Skip to main content

Conseil des droits de l’homme : la pandémie de Covid-19 a été un prétexte pour certains États de réprimer

Une responsable des droits de l’homme de l’ONU a déploré, mercredi, que la crise sanitaire mondiale ait été utilisée par certains pays pour faire taire les « voix dissonantes » et permis « l’introduction de systèmes de surveillance très invasifs », relevant qu’en tant qu’urgence sanitaire mondiale, la pandémie de Covid-19 a aggravé des crises socio-économiques et politiques.

« Tout au long de la pandémie, les mesures d’urgence prises par l’État sont parfois allées au-delà de ce qui était nécessaire et proportionné pour préserver la santé publique », a déclaré la Haute-Commissaire adjointe aux droits de l’homme de l’ONU, Nada Al- Nashif.

L’espace civique a été restreint, avec une répression des rassemblements pacifiques et de l’expression, et des menaces contre les voix dissidentes, notamment par la surveillance numérique, a-t-elle ajouté lors d’un panel de discussion du Conseil des droits de l’homme (CDH) sur la bonne gouvernance dans la promotion des droits humains pendant et après la pandémie de Covid-19.

En cinq ans, une cinquantaine d’élections affectées par des restrictions d’Internet

L’ampleur des fermetures d’Internet pendant la pandémie est tout aussi troublante. En 2020, au moins 155 coupures d’Internet ou ralentissements intentionnels de l’accès à Internet ont été signalés dans 29 pays. Entre 2016 et 2021, 52 élections ont été affectées par des coupures et un accès limité à internet.

Un rapport du Haut-Commissariat sur cette question, présenté lors de cette session du CDH, souligne que les restrictions d’internet pendant l’urgence sanitaire mondiale sapent l’un des seuls canaux restants pour l’éducation, le travail, la libre expression. Cela met ainsi en danger d’innombrables vies, et des moyens de subsistance.

Par ailleurs, la crise sanitaire mondiale a montré que la protection de la vie privée associées à la « collecte massive de données personnelles » étaient faibles, voire inexistantes.

« Dans certains contextes, les données collectées ont été utilisées dans le cadre d’enquêtes criminelles (en Allemagne et à Singapour par exemple), sapant la confiance du public dans les efforts déployés par les gouvernements pour lutter contre la pandémie », a affirmé Mme Al- Nashif.

Les médias sociaux ont accéléré la propagation de discours haineux et de la désinformation

Plus largement, l’introduction de « systèmes de surveillance très invasifs », tels que l’utilisation de la technologie de reconnaissance faciale pour contrôler le respect des mesures de quarantaine, a suscité des inquiétudes, notamment en ce qui concerne « le profilage racial ».

Selon la Haute-Commissaire adjointe, il existe également un risque que « les mesures exceptionnelles, une fois mises en place, ne soient pas levées même si elles ne sont plus justifiées par des préoccupations de santé publique ».

De plus, les médias sociaux ont accéléré « la propagation des discours haineux et la diffusion rapide de la désinformation et des fake news », notamment concernant la Covid-19, « déclenchant la peur, la méfiance et parfois la violence ».

Sur un autre plan, la transformation numérique a laissé beaucoup de monde derrière. La population non connectée - près de la moitié du monde - reste « disproportionnellement pauvre, rurale, âgée et féminine ».

Selon l’ONU, la majorité des 3,7 milliards de personnes non connectées sont des femmes et des filles. Pourtant « il est devenu évident que, compte tenu de la distance physique imposée par la pandémie, les technologies numériques allaient devenir un élément clé de notre nouvelle normalité », a-t-elle dit.

A l'ère numérique, les gouvernements utilisent de plus en plus les technologies de surveillance digitale pour la sécurité nationale.
© UNICEF/Elias
A l'ère numérique, les gouvernements utilisent de plus en plus les technologies de surveillance digitale pour la sécurité nationale.

Levée progressive des mesures intrusives de surveillance de la santé, une fois la crise surmontée

Pour l’avenir, les services de la Haute-Commissaire Michelle Bachelet notent toutefois que la pandémie a mis en évidence l’importance des droits de l’homme « au cœur de la gouvernance des technologies ». Celle-ci doit guider la réglementation étatique des nouvelles technologies et le comportement du secteur privé.

Dans ses recommandations, le Haut-Commissariat estime que les exigences de légalité, de légitimité, de nécessité et de proportionnalité doivent être appliquées de manière cohérente. Les États et les entreprises doivent systématiquement procéder à une diligence raisonnable en matière de droits de l’homme en ce qui concerne les technologies numériques, afin de prévenir et d’atténuer les effets négatifs.

Toute mesure interférant avec les droits doit avoir une base solide dans une loi claire et accessible au public sur la confidentialité et la protection des données.

Selon l’ONU, les mesures exceptionnelles, telles que les mesures intrusives de surveillance de la santé, doivent être supprimées progressivement une fois la crise surmontée. « Les victimes de violations et d’abus des droits de l’homme doivent avoir accès à des voies de recours judiciaires et non judiciaires efficaces », a conclu la Haute-Commissaire adjointe.