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Afghanistan : l’ONU débloque 45 millions de dollars pour soutenir un système de santé au bord de l’effondrement

L’ONU a débloqué, mercredi, 45 millions de dollars d’aide d’urgence pour soutenir un système de santé au bord du gouffre en Afghanistan, alors que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) prévient du risque d’une catastrophe humanitaire si aucune mesure urgente n’est prise.

Ces fonds dégagés par le Fonds central d’intervention pour les urgences humanitaires des Nations Unies (CERF) vont aider à « empêcher l’effondrement du système de santé afghan », a indiqué Martin Griffiths, le Secrétaire général adjoint des Nations Unies pour les affaires humanitaires, dans un communiqué.

« Les médicaments, les matériels médicaux et l’essence sont en train de s’épuiser en Afghanistan. La chaîne du froid est compromise. Les personnels de santé indispensables ne sont pas payés », a-t-il ajouté. « Laisser le système de santé afghan s’effondrer aurait des conséquences désastreuses ».

Dans tout le pays, les gens se verraient refuser l’accès aux soins de santé primaires tels que les césariennes d’urgence et les soins de traumatologie, a détaillé le chef du Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA).

Du personnel de l'OIM sensibilise à la Covid-19 dans des communautés de la province d'Hérat, en Afghanistan.
Photo OIM/Muse Mohammed
Du personnel de l'OIM sensibilise à la Covid-19 dans des communautés de la province d'Hérat, en Afghanistan.

A Genève, les pays donateurs ont promis 1,2 milliard de dollars

Les fonds débloqués mercredi vont aller à l’OMS et au Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) et doivent permettre, par le biais d’ONG nationales et internationales, de faire tourner les centres de soins jusqu’à la fin de l’année, y compris les hôpitaux où sont traités les patients du coronavirus, a souligné M. Griffiths. Il a rappelé également la détermination des Nations Unies « à soutenir le peuple afghan en ces temps difficiles ».

C’est la deuxième fois, depuis l’arrivée au pouvoir des Talibans, que l’ONU débloque un financement de son fonds d’urgence. En marge de la réunion de haut niveau sur l’Afghanistan tenue à Genève, le Fonds central pour les interventions d’urgence (CERF) de l’ONU avait déjà alloué 20 millions de dollars pour soutenir les opérations humanitaires dans le pays.

Plus de 1,2 milliard de dollars d’aide humanitaire et de développement avaient été annoncés lundi 13 septembre par les États membres lors de cette conférence de Genève.  Ces montants comprennent le financement de l’appel éclair et de la réponse régionale.

Lors de cette réunion au Palais des Nations, le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, avait souligné que le peuple afghan a besoin d’une bouée de sauvetage et qu’il était maintenant temps pour la communauté internationale de se tenir à ses côtés.

Visite du chef de l’OMS à Kaboul

L’OMS a prévenu mercredi que « le système de santé afghan est au bord de l’effondrement ».

« Si aucune mesure urgente n’est prise, l’Afghanistan sera confronté à une catastrophe humanitaire imminente », ont déclaré dans un communiqué, Tedros Adhanom Ghebreyesus, Directeur général de l’OMS et Ahmed Al-Mandhari, Directeur régional de l’OMS pour la Méditerranée orientale, à l’issue d’une visite à Kaboul.

Arrivés lundi dernier dans la capitale afghane, la visite de ces hauts responsables de l’OMS leur a permis de constater de sur place les besoins immédiats de la population afghane et de rencontrer les nouvelles autorités talibanes. L’objectif est de définir « les moyens d’intensifier d’urgence la réponse sanitaire ».

« Conformément aux principes de neutralité et d’indépendance des Nations Unies, nous avons engagé un dialogue constructif afin d’aplanir les divergences et de trouver des solutions qui nous permettront de continuer à sauver la vie de millions d’Afghans innocents touchés par des décennies de conflit », ont indiqué les Dr Tedros et Al-Mandhari.

Une façon de rappeler que la réduction ou la suspension de l’aide des donateurs au plus grand projet de santé du pays, Sehetmandi, a laissé des milliers d’établissements de santé sans financement pour les fournitures médicales et les salaires du personnel de santé. Nombre de ces établissements ont réduit leurs activités ou ont fermé leurs portes. Ce qui a obligé les prestataires de soins à « prendre des décisions difficiles sur les personnes à sauver et celles à laisser mourir ».Seuls 17% des établissements de santé relevant du dispositif Sehatmandi sont aujourd’hui pleinement opérationnels.

