontaires de grossesse ces dernières années, une légère décrue est notée dans la période récente, a indiqué la délégation.

La délégation a d’autre part expliqué que si historiquement, en France, la prise en charge des jeunes handicapés avait eu tendance à se faire en institution spécialisée, une transition était en cours vers des systèmes plus inclusifs. La conférence nationale du handicap qui s’est tenue en 2014 a pris la décision de faire migrer un plus grand nombre de classes des institutions spécialisées vers des écoles du réseau éducatif général.

En aucune manière, un mineur isolé (non accompagné) étranger ne peut être placé en zone de rétention, a affirmé la délégation. L’assignation à résidence dans un domicile ou dans un hôtel est privilégiée et en outre, le maintien en rétention de familles accompagnées de mineurs ne peut intervenir qu’en dernier recours. C’est le cas par exemple lorsqu’il y a tentative de se soustraire à une mesure d’expulsion. Le placement en rétention, le cas échéant, doit se faire pour la période la plus courte possible et dans des locaux adaptés aux familles. Ces dispositions seront reprises dans la future loi sur le droit des étrangers. Par ailleurs, le droit à la réunification familiale des réfugiés est garanti, a rappelé la délégation.

Le cas de Mayotte est particulier en raison de son contexte géographique et d’une pression démographique extrêmement forte, a poursuivi la délégation. Le quart de la population y est en effet en situation irrégulière; que chaque année quelque 13 000 personnes sont appréhendées alors qu’elles tentent de gagner cette île de l’océan Indien. Ces personnes bénéficient du droit commun en vigueur dans le reste du territoire français. Un deuxième centre de rétention d’une capacité de 136 places a été récemment ouvert, offrant des qualités d’hébergement optimales, a indiqué la délégation.

S’agissant des questions qui intéressent le Protocole facultatif sur l’implication des enfants dans les conflits armés, la délégation a indiqué que les jeunes de moins de 18 ans n’étaient pas autorisés au port d’armes. Quant aux exportations d’armes, elles sont soumises à un aval gouvernemental qui prend en compte le risque de violations des droits de l’homme. La France ne vend pas d’armes à la Syrie, a souligné la délégation.

S’agissant de la tauromachie et de l’exposition à des images violentes, la délégation a affirmé que les corridas conduisant à la mort des taureaux ne représentaient qu’une partie de ces spectacles. Ce domaine est géré par l’Association des villes taurines qui émet ses propres recommandations. Un âge minimal pour y assister a été fixé à dix ans, a indiqué la délégation, tout en se disant consciente que cet âge se situe en deçà de celui recommandé par le Comité. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel a demandé aux médias de ne pas diffuser de corridas à des heures de grande écoute, a en outre rappelé la délégation.

Concluant le dialogue, la cheffe de la délégation, MME LAURENCE ROSSIGNOL, Secrétaire d’Etat chargée de la famille, de l’enfance, des personnes âgées et de l’autonomie auprès du Ministère des affaires sociale, de la santé et des droits des femmes, a demandé que l’on ait une pensée pour les enfants subissant aujourd’hui des régimes qui nient leurs droits fondamentaux. Elle a remercié le Comité pour sa franchise et a assuré que les recommandations de cet organe sont utiles pour les enfants qui vivent en France, pour la France et pour la Ministre chargée de porter ces sujets au sein du Gouvernement.

Conclusions

La corapporteuse du Comité pour l’examen du rapport de la France, MME AYOUBI IDRISSI, a fait part de sa satisfaction face aux réponses apportées, soulignant qu’il était normal que l’on se montre exigeant face à un pays qui a beaucoup fait en faveur des droits de l’enfant. Elle a qualifié l’échange qui s’est noué tout au long de ce dialogue de « franc et très constructif ».


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