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Un expert de l’ONU s'inquiète des allégations de rapatriement forcé de réfugiés érythréens qui vivaient au Tigré

Un expert indépendant des droits de l’homme des Nations Unies a demandé une enquête urgente sur les allégations selon lesquelles les forces érythréennes auraient rapatrié de force des réfugiés érythréens qui vivaient dans la province septentrionale éthiopienne du Tigré.

« Je suis préoccupé par les allégations d’implication possible des troupes érythréennes dans des cas de violations graves des droits de l’homme, y compris des actes d’enlèvement, le retour forcé ou non volontaire de réfugiés et de demandeurs d’asile érythréens, et leur emprisonnement dans différentes prisons en Érythrée », a déclaré le nouveau Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en Érythrée.

S’adressant au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies mercredi, Mohamed Abdelsalam Babiker a souhaité que ces allégations fassent faire l’objet « d’une enquête rapide et approfondie par des mécanismes indépendants ».

Des allégations d’exécutions extrajudiciaires et d’enlèvements ciblés de réfugiés érythréens

L’expert indépendant a débuté son mandat le 1er novembre. Une offensive militaire éthiopienne a débuté au Tigré le 4 novembre, après des mois de tensions croissantes entre Addis-Abeba et les forces du Front populaire de libération du Tigré. Dès avant la crise, quelque 96.000 réfugiés érythréens vivaient déjà dans quatre camps au Tigré, notamment à Hitsats, Mai-Aini, Adi Harush, et Shemelba, a-t-il rappelé.

Selon des informations crédibles, la situation de ces réfugiés et demandeurs d’asile est devenue encore plus précaire, a-t-il affirmé. Des allégations font état d’exécutions extrajudiciaires, d’enlèvements ciblés et de retours forcés en Érythrée de réfugiés et demandeurs d’asile érythréens de la part des forces érythréennes.

Le Rapporteur spécial s’est dit particulièrement préoccupé par la situation dans les deux camps de réfugiés de Hitsats et Shimelba, accueillant plus de 25.000 réfugiés érythréens dans la région du Tigré. « Des sites, qui malgré leur statut humanitaire protégé en vertu de la Convention de 1951 sur la protection des réfugiés, auraient été détruits lors d’attaques menées par les troupes érythréennes et éthiopiennes entre novembre 2020 et janvier 2021 », a-t-il déploré.

© UNHCR/Petterik Wiggers
Des milliers de réfugiés d'Erythrée vivent dans le camp de Mai-Aini dans la région du Tigré, en Ethiopie.

L'expert demande à l’Éthiopie de respecter les droits fondamentaux des réfugiés

« Le 28 janvier 2021, dans ma lettre au gouvernement éthiopien, j’ai demandé aux autorités éthiopiennes de protéger les droits de l’homme des réfugiés et des demandeurs d’asile érythréens dans la région du Tigré, et de veiller au respect de leurs droits en vertu du droit des droits de l’homme, du droit humanitaire international et du droit international des réfugiés », a dit au Conseil l’expert indépendant onusien.

Il a également prié les autorités les autorités érythréennes de le laisser visiter les réfugiés et demandeurs d’asile qui seraient « détenus dans diverses prisons en Érythrée ».

Face à ces accusations, l’Ambassadeur d’Érythrée, Tesfamichael Gerahtu, a rejeté le rapport du Rapporteur spécial, le qualifiant d’allégations insensées et présentant une image sombre et injustifiée de son pays. Selon le Représentant permanent de l’Erythrée auprès de l’ONU à Genève, son pays est traité injustement par le Rapporteur spécial, qui s’appuie selon Asmara, sur « des informations périmées ».

La délégation érythréenne dénonce des tentatives de ternir l’image de son pays

La délégation érythréenne a aussi dénoncé une diabolisation de son Gouvernement. Elle a jugé inacceptable que la mise à jour qui vient d’être faite ignore les menaces visant à saper la coopération prometteuse entre l’Érythrée et l’Éthiopie.

L’Ambassadeur érythréen a en outre dénoncé des tentatives de ternir l’image de son pays au moyen des allégations insensées du Front de libération du peuple du Tigré. Selon Asmara, il est temps que le Conseil mette fin à ce « mandat sur la situation des droits de l’homme dans le pays », qui dure depuis huit ans.

Quant à la délégation éthiopienne, elle ne s’est pas prononcée directement sur le sort des réfugiés érythréens dans la région du Tigré. Addis Abeba a plutôt félicité le gouvernement érythréen pour ses mesures visant à améliorer les droits socio-économiques de ses citoyens. « En particulier, l’approche préventive dans la lutte contre la pandémie de Covid-19, qui a permis à l’Érythrée d’être l’un des rares pays au monde à avoir les taux d’infection et de mortalité les plus bas ».

NOTE : 

Les rapporteurs spéciaux, les experts indépendants et les groupes de travail font partie de ce que l'on appelle les procédures spéciales du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies. Le terme « procédures spéciales », qui désigne le plus grand corps d’experts indépendants au sein du système onusien des droits de l’homme, est généralement attribué aux mécanismes indépendants d’enquête et de supervision mis en place par le Conseil des droits de l’homme afin de traiter de la situation spécifique d’un pays ou de questions thématiques dans toutes les régions du monde. Les experts des procédures spéciales travaillent bénévolement ; ils n’appartiennent pas au personnel de l’ONU et ne perçoivent pas de salaire pour leur travail. Ils sont indépendants de tout gouvernement ou de toute organisation et exercent leurs fonctions à titre individuel.