Une sage-femme fournit des soins à Kandahar, en Afghanistan.
© UNFPA Afghanistan
Une sage-femme fournit des soins à Kandahar, en Afghanistan.

9 des 37 hôpitaux dédiés au coronavirus ont déjà fermé

Selon le Dr Tedros, cet effondrement des services de santé a un effet d’entraînement sur la disponibilité des soins de santé de base et essentiels. Cela impacte directement les interventions d’urgence, l’éradication de la polio et les efforts de vaccination contre la Covid-19.

S’agissant du nouveau coronavirus, 9 des 37 hôpitaux ont déjà fermé. Et tous les aspects de la réponse au coronavirus ont été abandonnés, y compris le traçage et la surveillance des populations, mais aussi les tests et la campagne de vaccination.

Avant le mois d’août 2021, 2,2 millions de personnes avaient été vaccinées contre la Covid-19.  Selon l’OMS, ce taux de vaccination a rapidement diminué ces dernières semaines. Cette chute intervient alors que 1,8 million de doses de vaccin restent inutilisées dans le pays.

« Une action rapide est nécessaire pour utiliser ces doses dans les semaines à venir et travailler à atteindre l’objectif de vacciner au moins 20% de la population d’ici la fin de l’année sur la base des objectifs nationaux », ont plaidé les Dr Tedros et Al-Mandhari.

Au total de 2.367.948 doses de vaccin ont été administrées en Afghanistan, selon un décompte établi par l’OMS le 16 septembre dernier. Le pays recense 154.712 cas confirmés de Covid-19, dont 7 199 décès.

Le Chef de l’OMS et le Directeur régional de l’OMS pour la Méditerranée orientale ont achevé ce mercredi leur mission de haut niveau à Kaboul, où ils ont rencontré des dirigeants de haut rang du nouveau gouvernement taliban, des représentants des Nations Unies, des travailleurs de la santé et des patients, ainsi que des membres du personnel de l’OMS.

Tout au long de leur visite, les responsables de l’OMS ont mis l’accent sur un certain nombre de questions sanitaires prioritaires, d’investissement, mais aussi sur la nécessité pour les femmes de maintenir leur accès à l’éducation, aux soins de santé et au personnel de santé. Selon l’OMS, avec moins d’établissements de santé opérationnels et moins de personnel sanitaire féminin se présentant au travail, les patientes hésitent à se faire soigner.

L’agence onusienne s’engage donc à investir dans l’éducation sanitaire des filles et des femmes, ainsi qu’à poursuivre la formation des agents de santé féminins.

Le défi de l’accès et de la vaccination face aux risques de la polio et rougeole

Par ailleurs, l’Afghanistan est l’un des deux pays au monde où la polio reste endémique. Avec un seul cas de poliovirus sauvage signalé jusqu’à présent cette année, contre 56 en 2020, l’OMS estime qu’il n’y a jamais eu de « meilleur moment pour éradiquer la polio » dans le pays. Toutefois, le programme de lutte contre la polio aura du mal à réagir si l’infrastructure de vaccination de base commence à s’effondrer autour de lui.

Dans le même temps, les épidémies de rougeole se propagent également. Mais dès que l’accès à toutes les communautés n’est plus entravé, l’OMS et ses partenaires sont prêts à lancer une campagne de vaccination antipoliomyélitique de porte à porte dans tout le pays et à inclure la vaccination contre la rougeole et la Covid dans une campagne intégrée.

Depuis l’arrivée des Talibans au pouvoir, l’OMS a été la première agence humanitaire à livrer des médicaments et des fournitures médicales en août dernier. À ce jour, huit expéditions distinctes de près de 170 tonnes métriques de fournitures médicales vitales ont été livrées avec le soutien du Qatar, du Pakistan, des Émirats arabes unis et du Programme alimentaire mondial (PAM).

« Nous réitérons l’engagement à long terme de l’OMS à faire progresser la santé de tous les Afghans et rappelons à toutes les parties prenantes nos obligations collectives aujourd’hui et dans les mois et années à venir », ont conclu les Dr Tedros et Al-Mandhari.